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Et l'on ne dira plus, ajoute un questeur spirituel, que nous sommes une Chambre de réactionnaires.

X

Les élections continuent, pendant les vacances, et le Sénat recueille pieusement les débris du suffrage uni versel, si cruellement décimés en 1919.

.

M. Abel Lefèvre vient de rentrer au Parlement comme sénateur de l'Eure et M. Claude Rajon vient d'y rentrer pareillement comme sénateur de l'Isère. Ce Claude Rajon, qui a la réputation d'un sectaire, est, du moins, sectaire avec esprit, ce qui est difficile.

Et un prêtre de son pays raconte sur lui cette anecdote:

« J'avais, à deux pas de la gare, mis, au seuil de ma maisonnette, parmi le lierre et les glycines, un petit saint Joseph en plâtre. Ce spectacle offusquait Rajon chaque fois qu'il descendait du train, et il s'en ouvrit à moi franchement : Enlevez donc ce saint Joseph, me dit-il, et mettez à la place une Tanagra. C'est plus joli. Rien n'empêchera les personnes pieuses de la prendre, dévotement, pour une sainte et de la prier ingénument ! Et les mécréants n'auront plus rien à dire. >>

« Abel Lefèvre, fit un député de l'Eure, n'aurait pas trouvé cela... >>

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à l'orée

Me voici revenu, après un an d'absence de la forêt germanique, dans cette vallée du Taunus, qui reste un précieux observatoire. Les montagnes ne sont point assez hautes pour arrêter les rumeurs qui viennent de l'Est. Les distances ne sont point assez grandes pour empêcher tout contact avec les Français, qui veillent sur le Rhin. Et cependant... Nos terres latines, leurs plaines aux clairs horizons, leurs collines aux formes affinées semblent infiniment lointaines. Un soleil d'une exceptionnelle ardeur parvient avec peine à chasser les brumes qui alourdissent les arêtes et à dorer les feuillages qui masquent les lignes du Taunus. Je ne suis point surpris que les autorités prussiennes aient fait de la bourgade historique, où campent de nouveau les légions romaines, une citadelle avancée du pangermanisme. Par cette vallée, l'Orient s'insinue jusqu'aux bords du fleuve rhénan, frontière des marches occidentales.

Sous le lourd manteau de la forêt germanique, grouille une intense vitalité. Elle éclate aux yeux de tous. En avril 1920, au lendemain du coup d'Etat von Kapp, quand la guerre civile ensanglantait la Rühr, l'Allemagne semblait paralysée. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Si l'organisme industriel marche encore au ralenti, les usines travaillent et leurs cheminées fument. Sur les voies ferrées, la circulation est active : les convois de marchandises sont nombreux ; des chantiers de construction sont ouverts; les locomotives ont été repeintes et les wagons réparés. Si les classes moyennes restent. dans la gêne, tout signe de misère apparente a disparu; les théâtres jouent; les autos ronflent; la bière coule: les marks roulent.

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Cette vitalité reste précaire. Sur la terrasse, les photographes assaillis reproduisent des groupes de baigneurs, dont la guerre n'a point affiné les attaches, ni amaigri les panses. Les rites du traitement sont exécutés, dans le même silence et avec le même ensemble, qu'un maniement d'armes. Aux sports occidentaux,

corrects et individualistes, sont toujours préférés les baignades collectives dont les promiscuités excitent une curiosité impudique et une bruyante hilarité. Les excursions en forêts groupent les mêmes tribus. Et pour mieux se distinguer des Occidentales, voici des que Fraulein patriotes, obéissant à la campagne de presse, reprennent les toilettes des siècles passés, la robe aux tailles courtes, les étoffes à fleurs rouges.

Car cette foule grégaire de petits bourgeois et d'industriels cossus reste farouchement hostile. J'ai vainement cherché dans les regards des anciens combattants, décorés de la Croix de Fer, ce reflet, qu'ont laissé chez nous les spectacles des champs de bataille: ils n'ont allumé ni regrets, ni remords. Et les foules, en marche dans la forêt, continuent le jeu de la guerre.

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C'est le soir de Waterloo. Son anniversaire coincide avec le solstice d'été. Où va, dans la nuit, à travers les rues de Caub, pavoisées aux couleurs de l'ancien régime, ce long cortège de 10.000 personnes, précédé de la Société Musicale de Wiesbaden, qui joue le Deutschland über Alles, le Wacht am Rhein ?... Il se rend, les 18-19 juin, auprès du monument élevé, sur les bords du Rhin, en l'honneur de Blücher, au point même où il franchit le fleuve en 1813.

