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mann dont l'œuvre célèbre a clos la méthode pour ainsi La Vie Economique
dire statique d'apologétique à la manière de Bossuet
qui niait catégoriquement toute évolution dogmatique
pour mieux affirmer la permanence, Maistre a été l'un
des premiers à préconiser une dialectique en quelque
sorte dynamique et à bien des propos même pragma-
tiste. Mais il ne bornait pas ses espérances à un déve-
loppement régulier et quasi spontané des dogmes. Il
attendait plus encore: « une nouvelle effusion de l'Es-
prit ». Notre époque, prophétisait-il, serait la plus
grande des époques religieuses et précéderait un épa
nouissement sans précédent du christianisme. La Révé-
lation jusqu'ici est suffisante pour notre salut, mais elle
n'est pas encore complète. Lui-même, Maistre, cherchait
à prendre dans les doctrines théosophiques et martinis-
tes de son époque ce qu'elles avaient « de bon » pour
trouver dans certaines de leurs explications métaphy-
siques et mystiques une sorte de « révélation de la ré-
vélation ». Mais le jour viendra, Eroit-il fermement, sans
tomber pour cela dans le millénarisme par trop matériel
de certains visionnaires, d'une troisième et plus grande
manifestation de la Divinité. « Par une première révé-
lation, note-t-il, Dieu concentre la vérité dans une petite
nation. Par une seconde, Jérusalem, s'agrandit. Cepen-
dant elle est toujours au milieu des nations. Le com-
plément de l'Euvre amènera une troisième manifesta-
tion. Il faut désirer qu'alors les possesseurs de la vérité
n'entendent pas le reproche : « Parce que vous avez sur-
passé [en impiété les nations qui sont autour de vous],
etc., etc. (Ezéchiel. v.). » Ces réflexions sont datées de
Venise, 9 mars 1799. Maistre était alors au milieu de
toutes les angoisses de l'exil, du voyage et même de la
pauvreté ! On sait quel parti il tira de cette idée
plus tard, et tout le monde a lu les belles pages mysté-
rieuses et enthousiastes qui terminent, tout en le laissant
comme volontairement inachevé, le dernier entretien des
Soirées.

La politique des coopératives socialistes

Récemment, d'honorables maîtres de l'Université apposaient leur signature au bas d'un manifeste, qui littérairement, célébrait les merveilles de la coopération, et transformait le principe coopératif en talisman so cial. Au mois de mai, à Lyon, se tenait le Congrès national des coopératives françaises, et à Scarborough le 53° Congrès annuel des coopératives britanniques. On célèbre volontiers les bienfaits de cette institution. On n'a pas tort. Les coopératives ont rendu de grands services; elles en peuvent rendre de plus grands encore. Leur but, qui est de défendre le consommateur et de lui permettre des économies, est populaire. Mais par quels hommes sont-elles menées? Qu'ont-ils fait, et que prétendent-ils faire de ces organisations puissantes? S'ils en ont fait une arme, au service de qui et de quoi la mettent-ils?

Le mal pour lui venait de la division. Quand «‹ les temps seront venus » l'unité se fera dans les diverses communions chrétiennes. C'est à cette unité religieuse, aussi bien qu'à la « république universelle » des nations, que Joseph de Maistre désirait voir travailler la francmaçonnerie, comme le prouve un long mémoire inédit de 1872 au duc Ferdinand de Brunswick, grand-maître du rite écossais, à l'occasion du convent de Wilhemsbad, mémoire qui constitue somme toute le premier ouvrage important et vraiment personnel de Maistre, où nous avons retrouvé en germes toutes les idées fondamentales de sa philosophie, et qui sera prochainement publié in extenso. (Il fut d'ailleurs bien déçu dans cet espoir, comme l'a montré M. G. Goyau). A la fin des temps, de même, se rapportent telles spéculations de Saint Clément d'Alexandrie entre autres, sur la destruction du dualisme sexuel, autre victoire du principe mauvais. « Le mâle sera confondu avec la femelle,... et il n'y aura ni homme ni femme... et le Royaume de Dieu arrivera... Maistre cite ces opinions avec complaisance; il les rapproche de l'homme double de Platon et aussi du mot d'un célèbre savant selon lequel « les parties de la génération semblent des pièces placées après coup. » A ceux qui riraient de ces spéculations mystiques, Maistre répondrait ce qu'il dit aux athées : « Lorsqu'un homme n'a pas le sens religieux, non seulement nous ne pouvons pas le convaincre, mais nous n'avons aucun moyen de nous faire entendre de lui. On peut le comparer à cet aveugle-né qui avait découvert à force de réflexions, que le cramoisi ressemblait beaucoup au son de la trompette... Que nous importe à nous qui savons ce que c'est le cramoisi! »

que

EMILE DERMENGHEM.

