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der, il tient à elle; seulement il est doué d'une de ces épaisses natures sans intuition, qui n'imaginent, qui ne sentent rien du cœur et de la personnalité des autres: c'est au moral un aveugle-né; en outre, il ne l'aime pas. Alors il n'est pas indélicat, mais il n'a aucune délicatesse. Au total, il ferait un mari assez confortable pour une femme qui n'aurait à son égard qu'une affection conjugale, sans passion, pour une femme-camarade; mais Elise l'aime. Il la traite à peu près comme un «< cavalier du dimanche » fait un cheval qui a la bouche la plus fine, et mis au bouton. De plus, elle souffre tout ce qu'une situation irrégulière fait endurer à une femme bien née. Et tout cela compose une torture à laquelle elle met fin par la mort.

Nulle exagération dans toute cette histoire, rien de poussé au « caractère ». Cela est conté comme M. Boylesve sait faire, par l'énumération de mille petits traits, tous vraisemblables, dont beaucoup, considérés isolément, sembleraient peu significatifs, mais qui prennent leur sens d'être réunis, et par lesquels le récit avance presque insensiblement et sans qu'on s'en aperçoive, pour ainsi dire, enfin qui finissent par créer fortemennt les personnages et l'action en nous. Non plus que le récit, les héros ne sont stylisés leur : blance est immédiate, et d'ailleurs frappante. Et les propos de personnages également ; ceux-ci ne disent pas des choses poétiques, spirituelles, stylisées (comme feraient des héros d'Anatole France, par exemple). ils parlent exactement comme ils parleraient dans la réalité. Ah! que M. Boylesve « fait ressemblant

!

ressem

Bien que la Nouvelle Revue française considère M. René Boylesve comme un romancier tellement négligeable qu'un critique ne saurait parler de son œuvre sans être suspect des calculs les plus louches, j'avouerai néanmoins que j'ai pris grand plaisir à Elise. Un esprit de révolte contre les préjugés mondains s'y manifeste, auquel les lecteurs de M. Boylesve n'étaient pas habitués. Ce n'est pas, certes, que son œuvre, jusqu'ici, soit une apologie de la bonne société il s'en faut ! Plus d'un de ses romans met en scène quelque victimer des convenances »>, soit qu'il nous conte l'histoire d'une jeune fille « bien élevée » ou trop raisonnablement mariée, etc... Mais ce sont là les récits les plus impartiaux du monde. L'auteur est peintre et point moraliste. Non seulement M. Boylesve laissait jusqu'à présent les faits parler et se privait de les commenter, même sous le masque de l'un de ses personnages,mais encore, dans son sujet et jusque dans les détails de son récit, il se gardait de prendre parti et ne manquait pas de faire voir les qualités de la bourgeoisie à côté de ses défauts: il n'y a pas de romans moins faits que les siens pour démontrer quelque chose. Dans Elise, pour la première fois, il me semble, il a pris parti. L'histoire seule de son héroïne fait le procès des « préjugés » sociaux, de la famille, du mariage, de l'amour. D'ailleurs, les réflexions d'Elise (p. 128-29, 165-6, par exemple), qu'il développe à loisir, forment une sorte de réquisitoire contre tout cela, ou, plus exactement (car M. Boylesve a bien soin, Dieu merci! de ne pas se placer au point de vue général et abstrait du sociologue, mais au point de vue pour ainsi dire pratique du romancier), Elise fait le procès de son mariage et de sa famille, qui est fort représentative, avec une lucidité redoutable. Elle sort de ces milieux fort aisés de petite noblesse ou de bonne bourgeoisie, qui ont leurs racines en province, mais qui vivent à Paris, dans les immeubles du boulevard Haussmann ou de l'avenue de Villiers, meublés par le tapissier en «Louis XVI » moderne ou pseudo-ancien, et dont le Ilustre de cristal est si souvent enveloppé de gaze. Son perc, sa mère, elle ne se cache pas qu'ils sont quelcon- grâce, une langueur nouvelles remplaçaient à mesure (...).

ques, pourtant elles les aime et les respecte (un peu machinalement); mais les autres, sa sœur sotte, et surtout ses oncles, tantes, cousins innombrables, le caractère artificiel du lien qui les unit à elle, où le cœur n'est pour rien, où le préjugé est tout, elle le proclame. Et certes la façon qu'a M. Boylesve de la faire parler n'a pas la brutalité de celle qu'aurait eue quelque Mirbeau. Mais on croit sentir dans tout cela une sorte d'ardeur.

