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auraient été envoyées l'an dernier de Budapest à divers. chargés d'affaires hongrois. Les jésuites ont créé une entreprise de presse, la Presse Centrale, qui édite une demi-douzaine de journaux. Dans les rues de Budapest, passent souvent des processions, suivies par la troupe.

Le Parlement représente mal l'opinion: les socialistes, par exemple, ont refusé d'y envoyer des députés. On y trouve comme partis, l'Union chrétienne nationale, les Petits paysans », agrariens, de caractère plus démocratique, et il s'est constitué enfin une Ligue des bourgeois et des ouvriers qui groupe des libéraux, au nombre d'une quinzaine, et des dissidents. On espère procéder bientôt à des élections. A condition qu'elles soient franches, elles risquent de changer l'assiette du pouvoir. Mais si l'opposition rêve de réformes démocratiques qui amélioreraient l'état intérieur de la Hongrie et surtout sa situation internationale en rassurant ses voisins immédiats, ce programme n'a rien de révolutionnaire: il est considéré par ses protagonistes comme la meilleure méthode de relèvement national. Par leur patriotisme, leur volonté de vivre, ils ne cèdent en rien à l'amiral Horthy. D'ailleurs ils reconnaissent les services rendus par celui-ci.

Un des plus considérables est certainement de s'être énergiquement opposé, ce printemps, au retour du roi Charles. Le régent était en train de déjeuner, vers huit heures du matin, quand on vint l'avertir, avec une certaine agitation, que son souverain légitime était en bas, dans une voiture. Et déjà le jeune roi, rayonnant d'espoir et de naïveté, apparaissait sur le seuil. Horthy se leva, s'inclina avec le plus grand respect, fit fermer les portes, et il y eut entre les deux hommes une explication violente. Quelques heures plus tard, le roi repartait pour Szombathely. Si quelques personnes avaient été prévenues de son coup de tête - la présence du comte Teleki, comme par hasard, dans un château voisin de la frontière, semble suspecte, de même que les pannes répétées de l'auto ministérielle - on m'a affirmé que le régent ne s'attendait guère à voir surgir ce royal conspirateur, un beau dimanche. Il est vrai que le vendredi précédent, on avait reçu du chargé d'affaires auprès du Vatican une dépêche annonçant son arrivée, mais personne n'y avait attaché foi on avait même plaisanté ce diplomate.

Certes, il y a beaucoup de légitimistes en Hongrie; ils paraissent être en majorité à la Chambre, sinon dans le pays. Mais pour le moment, dans le dur effort de reconstruction et de relèvement qu'il s'agit de mener à bout, on ne veut pas du roi. Il gênerait. Il complique rait d'une question dynastique une situation économiquement et politiquement difficile. Sa seule présence ruinerait les quelques résultats déjà obtenus. Il demeure le souverain, puisqu'il a ceint la couronne à la croix penchée; personne ne peut lui retirer le titre : bien des gens cependant lui demandent de ne pas exercer la fonction. Sa situation, m'a-t-on expliqué en haut lieu, est celle d'un prêtre catholique, donc pour l'éternité, mais qui serait suspendu. Dans cette façon de poser le problème apparaît encore la volonté hongroise de tenir compte du réel et de travailler avec méthode.

J'ai d'ailleurs entendu, même dans les milieux officiels, exprimer sur le problème carliste des opinions catégoriques. Beaucoup de ses sujets n'écartent pas seulement le roi par opportunisme, il condamnent en lui le Habsbourg. « Cette race déchue, dont le rôle est fini... ces souverains toujours funestes... qu'ils nous laissent tranquilles... » La Moewe, une société qui groupe tous les officiers au-dessous du grade de colonel, a déclaré qu'elle s'opposerait au retour des Habsbourg. Maintenant que la Hongrie a trouvé dans son malheur l'indépendance, elle évoque avec une âpre fierté les souvenirs

de ses révoltes. Jamais Rakocsky, jamais Kossuth n'ont été plus populaires. On désavoue les Magyars officiali sés qui vivaient à Vienne, et se faisaient, au détriment de leurs frères, les serviteurs obséquieux de la dynastie impériale. On rappelle les brutalités policières de l'Au triche, son oppression jusqu'à ce « compromis » de 1867, plus démoralisant encore puisqu'il associait étro tement la Hongrie au germanisme.

