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devine quel peut être le rôle décisif du représentant de la grande puissance d'outre-Atlantique.

Ses instructions semblent lui laisser une assez vaste latitude. Et jusqu'alors il n'a pas pris nettement position. A Londres, il a déclaré que l'Angleterre était la mère des Etats-Unis, mais il a aussitôt ajouté que la France en était la sœur. Au Conseil suprême, théoriquement simple observateur, il parle assez peu. Mais son silence, plus que tout autre, est d'or, tout chargé qu'il est de dollars les brillants premiers rôles de la Conférence s'efforcent, à l'envi, d'en percer le mystère. Et les besicles du colonel Harvey leur paraissent de magiques miroirs dans les reflets desquels ils cherchent, non sans quelque inquiétude, à lire l'avenir.

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JACQUES CARLES.

Requête de la midinette.

Permettez-moi de parler par votre truchement, Monsieur le Rédacteur, aux lecteurs de l'Opinion, pour qu'ils appuient notre supplique. La question ne vous semblera sans doute que d'un piètre intérêt général. Cependant notez qu'il s'agit là d'une tradition locale charmante, touchante aussi, établie depuis des années, et que nous voudrions voir désormais inscrite dans la charte par le Conseil municipal de Paris. En ce moment même il y a contestation de notre droit acquis par l'usage et la tolérance.

Oui, nous autres, midinettes

ah, je sais que nous n'avons plus la vedette dans la popularité des revuistes et des chansonniers, ce sont les sténo-dactylos, nous réclamons la gratuité officielle et reconnue des sièges dans les squares et jardins pendant l'heure du déjeuner. Et un complaisant conseiller a introduit notre equête.

Si jamais vous avez passé à midi aux Tuileries, au lais-Royal, aux Champs-Elysées, vous savez bien ourquoi. En effet, n'eûtes-vous pas l'impression d'une alle à manger imprévue et improvisée ? C'est notre estaurant de la nature. Ne fûtes-vous pas touché de ingénuité de nos menus et de notre vaisselle ? Le el de ces repas, c'est le grand air. Voilà, n'est-ce pas, ne coutume aussi hygiénique que pittoresque. Or, aurefois, jamais la chaisière n'apparaissait pour quêter e prix du siège. Depuis, l'entente tacite a été dénonée Et l'on nous poursuit pour recouvrement the dime dont nous réclamons l'exonération. Ah, ne taxez pas la note de notre frugal repas...

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d'une

Pour une question de gros sous, ne troublez donc pas cet instant délicieux et idyllique de la vie de Paris qu'est l'heure de la midinette. Y a-t-il rien de plus émouvant à la réflexion que cette gaie nourriture de plein vent pour des citadines aux vies encloses? Rappel des conditions premières de l'humanité, geste analogue aux collations des paysans dans les champs, aubaine de miettes pour les moineaux et les pigeons.

Telles sont nos mœurs de midi. Elles mettent une singulière animation dans la ville. Respectez-en la tradition. Ou sinon, nous manifesterons sous les orangers. Car voici encore qui nous intéresse. La place Vendôme est de notre domaine. Pourquoi ne pas nous demander notre avis sur ce projet de décoration florale autour de la colonne, dont la presse a parlé ?

L'autre jour, j'errais sur les quais, en guise de dessert à un repas un peu bref pris non loin de cette dodue statue qui fit tant parler d'elle. J'aperçus dans une boite de bouquiniste une image du Pont des Arts en l'ancien temps... je ne sais au juste lequel, je ne suis pas érudite... où il y avait une suite de baquets d'orangers, et j'ai trouvé cela assez agréable à l'œil. Je me demande même pourquoi on n'en remettrait pas cette passerelle feuillue et fleurie serait un arc de triomphe

fort aimable quand on reprendra le bateau-mouche le mois prochain. Nous sommes d'accord? Oui. Eh bien, pourquoi donc des orangers autour de la colonne Vendôme seraient-ils si ridicules ?

Un facteur me souffle coiffez donc aussi la place d'un vitrail gigantesque pour en faire une serre. Non, Monsieur, je n'y réclame même pas de chaises. Qu'on nous laisse seulement la libre disposition de celles des Tuileries!

Excusez l'audace de la midinette qui signa anonymement ce que je contresigne.

LEGRAND-CHABRIER.

