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désaccord. Et quand on songe jusqu'où ont été poussées les apparences d'une nation de proie. De toutes les

les négociations entre le groupe Stinnes et le groupe fautes qu'a commises. le Quai d'Orsay, au cours des anglais

, sur l'exploitation du marché russe (Matin du 5 conférences du Conseil suprême, il n'en a jamais comet Libre Parole du 9 mai), lorsqu'on compare ces mis de plus graves que le jour où, le 12 août, il a laissé documents d'une importance capitale à la correspon- son ministre, ligoté et impuissant, tomber dans le piège dance franco-britannique relative aux dettes russes, on tendu

par la Consulta et le Foreign Office. La France regrette que le Quai d'Orsay n'ait pas cherché, sur le n'est plus maîtresse désormais d'assurer l'application -terrain industriel et commercial, le moyen de réaliser du traité et le respect de sa sécurité : elle est désarmée. l'accord, irréalisable sur le terrain politique et financier. Et, en même temps, elle a créé un précédent désagréa

C'est à une commission de juristes que le Conseil ble pour les Etats-Unis. Lisez le New York Herald du Suprême s'en est remis du soin de définir sa politique 13 août : dans la quescion des coupables. Cet ajournement est une

« Jetant un regard presque féroce, au-dessus de ses lèneterreur. Plus le temps joue, plus le problème devient

tes, à l'auteur de ce plan, qui, il le savait, pouvait saisir insoluble

. Les pangermanistes, grâce à la tactique dila- les nuances de la langue anglaise inieux que ses collègues toire des alliés, sont parvenus à réaliser, contre l'appli- français, M. Harvey, parlant avec lenteur et solennité : « Le.

.le: cation de la justice, le bloc des Allemagnes. Seuls, quel- « président des Etats-Unis, dit-il, a cru, dès le début, que ques socialistes minoritaires ont encore le courage de

« cette affaire intéressait exclusivement l'Europe. C'est donc dénoncer ces crimes et de réclamer des châtiments. Tous «c. avec un sentiment de soulagement qu'il apprendra que cette les autres partis, même les sociaux-démocrates et

«. opinion a été approuvée par le Conseil suprême, en tiansles radicaux-démocrates, sont d'accord pour s'op

«« férant l'affaire à un organisme auquel les Etats-Unis ne

« se sont point associés. Par conséquent, en tant que représenposer à des débats qui éclaireraient cependant

<< tant du président Harding, je m'abstiendrai de toute partil'opinion germanique sur la splendeur de la men

« cipation. » Ces paroles furent suivies d'un long et profond talité prussienne. Comment arriver à rénover l'Alle

silence.... » magne, si les bourreaux des enfants belges et lillois, des

Et quand on sait le jugement qu'a porté M. Harvey prisonniers anglais et français échappent à toute flétris

sur le spectacle donné par le Conseil suprême, sur sa sure et même à toute publicité ? Ici encore, il fallait solution prête. Je n'en vois pas d'autre que

méthode de travail et sur le caractère de ses délibérale transfert des dossiers relatifs aux crimes commis

tions, lorsqu'on connaît son talent de journaliste et son loin du champ de bataille, contre les civils et les pri

intimité avec Harding, il est impossible de ne pas resonniers, à un tribunal neutre siégeant en territoire neuà

douter les conséquences de ce témoignage irrité et de tre et jugeant d'après la loi allemande. Seul il aura

cette décision imprudente. Restaurer le prestige et conl'autorité nécessaire pour liquides ce passé

firmer l'autorité de la Société des Nations, à la veille

sans compromettre l'avenir, pour éclairer les esprits obtus de Ger

de la Conférence de Washington, au moment où les manie sans favoriser les complots dangereux de Etats-Unis vont proposer de remanier cet organisme : pangermanistes. La délégation française a préféré re

quelle folie ! Après avoir accru nos désaccords avec

trois alliés, arriver à froisser les Etats-Unis : c'est vraicourir d une improvisation parlementaire, éviter un rote et nommer une commission. C'est la diplomatie

ment un record.

Les Conseils suprêmes coûtent cher. Mais, m'a dit nouveau jeu.

Je ne puis davantage porter à son crédit la solution Jacques Bainville, le 14 août, dans l'Action Française, donnée à l'affaire silésienne. Sans doute, l'Opinion a

par quoi les remplacerez-vous ? Par le retour aux tratoujours affirmé qu'une transaction était possible et un

ditions de l'art diplomatique, aux négociations indiarbitrage nécessaire. Mais cet arbitrage il ne fallait pas

rectes et à la méthode écrite. M. Benès a réalisé le subir comme un échec de la France, mais le propo

l'entente de l'Est

de l'Est par la garantie du statu quo.