Il semble donc que les publicistes qui rêvent de reconstituer l'Autriche-Hongrie devraient s'apercevoir de ceci : les Slaves de l'ancienne double monarchie n'en veulent assurément plus, les Autrichiens ne songent qu'à se laisser glisser dans les bras de l'Allemagne, et quant aux Hongrois, ils refusent de recommencer l'expérience. Voilà Voilà pourquoi ils s'opposent à ce qu'un Habsbourg monte sur le trône de Budapest, car il n'aurait de cesse qu'il ne soit remonté sur celui de Vienne. Et ils savent bien que jamais l'Italie, jamais la Petite Entente n'admettront son retour. Lors de ce fameux vendredi qui précéda de deux jours l'arrivée « inopinée » du roi Charles, les états-majors tchèque et yougoslave concentraient déjà des troupes à la frontière Les Hongrois ont senti le péril: ils sont loyalistes, mais leur loyalisme ne va pas jusqu'à sacrifier le pays au souverain.

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Cette volonté opiniâtre de poursuivre le relèvement de la patrie, j'en veux donner encore deux exemples d'espèces différentes. Tout d'abord, elle inspire la classe agricole. Et quand on a parcouru la Hongrie, on sait ce que cela veut dire. Ces magnifiques contrées verdoyantes, ces houles de blé ondulant d'un horizon à l'autre ne sont pas faites pour les expériences de désordre. Au temps de Bela Kun, les paysans n'hésitèrent pas à arrê ter le ravitaillement de la capitale. Ils savent qu'ils sont les maîtres, et que l'avenir dépend d'eux. Le traité d Trianon a enlevé au pays presque toutes ses mati premières, mais les céréales sont là, et la vigueur bras rustiques. L'espoir est dans la moisson prochain qui sera si belle. Celle de 1919, les Roumains l'avaie enlevée, comme ils ont emporté les machines agricoles, emmené les troupeaux, et jusqu'à des étalons de prix dans les haras. (Pauvres haras, naguère célèbres: le colo nel mélancolique qui nous les montrait ne pouvait faire amener sur la piste que d'antiques héros, des reproducteurs fléchissant sur les genoux.) L'année 1920 se passa à remettre en train tant bien que mal les cultures et l'élevage. Aujourd'hui, les champs, les jardins sont en plein rapport; le cheptel se reconstitue. Partout on voit les bœufs aux longues cornes en lyre promener leur orgueil, les troupeaux d'oies s'éparpiller à l'entour des villages, et des poulains fragiles galoper en zigzags dans les paddocks. Un jeune Magyar ardent à revivre me disait son émotion, en revenant sur ses terres, de voir les pay. sans, pour abattre plus de besogne encore, travailler aus clair de lune.

Et cette même obstination à sauver le pays, on la trouve chez M. Roland de Hegedus, le ministre des finances. Quel admirable et jovial optimiste! Il a commencé par obtenir du régent qu'il dissoudrait le Parlement si celui-ci n'acceptait pas ses réformes financières Puis il s'est mis à comprimer les dépenses avec une belle énergie et à rechercher toutes les sources de revenus Ainsi ayant découvert dans les greniers du ministère une collection d'opales, il s'est mis en tête de la vendre à un riche Américain et ce fut une recette supplémen taire au budget. Il a obligé chaque société anonyme augmenter son capital de 12 à 20 0/0... et à remettre d l'Etat les nouvelles actions ainsi émises. Chaque proprié taire est tenu de déclarer la valeur de ses immeubles l'Etat est autorisé à les acquérir à ce prix; on conçoil que les propriétaires, par crainte de cette expropriation

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surestiment leurs immeubles... et payent les impôts en conséquence. Des impôts, il y en a partout. Le ministre ne médite-t-il pas de taxer l'argenterie et jusqu'aux tapis? Et malgré ce zèle effrayant, M. de Hegedus jouit à Budapest d'une sorte de popularité: on dit volontiers de lui qu'il est génial. Son audace, ses inventions surprenantes plaisent. Et surtout sa confiance dans l'avenir de la Hongrie, qu'il propage d'autant mieux que, depuis ses interventions, le cours misérable de la couronne s'est amélioré.

(A suivre.)

Les Idées

ROBERT DE TRAZ.

Trois visages de la France

Les trois visages de notre pays que M. Georges GuyGrand décrit dans son livre sur le Conflit des idées dans la France d'aujourd'hui (1) se ressemblent jusqu'à se confondre. Et comment ne garderaient-ils pas des traits communs? La figure des peuples ne change pas plus que celle des hommes et la mobilité de l'heure ne fait qu'exprimer la substance immuable de l'éternité. Et c'est le même caractère national que manifeste notre histoire.

