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l'assiette à fond rose au chiffre de la Dubarry, et bien | du vieux neuf, ce qui est diamétralement opposé aux d'autres rariora, qui malheureusement offrent une mine nouvelles directives de notre institution d'Etat. inépuisable au truquage. Un autre éditeur, dont la fabrique est aux Lilas, imprime sur sa carte d'adresse : « Modèles de Sèvres, ceuvres anciennes et modernes ». Et je ne parle pas de leurs émules, du Marais et de Montrouge dont on chercherait en vain le nom au Bottin, mais que les marchands de vieux neuf savent bien dépister quand ils s'apprêtent à « monter un coup » à l'usage de quelque dupe.

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X

Il existe, comme on sait, deux sortes de porcelaine de Sèvres. La plus ancienne, dite pâte tendre et non pas « pâte molle » comme l'écrivait avec une ignorance ingénue Jules Janin est un produit artificiel, une sorte de pâte de verre que les recherches des céramistes avaient inventées pour imiter la mystérieuse porcelaine de Chine. L'autre, la pâte dure, que l'on considéra en son temps comme bien supérieure, est celle que l'on fabriqua après la découverte de gisements de kaolin en Allemagne, puis en Limousin. Dans les pièces de pâte tendre les couleurs vitrifiables ou émaux pénètrent dans la masse et s'y parfondent. Dans les pièces de porcelaine dure la peinture reste extérieure et pour ainsi dire indépendante.

C'est la pâte tendre, plus délicate et plus rare, qui atteint naturellement les plus gros prix et tente le plus volontiers l'ambition des truqueurs. Mais comme le secret de la fabrication est perdu, ou peu s'en faut, les céramistes maquilleurs recueillent précieusement les pièces anciennes en blanc, qu'elles soient de Sèvres, de Saint-Cloud ou de Tournay, et les remettent au feu avec des fonds de couleur qui en décuplent la valeur. Le travail est généralement assez bien exécuté pour que des amateurs comme le comte de Bryas dont l'affaire fit quelque bruit en son temps, puissent s'y laisser prendre. Il avait acheté à une dame de Kerville deux coupes, deux cache-pots, deux sucriers, une tasse et une théière pour 5.500 francs, ce qui n'était pas un prix particulièrement ruineux, mais cependant trop cher puisque ces pièces, décorées d'admirables sujets du XVIII° siècle, appartenaient par leur forme au plein XIXe siècle. Le tribunal annula la vente et condamna la vendeuse à reprendre les objets. Mais il ne prononça pas leur destruction. J'aime à croire qu'ils retrouvèrent preneur assez promptement.

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J'ai le regret de le dire, mais les Robert-Maquaire de la porcelaine trouvent des concours précieux dans les peintres ou les anciens peintres manufacture nationale. Ces mauvais bergers, qui font de notre grande entrer ainsi le loup dans la bergerie, n'ont même pas qui font l'excuse de faire une opération fructueuse. Le truqueur leur paie chichement leur travail. Mais quelle satisfaction pour eux à se dire qu'ils ont réussi à «< enfoncer >> les plus fins connaisseurs et à glisser un pastiche au milieu des chefs-d'œuvre du passé! Quant aux marques, c'est l'enfance de l'art. Plus une porcelaine est fausse, plus elle est signée. Chose bizarre! Cette supercherie de la marque, comme celle de la signature apocryphe apposée sur une prétendue toile de maître, n'est pas qualifiée de faux par la loi. Bien plus, la manufacture de Sèvres - en l'espèce l'Etat français - ne peut plus revendiquer comme marque commerciale les anciennes signatures de la monarchie ou de l'Empire dont elle a abandonné l'usage. Pour exercer des poursuites, il faudrait qu'elle déposât de nouveau la double L majuscule en usage au temps des rois, l'N de l'empereur, l'L de Louis XVIII, IX de Charles X, et même le L.-P. de Louis-Philippe Ce faisant, M. Le Chevallier Chevignard deviendrait un affreux faussaire et fabriquerait

Tout cela se sait à l'étranger et c'est pourquoi l'Allemagne inonde le marché d'Amérique et même d'Europe de faux horribles, brutaux, sans goût ni mesure, fabri qués à Leipzig, à Berlin, ou à Ruhm. Avant la guerre ce commerce malhonnête d'exportation montait, paraît-il, à seize millions. Une fausse assiette, époque Empire, made in Germany, revenait à 3 francs, fausse marque comprise, le commissionnaire l'achetait 6 francs et la cédait pour 9 francs au marchand de curiosités. Une fois parvenu à ce stade de son évolution, l'objet n'avait plus de prix. Il se vendait aussi bien douze francs que cent francs. Le prix dépendait uniquement de la tête du client.