Rappelons-nous les faits. En 1912, fut constituée, à Tours, « la Fédération nationale des Coopératives de consommation », qui consacrait la fusion de « l'Union coopérative française » et de «< la Confédération des Coopératives socialistes et ouvrières ». Ces deux anciennes rivales se mettaient d'accord sur la lettre et l'esprit d'un pacte d'unité. Ce pacte orientait le mouvement coopératif vers le socialisme international et révolutionnaire. M. Poisson, secrétaire général de la Fédération, ironiste à ses heures, déclarait, un jour, que si certains consommateurs capitalistes se fournissaient à la « Copé », ils aideraient à constituer les éléments de la République communiste future, sans le savoir, «comme M. Jourdain faisait de la prose ». Toutefois, les statuts des sociétés coopératives doivent, selon les décisions de divers congrès, être pourvus de clause qui préservent la coopération de «<l'embourgeoise

rent >>>.

Ainsi apparaît le caractère politique que les meneurs du mouvement coopératif donnent aux sociétés coopératives de consommation. Hans Müller, socialiste allemand, secrétaire général de l'Alliance coopérative internationale, a pris soin de le préciser en ces termes : « Il est impossible de nier l'affinité intellectuelle qui existe entre le mouvement international ouvrier et le mouvement coopératif international... En un certain sens, on peut même prétendre que le mouvement coopératif est encore plus révolutionnaire que les plus radicaux des 'évolutionnaires politiques... Il révolutionnera la base sur laquelle reposent les institutions politiques et so'ciales. >>

Au surplus, on sait que les grandes sociétés coopératives et leurs succursales sont pourvues d'un « Comité général », chargé de la direction morale. Ces « Comités » sont hiérarchisés et dépendent tous de la Fédération nationale. Ils ont le contrôle des fonds de propagande, provenant de la vente, et peuvent les utiliser à leur gré. En définitive, par suite de la hiérarchie, c'est la minorité des dirigeants de la Fédération qui dispose des fonds de propagande des coopératives fédérées, considérables, comme nous allons le voir.

D'après les statuts, uniformes pour toutes les sociétés coopératives, il ne peut être distribué aux sociétaires qu'une somme représentant un intérêt de 5 0/0. Tous les autres trop-perçus sont statutairement mis en réserve ou affectés à des caisses de propagande. Or, les coopé ratives adhérentes à la Fédération ont réalisé, pour l'exercice 1919-1920, un chiffre d'affaires qui s'élève à un milliard.

Un coopératiste de la première heure, M. Charles chert, n'ai pas déclaré que les bénéfices réil:sés

e!

par les coopératives adhérentes à la Fédération consti, tualent un trésor de guerre du collectivisan » ?

Pendant la guerre, la Fédération nationale des coopératives et le Magasin de Gros ont constitué un Comité d'action parlementaire ». Il est restreint. M. Albert Thomas en fut le bon apôtre; il en reste, aujourd'hui, l'ami actif, dans sa situation fortunée de directeur du Bureau international du travail.

On sait que la Fédération nationale des coopératives a obtenu des régimes de faveur, d'abord en ce qui concerne l'application de la loi du 31 juillet 1917 sur les bénéfices commerciaux; puis à l'occasion de l'impôt sur les bénéfices de guerre dont elle fut même exonérée; enfin, en ce qui concerne l'application de la taxe sur le chiffre d'affaires.

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Mais voici de simples indications: pendant la guerre et les années suivantes, les bénéfices nets officiels du Magasin de Gros », centre commercial des coopératives, ont été, en 1917, de 264.000 francs; en 1918, de 362.000 francs; en 1919, de 795.000 francs; en 1920, de 2.500.000 francs. Il possède, au surplus, des terrains, dont la valeur est évaluée à 630.000 fr. et des immeubles dont la valeur s'élève à plus d'un million et demi. Les nombreuses succursales ne sont pas moins prospères. Elles réalisent des bénéfices. Au point de vue fiscal, ces Her bénéfices échappent à la loi commune.

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unus du budget individuel de chaque membre. C'est là une forme de bénéfice. Sio

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ce bénéfice n'existait pas, il n'y aurait, sans doute, que des simulacres de coopératives et des fantômes de coopérateurs. S'il est vrai o que ce bénéfice est profitable à une majorité, il n'en est pas moins vrai que, sans cet appát, la majorité n'eût pas agi. Il s'ensuit que la coopérative de consommation n'est qu'un procédé commercial, dans le jeu de la concurrence, et qu'elle fonctionne, pour un intérêt maté riel. Les mobiles humains n'ont pas changé...