Qu'on me permette une réflexion préalable. Quand on imagine, pour suivre la comparaison, les lignes qui dessinent la France d'hier et celles qui représentent la France d'aujourd'hui on est surpris de voir s'opposer à l'ampleur, à la majesté, à la simplicité féconde de la force, une sorte de confusion et de crispation qui accompagne toujour la faiblesse. Nous sommes V10lents, dissipés, contradictoires et obscurs, nous ne savons ni ce que nous voulons, ni où nous allons. Nos pères avaient une plus grande confiance en eux-mêmes. Ils connaissaient le secret de leur vie et de leur mort. Aussi leur face s'impose-t-elle à nous, calme, définitive et sereine. Est-ce parce que s'y marqua l'ombre de l'aile inévitable ou manquerions-nous réellement des principes qui assurèrent leur équilibre et leur harmonie? C'est, au fond, la question qu'agite le livre de M. breGuy-Grand. Il est, ce livre, un peu austère et un peu étroit, -je dirai pourquoi tout à l'heure, mais plein de bon vouloir, de vérités et de suc. Il fait honneur à celui qui l'a conçu puis écrit. 11 témoigne d'un attachement plein de noblesse à une cause qui ne mérite peutêtre pas tant de talent et de vertu.

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Tons

pour

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Républicain et démocrate M. Guy-Grand, a su voir en étaient, à la veille de la guerre, la république et la démocratie. Il a dépeint en phrases navréès l'indifférence croissante du peuple à l'égard de la chose publique et la lutte des partis. Mais là il n'a voulu trouver qu'un accident

nation que

fatal. « Ces luttes entre professionnels de la politique, écrit-il, ne représentaient pas plus toute la vie de la aurait fallu examiner plus amplement, peut-être, et l'écume n'est tout le flot >>. C'est ce qu'il d'un regard moins prévenu. Le danger, il est vrai, refaisait l'union et révélait au monde, comme à nousmêmes, que nous avions une âme. Passé, toutefois, nous

tive qui s'offre à la France victorieuse, comme d'ailleurs à la plupart des peuples. Ou sans étouffer les oppositions légitimes d'intérêts et de croyances, un certain sentiment de la solidarité nationale comme de la justice sociale retiendra ces intérêts de se heurter irrémédiablement, ces croyances de repousser tout travail commun... ou au contraire, dans la méconnaissance de ces conditions vitales, dans une fièvre de passion politique analogue au vertige du phalène qui se jette sur la flamme pour s'y brûler, les antagonismes s'exaspéreront, les conflits d'intérêts seront poussés jusqu'à l'insolidarité totale, ceux des croyances jusqu'à la scission et la France se dissoudra »....

M. Guy-Grand écarte de son horizon ces sombres perspectives. Il entrevoit un remède au mal et il ne perd pas confiance devant les défaillances et les inconvénients du régime. Il espère en « l'idée de justice », il fait crédit à la Société des nations. On devine en lui, fière, vivace et infiniment respectable une profonde foi démocratique. Il a connu la Révolution et il en a déploré les excès. Il en a aussi retenu les principes et les inspirations généreuses, l'idée de la liberté ou de l'égalité civiques et le sentiment de la fraternité humaine. Et il voudrait qu'unie comme aux jours où elle s'est levée contre l'étranger ou a communié dans un idéal reçu avec enthousiasme, la nation, abjurant les discordes intestines, se rendît compte des nécessités de l'heure, s'élevât au-dessus des intérêts matériels, et ne séparât plus l'amour de la République du service de la patrie.

C'est là demander, au juste, que la démocratie ne soit plus démocrate. M. Guy-Grand devait rencontrer M. Charles Maurras sur sa route et il l'y a trouvé, en effet. Il s'est avancé contre ce génie puissamment armé les mains nues et fortifié de son unique bon vouloir. Et il a été vaincu. Car on n'a pas raison contre M. Charles Maurras parce que M. Charles Maurras est la logique même et qu'on n'a jamais raison contre la logique, dont les faits seuls viennent à bout. Nul amour, nul martyre ne fera que la démocratie - théoriquement ne soit un non-sens ou un contre-sens et sans se réaliser jamais elle est impossible. — ne finisse par conduire les peuples qui l'adoptent à être dissous. par des forces anonymes qu'elle favorise tout en les maudissant. Et nulle voix ne s'élève plus déjà, dans la société moderne, pour répondre aux généreux avertissements que donnent à un monde soumis à l'esprit « d'imprudence et d'erreur », dernier artisan des chutes, ceux-là mêmes qui entendent rester de leur temps.