Le plus fort, c'est que l'Allemagne, qui nous inondai de faux Sèvres, n'hésitait pas à poursuivre chez elle et même chez nous les fabricants de faux Saxe. En 190 le gouvernement royal de Saxe fut averti qu'un nombre considérable de pièces, frauduleusement revêtues de la marque de Meissen, allaient être mises en vente à Paris. Immédiatement le corps diplomatique fut mis en branle. La Sûreté générale fit saisir les faux Saxe en douane et la grande firme allemande fut sauvegardée. Une seule fois, en 1913, l'administration des douanes réussit à faire condamner un importateur de faux Sèvres allemands, expédiés de Potschappel (Saxe), Mais la question de la propriété des fameux L entrelacés ne fut pas mise en cause. Le commerçant fut poursuivi pour fausse déclaration en douane, comme ayant cherché à introduire des produits étrangers portant une marque, un signe ou une indication quelconque, de nature à faire croire qu'ils étaient d'origine française.

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Les Sèvres, comme bien on pense, n'ont pas le priv lège peu enviable d'être seuls contrefaits. Les porcelaines de Saxe trouvent en France, comme en Allemagne, d'adroits imitateurs. Les pastiches du milieu du dernier siècle notamment sont nombreux et bien faits, surtout ceux qui datent de la première fabrication de Jacob Petit. Un réparateur de porcelaines multipliait les oiseaux et les volailles, perroquets, coqs, poules, toute la volière. Les pièces étaient envoyées en Russie et réexpédiées en France avec les cachets de douane. Les porcelaines de Chine et du Japon sont également très imitées et avec beaucoup de bonheur, celles du Japon surtout, dont les dessins larges et les couleurs plates ne demandent pas au décorateur une grande dépense de talent. Celles de la Chine, plus variées, souvent ornées de personnages, tentent moins l'imitation à cause du haut prix auquel elles reviendraient. Un industriel du boulevard Beaumarchais a fait longtemps du Japon, décor pivoine rouge et or. Mais s'il avait retrouvé les couleurs, sa pâte était massive et lourde, et la couverte n'avait pas les tons bleutés, le grenu, la boursouflure des pièces authentiques.

faux

tille ont le plus profond mépris pour les amateurs qui Au fond, tous ces marchands de vaisselle de paco les enrichissent : « Ces veaux-là ! disait un des plus notoires. J'achète à côté de chez moi des Saxes modernes à 500 francs et je les leur revends 2.500. Ils n'y voient de prix ». que du feu. Rien qu'à traverser la rue, ils quintuplent

C'est lui qui dit un jour à un amateur, à qui il avait vendu une splendide jardinière de Sèvres, pâte tendre, de la pièce bien connue de la collection Wallace: et qui l'accusait de lui avoir colloqué une reproduction Rassurez-vous! vous avez l'original. C'est la copie qui est en Angleterre!

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CLOUZOT.

13 août 1921

Enquêtes

Les morts vivent-ils ? (1) Enquête sur l'état présent

des sciences psychiques

Nous avons vu, la dernière fois, comment, en présence de certains « phénomènes » mystérieux, se pose la double question de leur authenticité et de leur origine, et comment le Spiritisme est une des premières explications qui peuvent se présenter. Nous allons entendre aujourd'hui, ainsi que je l'ai annoncé, M. Gabriel Delaune lui-même, l'éminent président de l'Union Spi

rite française, nous exposer sa manière de voir :

M. GABRIEL DELANNE

« D'abord il est bien convenu, n'est-ce pas, qu'il ne sera pas question ici des théories spirites ces théories, vous les trouverez exposées dans de nombreux ouvrages et, aussi bien, il faut reconnaître qu'il n'y a aucun changement notable, à ce point de vue, depuis notre grand maître à tous, Allan Kardec. Nous autres, nous nous sommes seulement donné pour tâche d'expérimenter ce qui, chez lui, n'était qu'un exposé des enseignements qui lui furent dictés par des esprits bienveillants. Nous nous occupons d'une science, un point c'est tout, sans essayer d'en dégager du moins provisoirement une philosophie. Nous disons: oui, il y a des esprits (gardons ce terme banal) puisque nous prouvons scientifiquement leur existence. Que, sur la base des faits, on construise, ou non, une théorie et des dogmes; cela, c'est une autre question, que je ne traiterai pas avec vous. Je reste ici dans le domaine de la science (2).