Si même ces (

principes ne sont que « le fruit de l'expérience de nombreuses générations », s'ils ne sont

Cependant, Elise est l'histoire d'une passion. L'auteur d'Elise est aussi celui de Mon amour et du Meir leur ami qui sont, je crois, les plus touchantes monographies de passions qu'on ait écrites depuis Dominique et Volupté. Seulement, dans Mon amour et dans le Meilleur ami, les personnages dont on expose les désirs et le sentiment, sont des hommes. Dans Elise, ce personnage est une femme. Et jamais un écrivain mâle ne décrira d'une façon vraiment précise, circonstanciée et compétente les émotions amoureuses que peut causer un homme, soit qu'il ne les devine, soit plutôt qu'il éprouve à les imaginer quelque gêne. Pourquoi et comment un homme plaît, exactement, c'est à quoi il nous répugne un peu de songer trop précisément. Voyez dans le Meilleur ami, cette notation délicieuse :

Il me sembla que Bernerette, en s'agitant, abandonnait tous les mouvements de la jeunesse insouciante et pure; elle secouait ses bras, ses jambes, son jeune corps si souple, et j'en voyais tomber un à un les derniers gestes puérils, qu'une

Je me souviens d'un rien : après avoir sauté sur la pelouse (...), elle porta la main à son sein qu'elle avait senti vibrer, et aussitôt elle fut un peu gênée et s'assit.

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Son héros fût-il jeune et charmant, M. René Boylesve ne noterait rien d'analogue sur lui, comme pourrait faire, si l'on veut, Mme Colette. Pour nous duire ce qu'éprouve Elise de la présence de M. Le Coûtre, pour nous faire sentir l'amour d'Elidése, il n'imagine pas de si exquis et précis tails: c'est assez naturel.. Mais lorsqu'il montre les

que des conclusions de la raison, on pourrait répondre à-côtés, les conséquences, lorsqu'il invente les faits de

à Elise que ce n'est pas là un motif suffisant de les

mépriser

au

contraire. Mais elle est femme et ne met

pas un instant en doute que seul compte l'amour. Et il faut avouer, d'ailleurs, que sa vie est assez malheureuse pour lui permettre quelque rancœur.

Mariée à un bellâtre qu'elle n'aime pas et qui la trompe, elle le quitte, revient chez les siens, et puis un n'est point beau, ni jeune, ni brillant, ni distingué, mais c'est un fort brave homme; et il est content de la possé

(1) Elise, roman, par René Boylesve (Calmann-Lévy). Quand Israël est roi, par Jérôme et Jean Tharaud (Plon).

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la passion d'Elise c'est là au reste son vrai sujet peut-on être plus fin que lui ?... Ah! vous, de la race de M. Le Coûtre, qui peut-être ne goûtez pas la sensibilité et la juste intuition d'un Boylesve, comme dirait Gérard d'Houville: tant pis pour vous!

X

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Si déjà quelques voyageurs, et M. Georges Clemenceau lui-même, nous avaient montré en passant ces étonnantes juiveries de Galicie ou de Pologne, ils ne l'avaient fait que du dehors. Il était réservé à MM. Jérôme et Jean Tharaud de nous faire pénétrer dans le ghetto. Voici le village hongrois, galicien, polonais,

russe ; à côté de lui les masures juives, avec la synagogue grâce à l'Ombre de la Croix et à Un royaume de Dieu (1), nous avons vu vivre devant nous, comme un essaim d'abeilles sous une cloche de verre, le peuple noir, grouillant et pouilleux qui y loge. Nous avons assisté à sa vie tyranniquement réglée par les six cent treize obligatons rituelles de sa foi. Nous l'avons vu s'assembler chaque jour, matin et soir, dans la synagogue misérable et empestée, y débattre les affaires de la communauté, y prier son dieu avec ses gesticulations forcenées. Nous l'avons accompagné au bain rituel, chez le « rabbin miraculeux », en voyage; nous avons assisté à ses fêtes, à ses mœurs; nous avons connu ses espoirs, sa religion, ses besoins, ses moyens, toute son âme...

|

Un jour, l'un de ces Juifs, immonde, crasseux, illettré, qui ne sait que sa Torah et qui ne parle guère que le yiddisch; qui a toujours vécu entre son taudis et sa synagogue, dans son village perdu un jour, pour fuir le service militaire, ou parce qu'il meurt de faim presque tout à fait, ou pour toute autre raison, il charge sur son dos son maigre bagage et abandonne le ghetto natal. Il s'en va par les routes, vivant comme il peut, anxieux seulement, s'il est pieux, de trouver chaque soir les neuf autres enfants d'Israël qu'il lui faut pour dire valablement sa prière. Il arrive à la frontière roumaine, hongroise. Là, la police l'arrête et lui demande ses papiers il n'en a pas et en vain il se lamente, il implore. << Mais du pas de sa porte, Jacob, Abraham ou Levi voit son coreligionnaire qui se débat entre les mains du gendarme « Malheur, Maître du monde ! se dit-il en luimême. Encore un Juif qui nous arrive! Nous ne sommes déjà que trop ici ! Que ne reste-t-il dans sa Pologne, ce maudit Juif en caftan ! » Et tout en marmonnant cela, ses pieds plats qui chavirent dans ses souliers éculés ces pieds qu'au jour du Jugement le Seigneur connaîtra entre mille se sont déjà mis en mouvement -et l'emportent vers son frère dans la détresse (...) Jacob, Abraham ou Lévi aborde le gendarme et lui dit simplement. « C'est mon parent, il est mon hôte. Lâche-le, il demeurera chez moi. » Et voilà le premier miracle! La frontière est passée... »