M. Hoover a lancé l'idée des alliances économiques. ser, comme un geste de paix. Non seulement M. Briand n'a

C'est dans cette double voie que le Quai d'Orsay, réorpas su prendre cette initiative au moment opportun, ganisé et modernisé - M. Millerand en avait compris mais il a accepté la solution arbitrale, après que

la nécessité — doit s'engager résolument. La Conféas le premier ministre britannique se soit montré décidé à "déclarer , devant le Conseil suprême, que la France seule 172

rence de Washington ferme le cycle des Conseils suprêpêchait de résoudre la question de Haute-Silésie et qu'elle

mes. Après Algérisas, c'est-à-dire Londres « hélas ! seule serait responsable des conséquences. » (Temps, 15 août.)

Après Attila, – Paris - holà ! La France mise, par ses alliés unanimes, au banc du

JACQUES BARDOUX. Droit Une Alétrissure et l'isolement ! L'arbitrage, qu permit-à M. Briand d'éviter ce double désastre moral et politique, ne m'apparaît

, pas moins, comme une solu- NOTES ET FIGURES tion britannique et une défaite française, alors qu'il pouvait être une thèse française et un échec anglais.

Sous le chaume. Au lieu d'improviser, le Quai d'Orsay aurait dû, longtemps à l'avance, acheter à Washington, au prix Curieux d'un authentique intérieur breton et aperced'une coopération active à la Conférence prochaine, la vant une chaumière à vendre, une chaumière trapue et faculté de recourir éventuellement à l'arbitrage d'un moussue du plus loyal aspect, tandis que j'errais en l'île ambassadeur américain. Celui de la Société des Nations

de Bréhat, je poussaị la porte du jardin fermé d'un pea deux graves inconvénients. Il crée un précédent dan- tit mur de pierres sèches. Dès que j'eus pénétré dans gereux pour la France. Or on sait l'art avec lequel les l'authentique intérieur breton, je découvris d'abord, acpensées anglaises, élevées dans le culte du droit coutu- crochée sous verre, une flamboyante dédicace de Barbey mier, savent utiliser les précédents. Chaque fois qu'un

d'Aurevilly, une dédicace « à Monsieur Havet, l'illustre commentateur de Pascal », empennée, soulignée

, multiplication du traité de Versailles, par exemple sur les colore et emphatique, selon le goût fâcheux du connédélais d'occupation des terres rhénanes, le Foreign table. Non loin de cette dédicace, des vers accolés à à Office invoquera l'arbitrage de Genève. Et la France, un dessin s'efforçant de célébrer La Goulue et de reprosi elle passe outre, ne courra plus seulement le risque duire ses charmes. Point de lit clos ni de huche, mais de briser l'Entente. Cordiale, mais celui, infiniment des tableaux encore, de vieilles clefs, des cuivres, des plus grave, de déchirer

parure et de briser son armes, des monnaies et des médailles, des faïences maauréole

, pour apparaître aux yeux de l'univers sous rocaines, tout un bric-à-brac cocasse et saugrenu encom

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brant meubles et murs. « Voici, me dis-je, de la couleur composait pas, mon défunt. bêchait son champ, jardilocale », et je savourai avec une ironique consternation nait. On était heureux, oui.! ce décor de rapin montmartrois transporté, en Bretagne. Il y eut un lourd silence. J'emportai le petit livre Me jugeant sans doute parvenu à un degré d'ahurisse- riche de poésies bretonnes, algériennes, espagnoles, pament convenable, la vieille dame qui m'avait ouvert la triotiques, de contes, de dialogues et de satires, selon les porte me renseigna :

promesses de la couverture. Je l'ai feuilleté. Princhette - Vous regardez les collections de mon mari ? Il est a tendrement parlé des couchers de soleil de Bréhat : mort, le pauvre homme. C'est à cause de cela que je Là, les: tons d'Orient couramment sont offerts. cède la maison. Mon mari, monsieur, était un poète, le

Il a parlé de l'Aurore. : poète Auguste Princhette. Et célèbre. Il a eu une poésie imprimée dans les Annales, oui, monsieur. Et M. Ha

Troussant sa jupe de carmin raucourt qui, comme vous le savez sans doute, passe ses

Que déjà le soleil colore. vacances dans, l'île depuis trente ans, M. Haraucourt Il a parlé de la tempête qui « se montre très fière de lui-même a écrit une préface réservée spécialement au son effet rageur » et même il a parlé de Renan : recueil de mon défunt, je vends le livre cinq francs,

Qui pouvait penser qu'un Breton mais je vous le laisserai au prix de trois francs parce