Je ne vous ferai donc pas l'historique de la doctrine. Et j'aborde tout de suite l'étude, fort brève, des phénomènes sur lesquels nous nous appuyons.

dium peut, à distance, sans le toucher, déplacer un objet. C'est à Londres, il y a une soixantaine d'années, que la Société Dialectique, qui comptait parmi ses membres des savants comme sir John Lubbock et Alfred Russell Wallace, commença à étudier scientifiquement ce phénomène, considéré alors comme un simple truquage. Elle obtint rapidement la preuve, premièrement que les mouvements sont réels, secondement que

D'abord, une première observation s'impose, et n'omettez pas de la rappeler, c'est que le phénomène spirite est bien moins fréquent qu'on ne le suppose dans certains milieux. Dans la plupart des manifestations, il y a purement et simplement suggestion ou autosuggestion.

les mouvements sont intelligents. Alors intervint William Crookes, qui se livra à ses premières expériences avec le médium Douglas Home et, au moyen d'appareils inventés par lui, enregistra la « force psychique »>. Le plus simple de ces appareils est une sorte d'enregistreur de Marey quand le medium approche ses mains de la peau du tambour, celle-ci vibre plus ou moins, et un levier inscrit la mesure de la force émanée du corps du medium.

Depuis, a été créé, en France (1), l'Institut général psychologique, avec un comité de savants parmi lesquels les Curie, Branly, Bergson, d'Arsonval, etc., qui entreprit une série d'expériences à ce sujet, particulièrement avec le medium Eusapia Paladino, en 1905, 1906 et 1907. On prit des photographies. Les faits de ce genre paraissent donc aujourd'hui indéniables.

Est-ce à dire que personne ne les nie? Non pas. M. Gustave Le Bon, par exemple, déclare qu'il ne croit pas à la lévitation parce qu'il n'en a jamais eu la preuve. Je me rappele qu'un jour, en 1900, j'étais chez Camille Flammarion avec Eusapia. Il y avait là, entre autres savants éminents, Gustave Le Bon. Après une première lévitation, obtenue en pleine lumière, Le Bon ou un autre ayant émis un doute sur l'immobilité réelle du medium, Flammarion se fit apporter une serviette, avec cette serviette il attacha les pieds d'Eusapia, puis deux des assistants dont l'un était était, si je ne me trompe, Jules Claretie lui tinrent les mains. Alors, 'la table se leva et resta quelques instants en l'air. Le Bon ne fut pas convaincu!

Dites-le bien. Il ne faut pas croire qu'il suffise que quelques amateurs se mettent autour d'une table, la fassent remuer, lui prêtent le nom d'un mort et lui fassent dire toutes sortes de niaiseries pour qu'il y ait là intervention d'un esprit. La table tournera toujours, évidemment, s'il y a, parmi les assistants, un medium, conscient ou non; il pourra se greffer, là-dessus, des communications de subconscient à subconscient entre des personnes présentes ou absentes: c'est tout : phénomène est alors purement physique. Se figurer que nous sommes entourés d'esprits de morts qui peuvent accourir, au premier appel de n'importe qui, pour se loger dans le pied d'une table, est absurde. L'intervention des morts est, au contraire, extrêmement rare,

surtout expérimentalement.

le

Cette précaution prise, quelles sont les bases de nos

affirmations?

Le premier des phénomènes, c'est l'action sans con

tact, qu'on appelle couramment

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et assez impropre

ment lévitation. Vous savez ce que c'est : un me

(1) Voir l'Opinion du 6 août 1921.

(2) Je le répète, je ne fais que transcrire les paroles de

mon interlocuteur. Car on sait

loin

et nous le verrons plus

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que ce que les adversaires du spiritisme lui reprochent, c'est précisément de n'être pas une science mais une religion, d'exiger une foi: là où il y a la foi, il y a le con

traire de la science.