Joies d'été

Voici que déjà les affiches multicolores et tentatrices claironnent sur les murs l'éternelle invitation au voyage. Les boulevardiers les plus endurcis se découvrent soudain un cœur idyllique et « Trianon »; ils aspirent aux calmes joies champêtres, hamacs sous les arbres frais, laitages bus en d'antiques fermes aux toits de chaume. A moins que, tout simplement, ils ne brûlent de retrouver, à Deauville ou ailleurs (et à des prix défiant toute concurrence) la même vie que durant l'hiver : potins, thés, courses, pâtissiers et dancings. Comme les marionnettes d'antan, les protagonistes de la vie parisienne font trois petits tours au bord de la mer avant de s'entasser dans les palaces de la côte d'azur. Cependant il est de malheureux esclaves que leur profession, ou - hélas! — le manque de pécune, attachent aux rivages de la Seine. Et ces bords ne sont guère fleuris et manquent des «< tendres brebis » chères à Mme Deshoulières. A quelles joies peuvent prétendre les citadins durant les mois caniculaires? Mais elles foisonnent et les journaux ne nous en ont donné qu'un faible aperçu...

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Tout d'abord mentionnons les plages du pauvre : Ivry, Saint-Denis et autres lieux. Là, pas de dames aux costumes de bain théâtraux. Le caleçon du bazar à treize, voire l'honnête mouchoir noué en pagne, suffisent à ces êtres simples et la vue de leurs ébats innocents arracherait sans doute des larmes d'at

tendrissement à Jean-Jacques, de Genève et d'Ermenonville.

Une association d'idées ou plutôt une allitération nous amène, sans autre transition, à célébrer les voluptés du bois de Boulogne, de la Cascade et du pavillon d'Armenonville. Il n'est pas donné à tous d'aller à Corinthe, ni même à Venise. Mais chacun peut aller déguster nonchalamment quelque glace au bois, ou, plus démocratiquement, s'étendre au pied des acacias, en guettant la gracieuse indécision des daims farouches.

Que nous parlez-vous de la Suisse? N'avons-nous pas les Buttes-Chaumont et ses grottes, le parc Montsouris, et tant d'autres jardins où des jets d'eau irrisés versent la fraîcheur aux pelouses, comme aussi au cœur des citadins. Louerons-nous le Luxembourg, cher aux poètes et aux sénateurs? Verlaine, Sand et Watteau y sourient aux couples enlacés, comme d'ailleurs la bonne Ségur qui perpétra le Général Dourakine.

Pour le soir, programme varié berges de la Seine où clapote une eau moirée, terrasses des cafés et des Biard, petites places paisibles et provinciales de la Butte, de Grenelle, de la Butte aux Cailles.

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voitures remontent vers l'Etoile et vers le bois. Il fait doux de s'abandonner à quelque rêverie en ce décor délicieux! Mon Dieu! n'est-ce pas préférable aux casinos sahariens et aux masures bretonnes?...

La Littérature

Aux champs

EDOUARD DEVERIN.

(1)

cevoir et refaire. « La femme du XIII° siècle », au con traire, ce n'est rien, parce que nulle documentation écrite ne peut être assez abondante pour nous permettre de créer cette notion. C'est l'infirmité de l'histoire des mœurs que d'être toujours forcée de généraliser ainsi au petit bonheur.

« La géographie et la chronologie sont les deux flambeaux de l'histoire », comme chacun sait. Mais l'histoire des mœurs ne prend quelque apparence de vie qu'à condition qu'ils soient à peu près éteints. Si, pour faire un portrait du paysan français au XIX siècle, quelque écrivain de 2521 juxtaposait des renseignements cueillis dans Balzac, George Sand, Zola, Maupassant, Mistral et Jules Renard, il ferait à peu près ce que nous faisons quand nous cherchons à représenter le manant du XIII° siècle; et voilà pour le flambeau chronologique. Quant au géographique, songeons à ce qu'était la France de jadis un pays dont les habitants différaient plus, d'une région à l'autre, qu'à cette heure un Anglais d'un Espagnol. A quoi peut bien correspondre cett expression le « paysan de France au moyen. âge »? Léopold Delisle nous a montré, dans un travail qui est un des modèles classiques de l'érudition fran