A l'aime aussi douce que pure, qu'il n'est pas-broché. Voici les feuillets, mon cher'mon

Se miettrait au ban du canton sieur, et voici la couverture. Tout y est. Que voulez

En osant faire la brisure ? vous, mon pauvre Princhette s'y est pris trop tard pour publier. Songez un peu, il avait 75 ans ! Il finissait à

Princhette a chanté, célébré, exalté beaucoup d'autres peine d'imprimer son volume quand la congestion l'a

choses, de tout son coeur, et dans une note semblable

, saisi en allant aux goémons.

et non sans coquilles. Mais quoi, Princhette était an

brave homme et, dans une note de son petit bouquin, D'imprimer son volume. ? De le faire imprimer plutôt.

il demande si gentiment, si simplement pardon de ses Non pas, mon cher monsieur, non pas. Princhette,

is fautes. de style, de vérification, de. foliotage, voire de son métier , était ouvrier typographe comme j'étais d'orthographe » !

A. DE BERSAUCOURT. moi, compositrice. A nous deux, nous avons tiré son premier et dernier livre. Du reste, voyez, on l'a marqué

mumi , à la fin du recueil.

Rule-Britanoda. Et je lus, en effet : « Tiré à 550 exemplaires, chez l'auteur: Il en fit l'impression et la composition typogra

Le 10 août 1740, le prince de Galles, offrait à ses. in

vités, le spectacle d'une comédie. nouvelle,, Alfred, qui phique, aidé par sa dáme compositrice à l'Illustration. »

leur ménageait une surprise flatteuse. Au.cours de la reEt, plus loin : « Les annotations sont faites sur le modèle de celles qui figurent dans les oeuvres de la collec

présentation, un acteur entonna.en effet le chant triom. tion, Charles Péguy, notre cher et très regretté vulga

phant : risateur de jeunes auteurs qui seraient restés inconnus Quand la Bretagne jadis au ciel obéissant sans ce bienfaiteur, n'hésitant pas de faire figurer les

Surgit des flots d'azur, noms de ses chers collaborateurs typographes. Aussi,

Telle fut la charte de sa terre il gardera toujours pour cet ami des jeunes, pour ce

Et des anges gardiens chantaient ce refrain : lettré primé par l'Académie française, pour ce martyr

« Règne Bretagne ! La Bretagne règne sur les ilots! de la patrie, un douloureux souvenir. Il lui envoyait

Les Bretons jamais ne seront esclaves. » ses Cahiers de la Quingaine à titre gracieux, bien qu'il L'hymne politique de la Grande-Bretagne était de les lui imprimât pendant de longues années. Le tirage L'auteur, James Thomson, poète connu des Saisons de cette édition a commencé le 2 mars dernier sur la n'en était plus à ses débuts dans le genre. Plusieurs an petite machine de l'auteur n'imprimant que 4 pages à

nées auparavant, Britannia, chanson patriotique popula fois; il fut terminé non sans difficulté le 20 juin laire où le ministre Walpole s'entendait accuser d'hn1920. » Est-ce que vous n'aimez pas cet accent ? Si, milier l'Angleterre devant l'Espagne, et Liberty, bien sûr, ou j'en serais fâché pour vous.

diée au prince de Galles qui devait la récompenser Dans le moment que je m'attendrissais, je vis, ac- d'une pension, avaient déjà exalté, avec succès et profit crochés au-dessus de la cheminée, des gants de boxe et la fierté nationale. Homme de théâtre averti, Thomson ces belliqueux insignes interrompirent tout net mon reprenait donc ici les deux thèmes auxquels les éréneémotion.

ments venaient d'apporter un regain d'actualité - Il faut vous dire, reprit la bonne dame, que Prin- A l'extérieur, la politique de l'Angleterre était alors chette était aussi boxeur dans le temps, et quel boxeur, dominée par sa rivalité avec l'Espagne: Maittesse des mon cher monsieur ! C'est encore marqué dans le livre. mers depuis la bataille de La Hogue, l'Angleterre avait Il y a une lettre de M. Charlemont, de ce M. Charle- reçu au traité d'Utrecht la plus large part des avanmont qui a écrit de si belles choses sur la boxe. Oh! tages matériels et commerciaux. Une clause spécifiait mon mari avait des relations! Tenez : « Nous causions cependant que les marchands anglais ne devaient, enboxe, écrit M. Charlemont, et je vous rappelai que nous voyer à Panama qu'un seul vaisseau de 600 tonnes par étions tous deux les doyens, moi, pour la boxe fran- an. Mais, pour esquiver la difficulté, ce gros navire s'ac ·çaise à laquelle j'ai su donner un renom mondial, et compagnait toujours d'une flottille de bateaux plus vous le dernier survivant des peu nombreux Français | modestes qui le rechargeaient à la nuit Flairant la pratiquant la boxe anglaise dès leur jeunesse. » Prin- ruse, les douaniers espagnols ne. se montraient guèr chette était bon boxeur, mais il était encore meilleur tendres aux contrebandiers anglais qui