Les associations de combattants, les délégations d'étudiants, les enfants des écoles se groupent autour du Blücher Denkmal, pour écouter le professeur Spamer et le capitaine Weppen, venus, l'un et l'autre, de Wiesbaden, par trains spéciaux avec 3.000 excursionnistes. Le capitaine Weppen s'est exprimé comme suit :

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« On ne peut pas dire tout ce que l'on voudrait un regard dans les yeux, un serrement de mains suffisent à exprimer tout ce que nous ne pouvons pas dire. Le temps actuel n'est pas aux discours, mais aux actes: c'est le moment de se mettre en action et d'agir. Je place cette couronne pied du monument de l'ancien héros, bien connu par ces mots : « En avant! » Ces mots doivent être aussi les nôtres. Chaque feuille de cette couronne doit exprimer les œux que nous faisons nous voulons vivre et mourir pour notre chère Allemagne. Dans ce but, soyez fidèles à l'empire allemand et à notre Prusse, pour qu'elle se relève et brille du même éclat qu'autefois. En ce jour anniversaire de Waterloo, je vous rappelle les paroles du vieux maréchal : <<< En avant, et j'ajoute, à travers les ténèbres : «< Vers la lu

mière. >>

Et des chants s'élèvent dans la nuit : « Le Dieu, qui fit pousser le Fer, n'a pas voulu de valets »; « Quand bien même tout nous serait infidèle, nous resterons pourtant fidèles »; « Un cri mugit semblable au tonnerre »...

Et, à la lumière des torches, le cortège se remet en marche. Il escalade les pentes. Il monte sur la Platte. Un autel est dressé. En l'honneur du solstice d'été, conformément aux rites séculaires des tribus germaniques perdues jadis dans les brumes de la Forêt, le feu divin est allumé par des mains pieuses. Et tandis qu'il jette sa lumière sinistre, la voix du député Wulle s'élève :

<< Chacun de nous a, ce soir, les mains jointes, fait cette prière « Dieu soit loué, je peux avoir de la haine. Je peux haïr. » Deutscher Michel, dors-tu encore ? Deutscher Michel, réveille-toi. Pensez aux chants de haine de Kleist. Pensez à la haine de Blücher, il y a cent ans. Notre haine profonde nous tiendra en garde. Il faut inspirer cette haine à notre jeunesse. Il faut vous fortifier dans cette haine. Soyez-cn certain, aussi vrai qu'il y a un Dieu dans le ciel, je vous le jure, un jour viendra où nous reprendrons tout ce qu'on nous a pris... Aussi prenons l'exemple sur la Bavière : préparonsnous et armons-nous en silence. >>

La foule se disperse. Des exaltés montent jusqu'à la statue de Germania pour attendre l'aurore à ses pieds. D'autres envahissent les auberges. Et les chants ne s'éteignirent qu'avec les dernières ombres de la nuit.

Ce n'est pas seulement à Caub, mais encore à Konigs

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winter, à Oppenheim, en Hesse rhénane et près de Boppard, sur le Rhin moyen, qu'entre le 18 et le 26 juin dernier, à l'occasion du solstice d'été, se sont déroulées les mêmes cérémonies pour le culte de la Haine et pour le culte du Feu.

Malgré que nos ennemis et le clergé, s'écriait un jeune homme à Oppenheim, cherchent à s'opposer à ces vieilles coutumes, ceux-ci n'ont pas réussi dans leurs projets, et. cette nuit, sur toutes les collines allemandes, le feu, qui purife tout, luit comme l'emblème de la fraternité germanique. >>

Des spectateurs, pour afficher leurs convictions antisémites, arborent la Croix de Hacken, - l'insigne des Ariens. Les Frankfürter Nachrichten, qui ont seules parlé de ces fêtes du solstice, évoquent, le 24,

« Ces héros, admis au Walhalla. Ils se penchent vers la terre, comme s'ils voulaient lancer à la jeunesse allemande cet ordre sacré : « N'oubliez pas comment on tend l'arc ! N'oubliez pas comment on tire l'épée ! »>

Dans cet effort pour restaurer la patrie allemande, les foules, d'un élan spontané, écartent les leçons et les rites du Christianisme, reviennent, dans l'ombre de la nuit, aux souvenirs du Walhalla, au culte du Feu, tle Feu qui brûle comme la Haine et détruit comme la guerre.