Je ne partage pas la foi de M. Guy-Grand et je crois inefficaces les moyens de reconstruction que préconise M. Maurras. La monarchie française est morte. Sa vie vécue, son rôle fini et je ne puis même concevoir qu'on

espère la ressusciter. La démocratie, d'autre part, le plus dangereux et le plus supportable des gouverne

ments, doit, à une fatale échéance, ou ramener une tyrannie, ou consommer une ruine. Et nous voyons que la nôtre, victorieuse et à demi consciente du péril, ne réussit point à se stabiliser.

Alors? Alors il faut se résigner et à ne pas découvrir dans le passé le secret de l'avenir et, après avoir

revenions peu à peu aux insuffisances, aux laideurs, brûlé tant d'idoles, à ne pas proclamer le peuple Dieu. aux luttes stériles et aux rivalités sournoises dont nous

Le peuple est un enfant dans toute la richesse et la

avions cru sortir à jamais. Déçus par un traité illusoire pauvreté du mot le peuple est un enfant et doit dependant ons de nouveau à la comédie parlementaire, être servi non selon ses caprices mais d'après la raison.

cependant que la finance poursuivait vers la monarchie universelle une marche que nulle mobilisation n'arrêtait cette fois. Et rien qui s'offrit à dénouer la crise, sauf

des oppositions irréductibles.

Nous en

sommes là,

s'écrie pathétiquement l'écrivain: « telle est l'alterna

(1) 1. vol. RIVIÈRE.

Il le sent si bien qu'il est toujours prêt à recevoir des maître et à les chérir, quitte à les briser justement dès que ces conducteurs se révèlent incapables. Il a manqué à M. Guy-Grand la hardiesse de regarder en face cette vérité. La restauration civique et morale qu'il se plaît à rêver n'est plus possible dans un monde qu'une cer

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à

1° Que les personnalités qui tiennent en leurs mains les destinées de notre pays (gouvernement, députés, sénateurs, administration) donnent à l'opinion publique des idées et des projets réalisables et ne l'égarent pas la poursuite de chimères qui risqueraient de mettre les industriels dans la posture ingrate d'individus qui s'opposent systématiquement au progrès pour des raisons d'intérêt personnel;

2° Que, dans l'état actuel des choses, l'administration d'un ministère n'entrave pas, par ses circulaires, le développement normal de l'industrie.

A l'appui de ce que nous venons de dire, nous allons donner deux exemples, pris dans un domaine d'actualité l'industrie électrique.

1° Une question à l'ordre du jour est sans conteste le développement en France de la force électrique d'origine hydraulique. On ne parle que de « houille blanche >> (utilisation des rivières) et de «houille bleue» (utilisation de la force des marées).

Le principe est extrêmement séduisant à première vue: n'être plus assujetti à la production du charbon qui coûte cher paraît très satisfaisant. Mais, s'il est intéressant d'examiner et d'étudier la possibilité de certains barrages dans le but de se libérer de cette matière première, le charbon, qui nous a causé tant de déboires depuis quelques années, il ne faut pas supposer que la force que l'on produira ainsi permettra d'obtenir, comme on l'a dit trop souvent, l'électricité pour rien ou, pour mieux dire, très bon marché.

Combien de Parisiens se sont réjouis lorsqu'on a annoncé que l'on allait entreprendre le barrage du Phône et amener l'électricité « pour rien » à Paris !

:

Il ne faut pas se laisser aller à des rêves pareils sous peine de désillusion cruelle. L'exécution d'un ou plu sieurs barrages est chose extrêmement coûteuse elle n'est pas du tout du même ordre de grandeur que l'installation pure et simple d'une usine thermique. Le capital ainsi engouffré dans cette entreprise devra trouver sa rémunération.