avaient poète. Comme il a beaucoup voyagé, ça lui a forcément malheur de tomber entre leurs mains. servi pour ses vers. Il a été en Algérie, en Espagne. Or, vers la fin de 1738, un certain capitaine Jenkins Regardez les titres : Au désert, La noce arabe, Les qu'on dirait apparenté à quelque héros de roman, s'avis deux Musiciennes, Sur la route d'Alicante. Avec la vieil- que les douaniers espagnols lui avaient, sept ans plu lesse, Princhette était devenu tranquille et nous avions tôt, coupé l'oreille qu'il conservait précieusement dan été bien contens de mettre nos économies dans cette

une petite boîte pour la montrer à tout venant. Explo petite maison. On vendait du cidre; Princhette disait tant les plaintes du capitaine, l'opposition parlemer ses vers; il venait du monde, des touristes Lorsqu'il ne taire, en dépit des efforts de Walpole, réussit de fai

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20 août 1921 sortir de la boîte de Jenkins les maux d'une guerre se met à l'aise dans ses pantoufles, et, quoi qu'on dise,

ordinairement nos poètes en vers ne sont pas nos styavec l'Espagne (1739). D'abord, l'amiral Anson, au cours d'une croisière au

listes les plus exquis. Si j'osais rappeler 'une distinctour du monde, pilla les ports espagnols du Pérou et tion que j'ai faite naguère, je dirais que leur prose se saisit

, rapporte Voltaire, du galion immense que i manque souvent de cette beauté qu'il faut bien nommer Mexique envoyait tous les ans dans les mers de Chine «. grammaticale » et de beauté musicale. Sans doute à l'île de Manille. Ces premiers succès déchaînèrent en ils apportent leurs images somptueuses ou charmantes, Angleterre un enthousiasme dont Thomson, habile à mais la « langue » n'est pas ce qui les retient davanAatter le goût du public, ne pouvait manquer de se faire tage, et nous ne Jeur devons pas nos plus harmonieux l'écho :

morceaux ni même nos meilleurs poèmes en prose. Ce Toujours plus majestueuse, Bretagne, tu te dresseras, n'est pas un Gautier, ni un Moréas, ni même un Bau

delaire qui « cadencent leurs phrases sur un rythme plus Plus terrible après chaque coup de l'ennemi ; Ainsi la tempête qui déchire les cieux

subtil que celui des vers » : ce sont les Barrès, les Jules Ne peut qu'enraciner ton chêne natal.

Tellier, les Anatole France, les Renan, les Chateau

briand, les Bossuet, les La Bruyère, les Rabelais, et Evoquant aussi les ambitions déçues de Louis XIV

l'on ne me ferait pas dire que les poètes excellent qui avait en vain tenté d'imposer à l'Angleterre un roi et une foi, le poètè continuait :

à forger la prose, s'il n'y avait Musset...

On entend assez, d'ailleurs, que je considère ici la Toi, les tyrans orgueilleux ne te dompteront jamais;

prose en dehors de ce qu'elle exprime, de ses images Tous leurs efforts pour te courber

mêmes. Mais il est bien d'autres choses à goûter dans Ne feront qu'attiser ta généreuse flamme, Préparer leur ruine, grandir ta redommée.

le style que cette qualité proprement grammaticalē,

dette musique interne de la langue, et à plus forte raiSi puissante qu'apparût dans le monde l'Angleterre

son dans un roman. J'avouerai même qu'un roman ne de 1740, elle avait encore d'autres motifs de se féli

s'accommode pas très bien, à mon goût, d'être trop citer. A l'intérieur, la révolution pacifique de 1688 avait minutieusement écrit et savamment cadencé. Il y faut définitivement établi le gouvernement parlementaire et quelque liberté de facture : c'est une Thomson, d'accord avec ses compatriotes, considérait fresque, en somme, et qui veut être peinte plus large

assez grande son pays comme le berceau de la liberté.

ment qu'un tableau de chevalet. Un poème (en prose Dans la liberté, disait-il, s'épanouissent non seulement les arts mais aussi l'agriculture, alors en pleine d'Homère, il esť trop long. S'il nous fallait lire un

ou en vers) de 350 pages, quand il n'est de Dante ni prospérité, et le commerce développé par la colonisation :

roman rédigé d'un bout à l'autre dans un langage aussi A toi appartient la souveraineté champêtre ;

subtilement harmonieux que celui des Stances à la bienDans le commerce brilleront tes cités ;

aimée ou du Nocturne de Jules Tellier, nous serions A toi - reviendont l'Océan subjugué

vite las. Je l'ai dit : les romans de poètes ne sont jaEt tous les rivages qu'il baigne !