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peuple juif qu'il n'existe de peuple juif sans judaïsme. » (1). A travers les siècles, les lois et les croyances israélites ont toujours été confondues; dans la tradition juive, la nation et la religion sont indissolublement liées; et c'est le formalisme rigide et minutieux de sa foi qui a conservé le peuple déraciné des Hébreux. Etre juif, ce n'est pas seulement être le coreligionnaire d'un autre Juif : c'est être son compatriote, c'est faire. partie du même peuple élu que lui. On peut éprouver de la sympathie pour le pays où l'on habite, pour la patrie dont on parle la langue, mais on ne saurait lui appartenir de la même façon qu'un catholique ou un protestant, aussi longtemps du moins qu'on garde la conscience claire d'être un fils du peuple d'Israël. Est-ce à dire que toute assimilation est impossible? Certes non, mais il y faut des générations.

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Notre Juif ignore jusqu'à la langue de son nouveau pays; n'importe, il l'apprendra bien vite. Cependant, le voici qui court la contrée, « sifflant pour vendre sa pacotille et appeler les femmes sur les portes, troquant une grappe de maïs contre un petit miroir, de vieux fers contre une poignée de sel. » A présent, il est marchand dans une échoppe, puis dans une boutique, à Busk ou à Zada-Gora; il paie scrupuleusement, pèse avec honnêteté et ses affaires prospèrent. Puis, un beau jour, son magasin assuré brûle, « ou bien une faillite savamment combinée lui laisse en toute propriété les dix mille francs de marchandises nécessaires à un commerçant pour être honnête... » Mais non; pourquoi imaginer cela? Son industrie suffit à l'enrichir. Il a acheté des terres, prêté, placé adroitement ses capitaux. Un jour, il aura une chaîne d'or sur le ventre et un lorgnon d'or sur le nez. Ses fils seront gros commerçants, industriels, banquiers à Budapest. Leurs enfants floriront à New-York, à Londres ou à Paris. Ils y seront des personnages, et quand on leur contera qu'il existe encore des ghettos, ils diront: «Est-ce possible? >>

Ceux-là, on jugera qu'ils sont « assimilés ». Le sont ils bien, pourtant? C'est que, pour cela, il leur faudrait n'être plus juifs, ou du moins être plus Polonais, plus Roumains, plus Hongrois, que Juifs. ne saurait-on être ensemble bon catholique ou bon calQuoi dira-t-on, viniste et bon patriote ? Si ! Mais ce n'est pas la même

chose.

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Car le judaïsme n'est pas seulement une religion, il est une patrie. « Il n'y a pas plus de judaïsme sans (1) Plon, éditeur.

L'ancêtre dont nous avons conté l'odyssée, le Juif << sauvage »> (comme on les appelle en Hongrie), qui est arrivé à pied, vêtu de sa sordide lévite, quand il a commencé de devenir riche, d'être un monsieur, il lui a bien fallu renoncer à vivre en bon Juif, en Juif pieux. Et comment l'aurait-il fait en dehors d'une communauté? Avaitil le loisir de passer une partie de ses jours à la synagogue? Et un homme occupé, exposé à voyager pour ses affaires comme lui, pouvait-il respecter les rites minutieux des rabbins et du Talmud, qui règlent les détails de la vie à toute heure du jour, consommer les plats qu'il faut aux jours dits: par exemple, les cinquante-trois sortes de gâteaux prescrits le jour de la Pentecôte? Qui sait même s'il ne lui est pas arrivé trop souvent de manger de quelque bête qui ne fût pas kacher, qui eût été tuée à la façon des chrétiens? Ses fils le plus souvent respecteront moins encore leur religion que lui. Peut-être, ses petits-enfants seront libres-penseurs. Mais mille ans de nationalisme ardent pèsent sur eux pourront-ils se défaire de toute une longue et séculaire tradition qui n'est pas seulement religieuse, mais qui est ethnique; pour ront-ils perdre leur âme nationale? Point si vite: l'his toire du bolchevisme hongrois dont Quand Israël est roi nous offre un récit saisissant en est la preuve.