Donc, les coopérateurs retirent un bénéfice de la coopérative. A quel usage doivent-ils destiner ce bénéfice? Les socialistes ont fait adopter au congrès de Lyon les conclusions suivantes, approuvées par l'Humanité : "La clientèle des coopératives épargne, il est souhai

table

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rés des banques privées capitalistes; boycottage universel du capitalisme; en cas de grèves, fermer les boutiques et les magasins particuliers; assurer exclusivement les besoins des coopérateurs.

Ainsi, la déviation politique que les organisations socialistes tentent de faire subir au mouvement coopératif est nettement révélée. La manoeuvre vient encore de se préciser au cours du Congrès annuel des coopératives britanniques, à Scarborough.

La section politique spéciale de l'Union coopérative, qui a formé le Comité national du Parti Coopératif, a vigoureusement combattu pour l'adoption d'un pro gramme comportant l'Alliance politique entre coopérateurs et travaillistes ; triple alliance du Labour Party, du Comité parlementaire du Congrès des TradeUnions, tendant à la coordination des forces et à l'entente électorale

:

Il apparaît que ce dilemme est posé, désormais, en Angleterre, comme en France et ailleurs les coopératives resteront-elles des organisations commerçantes, ou bien, sacrifiant leur rôle commercial, deviendront-elles « les services d'intendance de l'armée prolétarienne, dans la guerre de classes » ?

En fait, les meneurs ne l'ont pas résolu nettement, jusqu'à ce jour. Ils semblent pratiquer encore une politique de chevauchement. C'est que la grande majorité des coopérateurs se borne à voir, dans la coopérative, un moyen de satisfaire un intérêt individuel, qu'elle se refuserait à transformer en organe de combat, mis au service d'une thèse sociale.

Il n'est pas discutable que les coopératives aient un rôle des plus utiles, dans la vie économique. Mais ce rôle est nettement déterminé : il est commercial. Il s'ensuit que les coopératives compromettraient leur utilité, et même l'élimineraient, si elles transformaient leur organisme commercial en organisme politique. Confusion de plans.

La coopérative est une collectivité amorphe et irresponsable. Pratiquement, une telle collectivité est dans l'incapacité d'établir son pouvoir. Expérimentalement, l'aventure russe a révélé que les fonctions sociales, confiées à la collectivité, préparaient le chemin de la dictature, et que la gestion collégiale des entreprises déterminait progressivement la ruine générale.

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On nous a rappelé qu'un leader des coopératives, M. Poisson, avait formulé une éthique de la consommation, en ces termes: «Le travail est dégradant; il répugne à la nature humaine. L'acte de consommation est plus près des morales antiques, parce qu'il fait aimer la vie. » C'est en termes plus galants que nos Mouselet, Pon

que, plutôt que de placer ses économies aux Caisses d'épargne et en bons de la Défense nationale, elle astronomes diserts, Brillat-Savarin, Mouselet, coopérateurs, qui ont toujours besoin.

les remette aux

de capitaux. L'expérience a montré qu'il y avait avantage à créer une caisse nationale coopérative d'écono mie qui, par la puissance à laquelle elle est appelée, et le contrôle auquel elle peut être soumise, sera à l'abri

des crises.

C'est pourquoi la Fédération invite les coopératises qui n'ont pas de caisse d'économie à se mettre en rapports avec la banque du Magasin de Gros, et les coopératives qui ont une caisse, à examiner, si elles n'auraient pas intérêt à transformer leur caisse en succursale de la caisse nationale d'économie. »

De telles déclarations permettent un curieux rapprochements. Si l'on se reporte aux « directives » données par le Comité parlementaire des Trade-Unions britanaiques à l'Union Coopérative de Londres, en avril dermer, on est frappé par la similitude de vues. Les fonds accumulés par les coopératives socialistes, disent les extrémistes du syndicalisme anglais, doivent être reti

chon, nous ont décrit et vanté « l'art des gourmets ». Et M. Marcel Prévost a noté avec sagacité que trop de matérialisme national avait fait grand tort à l'Al

lemagne ; «< une des causes de la faillite de la mé

thode allemande fut certainement, écrit-il, la dégrin

golade de l'art dans l'industrie et de l'idéal dans la

mangeaille. >>

Il y aurait, sans doute, quelque impertinence à supposer que des hommes de haute culture, disciples de M. Charles Gide, allassent jusqu'à épouser l'opinion avilissante que M. Poisson se fait du travail producteur, dont le noble Verhaeren a chanté l'épopée, et jusqu'à contresigner son éthique de la consommation...