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Précédée de cyclistes, la troupe se dirige vers un Dupont, situé à une heure de marche de Brucksal, direcuption sud-est. Arrivé au pont, le chef prend connaissance les d'un pli. Il porte un réseau de protection à 500 mètres. les Il échelonne des sentinelles. Il envoie des patrouilles. Pour Une heure plus tard, le parti ennemi est signalé ; il tâte le terrain, il sonde; il attaque; il est repoussé à 13 heures, la manœuvre est terminée. Les deux groupes se réunissent autour de la cuisine de campagne. Le lieutenant Bruckner fait la critique.

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A vingt heures, les excursionnistes, toujours fractionnés, repartent de Bruckal par les bois. L'objectif est différent reconnaître, surprendre et enlever un camp installé dans la forêt. Après l'attaque, critique et bi

vouac.

Le lendemain, le groupe se disperse. Les uns regagnent Brucksal, les autres Spire. Les étrangers excursionnistes reçoivent pour le trajet sur la rive droite, des bons de transport, et pour le trajet sur la rive gauche, des indemnités de déplacement, fournies par le Deutscher Nationaler Jugend Bund de Munich.

très instructif, mais constitue aussi une préparation néces-
saire à la guerre (p. 66)... Si un exercice en terrain varié
réunissant jusqu'à 8.000 participants, est un résultat positif
sérieux, en raison de l'effet produit par une masse, dans
laquelle l'individualité disparaît, on peut, cependant, cons-
tater, dès le début, l'inconvénient qui, à mon avis, rend im-
possible l'imitation stricte des formations purement mili-
taires, à savoir l'absence des effets du feu (p. 78)... »
Le sport national le seul qui convienne aux en-
fants de Prusse le seul qui puisse discipliner leurs
muscles et satisfaire leurs instincts c'est le sport de
la guerre.

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Mais ces moissonneurs-volontaires, courbés sur la glèbe, là-bas, sous le soleil de l'ardent été, ne se forment-ils pas au plus rude et au plus nécessaire des arts de la paix ? Les fermiers qui ont accepté leurs services, n'ont-ils pas, dans un but simplement charitable, répondu à l'appel émouvant de l'Université de Munich : << Cultivateurs! Prenez, pendant les vacances d'été, des étudiants, comme ouvriers agricoles et comme ouvriers agricoles auxiliaires de vos fermes. Les étudiants souffrent énormément de la misère actuelle. Plus de 300 parmi eux ont demandé à travailler à la campagne. Montrez que vous avez du cœur. L'Office du Travail de l'Université de Munich donne tous les renseignements utiles et a soin de fournir des ouvriers compétents. Ecrivez : Ludwig Strasse, 17. »

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Loin de moi la pensée de nier la sincérité de cet appel. La misère discrète des classes moyennes, en Allemagne, émeut d'autant plus qu'elle contraste avec le luxe insolent de la féodalité industrielle, des Stinnes et Krupp, les auteurs de la guerre. Et il appartient aux créanciers du Reich de veiller que le fardeau fiscal pèse sur les épaules coupables et sur celles-là seules... Mais la Deutscher Offizier Bund, cette formidable association sur laquelle je reviendrai dans huit jours qui, dirigée par le général von Hutier, groupe près de deux millions d'anciens combattante, s'est associée aux efforts de l'Université de Munich et en a transformé le caractère. La D. O. B. essaie de placer, dans les domaines, où se trouvent déjà d'anciens officiers, en qualité de propriétaire ou de gérant, des collégiens et des étudiants, comme ouvriers agricoles. Ils aèreront leurs poumons, développeront leurs muscles et rempliront leurs goussets. Ils recevront en même temps une instruction militaire.

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Récemment, des étudiants suisses ont fait à Carlsruhe et à Fribourg, devant des officiers et des universitaires, des conférences sur l'armée helvétique. Les exposés ont eu du retentissement, et l'idée a germé de créer à côté de la Reischwehr. professionnelle, une milice nationale. Elle prend racine...