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Dans la riche Hongrie, les Juifs ont toujours été bien accueillis, et mieux qu'en nul autre pays du monde. De Pologne, de Russie, et d'Autriche même où ils étaient persécutés, ils accouraient en foule. « Les uns entraient au service d'un seigneur en qualité de hazi jido, c'est-àdire de juif de maison, d'intendant, d'homme à tout faire; les autres s'installaient dans les villages, le plus souvent comme cabaretiers, et jouaient auprès des paysans à peu près le même rôle que le hazi jido près du noble laïque ou du seigneur laïque. » Le paysan hongrois n'estime que la culture et l'élevage au Juif, le souci de vendre, d'acheter, de commercer, de tenir le cabaret, d'exercer les petits métiers, plus de tracas ! Et ainsi tout le soin du négoce revint à Israël, au point que, sans lui, le pays n'eût plus su vivre. Puis, après la beaucoup de nobles se virent à demi ruinés, les Juifs révolution de 1848 et l'abolition du servage, quand prêtèrent d'abord, puis achetèrent les terres à leurs débiteurs le quart de la propriété, peu à peu, leur appar tint. Enrichis, ils gagnèrent la ville, « et la banque, l'industrie, tout le haut commerce de Pest, tombèrent aux mains d'Israël », sans cesse renforcé par des vagues d'émigrants.

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D'une telle hospitalité, les Juifs se montrèrent reconhongrois que les Hongrois eux-mêmes, prenant leur naissants, paraît-il : « ils s'ingéniaient à se montrer plus langue, leurs façons, leurs sentiments, leur patriotisme. aussi, avec cette ardeur excessive qu'ils apportaient en (1) Georges Batault: Le problème juif (Plon, édit.), p. 209. (1) Cité par G. Batault, Op. cit., p. 210. (2) Idem.

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toute chose. Beaucoup d'ailleurs étaient sincères... » Pourtant, la guerre ayant éclaté, la moitié des médecins, qui étaient israélites, aidèrent leurs coreligionnaires à s'embusquer; ils y réussirent, d'ailleurs, fort bien : le quart des officiers chrétiens, 8 o/o seulement des officiers juifs sont morts; 48 0/0 des étudiants chrétiens, 70/0 des étudiants juifs; 17 0/0 des soldats magyars, 100 des soldats juifs. Encore s'il n'y avait que cela ! Mais lorsque le vaniteux comte Michel Karolyi, tout entouré d'intellectuels juifs, eut été porté au gouvernement, le 30 octobre, par une poignée de Juifs audacieux; puis lorsqu'il eut été « démissionné », en mars, par ses deux secrétaires, les Juifs Kunstaedter, dit Kunfi, et Krammer, dit Kéri, on vit arriver au pouvoir le Juif Bela Kun et les autres chefs communistes, Laszlo, Corvin, Rabinowitz, etc., tous juifs eux aussi : ce fut le triomphe d'Israël. Dix huit commissaires du peuple sur vingt-six étaient israélites, quand sur vingt et un millions d'habitants, la Hongrie ne comptait que 5 0/0 de Juifs. Juif, Joseph Pogany, qui organisa la terreur; et, si le chef des bourreaux qui s'intitulaient les « gars de Lénine »>, Cserny, était chrétien, l'un de ses deux recruteurs, Boris Grunblatt, était juif. Juifs encore, le sinistre Tibor Szamuely, inquisiteur sadique des campagnes, et presque tous, sinon tous ses tueurs « diplômés », et l'immonde Otto Klein, dit Corvin, et les Lazar, les Schoen, et le personnel secondaire. Juif enfin, tout le bolchevisme hongrois... Faut-il s'étonner si aujourd'hui l'antisémitisme est devenu ardent en Hongrie, si l'on veut «< expulser du pays les cinq cent mille Galiciens arrivés durant la guerre », si on «<< limite le nombré des Juifs admis à l'Université, pour diminuer leur importance dans les professions libérales qu'ils avaient envahies », si on « ferme les loges maçonniques, presque uniquement juives », si les paysans ont pendu quelques bolchevistes hébreux, si un peu partout les Israélites sont brimés dans la nation qui naguère les accueillait le mieux et dont ils ont essayé de détruire la civilisation? Beaucoup se convertissent. Mais c'est leur âme nationale

qu'il faudrait changer, leur âme agitée, fébrile, adroite, destructive et sans profondeur, leur esprit messianique qui les pousse à voir dans le bolchevisme, comme disent les Tharaud, la « Jérusalem nouvelle ». Et combien de générations faut-il, encore une fois, pour qu'un Juif s'assimile, comme ont fait la plupart des nôtres, au peuple qui l'a accueilli ?

La Musique

JACQUES BOULENGER.

De la musique allemande

I

là qu'il a réuni tous les souvenirs de sa femme morte, et son portrait. C'est là qu'il vit. C'est là qu'au début de l'acte, sa servante Brigitte introduit Frank. Ce Frank, qui est un ami de Paul, est tout à fait inutile à l'action. Mais il permet à Brigitte d'expliquer le décor, et de dire la funèbre manie de son maître, enfermé ici avec tous les souvenirs de la morte. Depuis hier, cependant, tout semble changé. Paul a ordonné qu'on orne cette pièce de roses. Lui-même vient, et comme Frank lui dit avec compassion que la morte était belle, il rectifie: « Elle est belle. » Que signifie ce présent? C'est que Paul a rencontré une femme qui est le portrait même de celle qu'il pleure. Ce sont ses traits et sa voix. Et elle a promis de venir. Elle vient en effet. A vrai dire elle se nomme Mariette (la femme de Paul se nommait Marie), et elle est danseuse. Mais elle chante un vieux lied que Marie chantait. Quoi qu'elle dise, c'est la voix de la morte que Paul entend. Cependant ses camarades, sous la fenêtre, appellent Mariette qui doit aller à la répétition. On sait que, dans les opéras, l'usage est de s'avertir en se donnant des aubades. Mariette disparaît, et Paul, resté seul devant le portrait de sa femme, le voit s'animer et lui reprocher la nouvelle venue. Paul proteste que dans Mariette il ne voit que Marie, et la toile tombe.