L'histoire des paysans au moyen âge n'apparaît pas si noire que le disaient les historiens romantiques. Socialement, dès la fin du XI° siècle (auparavant on ne sait à peu près rien), les possesseurs du sol commencent à comprendre que leur bien ne rendra tout son fruit que si le paysan peut travailler sans être opprimé, foulé, traité comme un esclave. Et les affranchissements des serfs deviennent nombreux, en même temps que leur condition s'adoucit beaucoup. D'autre part, les nobles s'efforcent d'attirer les colons libres en leur concédant, moyennant de faibles redevances, des parcelles à défricher. On accorde des chartes aux communes villageoi-çaise (1), qu'en Normandie, par exemple, au XIII° et au ses (car depuis une haute antiquité les paysans sont syndiqués, conformément au rêve de Rougeron, l'ami de M. Daniel Halévy); on favorise même quelquefois les associations de communes, les fédérations de syndi cats... Au XIIIe siècle, la population paysanne se compose de fermiers, qui tiennent des terres à bail comme aujourd'hui, d'ouvriers agricoles qui se louent, et d'une foule de petits propriétaires en fait, je veux dire qui ont pratiquement (s'ils ne l'ont en droit) la propriété de leurs domaines, soit qu'ils les tiennent en censive, c'est-à-dire à perpétuité, avec le droit de les vendre et léguer, moyennant une redevance, un cens, fixée une fois pour toutes, soit par tradition immémoriale, moyennant redevance également. Comme ces redevances se payent souvent en argent, et que la valeur de Fargent diminue sans cesse, dès cette époque la noblesse voit ses revenus fondre au profit des paysans; à partir du XVI° siècle, elle sera complètement ruinée : effet, que vaudront alors les 3 ou les 5 sous que rapporte annuellement tel fief? Enfin il semble bien qu'en fait, au temps de Saint Louis, la propriété rurale ait été morcelée autant, sinon plus, que de nos jours.

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Après la guerre de Cent Ans, la classe paysanne fait de nouveaux progrès parce qu'on a besoin d'elle plus que jamais il faut l'attirer de nouveau sur la terre en friche, et pour cela les seigneurs font aux colons des offres avantageuses. En général, la condition des serfs (il y en avait encore dans l'Est, le Centre et quelques pays du Midi) ne différait plus guère, depuis longtemps, de celle des paysans libres, en pratique tout au moins; on les affranchit pourtant par masses. Partout les salaires sont en hausse; des baux, des censives avantageux sont accordés aux cultivateurs... Le paysan du moyen âge était donc moins à plaindre qu'on ne l'a dit ? Ah! çela, dame, on n'en sait rien ! Et d'abord, qu'est-ce que le « paysan du moyen âge »?

Ce n'est pas qu'on ne puisse légitimement générafiser dans ce sens. Assurément, « le paysan »>, ou « la femme », ou « le Français », etc., ce ne sont là que des entités mais fort vivantes tant que nous les considérons dans l'absolu; seulement, dès que nous voulons les locaEiser dans l'espace et dans la durée, elles s'évanouissent.

La femme », c'est une abstraction claire, que chacun de nous trouve dans sa propre expérience de quoi con

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début du XIVe siècles, la condition des ruraux était à
peu près celle qu'ils auront à l'époque où il écrira
lui-même, cinq siècles et demi plus tard. Leurs char-
bestiaux plus nombreux, les granges dont ils disposent
rues, leurs vans, leurs fléaux sont les mêmes ; leurs
au moins aussi belles. Les moins favorisés acquittent
des redevances aux seigneurs et aux gens d'Eglise, des
droits d'héritage, ils accomplissent des corvées; mais
tout cela est réglé et ils peuvent s'en racheter moyen-
nant finances. D'ailleurs, les plus libres n'ont guère à
payer qu'une rente et des droits de mutation, à fair
quelques petits travaux, à prêter de temps en tem
un cheval au maître. Et tout porte à croire que les
midables impôts modernes sont une charge plus lou
que celles-là.En Artois, à la même époque, « le rendeme
du blé était voisin de ce qu'il est aujourd'hui
les mêmes terres, il se tenait de 1319 à 1327, entre 7 et
11,6, et il est évalué, de nos jours, avec une culture per
jardins étaient soignés. Les fermes étaient bien pour
fectionnée, entre 11 et 13. Le bétail était abondant. Les
vues de matériel.
La plupart des ouvriers étaient à
gages ou payés à la tâche ; le travail par corvées ten-
dait à disparaître. Les femmes, qui étaient en ployees
la semaine et étaient payées tous les samedis.y
en assez grand nombre, travaillaient cinq jours et demi
tolérances, droits d'usage, de glanes, etc... (2).
avait dans les villages des institutions charitables, mille

; pour

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en

siècle plus tard la France n'est plus qu'un désert en
Malheureusement la guerre de Cent Ans éclate, et un
friche. La guerre, les famines qui tenaient à la mau-
vaise organisation économique et aux transports, les
contagions, voilà les trois grands fléaux de la classes
rurale à travers l'histoire. Le premier, il ne paraît pas
que notre organisation sociale et politique nous
passé ait pu faire endurer aux populations des souf-
garantisse, et je ne pense pas qu'aucune guerre du
frances égales à celles qu'a causées à nos
ments du Nord et de l'Est la guerre de 1914. Quant
départe
aux deux autres, si nous ne les sentons plus, c'est au
progrès de l'industrie et de la science que nous le
devons, non pas au progrès politique...

