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Il y avait donc, dans la majorité, une fraction spécifiquement «< cléricale » et non groupée à part, et qui se donnait aux hommes de gauche, par considération pour des concessions spéciales relatives à la Syrie, au Vatican et au statut du clergé, -- une fraction nationale modérée, impuissante parce que divisée entre deux groupes rivaux, l'Entente et les républicains de gauche, et qui ne faisait front unique que contre le socialisme, et une troisième fraction, embrigadée dès le premier jour à l'Action républicaine, qui fut l'enfant chéri et choyé de M. Millerand, et qui, sous prétexte de s'abstenir de politique, refusait son appoint au parti de la résistance, lequel fut souvent d'une clairvoyance, hélas! impuissante. Ajoutons que cette anarchie évidente eut pour résultat de grossir le groupe (?) des « non inscrits », où une vingtaine encore de collègues échappèrent ainsi à l'unité de tactique et d'action.

Il résulte de ce fait que la majorité, gouvernée par des hommes qui n'étaient pas pris dans son sein, fut vaincue avant d'avoir combattu. Faute d'une Action libérale qui lui aurait constitué un appoint essentiel dans les questions nationales (et qui, groupée à part, n'eût pu être aussi énergiquement briandiste, car sa collusion avec le bloc des gauches, contre la majorité nationale, fût apparue trop clairement, à ses membres même), la majorité, qui eût dû être répartie entre les deux grands groupes solides du centre droit et du centre gauche, absorbait, d'une part, presque toute l'Action républicaine, et, d'autre part, presque tous les républicains de gauche de la sorte la gauche démocratique aurait été clairement et nettement délimitée. Et la condamnation des radicaux-socialistes,

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réduits au rôle de domestiques et courtiers électoraux
de l'extrême gauche, fût devenue définitive. Nous
n'eussions eu alors, en face d'une majorité cohé-
rente, compacte, réfléchie et puissante, imposant
ses directions et ses hommes, ni Spa, ni Londres, ni
Paris. Plusieurs et non des moindres d'ail-
leurs, s'aperçurent de l'initiale erreur, mais la
question n'est pas d'enregistrer leurs plaintes ni leur
tardive clairvoyance. Elle est de voir dans les groupes,
tels qu'ils sont, quels sont les hommes qui comptent
et dirigent, et les tendances qui se manifestent.

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TRYGÉE.

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AFFAIRES

EXTERIEURES

M. Britling commence à voir clair

:

Wells a caractérisé les émotions successives qu'inspirèrent à M. Britling, cousin germain de « John Bull », les spectacles de la guerre mondiale sa stupeur devant un bouleversement des habitudes; sa confiance dans la supériorité du peuple britannique; son indignation en face des horreurs de la lutte scientifique; sa haine en présence du foyer ravagé; sa pitié dès que le canon cesse et l'ennemi souffre. M. Britling eut une conception également simpliste et imprévoyante de la paix. Il faut transiger et liquider, oublier le gâchis destructeur et revenir aux traditions coutumières. La rigidité française apparaît à cet excellent homme comme l'âpreté de paysans trop inilitaires et insuffisamment puritains, comme la marque d'une civilisation inférieure. L'Angleterre est plus pratique, plus généreuse et plus chrétienne. Tout échappait à M. Britling: les erreurs dans le détail quotidien, comme les erreurs dans les directives générales. Il approuvait tout. Il eût également approuvé la suprême injustice, qui consistait à réclamer le paiement partiel d'une dette de guerre au camarade de combat, à l'heure même où la faillite d'une créance attendue annule son crédit...

Mais, après avoir lu le discours prononcé à Bar-leDuc, le 21 août, par M. R. Poincaré, M. Britling commence à voir clair.

Jamais M. R. Poincaré n'a été mieux inspiré. Sans une violence, dans les termes ou dans les gestes, avec une clarté si précise qu'elle en est aveuglante, il réfute les deux mensonges dont, depuis trois ans, une presse savamment manœuvrée rabâchait les oreilles de l'excellent mais naïf M. Britling. Le mensonge politique d'abord : La France est impérialiste. Et le président du Conseil a commencé et terminé son discours, en rappelant que la France est mieux protégée, qu'aucune autre nation, contre « cette volonté de puissance ».

Elle ne convoite aucun agrandissement de territoire; elle ne réclame aucune hégémonie; elle ne veut écraser ni humilier aucun peuple... Nous sommes de braves gens... Nous demandons à reprendre dans la paix notre tâche quotidienne... Si fervente que puisse être notre vie nationale, elle n'est ni étroite ni aveugle... Nous ne demandons qu'à rester les alliés alliés et les amis de nos amis. Nous ne demandons qu'à reprendre avec nos ennemis d'hier des relations paisibles et courtoises.

de

nos

Mensonge économique enfin : l'Allemagne ne peut pas payer d'indemnité, tant que la balance de son commerce ne lui sera point favorable. Or la balance est plus défavorable encore à la France; son déficit pour 1919, 20 et 21, reste supérieur de 28 milliards de francs-papier au déficit commercial du Reich. Elle a une population moins nombreuse et un outillage plus usagé. Et cependant la France a pu non seulement faire face à ses achats, mais encore rembourser à l'étranger 6 milliards de francs, 54 en tout, tandis que l'Allemagne n'en décaissait que 32.

Avec le même bonheur d'expression, M. R. Poin

caré a signalé à ce brave M. Britling les deux injustices patentes auxquelles ses yeux de myope restent aveugles et dont sa conscience de gentleman ne se scandalise point... L'injustice politique d'abord :

«Depuis trois ans, l'accord entre les Alliés s'est fait à nos dépens »; «on nous a presque dénié le droit d'avoir une politique française ». «La France qui, à elle seule, a éprouvé plus de la moitié des dommages et a droit à plus de la moitié de la créance », devrait s'incliner devant la volonté du plus grand nombre, « c'est-à-dire des moins intéressés au règlement des réparations >>.

L'injustice économique enfin... Comment comparer des avances pour la bataille commune et les réparations de crimes impunis? « Une réclamation éventuelle nous a été adressée, au moment même où l'Allemagne nous annonçait qu'elle ne paierait pas et où l'Angleterre appuyait la demande de l'Allemagne. La coïncidence était à tout le moins regrettable. »

Ces injustices, la France ne les commettra point. «< Elle ne songe pas le moins du monde en ce moment à exercer sa créance contre les Alliés. » Elle veut faire rentrer la créance sur l'Allemagne. Et si la République était contrainte d'opérer isolément la saisie de certains gages, ce n'est point pour se « les approprier définitivement », c'est simplement pour garantir une créance commune et briser une invincible inertie.

Quelle que fût la beauté de ce discours si français par la clarté avec laquelle il pose un problème moral, un problème de liberté et de justice, il n'eût pas produit sur la pensée de M. Britling tout l'effet qu'on

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