Et en attendant, des bras inexperts fauchent les blés mûrs. Mais, dès que les circonstances le permettent, ces moissonneurs, tout comme les excursionnistes, sac au

Et pour se distraire, en cours de route, les jeunes dos et la bêche au côté, l'œil vague, le crâne rasé, le

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serrés, colonne par quatre, allure militaire, 114 pas à la mi- marquis Curzon de Kedleston, vicomte Scarsdale de

aute. Çà et là, si l'occasion s'en présente, on peut pratiquer, sur de courtes distances, la marche à cadence vive ou des pas de charge (p. 32)... Sur un tel terrain un combat de nuit, avec observation et attaque par surprise, est non seulement

pair du

Royaume-Uni, chevalier de la Jarretière, secrétaire d'Etat de Sa Majesté britannique pour les affaires étrangères, etc., etc., etc... Et il en a l'air!

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Au physique un corps massif et raide, enveloppé d'une longue redingote, surmonté d'un vaste faux-col d'où émerge une face ronde, flanquée de courts favoris, ornée d'un nez fin et long, et entaillée, comme au rasoir d'une bouche aux lèvres minces; des gestes gourmés; un air de solennité et de satisfaction répandu sur le

Lout.

Au moral de l'énergie, de l'ambition, une vanité presque puérile, un entichement de noblesse à faire paraître Saint Simon sans-culotte; un sincère amour de la grandeur de son pays; une érudition superficielle mais étendue; un caractère dont l'inflexibilité apparente sait, quand il le faut, s'assouplir et céder.

A Londres, on appelle le noble pair: God's butler, le maître d'hôtel du bon Dieu; il ressemble, en effet, à un maître d'hôtel, mais de tellement bonne maison que seules les célestes demeures pourraient en comporter un semblable. On cite de lui des mots étonnants Un jour pour une affaire d'urgence capitale, son sous-secrétaire d'Etat l'appelle au téléphone, à l'heure du lunch ; et c'est la voix même de lord Curzon qui, sans prendre aucun soin de se déguiser, répond « Sa Seigneurie dé«fend que qui que ce soit La dérange quand Elle dé«jeune ».

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Ce personnage aux manières désuètes et qui semble s'apparenter à ce comte Molé dont M. Marcel Proust affirme qu'il était tellement cérémonieux qu'il prenait à la main son chapeau pour descendre déjeuner dans sa propre salle à manger, a su cependant fort bien se pousser dans la vie publique de notre temps:

Issu d'une vieille famille du Derbyshire, il entre, au sortir d'Oxford, à bonne école conservatrice et impérialiste, comme secrétaire du marquis de Salisbury. En 1885, il se fait élire député aux Communes. Puissamment patronné, il brûle les étapes: le voilà sous-secrétaire d'Etat des Indes, puis des affaires étrangères, en 1899 enfin, vice-roi des Indes. Il ne quitte ce poste considérable, l'un des plus beaux qui puisse être offert à un Anglais qu'en 1905, laissant le souvenir de tentatives hardies, sinon toujours heureuses, et de démêlés fameux avec lord Kitchener.

L'avènement des libéraux, en 1906, le jette dans les rangs de l'opposition. A la Chambre des lords, où il siège maintenant, son assurance, sa facilité oratoire, le souvenir aussi des services rendus à l'Empire lui assurent une place prépondérante. Leader des tories, il fulmine des philippiques contre M. Lloyd George. (C'était le temps héroïque où un conservateur bon nageur disait : Si je voyais un homme se noyer, je me jetterais à « l'eau, je m'assurerais que ce n'est pas Lloyd George, «<et alors je le sauverais. ») En même temps et cela nous ne devons pas l'oublier lord Curzon mène une courageuse mais infructueuse campagne en faveur du service militaire obligatoire.

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Survient la guerre. Différent en cela de son ami politique lord Landsowne, lord Curzon prend nettement le parti de la guerre à outrance contre les Huns. En 1916, lors de la formation du cabinet de coalition, il y entre comme président du conseil privé.

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Le voici sous les ordres de M. Lloyd George, son adversaire de la veille. Entre l'aristocrate majestueux et le démagogue » primesautier l'accord est bientôt fait : ne sont-ils pas tous deux d'abord opportunistes? Et quand, en 1919, le vieil Arthur Balfour quitte la direction du Foreign Office, c'est lord Curzon qui prend sa place.