Par un dispositif assez curieux, le second tableau, au début, répète la fin du premier, et s'enchaîne ainsi avec lui. Puis la scène représente un quai de Bruges. Là, Paul attend Mariette qui est devenue sa maîtresse. Il rencontre d'abord Brigitte qui, effrayée par le péché, l'a quitté pour entrer dans un béguinage. Puis il voit son ami Frank, celui-là même que nous avons vu au premier acte, et qui, jaloux, lui enjoint de renoncer à Mariette. Et, pour prouver qu'il est préféré d'elle, il lui montre la clef que Mariette lui a remise.

Cependant on voit venir une troupe de comédiens, qui sont les camarades de Mariette. Paul se cache derrière des arbres, et assiste à la scène. Ici l'auteur a glissé une scène entre Mariette et l'un des comédiens, Fritz,

déguisé en Pierrot; et il semble bien que cette scène ait surtout pour dessein de faire entendre un lied de forme populaire. Cependant les comédiens doivent jouer Robert-le-Diable. Ils décident de répéter sur le quai même. Le régisseur, Victorin, siffle l'air: Nonnes qui reposez... et Mariette, se levant de sa tombe imaginaire, commence à danser. Quand Paul, sortant de l'ombre d'un arbre, apparaît, elle n'est pas troublée. « Tu es tout à fait Robert le Diable », dit-elle. Mais la scène tourne rapidement au tragique. Les comparses s'en vont, comme c'est le devoir de personnages épisodiques qui savent leur métier. Paul et Mariette restent seuls. « Je ne t'ai jamais aimée, dit Paul. C'est l'image de la morte que j'aimais en toi. » Mariette, piquée, pitoyable aussi, décide de chasser le spectre de la morte.

Sans doute, parler de la musique à ceux qui ne l'ont pas entendue, c'est montrer la lanterne magique sans Péclairer. Et en l'avoir entendue soi-même, c'est multiplier à plaisir les parler sur la foi d'une lecture, sans chances d'erreur. Il faut pourtant braver ces risques. Il est à peu près impossible de suivre l'histoire de la musique en négligeant ce qui paraît en Allemagne. Et deux partitions que j'ai reçues de Rhénanie, et qui ont eu un très vif succès, me semblent propres à intéresser le persiste. Il se

lecteur.

L'une s'appelle La Ville Morte (die tote Stadt). Elle a été gravée en 1920. L'auteur est M. E.-W. Korngold. L'action se passe à Bruges, à la fin du XIXe siècle, et

l'ouvrage est un à la Belgique de l'avoir pillée et opprimée, et qu'après 31 vera avec plaisir que les Allemands n'en veulent pas

arrangement du roman de Rodenbach.

Au début du tableau suivant, nous avons la surprise de la retrouver un matin, dans la chambre du premier acte, devant le portrait de la morte, qu'elle raille en femme victorieuse. Paul survient, et interrompt ee combat entre la vivante et l'ombre. Mais Mariette, ivre de son triomphe, n'obéit plus. Elle a saisi une natte des cheveux de la morte, et elle s'en fait un accessoire pour danser. Paul lui ordonne de cesser ce jeu sacrilège. Elle jette sur elle, et il l'étrangle avec les cheveux de sa rivale. Mortes toutes deux, maintenant, les deux femmes sont parfaitement semblables, et Mariette se confond avec Marie. Cependant l'obscurité s'est faite. Quand la lumière revient, la chambre est exactement ce qu'elle était au premier acte. Paul, qui était

endormi, ouvre les yeux. Brigitte, la servante, apporte

une lampe. Elle ne s'est donc pas retirée chez les

tout cela, ils lui dérobent ingénument des sujets de béguines? Mariette entre, et vient chercher son ombrelle,

rêverie.

Examinons d'abord le livret. Nous voici d'abord dans

qu'elle avait oubliée. A cette vue, Paul comprend que le II et le début du III sont un rêve. Mais ce rêve a suffi

la petite pièce que Paul appelle le temple du passé. C'est à détruire cet autre rêve, qui était le deuil où il se

plaisait. Il suppose complaisamment que c'est là un avertissement de sa femme, pour l'avertir de ne pas trop vivre avec les morts. Le funèbre bonheur qu'il s'était fait de sa fidélité à un amour défunt, est aujourd'hui en ruines. La pièce, sans que l'auteur le dise, est le triomphe de la Vie.

