Recevez, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma considération très distinguée. Signé: D GELEY. La seconde lettre est de Mlle Eva. Je tiens à le déclarer tout d'abord de la manière la plus formelle: j'excuse absolument le ton quelque peu acerbe de cette lettre. Que Mlle Eva ne soit pas contente et que, particulièrement, elle ne soit pas contente de moi, je dois bien être le dernier à m'en étonner. Mais, je l'affirme ici publiquement à Mlle Eva, il m'est extrêmement pénible de discuter avec elle. J'ai eu l'honneur, je l'ai dit, de rencontrer cinq ou six fois Mlle Eva, qui est une jeune fille fort sympathique, et j'ai eu avec elle les relations les plus courtoises : on doit comprendre mon embarras. Malheureusement, Mlle Eva m'oblige, par voie d'huissier, à publier sa lettre : elle me met donc ainsi dans l'obligation de lui répondre. Je le ferai. Ce qui est précisément regrettable, à mon humble avis, dans toute cette affaire des expériences spirites et métapsychiques, c'est que l'on se laisse presque toujours arrêter par des questions de convenances. Or, peut-on concilier les convenances avec la vérité ? Hélas! c'est à peu près impossible. Alors, il faut choisir. - Je choisis la vérité. « Comme vous y allez ! m'écrivait l'autre jour un camarade ; vous allez vous en faire des ennemis ! >> J'ai répondu : Je n'ai qu'un ennemi : le men Un homme qui est fort versé depuis longtemps dans l'étude de toutes ces questions et que j'ai rencontré incidemment - (et, après tout, pourquoi ne le nommerais-je pas? c'est M. Georges Meunier, l'un des principaux rédacteurs de la Rose-Croix) disait : me Oui, il est parfaitement vrai que beaucoup trop souvent on en est resté, dans nos travaux, à ce que j'appellerai des expériences de salon. Or, qu'on dise à une aimable femme qui sabote un lied de Schumann : « Ah ! Mademoiselle! c'était délicieux ! Quel talent!... » c'est fort excusable, car les inconvénients d'une telle tromperie sont généralement insignifiants. Mais que, sous le prétexte qu'on est reçu chez des gens charmants, qui vous accueillent bien, qui vous offrent le thé, etc., on n'ose pas dire, au sujet de phénomènes qui ont paru suspects: «Ces phénomènes m'ont paru suspects », voilà qui est très grave; car c'est justement sur ces phénomènes-là que va s'établir ensuite, dans le monde entier, un certificat d'authenticité, dont la valeur pourtant est nulle. Je trouve ces paroles tellement raisonnables que je peux presque dire qu'elles m'ont dicté ici ma propre ligne de conduite. Mais voici la lettre de Mlle Eva. Monsieur, Je ne voulais pas répondre aux médisances et calomnies que vous déversez sur moi à plaisir, mais cette fois la mesure est comble : Vous vous permettez de publier de prétendus aveux de moi sur les phénomènes de la villa Carmen. 1o Je n'ai jamais fait aucun aveu sur la non vérité de mes phénomènes. 2o Vous mélangez volontairement les médiums salariés qui sont passés chez Mme Noël en 1904 avec moi, qui ne suis devenu le médium privé de Mme Noël qu'en 1905. (Ici un court passage (cing lignes) concernant des tiers.) Jamais je n'ai fait aucun aveu, M. Paul Heuzé. J'allais me marier avec le fils de la générale Noël et c'eût été non seulement effroyablement malhonnête, mais absurde de me vanter d'un acte que je n'avais pas commis. Vous voulez vous faire un nom et une situation à mes dépens, c'est un but comme un autre, mais que, au moins, vos insultes ne dépassent pas les suppositions. Sinon, vous tombez directement dans la diffamation caractérisée. Le rapport de la Sorbonne ne conclut par aucune preuve de fraude, et pour cause. Le caoutchouc « que vous exploitez )) ne se trouve que dans votre imagination. Recevez, Monsieur, mes salutations