Longtemps, il n'y semble jouer qu'un rôle assez effacé, obscurci qu'il est par la personnalité envahissante de l'étonnant Gallois. Mais ce n'est qu'une apparence. Et de plus en plus l'action de lord Curzon se révèle,

| sinon prépondérante, du moins efficace. Une phrase la peut caractériser elle s'exerce constamment dans le sens impérial; c'est-à-dire en faveur des intérêts de l'empire britannique considéré, non comme une grande puissance européenne, mais comme une association mondiale de puissances.

On voit immédiatement la distance qui sépare, pour l'examen des problèmes nés de la guerre, le point de vue de nos hommes d'Etat de celui où se place le chef du Foreign Office: Nous, Français, nous sommer d'abord et avant tout des « continentaux », et l'axe de notre politique est sur le Rhin. Lord Curzon, lui, est un «< citoyen de l'Empire » et, si sa politique comporte un axe, cet axe doit flotter au milieu des eaux du Pacifique ou, mieux peut-être, passer du côté de Mossoul. En tous cas il n'est pas en Allemagne. Et le noble marquis serait assez enclin à se montrer facile à l'égard de celle-ci dans l'espoir sans doute illusoire de consacrer librement tous ses soins à certaines questions extra-européennes qui lui importent beaucoup plus que les réparations.

Cette politique rencontre, outre-Manche même, des détracteurs passionnés qui voient, avec appréhension, la Grande-Bretagne ramenée, par un détour, au «< splendide isolement » de jadis. Lord Curzon est en but, dans les Chambres et surtout dans la presse, à des attaques virulentes. On s'en prend au ministre; on s'en prend à l'homme. Le Times qui s'est vu, par représailles, fermer les portes du Foreign Office- lui décoche les épithètes de « pompeux », « incapable » et « servile » Ce sont là gentillesses. Mais, chose plus grave en Angleterre, on accuse aussi le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de manquer du « sens de l'humour ».

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Les théosophes vont tenir la semaine prochaine leurs assises mondiales à Paris.

Un vent de tempête avait déjà soufflé sur leur temple, et en 1913 un occultiste allemand, féru de pangermanisme comme nombre de ses congénères, avait failli ar racher à Annie Besant le sceptre de la théosophie, pour le bien de la plus grande Allemagne. Mais la guerre vint qui dessilla bien des yeux, et les branches de l'Inde, de l'Angleterre et de la France, qui sont les plus importantes, se sont serrées à nouveau et plus étroitement autour de leur vénérée présidente, autorité morale sensiblement accrue.

Si le proverbe est vrai qui affirme que seul l'homme stupide reste invariable dans ses opinions, un tel reproche ne saurait être adressé à Mme Besant, car c'est du matérialisme, de l'athéisme même, du temps qu'elle professait les idées de Bradlough, qu'elle s'est élevée au spiritualisme et au mysticisme, en passant même un moment par le socialisme. Mais ces avatars mêmes prouvent cet amour sincère de la justice et de la vérité, qu'elle désire voir gravé sur la pierre de son tombeau, et qui lui fit récemment, elle Anglaise, prendre cuver

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tement parti pour les revendications de l'Inde. C'est avec la même ardeur d'impulsion qu'elle s'était jetée jadis dans la théosophie, pour s'être sentie subitement illuminée par la doctrine secrète de la fameuse Blavatzki.

Elle était chargée d'en rendre compte dans la Pall Mall Gazette, dirigée par M. Stead, et l'on attendait d'elle, d'après sa formation scientifique, une critique serrée de l'ouvrage. Ce fut le contraire qui arriva ; de cet ensemble assez confus pour les profanes avait jailli pour elle l'étincelle qui illlumine le sombre horizon. Et dit Mme Besant dans son Autobiographie « je compris que c'en était fait de mes pénibles recherches, et que j'avais trouvé enfin la vérité. »

La suite est naturelle; une amitié vive, mais déférente de la part de la première unit Besant à Blavatzki, jusqu'au jour où cette dernière eut dépouillé son corps physique », puis après la courte présidence du colonel Olcott, la plus grande disciple de la fondatrice fut élevée à cette première magistrature théosophique, qu'elle occupe depuis 1906.