Comme complément du phénomène de lévitation, l faut mentionner le scellement de la table au sol, scellement qui n'est pas plus rare sous l'influence d'un vrai medium. J'ai obtenu, chez moi, bien des expériences intéressantes à ce point de vue; en voici une :.nous étions quatre, mon père, ma mère (médium remarquable), moi et un ami incrédule, assis autour de la table de la salle à manger. C'était une table toute simple à battants. Ma mère ayant scellé la table au sol, l'ami essaya de la soulever ses efforts furent vains, et il arracha le battant de la table!

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férer considérablement de celle du medium et qui, d'ailleurs, varie avec le même médium. La table en mouvement se déclare alors, elle-même, animée par l'esprit de X. Si personne ne connaît ni n'a pu connaître ce X, néanmoins une enquête, par la suite, démontre la véracité absolue des renseignements donnés par lui. Dans ce cas, si je ne me trompe, il n'y a pas d'autre explication possible que l'intervention de X lui-même, c'està-dire de son esprit.

J'ai fait personnellement, comme tant d'autres, des expériences absolument probantes. Je suis allé parfois chercher les preuves dans des villages inconnus que les esprits m'avaient indiqués: j'ai pu contrôler une moyenne de huit expériences sur dix. Ma conviction est faite.

J'ai pris ici, jusqu'à présent, comme exemple, le phénomène de la table et des coups frappés. Mais vous n'ignorez pas que nous avons, toujours dans le domaine de l'expérience, beaucoup d'autres manifestations qu'il est impossible d'expliquer sans l'intervention de ceux que nous appelons les désincarnés.

Il y a l'écriture. Le medium, sans même être endormi, écrit directement, parfois avec les deux mains à la fois, des messages différents, tout en soutenant une conversation sur un autre sujet ; les réponses sont absolument claires, contrôlables, rédigées souvent dans une langue qu'il ne connaît pas. Il faut donc bien que ses mains soient au pouvoir d'une intelligence qui n'est pas la sienne! J'ai vu ma mère qui, je vous l'ai dit, était un excellent medium, donner ainsi à un russe une réponse en russe, avec l'écriture exacte de la mère de cet étranger, morte depuis longtemps, et écrire, pour un Italien, un message en patois des environs de Turin, animée qu'elle était alors par l'esprit de la sœur de son interlocuteur. De là les mediums dessinateurs, comme Hugo d'Alési ou le graveur Desmoulins, qui crayonnaient, en pleine obscurité, des dessins charmants; comme Sardou, dont les dessins spirites furent publiés dès 1858.

Quant aux mediums voyants, qu'il s'agisse d'intuition, de lucidité, de clairvoyance ou de clairaudience, de vision à distance, de psychométrie - [faculté qu'ont certaines personnes de se mettre en relations avec des gens ou des choses inconnus par l'intermédiaire d'un objet] ou de télépsychie [communication du même genre, mais sans l'intermédiaire d'un objet] - ce sont eux précisément qui apportent les meilleures démonstrations du « spiritisme expérimental »>.

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Ce qu'ils nous enseignent, en effet, de la manière la plus claire, c'est que, s'il est vrai que le cerveau est le siège, l'instrument nécessaire de la pensée pendant la vie, il n'est pas moins évident que ce qui pense, en nous, ce qui sent et ce qui veut a une existence propre, indépendante de celle du corps.

Les preuves de cette existence? D'abord, cet être intérieur possède des pouvoirs qui sont absolument indépendants du fonctionnement des organes la vue à distance, par exemple. Il est évident que, dans la vue à distance, l'organe de la vision, l'œil, ne joue aucun rôle. Secondement, cet être intérieur peut communiquer avec un autre être intérieur à une distance énorme comme celle de Paris à New-York. Or, s'il s'agissait, comme on le dit maintenant, de simples ondes assimilables aux ondes hertziennes, avec syntonisation, etc., je répondrais: Dans la T. S. F., la puissance physico-chimique nécessaire pour l'émission de ces ondes est formidable: 150 chevaux par exemple. Alors, le cerveau pourrait avoir une puissance de 150 chevaux ? C'est absurde. Il y a donc, on ne peut le nier, un être interne qui, lui seul, possède ce pouvoir animique extraordinaire. Cet être intérieur, c'est notre âme.