mais écrits de ce style, car, en prose, un poète ne pèche Il est aisé d'imaginer les applaudissements qui sa- jamais par excès de soin et de minutie : ne lui est-il lèrent ces strophes ardentes. Depuis les appels de

pas naturel, en effet, dès qu'il veut rythmer son lankompette de Shakespeare, jamais. l'Angleterre ne s'était gage, de se traduire en vers veut rythmer son 1

à cela ils ne perdent mtendu célébrer avec une telle ferveur. Mais tandis guère, et au contraire. Rien de plus agréable qu'un roque l'auteur de Richard Il ne voyait dans la mer d'ar

man de poète, quand il est bon : la réalité s'y embellit gent qu'un rempart contre l'ennemi, Thomson, élargis

et s'y stylise àmerveille... Mais c'est des vers de M. Jeanfant l'horizon, découvrait dans l'Océan le véhicule de

Louis Vaudoyer, non de ses romans, que je me propose e grandeur britannique. Longtemps avant Cunningham de parler aujourd'hui. t surtout Kipling, il a ainsi exprimé le sentiment le plus profond et le plus tenace du peuple anglais.

LOUIS ROCHER Il en a publié plusieurs plaquettes, qu'il a ensuite

rassemblées en deux volumes, en y ajoutant des poèmes

nouveaux, l'un paru en 1913 et intitulé simplement : La Littérature

Poésies (1906-1912) (1), l'autre ce mois-ci : Rayons

1 croisés (2). C'est une jolie mode que de recueillir

ses poèmes, à mesure qu'on en a terminé une série, en Les poésies de Jean-Louis Vaudoyer quelque mince et luxueuse brochure qu'on offre à ses

amis, — fort propre aussi à enchanter la gent aimable des M. Jean-Louis Vaudoyer a débuté dans les lettres bibliophiles... Hélas ! tout porte à croire que les tarifs par des poèmes. Ce n'est pas là un cas fort rare, même actuels de l'imprimerie, et même le prix du papier, la chez les purs prosateurs, et l'on ne serait pas en peine rendront désormais difficile à suivre. C'est grand domde aiter beaucoup de conteurs et de romanciers-nés qui

, mage. Mais le public n'y perdra rien. depuis Maupassant, ont fait de même : l'adolescence

Dès ses premiers vers, M. Vaudoyer montrait un des est lyrique, et il est naturel que celui qui a reçu le don ,

principaux caractères de son talent : c'est un don de commence

par se chanter avant que de s'expli. représenter en couleurs d'émail et de pierreries le cours quer et de se raconter. (Et sans doute les vrais poètes, des saisons, la beauté des femmes, la variété des fleurs, eux pour qui la poésie n'est pas seulement une tech- les figures du désir et de la volupté, bref un goût pique savante, sont ceux qui gardent toujours cette de peindre. Nulle recherche de prosodie compliquée, eunesse intérieure; mais ce n'est pas moi qui ai trouvé de rimes bien rares et de rythmes très subtils : c'était de cela.) Or, une certaine tournure critique, observatrice et belles images plutôt qu'il était curieux dès lors, et il ne taliste de l'esprit n'est point favorable au lyrisme; s'efforçait qu'à dire purement, en mètres réguliers, et

, assi ne transporte-t-on pas la prose dans la poésie. avec une harmonie grande et simple les inventions de sa En revanche on transporte

aisément la poésie dans la prose : aussi n'est-il guère de poète qui n'ait un jour (1) Calmann-Lévy. Les Compagnes du Rêve, poèmes en saissé la lyre, soit pour exposer sa philosophie, soit prose et première publication de notre auteur, n'ont pourtant

composer quelque conte ou quelque roman. Alors été réimprimés. est un peu, pour ainsi parler, comme un homme qui (2) Société littéraire de France.