Mme Besant sembla d'abord s'écarter des errements de Blavatzki, laquelle ne dédaignait pas de pratiquer le miracle, pour frapper plus vivement l'imagination de ses adeptes. Or Besant avait écrit : « le miracle n'existe pre pas, et seule notre ignorance, fait paraître merveilleux résa des événements qui obéissent à une loi. »>

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Mais peu à peu l'influence de l'Inde, où la présiservil dente a établi sa résidence habituelle, et l'initiation equ'elle y a reçue des maîtres, qui ne se montrent qu'en aces pays, semblent avoir modifié ses premières tendan ces, et justifier ce reproche d'orientalisme qu'ont fait à Mme Besant ceux des adhérents qui désirent maintenir la théosophie dans la voie occidentale, c'est-à-dire en accord avec le raisonnement de l'esprit scientifique. Et c'est un conflit difficile à résoudre, car la doctrine théosophique tout entière veut combiner la science avec mysticisme, et ce mariage de raison ne va pas tou jours sans quelques froissements !

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De même que les individus, les humanités evoluent, aidées dans leur gestation par le travail des maîtres ou instructeurs qui communiquent leurs desseins aux grands initiés. Et c'est ainsi qu'Annie Besant vient nous annoncer l'avènement d'une nouvelle race, la sixième, si je ne me trompe, qui bénéficiera d'un sixième sens, et connaîtra par des intuitions plus subtiles bien des choses mystérieuses que ses devancières ont ignorées. Ici les théosophes rejoignent les spirites ils s'en rapprochent encore dans leur conception de l'astral; commà vrai dire, la doctrine theosophique est bien plus

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sérieuse initiation. Nul n'entre ici s'il ne pratique à la fois la mathématique et la métaphysique, a écrit l'un de leurs auteurs. Mais tous les théosophes possèdent-ils

as deux sciences difficiles?

MAURICE WOLFF.

Journées franco-wallonnes.

J'ai un collègue et ami socialiste au Parlement de Bruxelles dont la francophilie, qu'on me permette de le dire, touche au fétichisme. C'est le docteur Branquart, député de Soignies. Son éloquence sans apprêts, tout à la fois pleine de bonhomie et d'effusion, alla droit au cœur des Français, au dernier déjeuner franco- belge de Paris. Depuis une bonne quinzaine, Branquart nous disait à quelques-uns sur un ton particulièrement impérieux et cordial : « Il est bien entendu que le 14 juillet, vous venez prendre la Bastille, chez moi, à Braine-le-Comte. Il n'y a pas d'excuses qui tiennent. >> Et malgré bien des obstacles et bien des empêchements, nous nous trouvâmes à déjeuner dans un jardin de curé où ce sympathique médecin parpaillot de petite ville wallonne reçoit comme on s'entend à recevoir en Hainaut.

On sait que les habitants de cette vieille province industrieuse ont depuis belle lurette annexé la Bourgogne, sous prétexte qu'ils ont donné aux hospices de Beaune un chef-d'œuvre le tryptique de Roger Van der Weyden, ou mieux : Roger de la Pasture, né à Tournai, la ville fidèle à Jeanne, la bonne Lorraine. Le docteur Branquart tira de sa « bibliothèque » (c'est ainsi qu'on appelle là-bas la cave aux vins fameux) des Chambolle et des Montrachet, des Nuits-Saint-Georges et autres Volney vieux de quinze ans ou plus, et soustraits à la rapacité allemande au prix d'artifices qu'on se plaît à détailler aujourd'hui. Pas de gaieté bruyante à ce déjeuner sous la tonnelle où pas un Français n'était présent, mais où nous communiâmes par la pensée avec le grand peuple de France tout entier. On parlait de lui, du grand pays, de la guerre qui révéla sa grandeur méconnue, ses réserves d'énergie insoupçonnées. C'était Branquart surtout qui parlait, évoquant, avec quels accents! avec quels détails saisissants! le calvaire affreux des réfugiés de Saint-Quentin ou de Péronne, chassés de chez eux et refluant vers les petites villes accueillantes du Hainaut et du Brabant wallon. Et à certaines phrases, les yeux du bon géant qu'est Branquart, s'emplissaient de grosses larmes.