Ce combat de la vie et de la mort, annoncé dès le début, est le sujet même de l'ouvrage. Un drame lyrique ne peut guère se passer de ces thèmes généraux. Comment M. Korngold a traité cette donnée, et sur quels principes est construite sa musique, c'est ce que nous verrons la semaine prochaine.

La Curiosité.

HENRY BIDOU.

A propos du legs Dutuit

Les collections célèbres, quand elles ont échappé à la dispersion des enchères, gardent une vie spéciale, comme des créations d'art originales. A l'exemple des chefs-d'œuvre littéraires, artistiques ou musicaux, elles connaissent des périodes de gloire et d'effacement, de succès tapageur et d'oubli, des revirements imprévus de l'opinion jusqu'au jour, où, comme le legs Lacaze au Louvre, elles entrent pour jamais dans l'immortalité.

A

Le cap difficile à doubler pour ces groupements plus ou moins notoires, réunis au gré de l'érudition, du goût ou simplement de la fantaisie d'un amateur, c'est celui du premier quart de siècle. L'enthousiasme qui a accueilli le don ou le legs est éteint, la provision d'anecdotes épuisée, la curiosité du public lassée. La collection comparaît devant une génération nouvelle qui confirme ou casse le jugement du premier tribunal. Et cette fois la personnalité du donateur n'est plus en cause. Sa mémoire ne survit plus que dans des articles de journaux oubliés ou dans le souvenir de quelques vieux collectionneurs. Ses seuls témoins, ses seuls répondants, ce sont ces émaux, ces estampes, ces tableaux, ces livres, ces ivoires, ces faïences, ces tapissseries qu'il a amassés au cours de son pèlerinage passionné dans le monde de la curiosité et qu'au lieu d'emporter dans la tombe, comme les anciens Egyptiens, il a légués à la collectivité pour que, d'une satisfaction de passion un peu égoïste, naissent un enseignement et un plaisir pour tous. Le legs Dutuit est en marche vers sa vingt-cinquième année. Henry Lapauze aurait pu attendre cet anniversaire pour ouvrir les nouvelles salles du Palais des Beaux-Arts, où il vient de les réinstaller, après leur voyage forcé à Toulouse en compagnie de tant d'autres richesses artistiques nationales. Mais il avait hâte et comme on le comprend! de faire admirer, dans le cadre approprié où il les a placées, les richesses des deux grands collectionneurs rouennais. Je me trompe. Ils étaient trois. Car aux noms d'Auguste et d'Eugène unis dans la même fièvre collectionneuse que les frères Goncourt il faut ajouter leur sœur Héloïse, associée, sinon à leurs recherches, du moins à leur générosité.

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Les Dutuit ont leur légende, calquée sur la vie miraculeuse des Sauvageot ou autres cousins Pons de l'époque romantique. On répète complaisamment l'histoire d'Eugène, revenant de Londres en dernière classe sur le paquebot, en troisième classe sur le chemin de fer, et serrant sur son cœur, sous un waterproof élimé, le précieux chandelier de Saint-Porchaire, qu'il venait de payer cent mille francs. En réalité, les Dutuit n'avaient rien de ces collectionneurs d'autrefois. C'étaient des amateurs qui ne regardaient pas à l'argent et qui, pour ne pas se tromper, donnaient des commissions pour ainsi dire illimitées à leurs mandataires, quand ils con

voitaient une pièce notoire dans une collection illustre. Peut-être avaient-ils un autre critérium. Eugène connaissait les gravures son Manuel de l'amateur d'estampes inachevé en fait foi tampes inachevé en fait foi - Auguste s'était cantonné dans l'antiquité. Mais, en y ajoutant leur préférence marquée pour les maîtres hollandais où, certes, leur goût s'est utilement exercé, l'ensemble de leur collection déconcerte par son éclectisme. La Ville de Paris en profite, puisqu'elle lui doit l'embryon d'un musée où toutes les séries sont amorcées et qui deviendra, avec le temps, un des premiers du monde. Mais quand on a parcouru ces salles peuplées de chefs-d'œuvre, où les émaux voisinent avec les ivoires, les Palissy avec les Faenza, les Sèvres avec les orfèvreries de la Régence, on ne peut s'empêcher de s'écrier: « Mais qu'aimaientils donc, ces deux amateurs! >>

Ce qu'ils aimaient, je l'ai déjà dit. C'est la grande vedette, le tableau ou l'objet célèbre, le grand premier rôle de la Comédie des enchères. Ils se disaient sans doute qu'en enlevant à coup d'enchères retentissantes la pièce que les amateurs des deux mondes convoitaient, ils étaient sûrs de ne pas acheter chat en poche.

