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En Hongrie

I

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Descendre le Danube, de Vienne à Budapest, c'est s'avancer tout un long jour sur une large et paisible avenue d'eau, entre des berges monotones qu'interrompent à peine deux ou trois défilés. Si loin de la mer, en plein centre européen, cette interminable perspective fluviale sert au cabotage de onze peuples divers et ennemis. Au-dessus, s'ouvre l'immense ciel des pays de plaine qui est solennel et mélancolique... Vers le soir, des nuages jusque là dispersés, s'assemblèrent pour prendre ensemble les couleurs du crépuscule, et, du pont supérieur du bateau, nous levâmes vers leurs architectures nos regards fatigués par trop de platitude. Puis vint la nuit, et le courant d'air fraîchi des eaux que nous descendions toujours. Enfin des lumières apparurent, se multiplièrent, nous passâmes sous l'ombre plus noire de ponts gigantesques à droite, sous les étoiles, se dressa la haute colline de Bude, couronnée de palais; à gauche, abordâmes, retentit la bruyante, vivante Pest., Ce panorama de grand style qu'est cette capitale nocturne sur les deux rives d'un fleuve majestueux, impose son prestige au voyageur. Et le lendemain, réveillé de bonne heure par l'actif va-et-vient des tramways, des voitures admirablement attelées, des autos qui se précipitent, par les cris des marchands de journaux, et aussi par cette curiosité pressante de quiconque ouvre les yeux en pays inconnu, il va se promener dans des rues stes et rectilignes, et il éprouve la sensation d'une le considérable. Partout des palais, des théâtres, des sées, des banques, de riches magasins, une foule anime, bavarde, où dominent les juifs, les officiers et les

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Ce qu'on lit.

Les faits de la semaine..........

La Bourse. J. DESPRÉAUX..

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femmes. D'ailleurs Budapest, qui n'avait pas deux cent mille habitants en 1850 et en compte aujourd'hui plus d'un million, a été bâtie sans aucun goût. C'est cossu massif et laid. On n'y voit rien de suranné, comme à tés sont le Danube et les jardins. En dehors d'elles, i Vienne, mais rien non plus de charmant. Les seules beaun'y a que moellons entassés, colonnades banales, dômes pierre. L'intérêt, ici, n'est pas dans le décor, il est dans sans galbe, déplorables monuments de bronze et de

les hommes.

La Hongrie de 1921 offre le spectacle puissant d'un beau fauve blessé de toutes parts et qui se retient de rugir. Elle renferme en elle l'humiliation atroce dont les autres peuples ne semblent pas se douter. C'est cette brûlure intérieure de honte et de rage, et, en mêna temps, cette manière orgueilleuse de dissimuler la plaše de leur orgueil qui donnent tant de caractère aux Magyars d'aujourd'hui. Leur malheur, loin de les abattre comme les déplorables Autrichiens, leur a communiqué une fièvre secrète, dont tout à coup les éclats étincellent sur leurs visages. Jusque dans leur abaissement ils montrent de la hauteur.

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Certes, elle est légitime la fierté de cette race unique en Europe, qui ne se reconnaît de parenté et lotaine qu'avec les Finnois. Dans la vaste arène cerclée par les Carpathes, elle s'est établie dès le neuvième siècle. Elle se dit à juste titre le possesseur dix foit séculaire de cette terre imbibée de, son sang. De sang du sien comme de celui des autres, elle a toujours été prodigue. Elle s'est battue contre le Turc qui l'a as servie durant deux cents ans, contre l'Autriche qu après en avoir fait sa captive en fit sa complice contre la Russie, contre tant d'autres! Paysanne

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guerrière, elle a le double amour-propre du terrien et du soldat. Ses annales millénaires la flattent par leurs continuelles oppositions d'ombre et de soleil. Vraiment elle a connu toutes les extrémités. Mais elle n'en tire qu'une leçon d'orgueil. Elle a abusé de ses victoires pour mieux oublier ses défaites. Et elle s'est toujours fait hair.