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siche imagination visuelle. Avec cela, une facilité, une

Plus amoureux qu'heureux amant, aisance remarquables, l'art le plus sain, le plus calme,

Cher Stendhal, curieux des femmes,

Vous tremblies comme un enfant, le mieux équilibré, bref des dons et un tempérament de premier ordre. Sans doute ces pièces juvéniles ont

Près d'elle, combinant vos irames ; quelque roideur encore, et M. Vaudoyer n'y fait point

Mais vos détours de sentiment paraître toute la souplesse qu'il possédera plus tard,

· Dérangeaient les meilleurs programmes. mais la beauté, la somptuosité et l'abondance annunziesques des images sont déjà frappantes. Qu'on cher

Qu'on ne juge pas sa manière à ces vers faciles : ils che L'Amour et le Plaisir, la Lecture au jardin, Violante:

sont du Vaudoyer improvisateur qui s'amuse à écrire

au courant de la plume les épîtres de Suzanne et TilaViolante, onduleuse et noble, apparaitra.

lie Il en est un autre qui sait orner et fleurir de guir

landes dignes d'eux les tombeaux de Gautier, de Vinci, Déplaçant doucement ses jambes paresseuses,

de Chénier, de Lamartine, de Moréas, et tirer de la Coniine une grande nue en marche sur le ciel,

grande lyre l'ode d'Apollon triomphant : Elle traversera la chainbre dans le miel Dont les riches de l'air sunt, le soir, généreuses.

L'air est d'argent, la matinée

Ouvre ses roses et ses lis ; Et peut-on mieux faire les deux premiers vers de la

De Pégase l'aile enivrée première strophe, par exemple, du beau sonnet liminaire

Evente Pallas et Cypris ; de l'Hommage à Théophile Gautier (postérieur il est

On voit l’Olympe dans sa fête, mai de plusieurs années à ces poèmes de jeunesse) :

Et, sur les cimes du Taygète, Il est pareil au dieu puissant qui tient la lyre,

Bacchus qui presse ses raisins Ou plus encore peut-être au Bacchus indien

Apollon ! c'est toi qui diriges Qui mêle sur ses pas, dans l'air arcadien,

Derrière ton vermeil quadrige, Le parfum du laurier à l'odeur de la myrrhe.

Le sort des Dieux et des humains ! Comme son maître, le poète d’Emaux et Camées, Voilà le Vaudoyer peintre comme Véronèse et décoraM. Vaudoyer est plus peintre encore que musicien. Il teur plein de magnificence. Il semble bien que cette n'a guère, par exemple, de ces vers baudelairiens : poésie d'ornement forme les deux tiers de son quvre

Tant mieux ! N'est-ce pas un des premiers rôles de la Le violon frémit comme un caur qui s'afflige.

Muse qu'enchanter la vie ? où l'i chante comme les cordes d'un violon (mais qui monde extérieur existe », pour eux le monde interior

Et est-ce à dire d'ailleurs que ceux pour que o a des vers baudelairiens ?). Ce n'est pas qu'il soit sans Edusique (et comment cela se pourrait-il, puisqu'il est

n'existe pas ? Ah! qu'on a mal compris « l'impass poète ?) mais la sienne est plus extérieure, moins lité » de Théophile Gautier ! C'est le marmoréen interne pour ainsi dire. Et il s'exprime de manière conte de Lisle qui est « impassible », bien pluti å enchanter plus encore notre vue intérieure que notre

lui. Gautier n'est pas seulement le poète d'Eman oreille : il traduit en vers paisiblement mélodiques des

Camées :

est encore celui de la Comédie de la M imaginations inagnifiques. D'ailleurs, peintre même, il

de Ténèbres, de Mélancholia. De même M. Vaudo n'est pas impressionniste comme nos modernes. Il est est l'auteur de certaines pièces émouvantes du Cæus coloriste, certes, et remarquable, mais à la façon d'un

des Saisons et des Rayons croisés, l'auteur, surtout, d Tiepolo et d'un Véronèse, non d'un Claude Monet. Il Flammes mortes, de la Stèle d'un ami, d'Héliade. Su peint somptueusement et d'un pinceau souple, facile et doute, il n'a pas plus que son maître de ces harmonien puissant, comme ils l'auraient fait, les personnages de et pathétiques cris raciniens, ni les plaintes touchant la Commedia : l'Ingénue, le Valet, la Danseuse, le Sou- et comme trempées de larmes d'une Marceline. Desbos pirant et les autres ; il se divertit à composer de ca

des-Valmore, ni l'éloquence passionnée d'un Musso mées ciselés dans des matières précieuses des Colliers M. Vaudoyer emploie l'or et le rubis, l'émail et le jade

, pour des Ombres : Amphitrite, Bacchus, Léandre, Ju

le velours et la soie, toutes les plus somptueuses cod liette, Armide ou Manon ; il imagine comme les pein- leurs de l'aurore, du midi, du couchant ; mais doit-com fres italiens du quattrocento les Allégories de Vénus dire à cause de cela qu'il n'est pas ému ? Ce serait une au ruban de Perles, de la Corbeille de Pomone ou de