A quelques jours de là, dans Valenciennes pimpante, toute fleurie de couleurs françaises et belges, on célébrait dans une note très artiste le deuxième centenaire de la mort de Watteau. Nous étions venus nombreux de la Belgique voisine, toute proche. Et tous, nous ressentions fortement l'unité spirituelle, la pérennité de ce vieux pays de Hainaut qui, à Valenciennes comme à Mons ou à Tournai, a produit toute une riche lignée de grands peintres et musiciens, d'écrivains et de sculpteurs. Depuis Froissart, dont nous gardens les cendres à Chimay, jusqu'à Carpeaux qui fixa dans le marbre un peu de l'âme du Second Empire, en passant par André Beauneveu, enlumineur et « maistre-thombier »>, par Watteau enfin et tous ses disciples dont Pater si bien représenté à Valenciennes, à Potsdam et à la Wallace Collection, Valenciennes n'a cessé d'être, comme Anvers, une ville d'art en même temps que de négoce.

Ville wallonne, hennuyère autant que française. Qu'importe à notre esprit la frontière politique, cette ligne dont les gabelous seuls nous rappellent l'existence? Je me sens chez moi à Condé, Valenciennes ou Anzin, autant qu'à Mons ou dans les corons de notre Borinage rouge et noir. Combien je sais gré, comme Wallon, comme fils du Hainaut, à ce fin lettré qu'est

M. Léon Bérard d'avoir pour un instant cédé la parole à M. Daniel Vincent ! Le sympathique ministre du Travail de la République trouva les mots qu'il fallait pour retracer la carrière émouvante de Wattean fils d'un humble couvreur, et pour caractériser le milieu où il a grandi, les ciels nuageux et nuancés de notre Nord. M. Daniel Vincent, député d'Avesnes, venait flâner na

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A droite de mon guéridon un Dalmate. Trois personnages avec lui, dont la nationalité demeure impénétrable trois complets de fil à fil. Le Dalmate est habillé de tussor, qui sied à sa chevelure en filasse de chanvre; gilet blanc décoré de petites fleurs bleues, une chemise tilleul et dans le crochet noir de sa cravate un petit diamant. Peu d'accent ma foi, une ombre. Il parle avec tendresse des bouches de Cattaro.

La sienne dévore. Il a pris du melon poivré, salé, à la française, ventre de biche! Il a pris du puchero. C'est le pot-au-feu d'Espagne, boeuf, boudin, lard de poitrine, saucisse au poivre de Cayenne, pois chiches et, faute d'une herbe exotique, des choux. Enfin, le maître d'hôtel, ou plutôt le camérier, lui porte des tripes aux tomates. La sauce y a deux corps comme il est dû : une huile couleur d'orange et, pourpres, les grumeaux de la pomme d'amour, par Bacchus! Il dit, en entonnant : « C'est un de mes plats favoris ».

aux pieds, et une plume excessive lui frise au chapeau. La nature qui l'a privée de nez a doublé son menton. Elle vient de loin, dit-elle, et n'a plus de voiture. Elle a téléphoné en vain pour avoir le prince. Elle mange un entrecôte sur le gril (on dit un entrecôte) avec des pommes de terre bouillies. Elle boit de l'eau minérale et n'a pas osé quérir de la citronnade, craignant de ressembler à une Anglaise. Elle a congédié Pierre pour ce qu'il tardait à régler les fournisseurs. Miséricorde ! Elle va tout dire. Mais elle voit que l'autre est en croix et lui décoche un vrai regard de vieille amie, tout chargé de haine.

L'on promène en un grand plat le puchero dont le Dalmate se régala. Il y manque la saucisse, rouge et le boudin; par contre, j'y découvre une grasse charcuterie italienne. C'est ainsi le puchero argentin.

Servi par un garçon lombard
A quatre pas du boulevard.

Le Dalmate explique à présent l'eau de vie de Dantzig, qui tient en suspens l'or en paillettes. La Danaë des eaux-de-vie... Ils ont allumé leur cigare. Pensent-ils à Christophe Colomb, aux trois caravelles, aux Indiens qui pipaient de leurs bouches de bronze l'herbe sacrée ? Nous avons traversé le monde, toutes les mers sont mesurées, des yeux de toutes les couleurs regardent le ciel français. O merveille, ce Dalmate sait que l'on n'a pas le droit de bâtir de petites pyramides d'aliments sur sa fourchette, à l'aide de son teau ! Il sait même que l'on ne se parle pas de table à table et se contente de lorgner la dame aux perles qui ne bouge mie, avec un grand dédain. La double fumée l'enveloppe de son café et de sa cigarette: Orient, Manchester et Nossi-Bey.