Voilà le grand mot lâché. Il est peu de questions qu conséquences des régimes politiques sur le bonheur du laissent moins impassibles les historiens que celle de

(1) Etude sur la condition de la classe agricole et l'état d l'agriculture en Normandie au Moyen-Age (1851).

(2) Histoire de France, dirigée par Ernest Lavisse, t. IV première partie, p. 20-21, par A. Coville.

peuple dans l'ancienne France. Je l'ai dit : il est absolument impossible de faire une réponse simple à une question si complexe. Le peuple de l'ancienne France, C'est une abstraction arbitraire: il faut préciser les dates et les lieux. Et le sujet n'a pas encore été étudié suffisamment; faute de monographies et d'ailleurs d'une documentation suffisante, on est amené à généraliser des conclusions particulières. M. Ernest Lavisse présente, d'après les mémoires des intendants, un tableau étonnamment noir de la situation des classes rurales sous Louis XIV, entre 1661 et 1685 (1). Sans doute faudrait-il regarder de plus près aux époques et aux pays, car des recherches poussées dans les archives de Rouen ont établi que, en dehors des années de famine naturellement, il n'y avait alors aucune misère au pays normand, c'est-à-dire dans une des provinces les plus lourdement grevées d'impôts (2). D'ailleurs, D'ailleurs, M. Daniel Halévy, refaisant en 1920 ses visites aux paysans du Centre qu'il n'avait pas vus depuis dix ans, les trouve très enrichis: les trouve-t-il plus heureux ? Il ne semble pas.

M. de Pesquidoux, le terrien — regarde les siens du dehors, soucieux de nous peindre les usages, les scènes de mœurs d'un pays où elles sont pittoresques et charmantes. Ils n'ont certainement pas choisi des modèles correspondants.

On verra la qualité du livre de M. Daniel Halévy. C'est une consultation sur l'état moral de certaines de nos campagnes, ou, si l'on veut, un graphique de la température de quelques âmes paysannes d'élite en 1910 et en 1920. Tout y est noté, en quelque sorte, comme un fait scientifique, avec une exactitude stricte, non pas avec cette exactitude photographique qui donne souvent l'image la plus fausse, mais avec un soin rigoureux à traduire fidèlement toutes les valeurs morales. Ah! c'est le contraire d'un livre de dilettante! Mais

c'est pourtant un livre plein d'art et composé avec une adresse invisible mais remarquable. M. Halévy a retrouvé sans les avoir cherchées quelques-unes des séductions de Gérard de Nerval : je ne sais quelle simplicité entraînante, commandée par un goût pur. C'est le propre de son talent, au reste, que ce mouvement, et l'on peut dire cette inspiration. On les retrouve dans tous ses ouvrages. C'est par là qu'ils sont si attachants.

Si même nous arrivions à nous faire quelque idée de l'existence matérielle des classes rurales dans l'ancienne France, cela ne nous apprendrait rien de l'âme et des sentiments des individus qui composaient ces collectivités. Il nous faudrait pour cela des témoignages analogues à celui de M. Daniel Halévy, et nous n'en avons aucun. Des romans, des mémoires, des documents littéraires nous renseignent sur l'histoire morale des nobles et des ecclésiastiques, puis, à partir du XVII siècle (guère avant), des bourgeois; mais celle des gens du peuple, c'est-à-dire des neuf dixièmes de la population de la France nous échappe complètement pour cette raison qu'avant la fin du XVIIIe siècle nul écrivain n'a jugé qu'il pût être intéressant de peindre la vie et Váme populaires; encore semble-t-il que Restif de la retonne, qui n'est pas bien profond, ni exact, embelse le tableau. Robin et Marion, d'Adam de la Halle ; Dit de la Pastoure, de Christine de Pisan; les Proos rustiques, de Noël Du Fail, et les œuvres de ce genre que j'oublie sans doute, où l'on nous fait voir des scèes rurales, tout cela n'est qu'églogues et n'a point beauoup plus de vérité qu'Astrée, les poèmes de Mme Desoulières, les Idylles de Gessner, et les récits villageois George Sand. Le premier roman, qui nous represents traite qui marquent l'esprit le plus minutieux, et, d'au

M. Joseph de Pesquidoux est bien différent. M. de Pesquidoux habite le pays qui porte son nom aux frontières de la Gascogne, et où sa famille, depuis des temps et des temps, possède la terre. Il y dirige et conduit luimême toute l'année l'exploitation de son bien; on ne peut être plus «< enraciné ». Les lecteurs de l'Opinion connaissent et apprécient depuis des années les articles qu'il envoie à ce journal, et où il peint avec un talent saisissant la vie campagnarde qui l'entoure. Il s'est décidé récemment à les réunir, et, comme tout le faisait prévoir, la première série, qui vient de paraître en volume, a obtenu sur-le-champ un succès considérable. Je sais que ce gentilhomme campagnard, naguère encore peu connu dans le monde des lettres, est devenu subitement l'écrivain dont le plus grand journal, la plus grande revue sollicitent la collaboration. Et jamais succès ne fut plus justifié.