Il n'y a pas d'ailleurs à examiner seulement le coût de l'installation de l'usine proprement dite, il faut aussi étudier les moyens de transporter à distance la force produite. Pour amener la force du Rhône à Paris, il faut franchir 420 kilomètres environ. Etant donné que l'on ne peut pas laisser Paris à la merci d'un coup de foudre ou de tout autre accident toujours à craindre sur une ligne de pareille longueur, il est de toute nécessité de prévoir une deuxième ligne suivant un parcours différent. Chacune de ces lignes devant comprendre deux ou

trois câbles de cuivre, on se rend compte de la quantité énorme qui sera indispensable à l'exécution de semblable réseau. En songeant aussi aux poteaux nécessaires pour le support de ces lignes on se rend compte, même sans le chiffrer (ce qui serait facile) du capital considérable qu'il faudra encore dépenser pour établir la jonction entre l'usine productrice et le lieu de consommation. Il est infiniment probable qu'il serait plus avantageux de créer de grosses usines sur des puits de mines une distance de Paris de 200 kilom. environ : ces usines coûteraient beaucoup moins cher à établir qu'un bar rage, la longueur de ligne à construire serait moitié moindre, le capital à rémunérer serait donc très inférieur et l'on pourrait fournir à Paris l'électricité à un prixmoins élevé que si elle venait du Rhône, même avec du charbon à 100 francs la tonne.

Dans la construction d'une ou de plusieurs usines hy

drauliques destinées à donner la force électrique à Paris, il serait nécessaire d'avoir à pied d'œuvre les réserves thermiques indispensables au cas où, comme cette année, le Rhône n'aurait pas la quantité d'eau suffisante.

Une autre difficulté qui nous permet de prédire que l'on n'aura pas de si tôt dans la capitale la force pro duite sur le Rhône, c'est que la région immédiatement voisine voudra utiliser sur place cette énergie. Il sera certainement plus sage d'en trouver l'écoulement à proximité du point de production, que d'aller la transporter à 400 kilomètres.

A notre avis, le problème de l'aménagement des chutes doit être envisagé de la façon suivante : se libérer autant que possible de la sujétion de l'approvisionnement en charbon en utilisant les forces naturelles que le pays possède ; que l'Etat fasse au besoin, dans ce but, les sacrifices nécessaires. Mais que cette énergie soit uti lisée sur place et qu'on ne laisse pas supposer que pourrait avoir à 400 kilomètres de l'usine génératrice d la force pour rien, ou pour un prix inférieur à a qu'on peut obtenir avec de grosses unités thermiqu économiques, créées judicieusement. Ce serait faux.

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2° Nous avons dit au commencement de cet article qu'il était très désirable que l'administration d'un m nistère ne vienne pas entraver par ses circulaires le déve loppement actuel de l'industrie existante. Nous avions en vue le ministère des travaux publics qui a donné aux préfets, le 6 mars 1921, des instructions « au sujet des avenants aux cahiers des charges des concessions de dis tribution d'énergie électrique portant relèvement des ta rifs de vente de l'énergie. »>

Les préfets ne devaient donner aux avenants qui leur seraient soumis qu'une approbation provisoire pour une durée maxima d'un an. Dans l'esprit du ministère, cette prescription avait pour but « de réserver l'avenir et de permettre la mise en application des nouvelles bases de tarification actuellement soumises à l'examen du Conseil d'Etat. >>

Il faut convenir que cette circulaire n'encourage guère les initiatives privées des industriels possédant déjà des stations électriques peuvent désirer accroître leur exploitation en augmentant son rendement par le rempiacement de machines vieilles par des neuves, plus économiques et plus puissantes.

Ces industriels engageront-ils des capitaux qui, pour ces sortes d'entreprises, sont toujours considérables, pour n'avoir devant eux qu'une année de stabilité et de rému nération assurée ? Ou attendront-ils que le Conseil

d'Etat ait donné son avis ? Dans ce dernier cas, leur attente risque d'être longue.

le Le ministre a dû s'apercevoir que pareille exigence public aurait bénéficié, ces travaux ne pouvant Arch

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trepris que si l'industriel voit la possibilité d'une exploitation dans des conditions assurées pendant un certain nombre d'années, c'est-à-dire si l'approbation de la concession demandée est définitive. C'est probablement le motif pour lequel il a adressé aux préfets une autre circulaire en date du 9 mai 1921, sans doute pour atténuer l'effet désastreux que sa première circulaire n'a pas manqué de faire sur le développement de l'électricité.