Le Hongrois est persuadé d'appartenir à un peuple maître. On conçoit son indignation d'avoir été livré à ceux qu'il méprise. Il n'a pas été défait, pense-t-il, par un égal, en un tournoi chevaleresque, mais frappé dans le dos. Il est la victime de ses inférieurs..... C'est selon cette perspective qu'il faut consulter les brochures, albums, statistiques qu'il met sous vos yeux. Il lie son sort au sort même de la civilisation; il compte les analphabètes chez ses voisins triomphants; il vous raconte P'histoire de l'Université de Kolosvar, en Transylvanie, académie de philosophie et de droit dès le XVI° siècle, et d'où les Roumains ont chassé les professeurs, des savants illustres, pour y mettre des pions de lycée, des médecins de province, et, à la tête des cliniques, des étudiants sans diplômes. De bonne foi, il voit dans ces peuples victorieux d'abominables barbares.

N'oublions pas que ces ennemis qui lui parlent aujourd'hui sur le ton du commandement, qui l'ont dépouillé et le menacent encore, sont pour la plupart ses anciens subordonnés. Serfs qui se vengent sur le seigneur, ils l'ont fouetté. Ce fut moins une guerre, pour lui, qu'une indiscipline domestique. A son foyer même, il a reçu l'insulte. Et il ne se demande pas si ses fautes ne sont pas la cause principale d'une pareille horreur : il est encore trop stupéfait. A l'humiliation d'être battu, se mêle l'amertume d'être dégradé. Son honneur est atteint comme sa fortune. C'est un affreux scandale.

« Les Serbes, vous disent tour à tour des hommes et des femmes aux yeux brillants de haine et qui ne pardonneront pas, les Serbes ont montré du courage, mais ce sont des bergers de cochons. Les Croates, qui se prétendent ententophiles, se sont farouchement battus contre les Italiens; les Slovaques sont des lâches, les Tchèques sont des traîtres, et les Roumains, ah, les Roumains, ils sont cruels, fourbes et voleurs... Tous, dans leur bassesse peureuse, sont embarrassés de leur victoire, et notre autorité leur manquant, ne savent comment mettre debout leurs nouveaux Etats. Nous étions l'élément viril de la double monarchie : sans nous, ces peuples sont inféconds ». En vain fait-on remarquer que ces débutants, à la longue, organiseront leurs domaines, constitueront leurs cadres et deviendront, à leur tour, « millénaires ». Il est normal de leur laisser le temps de s'adapter. Mais le Hongrois sourit de dédain. En vain fait-on remarquer que Slovaques, Transylvains, Croates sont heureux d'avoir échappé à l'hégémonie magyare: il hausse les épaules et prophétise que ce bonheur ne durera pas. Aucune de vos objections ne le touche. Il est buté.

Loin de composer avec l'inévitable, ou de s'étourdir d'illusions, le Hongrois demeure irréductible dans son deuil. Il le veut entier, il se gorge de honte. N'admettant aucune consolation, il énumère toutes les raisons qu'il a d'avoir mal, toutes les pointes de son supplice. C'est le propre des natures hautaines de ne pas consentir de rabais sur ce qu'il faut souffrir et de rechercher l'absolu jusque dans la douleur. Et j'admire ce courage implacable à ne rien se dissimuler, à contempler exprès, et dans chacun de ses détails, la catastrophe. Un tel stoïcisme est un des plus beaux fils de l'orgueil.

Je l'ai vu pourtant fléchir. C'était lorsque mes interlocuteurs, cessant leurs dures invectives, me demandaient pourquoi les grandes puissances, non contentes de leur prendre des Slovaques et des Transylvains, leur ont encore enlevé des Magyars de pure race. L'évocation de ces frères perdus faisait naître leurs larmes.