Mais ici il est nécessaire de préciser. L'âme, selon nous, est constituée par deux parties, l'une immatérielle, qui est l'âme proprement dite, l'autre semi-mate

rielle ou fluidique, que nous appelons périsprit, et qu sert de support à la première : l'âme et le périsprit sont d'ailleurs inséparables. A la mort, l'âme, en quit tant le corps, emporte donc avec elle son périsprit. Or, comme c'est dans ce périsprit que s'emmagasinent toutes nos pensées toute notre personnalité, il en découle que cette personnalité survit au corps, avec l'âme Comment, alors, définir clairement le périsprit ? I est, si vous voulez, le moule dans lequel la matière peut s'introduire, ou non, pour donner naissance à un corps vivant.

Il ne s'agit pas là d'un dogme, d'une théorie, mais d'une vérité scientifique de premier ordre. (1).

L'existence de ce périsprit est prouvée : 1° par les dédoublements pendant la vie (apparitions à distance); 2° par les apparitions au moment de la mort ; 3° par les apparitions après la mort.

Car notre raisonnement est des plus simples. Si, pendant la vie, c'est l'âme qui est cause de ces manifestations, après la mort, les manifestations étant les mêmes, leur seule cause ne peut être que l'âme encore. Nos instruments de preuve ? Ce sont, comme pour n'importe quelle autre science, l'observation et l'expéri

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mentation.

Le fait capital étant la manifestation après la mort, c'est celui-là que nous nous sommes appliqués à expé rimenter. De là le phénomène des matérialisations que vous connaissez, du moins dans sa forme. Quel est, pour nous, le mécanisme de la matérialisation? Celur ci : l'âme (du mort) empruntant au médium la matière et l'énergie (les deux éléments qu'elle n'a plus puis qu'elle n'a plus son corps) se sert de son périsprit comme d'un moule pour reconstituer exactement le corps qu'elle avait ».

lanne :

Ici, je ne peux m'empêcher d'interrompre M. De« Vous voulez dire sans doute les apparences d corps qu'elle avait ?

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Nullement. Je dis bien le corps ; c'est-à-dire un ensemble d'organes en plein fonctionnement, un cœur qui bat, des poumons qui respirent, du sang qui cir cule (2). William Crookes, avec, comme médium, une jeune fille de dix-sept ans, miss Florence Cook, a obtenu la matérialisation (et on n'a d'ailleurs rien vu de mieux, depuis) d'une certaine Katie King, fille défunte du pirate Morgan, qui allait et venait dans son laboratoire et qui avait sa personnalité absolument dis tincte de celle de Miss Cook, à ce point que Miss Cook ayant attrapé un rhume et toussant, Katie King ne ressentait aucun symptôme du même mal. Crookes a fait plus de trente photographies de Katie King. Lombroso, le docteur Gibier, Charles Richet ont obtenu des matérialisations du même genre. Ce phénomène, quoique extrêmement rare contrairement à ce qui se ran'est donc pas niable (3).

conte

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Je vous ferai remarquer ici d'ailleurs, entre paren thèses, que ces faits d'expérimentation ne viennent que

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(1) Même observation que précédemment. (2) On sait, je dois le signaler immédiatement, la grande objection qui est faite par la science moderne à cette théorie car, en dépit des affirmations des néo-spirites, ce n'est qu'une théorie c'est la question des vêtements. Que le périsprit serve de moule à la reconstitution d'un corps humain, c'est défendable. Mais qu'il puisse façonner, avec la matière empruntée au médium, une redingote, des bottines ou une chaîne de montre en or, la théorie du périsprit ne l'explique nullement. Mais j'avoue que je n'ai pas osé poser cette objection à M. Delanne. Je l'ai posée, on le verra, à M. Camille Flammarion, la déclarer qui n'a pu «< irréfutable pour le moment »>. (3) Pas facilement, en effet. Mais l'explication qu'on est en train de découvrir est tout autre, ainsi qu'one verra plus

loin.

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s'ajouter à des faits d'observation que l'histoire nous rapporte en grand nombre et dont nous n'avons plus à présente aucune raison de douter: les apparitions, les transfigurations, les soi-disant résurrections. La vie de Jésus, celle de Mahomet, les vies des saints fourmillent de ces faits; et ce qui est remarquable, c'est qu'ils se sont déroulés toujours avec les mêmes caractères. Etudiez l'histoire, vous serez frappé de cette vérité.