D'une éthique aussi singulière, M. Poisson et autres passent aisément à une politique non moins singu lière. On peut décemment souhaiter que la thèse des politiciens « coopératistes » repose en paix...

ROBERT VEYSSIÉ.

Aux Courses.

Les victoires anglaises de Lemonora dans le Grand Prix de Paris et de Pomme de Terre dans le Prix du Président de la République ont chatouillé notre amourpropre national. Quelques chroniqueurs sportifs ont poussé un cri d'alarme; d'autres ont été plus loin: ils ont purement et simplement proclamé la déchéance de notre race de pur sang.

Il est certain que si l'on compare les chevaux français aux chevaux d'outre-Manche, on s'aperçoit tout de suite qu'ils sont d'un gabarit différent. Les nôtres, plus réduits dans leur modèle, paraissent manquer d'ampleur Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner les concur rents étrangers ou de regarder, dans un de nos grands haras, les poulinières importées d'Angleterre. Il ne s'ensuit pas nécessairement que les animaux les mieux charpentés soient les meilleurs. Dans l'espèce humaine, les individus de grande taille ne valent pas toujours mieux que ceux de taille moyenne. S'il en était ainsi, il faudrait pour le perfectionnement de la race — ne conserver que les sujets dignes de figurer dans une légion de gardes municipaux et noyer les autres. Mais nous n'avons pas encore adopté les mœurs de la Chine et il faut reconnaître que nous ne nous trouvons pas trop mal de nos coutumes actuelles.

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Ne jetons donc pas le manche après la cognée et tâchons d'expliquer les raisons de nos défaites successives sur le turf. La principale est due aux conséquences de la guerre. Nos poulinières n'ont pas été nourries, pendant les hostilités, comme elles l'auraient été en temps normal; leurs poulains ont souffert de ce régime dosé au compte-gouttes et ils n'ont pas eu eux-mêmes la quantité d'avoine qui leur eût été nécessaire pour acquérir leur plein développement. La situation a été différente en Angleterre. Si tous les chevaux de pur sang n'ont pas été traités comme en temps de paix, du moins le gou vernement anglais a-t-il distribué dans les haras les quantités de fourrages indispensables pour élever d'une façon normale les sujets d'élite. Ce sont ceux-là qui viennent nous battre aujourd'hui et c'est naturel. Ne désespérons pas de l'avenir, et attendons que les poulains d'après-guerre aient pu faire leurs preuves.

J'avais l'intention, dans cette chronique, d'entretenir mes lecteurs des courses de deux ans. Mais la vague de chaleur, dont nous subissons depuis trop longtemps les effets, a rendu l'entraînement difficile et beaucoup des meilleurs chevaux de la jeune génération ont été réservés pour des temps meilleurs. Qu'il nous suffise de signaler

LE

aujourd'hui les excellents débuts des produits de Sansle-Sou et de Frère Luce.

Les vieux chevaux sont toujours sur la brèche. Le Prix Eugène Adam, qui s'est disputé dimanche à Maisons-Laffitte, a réuni quelques-uns de nos meilleurs trois ans. La victoire est revenue à Guerrière II qui battait d'une demi-longueur Durzetta; Le Prodige finissait troisième. Parmi les non placés, il convient de citer Dormans, Abri, Ad Gloriam II, Balkanic et Muscadin. Si l'on se reporte au classement de ces mêmes chevaux, à la fin de leur carrière de deux ans, on constate que Durzetta et Durban arrivaient en tête de leur génération et que Guerrière II n'était pas très loin de ces deux ju ments dans le handicap. Ce résultat n'a donc rien d'anormal la première et la seconde de la course viennent de retrouver leur véritable forme.

Malgré la chaleur accablante, tous les vrais sportsmen s'étaient donné rendez-vous à Saumur, le 10 juillet, pour assister pendant trois jours au concours central de la Société d'Encouragement à l'élevage du cheval de guerre.

Saumur n'est pas seulement une ville charmante, coquettement assise sur les bords riants de la Loire, c'est aussi un sanctuaire, où le culte du cheval est en hon

neur.