Cette circulaire contient textuellement ces mots : « Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que vous donniez une approbation définitive aux avenants et actes de concession qui vous seront soumis et que, par ailleurs, vous estimeriez devoir approuver, mais sous les réserves expresses ci-après :

1o Le concessionnaire prendra vis-à-vis de vous l'engagement de mettre l'article II de son cahier des charges en harmonie avec le cahier des charges type, tel qu'il sera approuvé par décret et d'y introduire notamment les mêmes clauses de revision de tarifs qui seront inscrites dans la nouvelle rédaction...

2o Dans le cas où le concessionnaire sera dans votre département titulaire de plusieurs concessions, il devra en principe et sauf dérogation justifiée que je vous laisse le soin d'apprécier, prendre en outre un engagement analogue se rapportant aux concessions qu'il exploite et ayant donné lieu à des avenants passés dans des conditions sensiblement identiques, postérieurement au 1 janvier 1920 et déjà approuvés. »

Nous pouvons au sujet de cette deuxième circulaire faire les remarques suivantes : un industriel sérieux,

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ayant la responsabilité des intérêts qui lui sont confiés, s'engagera-t-il ainsi à accepter des clauses d'un cahier des charges qu'il ne connaît pas ?

Notre avis est formel sur ce point. Il n'en a pas le droit, car il risque de compromettre d'une manière absolue une affaire qui, présentée dans les conditions d'ensemble d'un cahier des charges, qui forme un tout, peut n'être pas viable si l'on modifie un de ses articles sans modifier les autres parallèlement.

Nous irons même plus loin, et nous nous demanderons si le ministre en demandant de prendre un pareil engagement ne commet pas un acte illégal et si, au cas où un industriel ayant accepté des clauses inconnues de lui et se refusant à les exécuter lorsqu'on les notifiera, les. tribunaux n'assimileraient pas cet engagement à une clause léonine et n'annuleraient pas l'engagement pris.

En outre, l'industriel doit s'engager, non seulement pour la concession sollicitée, mais cet engagement vaudra pour une concession déjà approuvée. C'est encore un effet rétroactif, auquel il semble que l'on s'habitue trop.

Pour conclure, nous ne pouvons que souhaiter toujours plus ardemment que les personnes qui détiennent une parcelle quelconque du pouvoir restent au contact étroit des réalités quelles qu'elles soient et ne demeurent pas dans une tour d'ivoire d'où sortiront lois et décrets : c'est le seul moyen de faire du travail utile parce qu'il sera équilibré et marqué au coin du bon sens.

D'une guerre
guerre à l'autre guerre

MARCEL LEBON.

LE CREPUSCULE TRAGIQUE

IX

L'AVEU

ford, lui enseignait la doctrine de l'éternel retour.

Pour la première fois, il sentit vraiment, sincèrement, l'horreur de cette doctrine, la détresse qu'avait criée vers

La physionomie des êtres vivants, qui par un mystérieux privilège ne vieillissent pas, a on ne sait quoi qui effraie; à tel point que, malgré notre peur de vieillir nous-mêmes, nous ne les envions pas nous ne voudrions pas leur ressembler. Mais combien plus effrayant est l'aspect des choses périssables que nous retrouvons à leur place après des mois et des années, intactes et sans changement! Philippe Lefebvre sentit cette sorte de terreur, religieuse ou funèbre, lorsque, en arrivant &çait de prendre conscience? N'avait-il pas eu tout le Wieliczka, il retrouva l'hôtel où, près de vingt ans plus tôt, il était descendu avec Madeleine et Rex, et, une autre fois, seul; lorsqu'il demanda et obtint le même qu'il reconnut tous les meubles et jusqu'au moindre obappartement, dont il n'avait pas oublié le numéro; lorsjet, dont le visage ne semblait même pas fatigué.

le ciel vide Frédéric Nietzsche à Sils-Maria, en accouchant de cette idole. Jusque-là, Philippe n'avait pas compris que l'on pût souffrir d'une idée, surtout d'une idée fausse; et l'éternel retour lui semblait le plus enfantin des paralogismes, qu'un médiocre élève de philosophie eût aisément réfuté. Mais l'éternel retour étaitil la cause de son angoisse, ou le signe qui attirait sur elle l'attention de son intelligence engourdie, qui le forlong de son long voyage, et d'heure en heure un peu plus, la gorge et le cœur serrés ?