Nous n'avons donc pas la prétention d'avoir fait une découverte. Nous essayons seulement de dégager des lois naturelles et, retenez cette expression, de « démocratiser le mystère » ; et l'on peut se demander, avec amertume, pourquoi la science officielle nous a toujours si durement écartés ! Malheureusement, c'est là le fait; l'entêtement des « savants » est inimaginable. Il l'a toujours été ; pour s'en convaincre, il suffit de lire l'histoire de toutes les grandes acquisitions de l'esprit humain.

Voilà à peu près, Monsieur, où nous en sommes sur le terrain de l'expérience. Que, sur l'étude de ces phénomènes nous bâtissions une philosophie, c'est possible. Mais nous ne sommes pas des sectaires ; nous n'avons même pas, à proprement parler, comme l'Eglise, des dogmes auxquels il soit interdit de toucher. Que l'on vienne nous démontrer que nous avons tort, et, s'il y a là un véritable progrès dans l'ordre scientifique, loin de protester et de nous entêter, nous nous déclarerons absolument enchantés.

Mais je pense qu'il n'est pas question de cela pour le moment ! >>

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C'est certainement l'arbitraire de cette division non justifiée qui n'avons pas encore à discuter ici parmi d'autres objections que nous a empêché et empêche

Les voici en effet, d'un autre côté, ces hommes qui, dans le cadre froid et net d'un laboratoire, avec des appareils de contrôle et d'enregistrement, ayant fait venir chez eux le medium,se livrent sur sa personne à l'expérimentation la plus minutieusement méthodique et scrupuleuse, en dehors de toute question de sentiment. Or, ceux-là vont nous dire : « Quel que soit le phénomène, il doit être, a priori (c'est-à-dire qu'il faudrait prouver le contraire), manifestation des forces d'un vivant. Nous n'avons pas besoin de l'intervention des esprits des morts. Du moment que nous expliquons par le vivant certains de ces phénomènes, nous devons supposer que nous expliquerons les autres, tôt ou tard, de la même manière. >>

M. Léon Denis, lui qui, spirite ardent, a écrit cependant : (1) A plus forte raison pourrait-on faire cette objection à "Les vibrations de la pensée peuvent se propager dans l'espace, come la lumière et le son; et impressionner un autre organisme en affinité avec celui du manifestant. Les ondes psychiques, comme les ondes hertziennes dans la T. S. F., propagent au loin et vont éveiller, dans l'enveloppe du sensitif, des impressions, de nature variée suivant son état dyna

mique visions, voix

ou

mouvements » ; et ailleurs

se

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Une autre source de courage des Hongrois réside, selon moi, dans le réalisme calculateur de ces frémissants patriotes. Le traité de Trianon qui les écrase, ils l'admettent et, loin de se révolter contre lui, en tirent parti. Ils sont passionnés, mais non chimériques, à la fois chevaleresques et pratiques. Rien n'est plus fécond que ce mélange de sang brûlant et de sang-froid.

«L'homme pourrait être comparé à un foyer d'où émanent des radiations, des effluves, qui peuvent s'extérioriser en couches, concentriques au corps physique, et même, dans certains cas, se condenser à des degrés divers et se matérialiser au point Pimpressionner des plaques photographiques et des appareils enregistreurs. » Il me semble que, si j'étais spirite, roilà qui me donnerait singulièrement à réfléchir !

« Il est vrai, me disait un des principaux journa<< listes de Budapest, que nous voici terrassés, amputés. «Notre pays est un « pays-tronc » : un torse dont on a « détaché bras et jambes. Soit. Mais il reste une tête et « un cœur, de quoi inspirer une pensée et une conduite. « Le traité qui nous massacre est irréalisable. Nous « avons confiance dans son absurdité. Nos voisins ne «< sauront pas absorber leurs nouvelles provinces. Les tourmentent Tchèques les Slovaques. » C'est Budapest que une illusion volontiers caressée à Prague << tes sont sur le point de se révolter. Quant aux Roumains, non seulement ils ne savent pas utiliser l'outillage industriel qu'ils nous ont pris et qui se

(་

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ne

saura

pas décentraliser.)