Nul cadre ne se prête mieux que celui-là aux différentes manifestations d'un concours. La petite carrière du Carrousel, sur laquelle on vit tant de brillantes reprises d'écuyers, s'adapte admirablement aux présentations des chevaux de trois ans ; le terrain des Huraudières, dont le parcours est varié sans être trop sévère, permet de juger facilement les allures des chevaux de quatre ans et leur aptitude à l'obstacle; enfin la lande de Verrie est un merveilleux champ d'expériences où les che vaux d'âge peuvent vraiment montrer leurs qualités de chevaux de selle. Ici, point d'embarras pour le choix d'un cavalier; écuyers, sous maîtres et gentlemen riva lisent d'entrain, sautant à bas d'un cheval pour en pre senter un autre et avec quelle science consommée ! C'est un véritable régal pour le spectateur. Il y avait moins de chevaux que les années précédentes, en raison des circonstances actuelles ; mais la qualité remplaçait la quantité. Le concours nous a révélé que nous pouvions faire naître en France de véritables poids lourds capables d'entrer en lice avec les hunters d'Irlande. Cette constatation mérite d'être signalée et il faut féliciter nos braves éleveurs des progrès qu'ils ont su réaliser en matière d'élevage.

D'une guerre à l'autre guerre

LE PÈRE LA CERISE.

CRÉPUSCULE TRAGIQUE

VIII

LA TRAVERSÉE

Lorsque Philippe se trouva seul dans la cabine du sleeping qui l'emportait vers l'Allemagne et la Pologne, il eut d'abord ce sentiment de chez soi qu'éprouvent toujours les habitués des trains de luxe, en wagon ou dans les grands hôtels, tous si pareils qu'ils se dirigent à travers les couloirs, même de ceux où ils descendent pour la première fois, comme dans un logis qu'ils auraient habité depuis l'enfance; mais ce sentiment, qui naguère était une joie pour lui, ne s'accompagnait plus maintenant que d'une mélancolie comparable à celle qui l'avait affecté quand il était revenu d'Oxford, dans un chez-soi qu'il n'aimait plus. Et soudain, il songea

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qu'après-demain il passerait, sans s'y arrêter, par petite ville de la Prusse orientale où jadis avait séjourné son maître — qui sait si Ashley Bell n'y demeurait pas toujours? où il était venu pour assister aux répétitions d'Abijah, et d'où presque aussitôt il s'étrit enfui comme un voleur, pour courir vers celle qu'il allait revoir aujourd'hui, mourante, - s'il arrivait encore à temps.

Car, il en avait remords, il ne parvenait pas à comprendre qu'il eût agi de façon si peu humaine : après avoir télégraphié, puis écrit à la comtesse qu'il partait en toute hâte, il avait trouvé moyen de ne quitter Villerville que le 17 juillet, puis de s'attarder inutilement deux jours à Paris, de différer encore d'une journée pour assister, le lundi 20, à la première audience du

procès d'assises; et c'était seulement le mardi 21, le soir, qu'il s'était embarqué.

Pouvait-il ne se point rappeler, au moins machinalement, son précédent voyage, sur la même ligne? Il était plus frappé du contraste que des ressemblances. L'autre fois, après quelques heures d'un zèle illusoire, après s'être persuadé qu'il était le pèlerin qui connaît les chemins du pèlerinage, il avait bien dû s'avouer qu'il ne les connaissait pas, puisque c'est « chez l'ennemi », loin du sanctuaire et du foyer, qu'il allait visiter Ashley Bell Au surplus, son but secret, c'était Wieliczka, bien qu'il ne sût pas encore qu'il s'échapperait vers Zosia si tôt. Wieliczka était aujourd'hui son but déclaré. Il commençait même de se demander si l'escapade ne serait pas cette fois de s'arrêter justement dans la petite ville. Il n'avait qu'un signe à faire pour y être reçu comme un prince en déplacement par le praeses de l'Ashley Bell Gesellschaft, par le cancellarius, et par M. le secrétaire général, son ancien camarade Lembach. A ce propos, il observa que l'impression, qui jadis lui était si pénible, de traverser un pays ennemi, semblait s'être effacée totalement.

Il se remontra, de mauvaise humeur, qu'avec le retard =qu'il avait déjà, cette fantaisie de faire halte était absurde. C'était bien sa faute! Il n'avait qu'à y penser plus tôt et à ne pas perdre une semaine entière avant de se mettre en route. Mais il s'avisa qu'au retour, quelle que fût sa hâte de rejoindre Madeleine, il serait bien libre de s'arrêter en effet vingt-quatre heures. Pour couper court à toute dispute avec lui-même, il en prit la résolution formelle. Il se donna sa parole qu'il le ferait. Chose bizarre pour un homme de son caractère, il se e de donna cette parole avec une mauvaise foi dont il avait parfaitement conscience. Il fit une manière de restriction mentale. Il se dit que tels évérements pourraient d'ici là se produire, qui le mettraient, par force majeure, dans l'impossibilité de tenir son serment. Il pressentait, il était sûr qu'il ne le tiendrait pas; et cette certitude, inexplicable, le troublait étrangement.