Le chandelier et la buire en poterie fine de Saint-Porchaire, de la collection Andrew Fountaine, étaient connus de tous les grands collectionneurs. Les journaux de mai 1884, dont j'ai des exemplaires sous les yeux, redisaient l'histoire de ces « faïences », comme on les appelait et comme on les appelle encore improprement. L'Art rapportait même ce détail piquant, emprunté au catalogue de l'exposition de 1862, au musée de South Kensington, où ils avaient figuré : « Lorsqu'elles devinrent la propriété de leur possesseur actuel, M. Andrew Fountaine, elles furent trouvées soigneusement enveloppées d'une couverture de laine dans un panier d'osier placé sous un lit, au grenier de Harford Hall. Quelque zélée servante avait sans doute pris ces soins particulier s sous une impression traditionnelle que ces objets étaient de bien plus grande valeur en eux-mêmes que tout l'ensemble des trésors d'art. »

Que fit Eugène Dutuit? Il envoya à Londres son mandataire Clément, qui lui télégraphia:

« Rouen, de London. Dutuit, quai du Havre, Rouen. Acheté flambeau pour 91.875 francs, biberon pour 26.512 francs. Lettre suit. CLÉMENT.

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Et sur le coin du télégramme, Dutuit traça flegmatiquement son addition: 91.875 +26.512-118.387 francs. Je ne compte pas, au nombre de mes amis, d'amateurs possédant des poteries de Saint-Porchaire et je le regrette pour eux et pour moi, qui en profiterais au moins par la vue mais j'ai connu dans mon enfance, un brocanteur de La Rochelle, le père Monté, qui vit passer par ses mains deux salières de Saint-Porchaire trouvées dans la région. Il vendit la première 500 francs et s'en mordit les doigts. Il demanda 2.000 francs de la seconde sième, de ne pas la lâcher au-dessous de 10.000 francs. et fut pris au mot. Il jura, s'il en retrouvait une troiMais il n'en revit oncques le moindre teston, et ne s'en consola jamais.

Ne pensez-vous pas que les marchands ou les amateurs qui surent dépister dans la boutique poudreuse de trempe que les Dutuit? La Rochelle les précieuses figurines étaient d'une autre

Quoi qu'il en soit, voilà désormais leurs trésors à l'hoaneur dans les nouvelles salles du Palais des Beaux-Aris. L'ensemble est harmonieux, logique, et si méthodique, qu'il semble qu'aucun autre rangement n'était possible et qu'on ne puisse envisager pour l'avenir aucune modification à l'œuvre d'Henry Lapauze.

Gardons-nous d'une telle illusion.

Grâce aux arrérages importants du legs, dont l'accumulation pendant les années de guerre a permis de réaliser d'un seul coup ce superbe aménagement, cette col

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lection incomparable, où toutes les séries de la haute curiosité sont échantillonnées par des pièces de choix, peut et doit s'accroître d'année en année. Les grands amateurs rouennais ont fondé le véritable musée d'art ancien de la Ville de Paris à côté de Carnavalet, qui mériterait, à juste raison, le titre de musée d'art et d'histoire de la capitale.

Et justement parce qu'elles n'encourent pas le même reproche, les dispositions testamentaires des frères Dutuit nous ramènent par comparaison à ces collections entrées depuis un demi-siècle et davantage dans nos musées nationaux, jalousement cantonnées dans un superbe isolement, de par la volonté des légataires.

Certes, chacune, en particulier, constitue un tout inestimable, mais en mettant à part les séries spécialisées, comme les tabatières de Philippe Lenoir ou les montres de Paul Garnier, qui ne forment qu'un joyau de plus au milieu des salles consacrées aux mêmes objets et aux mêmes époques, comme elles nous paraissent amoindries dans l'immense trésor artistique ambiant! Chacune a ses mérites. Dans toutes les séries, elles présentent à notre admiration des pièces dignes de nous fixer. Mais il y a trop de chefs-d'œuvre dans la grande maison. Des objets de premier ordre dans une collection particulière passent au second et même au troisième plan. On en vient à regretter leur groupement artificiel et on imagine quel relief ils prendraient, si l'amour-propre posthume de leurs donataires ne s'opposait pas à leur dispersion dans les séries similaires.

Je ne l'ignore pas. Cette perspective d'attacher son nom à une fondation est pour beaucoup dans ces dons généreux dont nos musées nationaux ont tant besoin. C'est une illusion de survie, une prolongation dans le temps et l'espace de leur personnalité de collectionneur qui pousse les légataires à faire leurs inestimables cadeaux. Mais pourquoi ces fondations seraient-elles perpétuelles? Pourquoi ne prévoirait-on pas une date au bout de laquelle, ipso facto, la collection serait répartie méthodiquement entre les diverses salles du musée. La loi a fixé à cinquante ans la durée de la propriété littéraire. Je demande une loi pour qu'au bout du même nombre d'années ou de cent ans, si l'on veut main impitoyable des conservateurs puisse rompre les liens fragiles qui groupent arbitrairement cette moisson d'objets disparates à laquelle le donataire n'a souvent rien attaché de personnel, pas même un choix particulier dans la recherche, puisque la plupart du temps il n'a fait que suivre, en bon mouton de Panurge, les hautes cotes des antiquaires et de l'hôtel des ventes.