<< Les Croa

« rouille à ciel ouvert, non seulement leurs chemins de « fer ne marchent pas, mais encore ils sont à la veille « d'une catastrophe économique. Il nous suffit d'atten« dre. Nos ennemis, par leurs fautes, et aussi par la « fatalité de la géographie et des lois économiques, sont « destinés à la décomposition... >>

Il va sans dire que j'enregistre ces affirmations sans prendre parti: mon incompétence est trop complète. Des amis roumains, rencontrés à Budapest, m'ont vivement engagé à ne pas les croire. Mais je tiens à caractériser, chez les Hongrois, cette façon objective de raisonner, qui va jusqu'à s'appuyer sur des documents scientifiques pour démontrer l'irréalité du traité de Trianon. Ainsi, d'après eux, les oiseaux migrateurs qui habitent sur le versant méridional des Carpathes, se réunissent en grandes troupes à ceux de la plaine et s'en vont ensemble hiverner en Egypte. D l'autre côté des cols, la même race d'oiseaux s'oriente vs la Suède. C'est à la limite de cette divergence, disent-ils, que (1) Voir l'Opinion des 30 juillet et 6 août.

doit passer la frontière. Qu'importe qu'on ait donné aux Tchécoslovaques les territoires du Sud : les oiseaux y demeurent magyars. Un jour, à leur image, à l'image de leurs migrations, les provinces perdues reviendront à la couronne de saint Etienne.

C'est avec la même application, parfois un peu pédante, que les Hongrois invoquent la mission historique qu'ils ont accomplie au cours des siècles et qu'ils veulent assumer encore dans l'avenir. Leur prépondérance et leur bravoure, nous a dit le comte Apponyi, ont toujours été au bénéfice de l'Europe.

un

Long et droit, la barbe blanche et rectangulaire, les narines ouvertes, les mains gigantesques, le comte Apponyi est un magnifique orateur dont Budapest, pavoisée, a célébré dernièrement le 75° anniversaire. Il est un non moins admirable avocat, prêt à exposer dans n'importe quelle langue, avec netteté, logique et grand calme pénétré d'espérance, le point de vue national. Pour lui, la Hongrie est un soldat de frontière qui protège l'Occident contre les barbares orientaux. Elle s'est toujours étroitement attachée à la culture gréco-latine, au christianisme romain ou protestant, aux institutions germaniques. Elle fut militaire parce qu'elle était exposée, mais parlementaire aussi, dès ses origines. En l'amoindrissant, les alliés désavouent le rôle actif qu'elle a toujours joué en faveur de l'Europe, et reculent à leur propre détriment les limites de la civilisation occidentale.

Il faut noter ce sentiment d'une mission historique comme l'un des plus puissants ressorts du relèvement hongrois. Ce peuple se croit nécessaire. Comment ne compterait-il pas sur l'avenir? Mais il ne se demande pas si cette attitude de sentinelle ne témoigne pas de quelque archaïsme. Car enfin, le Turc ne menace plus Vienne. Puisqu'elle se proclame occidentale avec ferveur, la Hongrie aurait avantage à s'inspirer des peuples dont elle se prétend l'avant-garde. Une tournure d'esprit libérale la ferait ressembler un peu plus à Paris et Londres, un peu moins à Constantinople. Ce glorieux passé millénaire gagnerait à être mis au point des temps modernes.

La haute idée que les Magyars ont de leur valeur civilisatrice se voit encore dans leur souci constant de vous faire visiter leurs musées, leurs bibliothèques, leurs cliniques, leurs établissements d'instruction supérieure. Elle se montre aussi dans leur préoccupation de parler français, d'être au courant de la littérature et de l'art de France. Le collège Eotvos, à cet égard, est typique. Créé en 1895 sur le modèle de l'Ecole normale de la rue d'Ulm, il compte toujours un professeur français : le premier qui exerça ces fonctions est aujourd'hui célèbre, c'est l'aîné des Tharaud. La bibliothèque française y est l'objet de soins assidus, et il est curieux, en la parcourant de voir de quelle façon imprévue les gloires de Paris se propagent à l'étranger. Je n'hésite pas à reconnaître comme un élément de leur renaissance cette vénération presque touchante des Hongrois pour la haute culture. Dans ce mouvement général de reconstruction, il n'y a pas que des volontés au travail, il y a des intelligences.