Et, sur ma gauche, une dame, la jolie dame! Blonde, rousse ou brune, les dieux savent comme elle naquit. Elle est blonde, ce jourd'hui, avec un reflet roux. Les yeux violets, sous le charbon des cils, la joue marquée, et, dans le regard, pourtant, cette alacrité, ou, si c'est trop dire, cette force qui assure à la vieillesse, quand elle n'a pas cédé, l'empire du monde. Sa droite est ornée d'un seul joyau, le brillant solitaire que les filles d'Eve portent pour rivaliser avec les fées, ayant à leur doigt un prisme en miettes, vrai miroir d'Apollon. La Littérature L'autre main porte un saphir cerclé de diamants, sage et pudique, ancien, transmis par testament. Un grand collier de perles tourne sur le cou fleuri, parallèle aux plis de Vénus que la déesse elle-même a trop gravés, à la longue.

J'admire sur son visage les grâces, comme dit an poète, les grâces qu'a pétries la vie : cet air de fatigue vaincue, de désillusion toujours surmontée. Mais je suis encore choqué, comme ma grand'mère, de tant de bijoux étalés en plein midi.

Elle a demandé des poivrons en hors-d'œuvre et des anchois de la Méditerranée, un fritto-misto avec un filet de citron. Sur la nappe, une carafe en façon de cornue; un vin pâle y rougeoie. Elle a gourmande sa belle bouche. Les spaghetti sont désuets, ou bien il fait trop chaud. Pour finir, un zambaillon. Je le dis à la milanaise. Vous pourrez l'écrire zabaglione, si vous préférez l'accent toscan. « Madame, avais-je envie de dire, n'oubliez pas de penser à Stendhal ».

Une voix à droite : « L'Amérique un jour fera la guerre à l'Angleterre. Vous verrez si je dis vrai ». Ils parlent anglais, à présent Et le Dalmate, qui ressemble aux soldats de bois de Balief, comme Brantôme au gascon, il a recours, quand le français lui manque, à toutes les langues d'Europe : l'italien, si tu veux, l'allemand un jour ou l'autre. Il est curieux qu'il choisisse l'anglais pour expliquer à ses voisins ce que c'est qu'une goulache. La goulache est un plat hongrois

Ce n'est rien qu'un navarin

Et la bière au lieu de vin

La dame, à ma gauche, j'étais bien curieux de sa voix, je lui aurais parlé pour l'entendre. Mais la pendule sonnant une heure, une autre survint. En soie de la tête

EUGÈNE MARSAN.

Jean Giraudoux

en

Il n'est pas besoin d'être fort âgé pour se rappeler quelle longue indignation suscitèrent dans le public les premiers tableaux impressionnistes. Bien des années plus tard, quand les œuvres de l'école s'imposaient, j'entends encore les visiteurs du Salon s'esclaffer Albert regardant le beau portrait de Réjane par M. Besnard « Vit-on jamais des femmes bleues, jaunes, mauves?» disaient les bonnes gens... Il n'y a pas fort longtemps de cela, et déjà Manet, Claude Monet, nard, hier encore, dirigeait l'école de Rome. La pluRenoir, sont au Louvre, tandis que M. Albert Bes part des hommes, même cultivés, ne savent rien voir directement ils regardent la vie à travers les lunettes que l'art leur a faites. Or, le propre des artistes vraiment créateurs est justement de nous montrer le monde à travers des lunettes nouvelles. Il a toujours fallu du temps au public pour accommoder sa vue à ces verres neufs que lui ont successivement tendus un Hugo, un Stendhal, un Baudelaire, une comtesse de Noailles, que sais-je ? et que lui offrent aujourd'hui (sans que je veuille encore les égaler à ces grands noms) un Marcel Proust et un Jean Giraudoux.

Si je cite les Manet, les Renoir, les Monnet, les Besnard, c'est qu'il est juste de rapprocher d'eux Giraudoux : c'est aussi un impressionniste -un écrivain dont l'ouvrage présente autant blances avec des tableaux impressionnistes

M. Jean j'entends de ressemue la dif

(1) Provinciales (Bernard Grasset), l'Ecole des indifférents (idem.), Retour d'Alsace (Emile Paul), réimprimé dans Lectures pour une ombre (id.), Amica America (id.), Elpenor (id.), Adorable Clio (id.), Suanne et le Pacifique (id.)

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