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Il lui arrivait quelquefois, et ce soir en particulier, de n'être pas content de lui-même dans l'ordre de l'intelligence, comme cela arrive aux autres hommes dans l'ordre du sentiment ou de la conduite. Dans ces cas-là, il ne s'obstinait pas, comme parlent les bonnes gens. Il profitait de sa faculté de sommeil, qui était une de ses jeunesses, et il s'empressait de réduire au silence sa conscience, dont les indiscrétions l'importunaient. Il appela le garçon du sleeping, qui était, jusqu'à la frontière, un Français, et le pria de faire son lit. Il erra, avec impatience, dans le couloir pendant cette opération, pourtant assez rapide, et aussitôt la couverture faite, s'enferma, se coucha, d'un air boudeur; mais, dès qu'il se fut glissé entre ses draps, il retrouva cette bonne huneur que lui procuraient toujours les revenez-y d'enfance; car c'est en vérité comme un enfant qu'il avait envie de dormir. Il murmura :

-Le marchand de sable est passé.

La bonne humeur était précaire; elle ne résista pas à un réveil en sursaut et à l'apparition brusque, devant son lit, d'un douanier allemand. La tête de cet individu il s'était endormi, où il se retrouvait au réveil brusque, it plus que lui déplaire, et dans l'état d'enfance

elle

faillit

l'effrayer

L'épouvantail avait les façons d'un Lefebvre aurait dû s'y attendre, mais il partageait la sotte superstition de la majorité des Français, toujours résolus d'avance à trouver leurs fonctionnaires grossiers, insupportables, et ceux de l'étranger polis

comme celle d'un croquemitaine. sous-officier.

ou complaisants.

Le douanier allemand n'eut aucune complaisance et Scruta les moindres colis du voyageur comme s'il l'eût Suspecté de contrebande ou d'espionnage. Cette méfiance marquée, insolente, lui fit une singulière impres

ssion et retourna d'abord ses sentiments à l'égard de l'Allemagne. La veille, il avait observé qu'il respirait avec indifférence l'air de l'ennemi, et peut-être mêine que cette liberté de respiration l'avait scandalisé un peu. Il éprouva soudain de l'oppression, une véritable angoisse, dont il ne fut pas moins choqué que de son insouciance d'hier. Mais il eut beau en hausser les épaules, il était alarmé, penaud, d'être venu se jeter dans ce filet, quand il pouvait si bien demeurer en sécurité chez lui. Il fit réflexion qu'il traversait l'Allemagne, que le filet avait deux ouvertures, et qu'il en sortirait le lendemain soir aussi facilement qu'il y était entré. Cette pensée, assaisonnée d'un rien de malice, toujours puérile, lui procura quelque réconfort et lui permit de retrouver le sommeil, mais non pas le même sommeil paisible et continu.

Il se réveilla d'abord une seconde fois en sursaut, pour se signifier expressément qu'il renonçait à son projet absurde, imprudent, de faire une halte de quelques heures, soit à l'aller ou au retour, dans la ville d'Ashley Bell et de Lembach. Il se rendormit assuré par sa résolution et par son énergie; mais il ne perdit plus entièrement conscience. Les yeux fermés, serrant les paupières comme on pince les lèvres, il entendait les bruits, sentait les mouvements, mesurait la durée, et se rendait compte des arrêts du train.

Il prit garde que ces arrêts étaient bien fréquents, pour un rapide, et singulièrement prolongés; et dès lors, sans se réveiller, il les compta avec impatience. Il pensa, ou il rêva, que le service était cette nuit d'une irrégularité bizarre, invraisemblable en Allemagne ; car il croyait aussi à la rigoureuse exactitude des trains, partout ailleurs qu'en France.

Un nouvel arrêt, le nom crié d'une station, des clartés

qu'à travers les rideaux il apercevait, le réveillèrent en

core. Cette fois, il ouvrit les yeux. Il murmura :

ici.

Ce n'est pas possible! On ne devait pas s'arrêter

Il voulut en avoir le cœur net, fit la lumière, tira son indicateur de son sac. Il s'était trompé, l'arrêt était. bien prévu ; mais il consulta sa montre et nota un retard de deux heures. On ne paraissait cependant nullement avoir cure de rattraper le temps perdu : l'arrêt, d'après. l'indicateur, devait être de dix minutes; au bout d'une demi-heure, le convoi n'était pas encore reparti.