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Car plus de trois millions de Hongrois dont deux en bordure même des nouvelles frontières ont été arrachés à la Hongrie, et remis à des ennemis qui les martyrisent. Et ces chiffres sont vrais, et il est vrai que des trains entiers de réfugiés arrivent tous les jours à Budapest. Fallait-il, comme le proclame une affiche, créer des Alsace-Lorraine tout autour de la Hongrie? Pourquoi réparer une injustice par une autre injustice? Pourquoi?

A ces questions pressées, ardentes, et dont il est difficile de contester la force, on ne peut que répondre par la phrase brève et brutale qui ne résout rien: Parce que vous avez été battus...

X

Le traité de Trianon enlève à la Hongrie les deux tiers de son territoire, les deux tiers de sa population. De grande puissance associée à d'autres grandes puissances, elle tombe à l'isolement d'un petit Etat dé testé sans être craint, qui ne compte plus que sept mil. lions d'habitants. Des commissions militaires la surveillent. Son armée est réduite à trente-cinq mille hommes. Ses frontières sont ouvertes: la ligne de démarcation a été si étrangement tracée qtu'en bien des endroits elle n'obéit à aucune considération légitime, passant ici au hasard à travers une plaine, et là, à Satoralja-ujhely, séparant une ville de sa gare. Devant la destinée terrible qu'on lui a faite, la Hongrie ne comprend pas pour quelle raison, d'entre toutes les nations vaincues, c'est elle la plus durement traitée. Elle remar que qu'on a accordé des plébiscites aux territoires allemands contestés, et pas aux siens. L'Allemagne est h moins punie, alors que la Hongrie est la moins responsable...

On fait grand état à Budapest des papiers Tisza récemment publiés. Puis-je dire que je ne les trouve pa très probants? Il est vrai que le comte Tisza s'oppos à l'envoi d'un ultimatum, mais pour des raisons d'op portunisme; il ne s'élevait pas contre la guerre, il conseillait de la remettre de deux ou trois ans. Et puis, me dit-on, quel intérêt la Hongrie avait-elle à pousser au conflit? En cas de victoire, c'était la suprématie du militarisme allemand et autrichien, en cas de défaite la ruine et le morcellement. « Nous ne désirions pas d'accroissement territorial. C'est Vienne, la légère, folle et criminelle Vienne, qui voulait la guerre. >>

J'ai entendu exprimer ces arguments avec beaucoup de force par un jeune Hongrois, patriote et ambitieux, qui s'est battu, qui a comploté, qui a rêvé d'être poète et a écrit des pièces de théâtre, et qui, aujourd'hui, fait de la politique par devoir et par fierté. Caractère ardent et sensible qui s'oblige à être réaliste, il goûte de fortes jouissances à exercer, dans une fonction qui n'attire pas l'attention, une véritable influence sur les affaires publiques. Il est de ces hommes supérieurs qui préfèrent l'exercice du pouvoir à son apparence. Une fois par semaine, dans l'ile Sainte-Marguerite, où j'ai diné avec lui, il groupe des amis de son âge qui, dans l'armée, dans la presse, dans les ministères, au barreau, unis par une même ferveur magyare, poursuivent des ambitions analogues.

Je n'ai pu m'empêcher de lui répondre que je n'ap préciais pas beaucoup la façon dont ses compatriotes débarquent l'alliée d'hier. Après tout, la Hongrie a longtemps touché les dividendes de l'affaire austrohongroise. Si elle n'est pas directement responsable de la guerre, le bloc des empires centraux, dont elle faisait partie, est l'auteur du conflit. D'ailleurs n'a-t-elle pas préparé une atmosphère de guerre par sa politique antiserbe? Mon interlocuteur me rétorqua:

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Vous autres, en Occident, vous êtes habitués aux nations homogènes, proportionnées à leur territoire, comme les Scandinaves, les Anglais, les Français, les

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