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C'est que M. de Pesquidoux unit des qualités rarement jointes une compétence, une précision, un souci de s'informer des moindres détails du sujet dont il

a réalité campagnarde, c'est peut-être les Paysans, de
Balzac ; mais l'auteur a-t-il bien connu ses modèles ?
Zola a créé dans la Terre un poncif du paysan qu'ont
jo repris depuis lors Maupassant dans ses contes et beau-
coup d'autres, et qui est comme l'envers du poncif idyl-
lique et pastoral, mais qui ne semble pas plus profondé- Pesquidoux les écrivait. Et ce n'est pas qu'il les ait
ment vrai. Quel auteur a su découvrir l'âme secrète des apprises: c'est qu'il les a devinées. Car il a cette viva-
? Jules Renard ? On l'assure; et pourtant je cité d'imagination qui permet qu'on suscite en soi ceux

tre part, l'imagination et la poésie de l'artiste. Il notait,
en 1912, l'influence des remous sur le vol des palombes
et ce qui cause ceux-ci, avec une exactitude qui n'éton-
; mais
nera pas les aviateurs nombreux aujourd'hui
bien peu de gens savaient ces choses au temps où M. de

paysans

ne retrouve guère dans ces êtres élémentaires qu'il montre les intelligents et fins Bas-Normands, villageois renforcés pourtant, avec qui j'ai vécu intimement durant

mêmes dont on parle. Il sait ce qu'éprouvrent l'isard et la palombe, la taupe et le blaireau. Il connaît la vie obscure et confuse de la vigne, du maïs et du blé. Et

la guerre. Et cela prouve que « les paysans », à part pourtant il ne romance pas le moins du monde; il ne

la terre, ne se ressemblent pas, même à vouloir les regar quelques traits qu'ils ont communs, comme l'amour de der d'ensemble. Quelle similitude y a-t-il entre les habitants socialistes ou du moins radicaux et anticléricaux Halévy, et les Gascons, les Basques catholiques, tout des campagnes du Centre que nous présente M. Daniel enfoncés dans leurs vieilles et curieuses coutumes, que fois noter que les points de vue de ces deux auteurs sont nous décrit M. Joseph de Pesquidoux ? Il faut toutesi divergents que cela explique bien des contrastes. L'un

et c'est le citadin, M. Halévy

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considère ses héros

pour ainsi dire socialement, préoccupé avant tout de

leur valeur dans l'Etat. L'autre

et c'est pourtant

(1) Histoire de France, VII, I, p. 333 sq.

2) Le Grand Siècle, p.

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compose pas avec les animaux des personnages vaguement humains; il n'en fait les acteurs de nulle historiette; mais son imagination demeure étroitement contenue dans les limites de la réalité, car ici le Pesquidoux qui est précis et minutieux avec une sorte de passion, intervient pour dire au poète Pesquidoux que rien ne vaut dans les matières qu'il traite la pure et nue vérité.

L'auteur de Chez nous travaille à la façon des historiens: il rassemble ce qu'il sait, le complète, s'il y a lieu, en s'informant avec une patience et un soin d'érudit, puis il vit la scène, la recrée et l'écrit. Son art est remarquablement serré, honnête, austère même. Il s'interdit tout ornement, tout adjectif de pur luxe, tout mot inutile. Ses phrases courtes sont sévèrement ébranchées il n'en garde que le nécessaire; il est la concision même. Et chacun d chapitres, plein à

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Avant la mi-août, l'été a déjà, cette année, consommé la ruine des jardins. L'haleine du feu a desséché les feuilles, transformé les pelouses en tapis-brosse, les fleurs penchent et s'étiolent comme des jeunes filles aux pâles couleurs. Nous n'assisterons pas à la lente et belle mort végétale de l'automne, qui permet à chaque arbre une vieillesse pacifique et vénérable, qui accorde aux branchages, avant leur fin, une splendeur dernière souvent plus magnifique que leur jeunesse, que leur maturité. Les jardins ressemblent aujourd'hui à ces bois que nous vîmes, pendant la guerre, élimés, corrodés, détruits par les gaz asphyxiants. Les feuilles n'ont plus de sève, plus de transparence; recroquevillées, convulsées, elles sont pareilles à des beignets empoisonnés.