Philippe n'avait pu se murmurer à lui-même le nom de Lembach, sans revoir aussitôt par l'imagination l'officier de réserve qui, hier soir, sur le quai de la gare, dirigeait l'embarquement des soldats. D'autres associations, qu'il n'aurait pas eu, sans doute, grand'peine à

Sa mémoire des dates et des noms avait de nombreuses lacunes et des défaillances; mais la mémoire de ❘ expliquer, mais qu'il avait la paresse ou, contre son

habitude courageuse, la peur d'expliquer, lui rappelèrent ce même Lembach, le jour de l'alerte, à Oxford, dans un hansom, roulant à toute vitesse vers la station, de revêtir ce

exacteux et de sa pensée était si prodigieusement fidèle, la normale, et que la « reconnaissance » (l'essentiel du exacte, qu'il y soupçonnait une faculté développée outre Souvenir) parfois lui devenait douloureuse à force d'in- pressé de retourner en Allemagne... et tensité. Cette troisième visite de Wieliczka ressuscita d'abord tous les souvenirs, futiles et précis, que la seconde avait déjà réveillés, et qui s'étaient, lors de la angoisse: la sienne, ce jour-là, quand, sur les nouvelles première, attachés à chacun de ces objets. Philippe re

même uniforme. Philippe ressentit, comme on entend un son très lointain, il ressentit, et il reconnut, une autre

parcourut, sûrement dans le même ordre, toute la série quitter Oxford, et rentrer, à tout événement.

qu'il recevait de France, il avait cru devoir lui-même

des réflexions philosophiques banales qu'il avait faites, l'autre fois, sur les répétitions de la vie; et de même,

Les simples jeux de la mémoire et de la sensibilité ont parfois un air d'enchaînement rigoureux qui leur

pour rendre sa méditation un peu plus digne de lui, confère une autorité presque égale à celle du raisonnelui avait dictées Lembach, lorsque « l'ennemi », à Ox- géraient l'étrange sentiment qu'il n'avait, de même, p s

ment. Toutes ces apparences trop semblables lui sug

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une seconde à perdre; que, puisqu'il avait tant fait que de venir jusqu'ici pour voir Zosia mourante, il devait la voir, mais ne faire qu'aller et revenir, et reprendre le chemin de Paris aussitôt, le plus tôt serait le mieux. Il se débattait parmi des ténèbres répugnantes à sa conscience lucide. Il n'arrivait pas à démêler si ce qui l'affectait en ce moment, c'était un malaise artificiel, idéologique, ou l'un de ces pressentiments infaillibles auxquels il n'avait jamais désobéi sans avoir sujet de s'en repentir.

Rien ne le retenait à Wieliczka, tout l'en chassait. L'angoisse d'y être seul redoublait son angoisse. Il n'y retrouvait pas, comme la première fois qu'il y était revenu sans compagnons, la présence invisible, mais réelle, de Madeleine et de Rex. Il n'y sentait pas le voisinage, ou plutôt déjà la présence virtuelle de Zosia, qui alors lui avait suffi parce qu'il jouissait de son jeune désir : maintenant Zosia allait mourir, et son désir était déjà mort. Il flairait partout la mort, dans cette chambre et dans son cœur, hantés de souvenirs pâlis et de fantômes.

Et dire qu'il pensait d'abord s'attarder ici, par dilettantisme de mémoire, qui sait? visiter les mines de sel où Rex enfant lui avait offert le rameau, symbole de son artificiel amour! A présent, rien que d'y songer, une sorte de peur le prenait. Il comptait les jours qu'il avait perdus. Il avait reçu la lettre pressante de la comtesse le 11 juillet, on était le 24 au matin! Sans toutes ces tergiversations, ces lenteurs absurdes, où il ne concevait plus rien, depuis longtemps il eût achevé le sinistre voyage, depuis longtemps il serait de retour; et de son jardin de Villerville, à la tombée de la nuit, il verrait se dessiner en traits de feu les avenues du Havre, tourner les phares de la Hève.

Ainsi que tous les flâneurs repentants, ayant perdu quatorze jours, il ne voulait plus perdre une minute. Pourtant, il différa de commander une voiture; il se mit d'abord à la fenêtre, comme s'il eût espéré de revoir l'apparition de jadis, Zosia dans sa troïka, où elle l'eût emmené au château. En vérité, cela eût été bien plus rapide et plus commode. Il n'était seulement pas sûr de la trouver encore vivante, et il allait s'imaginer qu'elle venait chaque jour à la ville prendre son thé et faire ses emplettes! Après quelques instants, il se retira de la fenêtre.