étrange conséquence. Il l'est, d'abord, par toutes les Proserpine aux grenades ; il grave les silhouettes des

beautés du monde sensible. Parce qu'il ne les rend pa héroïnes de Théophile Gautier ; il transpose en vers

en impressionniste, parce qu'il ne cherche pas les a.com l'atmosphère et le contour des paysages et des figures respondances » presque indicibles dont parle Baude léonardesques, il nous montre en d'aimables tableau

laire, la couleur des voyelles et des consonnes, le parfu tins Mlle Thamar Karsavina, la non pareille danseuse,

des sons, la forme des odeurs, que sais-je ? – par fantôt sultane, tantôt sylphide, tantôt poupée et tantôt qu'il sent, enfin, comme un homme d'autrefois

, diron nymphe ; et voici enfin les deux Albinis, celui des

nous qu'il est insensible ? Poésies et celui des Rayons croisés, qui nous offrent des sujets divers, croquis légers, vignettes, esquisses rapides,

Le jour sanglote et meurt aux sommets des moitagnes ; comme ces crayons des Ombres stend haliennes, dont le

Le soir grandit déjà comme un vaste chagrin, second, si juste et spirituel, doit enchanter le Stendhal

Et ceux qui marchent seuls en pleurant leurs compagnes Club:

A la coupe des nuits vont boire un triste vin.
A Milan aussi je vois vis,

D'ailleurs, l'amour (et l'amitié aussi), ses deux
Dans la Scala poudreuse et vide.

lumes en sont pleins. Sans doute, ce n'est pas Vous dépendies d'un «il perfide

platonique et intellectuel des bergers de l'Astrée, Qui régnait sur vos favoris.

célèbre, ni la fatale

. passion des Nuits avec son apol

romantique de la souffrance, et pas davantage la Est-ce Angela ou bien Métilde,

sentimentalité des lakistes qui touchait si fort SaiDans la loge, en face, qui rit ?

Beuve goût pour Cowper fait entendre bien

(et ce Vous songez : « Ayons de l'esprit ! »

choses sur l'auteur de Volupté). L'amour qu'il chMais votre aplomb n'est pas solide.

est l'amour sain et sensuel qu'on a goûté durant

l'an

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siècles, depuis Ronsard et Du Bellay. Ah ! je ne dis | Enquêtes
pas seulement l'éternel thème anacréontique : « Vivez,
si m'en croyez, n'attendez à demain... >>

Les morts vivent-ils? (1)
La leçon de la rose est perdue à l'automne ;
La leçon de la grappe est perdue au printemps.

Enquête sur l'état présent
Celui qui craint l'orage avant que le ciel tonne

des sciences psychiques Est-il heureux de temps en temps ?

II (...) Regarde ce malin qui prend l'eau à la source, La femme sur le lit, le bourgogne au cellier :

Considérés dans leur ensemble, les phénomènes sont, Il aura tout un monde à la fin de sa course ;

en somme, de deux sortes : les uns sont perçus par

l'intermédiaire de nos sens, les autres sont perçus direcEt toi, tes rêves, pour bâiller.

tement par notre intelligence. Les uns, si l'on veut, sont cela certes, mais aussi l'amour qui fait sa juste

d'ordre dynamique et matériel, les autres d'ordre intelart au cæur. Il aime d'abord le corps de ce qu'il aime, ais il n'aime pas que cela. Il chante la volupté pure

lectuel et psychologique. Une table remue phénomène

matériel ; elle frappe des coups : encore phénomène I les sens seuls s'intéressent, mais il la distingue de

matériel ; mais tout à coup, ces coups signifient quelque imour :

chose, forment une phrase :, nous entrons dans le doEloigne-toi d'un cæur dont l'écorce sanglante,

maine de l'intelligence. La télépathie, la lucidité, la préPlus dure que la pierre émousse les couteaux ;

monition, voilà pour l'intelligence ; l'extériorisation de la Abandonne ce fruit à la folle Atalante

sensibilité, la matérialisation sous toutes ses formes, Ou laisse-le pourrir sous le poids de ses sceaux.

voilà pour la matière (2). Les deux ordres de phénomèQue t'importe le cæut, puisque le corps se donne,

nes étant, bien entendu, constamment mélangés dans la Avec la fleur d'un jour, la perle, le rayon,

pratique. Avec la volupté qui brille-et qui frissonne

Puisqu'il est admis aujourd'hui même par les spiPlus franche que l'amour, ce mauvais compagnon.