Il faut donc, dans le fond des chambres fraîches où l'on fuit la cruauté de la saison, trouver un moyen de se consoler de tant de sécheresse. En songeant aux jardins tels qu'ils devraient être, ne parviendrons-nous pas à oublier les jardins tels qu'ils sont ? Un livre récent nous permettra de pénétrer dans les jardins que l'on fait aujourd'hui en s'inspirant pour cela des jardins que l'on faisait autrefois. Gorgeons-nous de nostalgie; tout à l'heure, lorsque nous pousserons les volets clos, il est très possible que notre pauvre jardin brûlé nous attendrisse et nous touche, car on préfère à toutes les princesses, à toutes les « riches beautés », lorsqu'elles sont des fantômes, une humble et modeste paysanne, mais qui vit.

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Le luxueux volume de MM. André et Paul Véra (1) est consacré à imaginer et à décrire des jardins luxueux comme lui. Par lui, nous apprendrons comment un homme de goût conçoit et choisit aujourd'hui un jardin. Il s'agit là de jardins créés de toutes pièces, destinés à entourer des châteaux, des villas ou des maisons modernes. Ces jardins modernes ne sont pas des jardins futuristes; toutefois, M. André Véra, s'il s'inspire du passé, est fort résolu à ne le point pasticher.

On pense bien qu'à notre époque de cubisme, quand partout on parle de « construction », de «< volume », d'«< architecture », il ne s'agira pas de tracer dans un jardin des lignes courbes, d'y ménager des pentes douces, d'y faire flâner des « rivières serpentines ». Dans les plans que MM. Verdeau et Paul Véra ont dessinés pour accompagner le texte de M. André Véra, vous chercheriez en vain une allée tournante, une pelouse déclive, un bouquet d'arbres qui n'eût point, sur une pelouse rectiligne, son inexorable « pendant ». D'après M. André Véra, les jardins d'aujourd'hui seront géométriques, ou ne seront pas. C'est le triomphe, si l'on peut dire, du « jardin à angles » sur le « jardin anglais ». Pauvres jardins anglais où nous fûmes élevés, aurons-nous l'ingratitude de vous condamner tout à fait ? Certes, vous n'étiez pas, peut-être, selon une expression de M. Lucien Corpechot (fort compétent en la matière), «< les Jardins de l'Intelligence », mais vous étiez quand même bien

(1) LES JARDINS, par André Véra, un volume illustré par Paul Véra (Emile Paul frères éditeurs).

hospitaliers et bien jolis. Avouons-le: la convention du jardin à l'anglaise est tout aussi défendable que celle du jardin à la française; et peut-être serait-il raisonnable, équitable de reconnaître que certains paysages, certains styles d'architecture ne s'accommodent plus du tout de parterres réguliers, de terrasses parallèles, d'es liers, de bassins à margelles et de boulingrins. La pers pective « pittoresque » qu'offre aux yeux la lone pelouse incurvée qui, par exemple, s'étend, au parc Mo ceau, entre le boulevard de Courcelles et l'allée qui réunit le boulevard Malesherbes à l'avenue Hoche, nous semble une vue de jardin tout aussi réussie que celle par exemple, que l'on peut voir aux Tuileries, sous de vieux marronniers malades, et qui est faite d'une cieuse pelouse en contre-bas, disposée comme un petit stade, avec son banc en hémicycle et ses charmantes statues. Nous connaissons des jardins anglais délicieux, où la verdure n'a pas été moins amendée, moins humanisée que dans les plus beaux jardins à la française, et qui possèdent un attrait romanesque que l'on peut préférer, certains jours et certaines heures, à l'attrait intellectuel d'un noble agencement de parterres et de degrés.

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Aimons Versailles et Vaux, mais aussi Ermenonville et Mortefontaine ; ne sacrifions pas ceux-ci à ceux-là Aurions-nous l'idée de méconnaître les beautés d'un << nocturne » de Chopin, d'un « harmonie » de Lamartine, parce que tel Concerto de Bach, telle Ode de Malherbe nous a beaucoup plu?

Mais puisque, avec M. André Véra, c'est de jardins réguliers qu'il s'agit, oublions un instant les sinueuses perspectives des « jardins de la nature » et examinons un peu les lois réfléchies et motivées qu'un excellent jardinier moderne veut bien exposer pour nous.