Vite, il descendit au vestibule, et demanda au portier si on pouvait, tout de suite, lui procurer une carriole quelconque pour le mener au château de Wieliczka. En posant cette question, il s'étonna, justement, de la poser, et d'interroger, au lieu de donner un ordre. Pouvait-il douter de la réponse? Il en doutait déjà, et ne fut point surpris, mais alarmé, quand il entendit cet homme lui dire, en hochant la tête, qu'on aurait grand'peine à trouver dans tout le pays n'importe quel véhicule, aujourd'hui.

Pourquoi? dit Philippe avec hauteur et du ton d'un souverain en voyage, de qui les fourriers auraient mal fait leur besogne.

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Le portier répondit avec embarras et pourquoi avec embarras, quand la chose était fort ennuyeuse pour un étranger, mais, après tout, parfaitement naturelle? il lui répondit que, chaque année, à des dates diverses, imprévues, et qu'on ne publiait qu'au dernier moment, l'autorité militaire procédait à des essais de réquisition de toutes les voitures, et que c'était précisément aujour d'hui. Cependant, Philippe n'eut guère le loisir de la réflexion ; car le gérant survint, empressé, craignant peut-être que son subordonné ne fit quelque sottise ou n'eût la langue trop bien pendue. Il assura que rien n'était au contraire plus facile que de mettre à la disposition du très bien né M. Lefebvre l'omnibus automobile de l'hôtel, pour le transporter, Jui et ses bagages.

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Eh bien... je vais me mettre en route... Mais, est-ce que je ne pourrais pas... annoncer ma venue? On lui répondit encore que rien n'était plus simple: on n'avait qu'à téléphoner.

Il pensa que, vu cette facilité, et probablement cette fréquence des communications, on devait avoir ici des nouvelles de Zosia. Il en demanda. On savait bien << la demoiselle » n'était pas d'une forte santé; mais on paraissait ignorer qu'elle fût si proche de sa fin.

que

Cette invraisemblable ignorance jeta un doute dans l'esprit de Philippe. Si mère-comtesse avait, selon sa coutume, récité un peu trop tôt les prières des agonisants? Au souvenir de toutes les étranges difficultés qu'il avait rencontrées sur son chemin, et qu'il se sentait menacé de rencontrer encore, aggravées, au retour, il fut hors de lui de se dire que peut-être aurait-il pu se dispenser de ce voyage, tout au moins le retarder; et il partit pour l'étape dernière, de si mauvaise humeur contre la vieille folle, cause de ses tracas, que son émotion en fut coupée.

La signification du mot « vitesse » a changé, entre la première course qu'il avait faite avec Zosia dans la calèche attelée à la russe de trois chevaux, et celle qu'il faisait seul en automobile aujourd'hui; nous avons perdu le sentiment de ce qu'on appelait jadis une rapidité vertigineuse. Philippe cependant retrouva dans sa mémoire ce souvenir qu'il semble presque impossible de ressusciter, et le vertige qui l'avait étourdi ce jour-là: aujourd'hui, emporté six fois plus vite, il n'éprouvait aucun vertige, et il fallait que l'image ancienne y suppléât. Il se rappela le ciel également pur, l'air plus vif, le crépuscule, la lumière de la pleine lune qui ruisselat sur les bois de sapins, si sombres au midi, mais do toutes les fines aiguilles, à cette heure, étaient parées de diamants, comme le rameau symbolique trempé dans la source de sel; et c'était comme dans les contes de fées aujourd'hui, le paysage était dés enchanté, il semblait banal au morne soleil de juillet.

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Philippe fermait à demi ses paupières et cherchait, sans y réussir, à provoquer l'hallucination: Zosia serrée contre lui, si menue, si frêle et superbe! - la petite reine de Saba, la « Balkis enfant perdue dans l'im mense litière ». Il ne voyait plus, n'était-ce point la faute de cette lumière crue du jour qui avait remplacé les clartés complaisantes de la nuit ? il ne voyait plus, parmi les tulles des voiles, « ces deux yeux ardents qui brûlaient sans se consumer ». Il imaginait des yeux caves, un teint de cire, le visage de la mort; et ce château, qu'il fut bien étonné de voir si vite surgir de la plaine (car ses souvenirs l'avaient trompé sur la durée du trajet), ce château, avec ses murs d'enceinte flanqués de tours qui lui rappelaient jadis les remparts de Constantinople, devenait pour lui le château de la mort, après avoir été jadis celui de la belle au bois

dormant.

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