distinguées. Signé: EVA CARRIÈRE. Cette lettre m'oblige à plusieurs remarques. langé volontairement › les médiums salariés avec Je pourrais me contenter de répondre à cela : c'est faux, puisque M. et Mme Portal, précisément, n'ont jamais été des médiums salariés: ils s'amusaient, voilà tout. Mais je demanderai à mes lecteurs, en m'en excusant encore, de soulever ici, au contraire, une petite discussion de fond. Car, enfin, il faudrait bien en finir, une fois pour toutes, avec cet agaçant fauxfuyant de l'amateurisme. En quoi le terme privé peutil être mis en opposition avec le terme salarié ? Eva thone B atio Au dire des amis de Mlle Eva, celle-ci n'est pas une « professionnelle », parce qu'elle n'exerce pas son art pour n'importe qui, mais seulement pour Mme Bisson. - (Il est de notoriété publique, en effet, que Mlle Eva travaille exclusivement pour Mme Bisson depuis février 1909 (1). - Or, que vaut cette distinction ? J'ai, près de moi, une dactylographe. Elle est absolument à mon service privé, et elle vit chez moi. En quoi cela l'empêche-t-il d'être une dactylographe << professionnelle >> ? Dans un ordre d'idées plus élevé: Je m'appelle lord Barclay, j'ai mon médecin particulier, que j'emmène partout, etc. En quoi celui-ci, puisqu'il vit de sa profession, n'est-il pas un professionnel? Il a un seul client au lieu de plusieurs, voilà tout. Qu'on ne vienne pas me dire ici que je me mêle de la vie privée d'Eva. La profession n'est pas la vie privée. Travailler et vendre son travail n'est pas un déshonneur, que je sache. Si les phénomènes de Mlle Eva sont vrais, elle a une profession parfaitement honorable, et je ne vois pas du tout pourquoi elle se froisse qu'on sache qu'elle vend son travail à Mme Bisson. Il n'y a là ni calomnie, ni médisance, encore bien moins diffamation. Mais, ici, me dit un contradicteur, faites bien attention. Vous dites vous-même que Mlle Eva vend son travail à une seule personne. Alors, avez-vous le droit, vous, de le juger, ce travail ? Parfaitement oui, j'ai ce droit, parce que les tra (1) Lettre de Mile Eva, dans le Rulletin de l'Institut métapsychique de décembre 1929 vaux de Mlle Eva sont publiés. (Comme l'étaient d'ailleurs ceux de Marthe B. avec la générale Noël.) Je vends ma prose au directeur de l'Opinion : Si celui-ci la garde pour lui, personne n'a, en effet, le droit de la trouver bonne ou mauvaise. Mais voilà qu'il la publie dans son journal : immédiatement elle relève de la critique publique. Eh bien ! soit encore, me dit le même contradicteur. Mais, ce que Mlle Eva a surtout voulu dire, sans doute, c'est qu'elle n'a commencé à travailler à Alger, qu'en 1905. C'est la question de la date qui est importante. Ah! alors, je répondrai ceci : C'est que sur ce point la mémoire de Mlle Eva a dû la trahir. On sait que tous les comptes rendus des séances de la villa Carmen parurent dans la Revue scientifique et morale du Spiritisme de 1902, 1903, 1904, 1905, etc. J'ai sous les yeux les numéros de l'année 1904. Je lis : Séance du 13 avril 1904: Personnes présentes: La présidente, le général, Mile Ducange, Mme Portal, médium, Mlle M. Béraud, médium. Mme la Présidente conduit Mlle Marthe au cabinet des matérialisateurs, etc. Les autres membres prennent place autour de la table. Mlle Béraud dormit plus de deux heures. Pendant ce temps, un fantôme blanc sortit du cabinet, etc. Mme Portal assura plusieurs fois voir le guide, etc. Séance du 22 avril 1904 : A ce moment, Mlle Marthe Béraud se sent entraînés... Mme Portal se lève en disant: Je les vois, les voilà !... A cet instant, la Présidente sent un petit oiseau qui se blottit contre son cou... Mlle Marthe voyait parfaitement le petit oiseau. D EDC da de Sance M So |