La profession de foi de M. André Véra est peut-êt incluse dans cette petite phrase: « La nature, tableau pour le peintre, et de même qu'il ne donne nous, écrit-il, cst au jardin ce que le modèle est l'illusion du volume et de la coloration dans ses comp sitions décoratives, nous n'essayons pas de donner lik sion de l'espace dans notre jardin. » Et un peu pl loin, M. Véra nous propose cette définition : " U jardin est un appartement pour la vie au grand air. »

M

On a coutume de nommer « architectes-paysagistes ceux qui s'occupent spécialement de l'art des jardins Si nous ne nous trompons pas, il nous semble que André Véra est plus « architecte » que « paysagiste Pour ses constructions végétales, la nature est seulement un « matériaux » de plus. Qu'il s'agisse de «< jardin au soleil » ou de la « résidence d'été », de « roseraie » ou du « théâtre de verdure », du «< stade » ou du « petit jardin », du «< jardin du solitaire », du « jardin de l'aviateur », du « jardin d'amour », M. Véra ne permet tra jamais au caprice de la nature d'avoir le pas su la volonté de l'homme. Les dessins qui accompagnen l'exposé de ses opinions ressemblent à des épures. Consi dérez, par exemple, le plan du « jardin méditerranéen »> sauf deux hémicycles, un cercle et un ovale, vous n verrez que des lignes droites, se coupant à angle droits, et toutes ces lignes droites, tous ces angle droits se répéteront de part et d'autre d'une ligne m diane avec une symétrie inflexible qui décèle un déda absolu des accidents et des nécessités qui tiennent à structure du terrain.

M. Véra traite un peu la nature comme les artist décorateurs actuels traitent le mobilier. Ses exemples jardins font assez songer à ces « ensembles » que voit au Salon d'Automne et au Salon du Pavillon Marsan. Les «< ensembliers » (nous n'aimons pas plus q vous ce néologisme) élaborent des salons, des salles manger, des chambres à coucher, où, depuis les chen jusqu'à la descente de lit, tout a été conçu, créé et e

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cuté pour cet « ensemble ». Il faut donc admettre que le client qui achètera cet ensemble-là ne possède pas un seul objet lui venant de famille, auquel il tient, et dont il ne se séparerait pas sans chagrin. De même, on ne peut se représenter les jardins de M. André Véra que si on les exécute sur un terrain nu comme un billard, quil n'y aura, avant la venue de l'architecte-paysagiste, pas un arbre, pas un cours d'eau, pas un accident de terrain. Si les circonstances font que vous achetiez une propriété boisée, où passe une rivière, où une inopportune petite colline lève le coude sous le gazon, il faudra d'abord, pour que le joli jardin de M. Véra soit possible, qu'on ne tienne compte ni de ces arbres, ni le ces eaux, ni de ces ondulations géologiques. On peut jouer à de pareils jeux quand on est Louis XIV; quand on est un simple particulier, il est peut-être plus tentant, plus raisonnable de soumettre son jardin aux éléments existants sur le terrain. La création de toutes pièces, dans les arts d'agrément contemporains, nous a toujours semblé ennemie de leur succès. Nous avons proposé ailleurs aux « ensembliers » décorateurs de renoncer à ces «< ensembles » exceptionnellement réalisables, et qui sont à l'ameublement pratique ce que la calligraphie est à l'écriture; et nous émettons le souhait qu'une année, à l'exposition du Pavillon de Marsan, au lieu de nous montrer ces opulents et platoniques << ensembles »>, on confiât, à chacun des excellents artistes qui exposent là, quelques meubles anciens, autour desquels et pour lesquels il fallût créer un «< entourage »›.

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Un tableau, une sonate, un poème naissent tout entiers à la vie; mais, sauf chez les rois et chez les milliardaires, un appartement contiendra presque toujours soit une commode, soit une armoire, soit un lit qui a été la commode de votre grand'mère, l'armoire de votre oncle, le lit où vos parents sont morts; et vous souhaitez tout naturellement conserver ce lit, cette armoire et cette commode. A l'artiste-décorateur de comprendre, de respecter et d'exaucer un souhait pareil, lequel dépend autant de l'intelligence que du cœur.

Or, on peut très bien comparer à un meuble de famille, le vieil arbre centenaire qui s'élève au hasard sur ce terrain que vous voulez transformer en jardin. L'inconnu qui a planté cet arbre travaillait pour vous; et c'est pour vous aussi que cette rivière coule au milieu de cette prai

tendance à « s'écouter écrire », c'est que la musique de ses phrases est fort agréable à entendre, et ses images a évoquer.