Voyages

HENRI CLOUZOT.

En Hongrie (1)

II

la

Je l'ai dit, dans cette Hongrie dépecée et mortifiée règne une volonté opiniâtre de recréer un meilleur destin. L'infortune n'abat pas une race ancienne : c'est dans les pires désastres qu'elle fait le mieux éclater sa vertu. Jusqu'aux plus tristes épisodes de son histoire dramatique lui servent de raison d'espérer. Elle n'oublie pas que, par une étrange concordarnce, le territoire délimité

tain appareil militaire. Au détour des escaliers se tiennent des sentinelles immobiles, c'est un officier qui vous accompagne, un autre qui vous reçoit dans le grand salon où l'on attend. Tout à coup, une porte s'ouvre à deux battants, on entend venir un pas impérieux, napoléonien. Son Altesse Sérénissime, dans l'uniforme d'une marine périmée, a une tête droite, un visage glabre aux sourcils touffus, à la bouche rentrée sous un nez qui proémine. Tout, dans la tenue, dans l'expression noble et franche des traits, dans l'accent de la voix et l'insistance du regard, annonce un chef. Pendant qu'il parle, avec beaucoup de sérieux et d'énergie, l'amiral frappe une main contre l'autre, dos contre paume, et ses paroles sont scandées par ce geste régulier, ainsi que par le bruit métallique de ses décorations qui, à chaque mouvement, se heurtent sur sa poitrine. Il redit ce que nous savons, combien la Hongrie a souffert, et qu'elle paie pour les fautes de Vienne. Mais il ne se lamente pas. Il affirme la résolution de son peuple de se remettre debout, et par ses propres forces. Il proteste contre l'attribution éventuelle de la Hongrie occidentale à l'Autriche. « Nous, remarque-t-il avec assurance, nous ne prenons pas dans les poches de nos voisins. » Et, devenant plus âpre, plus stoïque, il va jusqu'à affirmer que l'épreuve, si dure qu'elle soit, sera salutaire. Un pays dont l'existence est trop facile est voué à la décadence. On sent, chez ce calviniste, familier de l'héroïsme, la décision arrêtée d'entraîner tout son peuple vers les hauteurs.

Au temps du bolchevisme, l'amiral avait constitué un gouvernement, une armée à Szeged, et adjurait les Alliés de le laisser marcher sur Budapest. On ne le lui permit pas. Quand, après de nombreux ultimatums du Conseil suprême, les Roumains consentirent à évacuer le pays, Horthy fut autorisé à prendre possession de la capitale. Ce fut alors la Terreur blanche. Personne en Hongrie ne conteste qu'il y eut une réaction fort vive, que les soldats collèrent au mur des communistes et des juifs, que les loges maçonniques furent dissoutes, l'état de siège décrété, des camps de concentration institués. Mais quoi, me dit-on, ne fallait-il pas détruire l'anarchie? Après le bolchevisme, il n'y avait plus rien, ni police, ni tribunaux, ni sécurité, ni ordre public. L'armée fit les besognes nécessaires. Aujourd'hui, le régime d'exception est fortement atténué. Les garanties légales sont presque toutes rétablies, aucun désordre n'est à craindre. Sur douze cents personnes internées, la plupart sont des condamnés de droit commun. Il est vrai, nous ont dit les représentants de l'opposition, que la liberté de la presse est encore illusoire, et que la liberté de réunion, celle de former des sociétés, n'existent pas.

En somme, après avoir écouté avec soin la thèse gouvernementale, celles des libéraux, des socialistes, des juifs, on se représente que la Hongrie est dirigée actuellement, d'une manière d'ailleurs intelligente, par la droite, alors que la la masse du pays est de tendances démocratiques. Les hommes au pouvoir sont des aristocrates, des cléricaux, des militaires: ici, comme en Hollande, il y a alliance entre les catholiques et certains milieux protestants (1). Mais tandis que les protestants mettent leurs hommes en avant (non seulement le régent, mais le comte Bethlen, premier ministre; le comte Banffy, ministre des affaires étrangères; M. de Hegedus, ministre des finances; le comte de Raday, ministre de l'intérieur; M. Tomcsany, ministre de la justice; M. Szabo, ministre de l'agriculture, sont des

par le traité de Trianon, c'est exactement celui de la Réformés), les catholiques préfèrent agir au Parlement

chassé

sous la domination turque. Le Turc a été

Horthy, est un modèle indomptable. Il habite une parDe cette volonté unanime, le chef de l'Etat, l'amiral tie de l'ancien palais royal. On y est reçu avec un cer

(1) Voir l'Opinion du 30 juillet.

et dans les coulisses. Ils n'en sont pas moins actifs. On
m'a prétendu que le Vatican aurait songé à faire de la
Hongrie la base d'un mouvement catholique dans
l'Europe centrale des instructions dans
:

ce sens

(1) Le tiers des Hongrois sont luthériens ou calvinistes.

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