Philippe alors s'exaspéra et eut peine à comprendre que, nerveux comme il était, il ne se fût pas exaspéré plus tôt; mais le demi-sommeil ralentissait, ainsi que ses mouvements, ses sentiments et ses pensées. Il se décida enfin à se lever pour aller voir ce qui se passait dehors. Dans le couloir, il rencontra un employé des wagons-lits et le lui demanda, étourdiment, en français. On ne lui répondit pas, il posa la question en allemand; mais la réponse était maintenant superflue: il n'avait qu'à regarder par la fenêtre. Sur un autre quai, vis-à-vis, tout un régiment d'infanterie était

rangé, prêt pour l'embarquement. Le rapide où était Philippe repartit au même moment, et il rentra dans sa

cabine en grommelant :

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Voilà bien ma chance! Je voyage juste le jour du départ pour les grandes manœuvres.

Il se recoucha, maudissant les incommodités du militarisme, et il allait se rendormir, quand il fut réveillé de nouveau, cette fois avec la certitude intime qu'il ne retrouverait plus le sommeil, par cette pensée qui lui vint tout d'un coup:

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Mais ce n'est pas encore l'époque des grandes manœuvres !

Cet inexplicable mouvement de troupes, avant la moisson, lui causa une inquiétude sourde, un malaise. Il se dit, pour se rassurer:

Ce n'est pas l'époque des grandes manoeuvres.

qu'est-ce que j'en sais ? C'est peut-être l'époque des grandes manoeuvres en Allemagne. C'est probablement toute l'année l'époque des grandes manoeuvres dans cet aimable pays... Ou bien, au fait, un exercice de mobilisation.

Cette dernière hypothèse lui parut satisfaisante, mais il était trop agité pour se rendormir. D'ailleurs, le soleil se levait et fut aussitôt splendide. La journée promettait d'être chaude. Il fit sa toilette comme chez lui, s'habilla, sonna pour commander son déjeuner, et fut dans le couloir, observer.

Il se gardait bien maintenant de poser aucune question. Il n'avait besoin de personne et préférait ne pas attirer l'attention sur lui: il voulait se rendre compte des choses par lui-même. L'objet de son enquête était parfaitement défini. Il ne regardait ni le paysage, ni les villes qu'il connaissait déjà, et qu'il reconnaissait sans plaisir il faisait la statistique des uniformes qu'il voyait sur les quais des gares et des trains militaires qui croisaient le sien.

Il essaya de se persuader qu'il avait rêvé cette nuit et qu'il ne rencontrait pas plus de soldats qu'il n'est normal, dans un pays qui est une caserne. Restait ce fabuleux retard, qui s'était encore accru. A chaque station, même si on la brûlait, Philippe vérifiait ou calculait l'heure à laquelle on y aurait dû passer, l'heure qu'il était, et il regardait à tout propos sa montre, comme s'il eût caressé le fol espoir d'arriver à Berlin à temps pour ne pas manquer la correspondance; mais il n'avait plus aucune chance d'attraper le train du soir, et il commençait de se dire:

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Il était, hier encore, tenté de faire une courte halte dans la capitale de l'empire il ne pouvait à présent supporter l'idée d'y dormir une nuit à l'hôtel.

Tout s'arrangea le mieux du monde grâce à une interminable station au Thiergarten. Au lieu d'arriver à la gare centrale environ l'heure du dîner, il y arriva trois heures à peine avant le départ du second train. Il préféra demeurer dans une salle d'attente jusqu'à l'ouverture de la « restauration ». Il se nourrit ensuite de quelques « délicatesses »; puis, comme le convoi était formé, il prit place dans un wagon de première classe, où il s'endormit, harassé.

Il avait perdu, presque subitement, toute conscience, sauf la conscience de dormir si profondément que le bruit du canon ne l'eût pas réveillé; et en effet, il ne sentit pas le train se mettre en marche; il ne percevait pas, contre sa coutume, le mouvement, il ne réagissait pas aux secousses; privé d'une étrange faculté que d'ordinaire il exerçait même dans l'état de sommeil, il n'appréciait plus la durée. Après un temps, peut-être court, ou très long, pour lui indéterminé, il fut réveillé de nouveau, non par un bruit, mais par un sentiment par le sentiment de la présence, autour de lui, de nombreuses personnes, qui causaient, avec animation, mais à voix basse, à cause de lui. comme si elles aussi, elles encore. se fussent méfiées.