Il est tout naturel qu'un bon jardinier-paysagiste soit aussi un peu poète. Les lignes que M. Véra consacre aux

rosiers sont fort jolies : «Non seulement le parfum de la rose est d'une suavité enchanteresse, mais la plante elle-même est d'une distinction particulière : sa fleur ne va jamais jusqu'à s'étaler au point de prendre l'apparence d'une livrée; le feuillage reste prépondérant et, comme à l'abondance il joint l'obscurité, il est à côté des roses comme le ciel à côté des étoiles. Un rosier est une nuit étoilée. Doit-on s'étonner alors qu'il suscite des rêves? La rose possède en outre sur les autres fleurs l'agréable avantage de produire sur les cœurs les charmes les plus certains, et d'évoquer le merveilleux dans. les souvenirs... >>

Le livre de M. Véra, lui, évoque dans les souvenirs tous les jardins où l'on s'est arrêté un moment, en voyage, tous les jardins qu'en passant on a vus au delà d'un mur bas, et dans lesquels on aurait aimé vivre : jardins d'Ile-de-France, où la noblesse est toujours accompagnée par la grâce; jardins de Provence, où l'on savoure des avant-goûts transalpins; jardins d'Italie, au-dessus de la mer, au-dessus des vallées toscanes, au-dessus de la campagne romaine; jardins d'Espagne, où les lauriers-roses sont emprisonnés dans des réseaux hydrauliques; jardins persans, où chaque fleur est le nid d'un oiseau enchanté; tous les jardins du rêve, aussi, les plus parents peut-être de ceux que M. Véra nous décrit dans un livre à la fois agréable comme un passe-temps et sérieux comme un cours technique.

La Curiosité.

JEAN-LOUIS VAUDOYER.

Fausses porcelaines

Dans un dîner, où le hasard se plaît à rapprocher des éléments disparates et les fait réagir parfois plus vivement que ne le souhaiterait la maîtresse de maison, un membre de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, foudroyait en ces termes un paisible amateur de porcelaines :

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Enfin, monsieur, dix heures de lecture suffisent

ce bois léger. Ne croyez-vous pas que le devoir du jardi- pour apprendre à discerner le Sèvres ancien et ce n'est

nier-paysagiste consistera à composer son jardin en tenant compte de cet arbre qui n'est pas dans l'axe, en tenant compte de cette rivière qui dérange l'ordre des parterres, en tenant compte de cette faille de terrain qui

pas trop de toute une existence pour savoir quelque chose en épigraphie !

Le savant confondait deux méthodes. L'épigraphie est une science exacte qui peut s'enseigner dans les manuels. Aucun traité de l'art de discerner les fraudes ne

interdit la reversibilité aux boulingrins? Les jardins que remplacera, si l'on veut devenir connaisseur, cette édu

l'on fait en Angleterre (et qui n'ont rien de commun avec ce que l'on appelle communément chez nous un de la nature n'y sont jamais refusés; toutes les circonsjardin anglais »), sont de bon exemple: les présents tances particulières qui naissent du site, de la flore, de la sylve y sont considérées non point comme des obsta

cation de l'œil qui demande dix ans de pratique et que certains, et non des moindres, n'acquièrent jamais. Souvenez-vous de Michel Chasles et de ses autographes de Ponce-Pilate et de Jules César.

La porcelaine est peut-être de toutes les branches de la curiosité la plus fertile en chausse-trapes pour les

cles, des verrues, des infirmités, mais comme des points débutants et même pour les vieux routiers de la curio

de départ, comme des conditions formelles et indiscutables, inclus dans le programme à accomplir. Nous croyons que M. Véra se trompe lorsqu'il veut faire pour l'amoureux, de qu'un Le Nôtre,

l'amateur, le solitaire ou

toutes proportions gardées, pouvait faire pour un surin

tendant ou pour un roi.

sité. Tous les modèles des anciens ateliers sont copiés avec une habileté très suffisante pour tromper un amateur novice quand il n'a pas à côté de pièces de comparaison indiscutables. Une maison renommée de l'avenue de l'Opéra, qui s'est fait une spécialité des reproducChine, Japon, Saint

Cette réserve faite, on avouera volontiers que le livre Cloud, Mennecy, Chantilly, Vincennes, Tournay, Capo

de M. André Véra est d'une lecture fort attachante, et Pouvrage d'un excellent écrivain. L'ingéniosité des théo

di Monte, Saxe, Chelsea, Derby, Worcester et qui les vend loyalement comme telles, possède dans son assortiment la baratte à lait de Marie-Antoinette, aux têtes de

des développements; mais si M. Véra a ici et là quelque bélier, le vase à tête d'éléphant de la collection Wallace,

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