X

Et puis, et enfin, au cœur de ce positivisme raisonnable, il y a un mysticisme qui s'élance plus loin que tous les raisonnements, une foi incoercible en la destinée hongroise, symbolisée de façon émouvante dans la musique natale. Certes, celle-ci a souvent été détournée de sa signification confidentielle, et utilisée comme divertissement. J'avoue même qu'elle me causa d'abord une vraie déception. Comment, dans ce pays si malheureux, retentissent tant d'orchestres? La première impression que donne Budapest est d'une extrême gaieté. Promenez-vous le soir sur le quai du Danube,

le long du Bristol, de l'Hungaria - où fut le quartier général des bolcheviks du Ritz : à ces terrasses, groupés autour des tables aux petites lampes, parmi les violences des czardas et dans l'odeur de la béarnaise, rit une foule d'hommes en vêtements de tussor, la face maigre et bronzée, empressés auprès de belles femmes heureuses, aux bras nus posés sur les nappes. L'lle Sainte-Marguerite est un parc consacré au plaisir, où roulent les autos et les voitures bien attelées, où se succèdent des restaurants remplis de dîneurs, et, là encore, la langueur complaisante des violons monte vers les étoiles que personne ne regarde. Au Casino de Paris.

naguère Casino de Berlin - dans les bars, les dancings, les cafés, même prostitution de la musique, même réjouissance; l'après-midi on s'est reposé, tous bureaux fermés, maintenant c'est la flânerie des heures fraîches, la familiarité gracieuse qui s'échange d'une table à l'autre. Au Bois de la Ville, chez Gerbeaud, parmi les lanternes de couleur, sur une estrade de bois que domine une colonnade, on dirait un finale d'opérette viennoise, une cohue grouillante et bavarde de danseurs, taché mobile et lumineuse que rehaussent les dolmans sombres des officiers, et dont la musique, enragée, couvre les voix et les rires. Et des autos qui se succèdent sous les grands arbres, débarquent de nouveaux danseurs, encore des femmes, des quantités de femmes dont les présences innombrables ajoutent à la douceur de la nuit de juin une immense séduction facile.

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J'ai confié à quelques Hongrois que ce charmant spectacle de fête dont je prenais ma part, contredisait étrangement ce que j'avais constaté ailleurs de détresse et de résolution farouche. Comment concilier le deuil et le tango? Ils s'efforcèrent de me persuader que ces fêtards étaient des juifs et des mercantis. Mais les officiers? Les pauvres gens sont à la veille d'être licenciés, ils s'étourdissent... Cependant je demeurais un peu étonné. Alors on me fit passer les ponts, vers les hauteurs de Bude. Là, dans de petites rues désertes, s'ouvrent des restaurants aux noms bizarres, la Fiancée de marbre, le Cordonnier politique, où la musique, née de cœurs véritablement hongrois, sait parler à celui qui l'écoute. Et je retrouvai enfin, transposés en langage de violon, s'élevant seuls dans le calme nocturne, la souffrance, l'orgueil et l'espoir qui m'avaient tellement frappé chez certains de mes interlocuteurs.

« Le Hongrois, dit un proverbe de là-bas; s'amuse en pleurant ». Sa musique fait de même. Elle semble prendre texte des déceptions, des échecs, des nostalgies, et s'y complaire. Tout en elle est mélancolique, mélancolie de la chair comme de l'âme. Si, quelquefois, elle s'abandonne par mégarde au bonheur, l'inquiétude s'y mêle, et de mesure en mesure, grandit au point d'exis ter seule. Ses consolations sont désespérées. Et puis, de nouveau, aux râles pathétiques succède un élan sauvage, plus amer qu'un regret, mais capable de vous ouvrir l'accès de l'impossible. Va et vient langoureux et brutal qui vous balance de l'abîme aux sommets. L'histoire entière de la Hongrie se raconte dans cette alternative on croyait entendre une destinée individuelle, c'est la destinée d'une race. Les Magyars accoudés, les yeux clos, qui écoutent autour de moi, reconnaissent leur passé, celui de leurs pères pourquoi n'y reconnaîtraient-ils pas l'avenir de leurs fils? Car toujours recommence cette mélodie infinie, toujours elle remonte du gouffre où elle replongera bientôt. Le tzigane semble-t-il épuisé de musique, va-t-il enfin s'imposer silence, que déjà il repart, possédé par le rythme éternel et la spirale de la musique, tournant une fois de plus autour de votre cœur, le garrotte.

Un soir, je dis à un compagnon :

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Cette tristesse qui atteint les sources mêmes de la vie, c'est la tristesse des Russes. Votre musique, comme la leur, s'élève d'un pays de plaines. Comme eux vous

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