Cette méfiance, par une manière d'instinctive représaille, provoqua la sienne; et comme pour se mettre en défense, il se réveilla, volontairement. Il lui sembla qu'il remontait, à bout de souffle, du fond de son sommeil, ainsi qu'un nageur qui a plongé plongé à pic. remonte d'un vigoureux effort à la surface de l'eau; et il ouvrit brusquement les yeux pour surprendre les ennemis qui l'environnaient. Il les entendit aussitôt se taire, lui qui ne les avait pas entendus parler. Il ne les vit qu'ensuite.

C'étaient des officiers en uniforme plus nombreux qu'il n'y avait de places dans le compartiment, où Phi

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lippe soupçonna qu'ils avaient fait exprès de se réunir pour marquer qu'il leur importait peu de gêner le voyageur français. Ils évitaient cependant de le bousculer, sans doute parce qu'ils aimaient autant qu'il dormit. La porte du couloir était ouverte et la température le justifiait; mais Philippe eut le sentiment qu'il s'expliquait la chose d'une autre façon, d'ailleurs sans pouvoir se préciser à lui-même comment il l'expliquait. D'autres officiers étaient dans le couloir, pressés à la porte, comme pour s'entretenir avec leurs camarades, mais ils ne parlaient plus; et ce mutisme, dans l'attitude de la conversation, avait quelque chose de saisissant. Lefebvre fit cette remarque, dont il n'aperçut pas d'abord la raison suffisante :

- Ils ont pourtant bien vu que je dormais, que je ne faisais pas semblant !

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- l'his

Et il se rappela - Dieu sait encore pourquoi toire, qu'on lui avait contée, d'une vieille dame chez qui un cambrioleur s'était glissé la nuit. Elle pensait avoir sauvé sa vie en feignant de ne pas l'entendre, de ne pas se réveiller. Plus tard, le gredin, confronté avec elle chez le juge d'instruction, lui avait dit :

Oh! j'ai bien vu que vous ne dormiez pas, vous aviez les yeux trop fermés.

Avais-je les yeux trop fermés? se demanda Phi

lippe. Il ajouta :

Comme la nuit dernière.

Car il lui ressouvint de ce détail.

Il regarda ses compagnons de voyage avec assurance, presque avec défi. Ils le regardèrent avec une insolence tranquille; et ces regards échangés furent comme une silencieuse déclaration de guerre. Puis soudain, les officiers, comme s'ils s'étaient donné le mot, se remirent à parler tous ensemble, mais de choses indifférentes; et Philippe, qui entend ait l'allemand, eut la certitude que ce n'était plus la même conversation que son réveil avait interrompue.

La suspicion où il se sentait en butte lui fut intolé rable, d'autant que sa conscience, toujours inquiète, s'avisa de lui reprocher d'y avoir peut-être donné lieu. Il se détourna vers la fenêtre, mais sitôt qu'il ne vit plus les figures, il eut le sentiment que tous ces gens se demandaient :

Qu'est-ce que le Français regarde par la fenêtre? Impatienté, il se leva, comme pour aller se dégourdir les jambes, et dut murmurer, de mauvaise grâce, quelques pardon qui lui écorchaient les lèvres. Dans le couloir, la circulation n'était guère plus facile, et il dut s'excuser encore, à plusieurs reprises. Il n'y avait là que des officiers, et des officiers dans tous les autres compartiments, qui étaient complets. Philippe ne pouvait se défendre d'y jeter, chaque fois qu'il passait devant une porte, un regard furtif, aussitôt repris, et il se disait : - On se demande à quel titre, de quel droit le Français inspecte.

Il était aussi gêné, confus que s'il eût été pris en flagrant délit d'espionnage; et de surcroît il s'avouait que, si l'on n'avait pas raison à la rigueur, on n'avait pas non plus absolument tort d'imaginer qu'il espionnât.

Il s'en retourna, excédé, vers son compartiment, d'une allure gauche, marmottant ce machinal pardon auquel on ne répondait pas. Il reprit sa place, ouvrit un livre, ne put lire et sentit que cela se voyait. Il posa le livre, ferma les yeux, mais le sommeil ne revint pas. Malgré le petit nombre de ses idées et de ses impressions, toujours les mêmes et répétées à l'infini, le temps ne lui paraissait pas long, lui paraissait au contraire fuir avec une rapidité vertigineuse. Quand le garçon du restauqu'il venait à peine de prendre son thé du matin. rant appela les voyageurs pour le déjeuner, il lui sembla

Lorsqu'il entra dans la salle à manger, il crut entrer

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