rites - que beaucoup des phénomènes d'ordre intellecCertes, ce sont encore des amours légères, semble-t-il,

tuel : télépathie, clairvoyance, prémonitions, etc., sont

attribuables aux forces psychiques des vivants (3), mais Es amours de page, que célèbre le poète du Cæur et -s Saisons. Rêves sensuels, espoirs, grands chagrins

qu'il semble difficile d'expliquer également par des

« ondes » certaines manifestations matérielles dont la uns importance, voluptés non pareilles que d'autres aleront, séparations insupportables qu'on endure pour

réalité. objective est prouvée (photographies), c'est à nt, retours charmants, madrigaux tendres... Et que

cette catégorie de faits que se sont attaqués d'abord les charmantes pièces juveniles dans tout cela, comme

praticiens de la métapsychique. mour et le plaisir : L'Amour et son couteau, le Plaisir et ses roses,

Mais il faut commencer par dire ici quelques mots des Traverseront le pré qui mène à ta maison...

expériences très originales de Crawford, savant anglais

mort l'année dernière. Aais dans Flammes mortes, dans Rayons croisés, dans A la suite d'observations du même genre faites par liade surtout, on croit trouver l'écho de sentiments le docteur Schrenck-Notzing, par Charles Richet, par s lourds. Notons que ces séries font partie du second Mme Bisson, par d'autres peut-être, Crawford s'était cueil : la vie a passé, et, à mesure que les années cou- demandé si l'on ne pourrait par déterminer dans quelint, le poète est devenu plus profondément sensible

. les conditions, exactement, se produit l'action sans deux dernières contiennent à mon goût les plus

contact, autrement dit par quel mécanisme le medium les pièces : la meilleure partie de ce que j'ai cité

soulève un objet à distance. Il arriva à établir expériqu'ici; je l'ai tirée des Rayons croisés. Mais je ne crois mentalement (4) que cette action est conditionnée par $ que M. Vaudoyer ait été jamais plus purement

l'extériorisation d'une substance et non plus d'une aque qu'en écrivant le chant d'enthousiasme, de plé- onde

qui sort du

corps

du medium en transe. Cette nude et de triomphe qu'il intitule Héliade. On verra

substance avait déjà été observée, imparfaitement, par Variations qu'il a composées sur le Thème dont voici

les autres expérimentateurs et le professeur Richet l'avait appelée, à tout hasard, ectoplasme (extos, en dehors,

plasma, production biologique). Crawford lui conserva le vous nomme, chargées d'images de jeunesse : ce nom. Et il démontra que c'est bien l'ectoplasme qui,

étoiles du buisson,
pieds nus l'Hébé posés sur la saison,

(1) Voir L'Opinion des 6 et 13 août. vous, vivacité, fluidité, souplesse !

(2) Cette distinction se trouve très bien établie dans les L'azur, Tous les rayons du soleil dans l'agur.

deux citations de M. Léon Denis faites dans une note du préLes ailes des oiseaux et les ailes des anges :

cédent article. (V. L'Opinion du 13 août, p. i81.) D'autre part, Chérubins et pinsons, tourterelles, mésanges ;

on verra plus loin que M. le professeur Richet met, lui aussi,

cette distinction à la base de ses études. Et vous, source des bois aul'scintillement pur.

(3) Ces phénomènes sont non des communications de pensée L'aurore nait. Le vente charite dans son berceau.

(expression à peu près abandonnée), mais des coinmunications Mes thèmes sont le ciel, Vespace et la lumière,

mento-mentales, c'est-à-dire d'esprit à esprit, de subconscient à subconscient ou, pour être plus moderne encore, de sublin

Ininal à subliminal. Le subliminal est le domaine de cette fleurs de feu, les mouvements de l'eau. faculté, que possède l'individu, d'emmagasiner et de conserver y, a là, il me semble, quelque chose de vraiment

une foule de notions, voire même de forces actives, qui

demeurent latentes, travaillent à notre insu au fond de nousdisiaque. On peut tout espérer d'un poète capable

une influence

mêmes et peuvent envahir cependant, sous ne telle inspiration. Qu'il soit très sévère pour lui

quelconque, le champ de la conscience. Les spécialistes appelne : son talent et ses dons le lui permettent. Il a

lent cryptomnésie cette mémoire cachée, l'ensemble de l'étude Force , la richesse, l'originalité, l'intelligence, le mé

de la psychologie du subconscient étant nommé cryptopsychie. enfin, et un ceur qui sent profondément la beauté. (4) Crawford a publié deux volumes, non encore traduits. Et ce qu'il faut pour atteindre un jour à l'immortalité. J'emprunte ces explications à un remarquable exposé de

M. Stanley de Brath, publié dans le Bulletin de l'Institut JACQUES BOULENGER. métapeysique (n° 2).

fin :

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du courant

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Les fleurs que le soleil jette sur la rivière,

Et,

SOUS ces

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