drement de la fenêtre ouverte et nous nous extasiions sur la légèreté de l'air... Nous devinions au bruit d'une voiture passant dans la rue les maraîchers conduisant vers les Halles leurs lourdes charrettes, les laitiers portant leurs grands pots d'étain, le facteur qui s'arrête à chaque porte pour le premier courrier, enfin tout le bruit discret le mouvement du Paris matinal. Et nous étions heureux de vivre, une fois, l'aube d'une journée... Mais ayant jeté un coup d'œil sur la pendule, je vis qu'il n'était... qu'onze heures et demie!... C'était tout de même très tôt pour nous... )) Incongruité littéraire. Il y avait longtemps qu'on ne nous avait entretenu de ces petites mystifications littéraires. On se souvient, peut-être, de ce directeur de revue littéraire d'avantgarde qui avait publié un poème « remarquable », disait-il, et qui n'était qu'un méchant acrostiche qui proclamait qu'Un Tel en l'occurence le directeur de la revue était un imbécile ou un crétin. Cette fois, la chose s'est faite avec beaucoup de sérieux. Un journal de La Rochelle a publié « une pièce en vers, artistement ciselée » comme étant de nom, certes estimé, de Mme la comtesse de Noailles ? Le poème, pour excellent qu'il fût, n'était pas du tout de l'auteur du Cœur Innombrable. Un gentil fumiste avait pris la manière et le nom de Mme la comtesse de Noailles pour faire accepter un peu de sa copie. La chose a fait grand bruit dans La Rochelle et les environs. Les Rochelais se sont montrés navrés de cette sotte histoire qu'ils appellent une incongruité littéraire. Et maintenant quel est le mauvais plaisant qui s'est permis ainsi de berner d'excellentes gens et d'user du nom, certes estimé, de Mme la comtesse de Noailles. On dit qu'il s'agit d'une petite vengeance. Ce serait un tout jeune homme, encore inconnu dans le monde des lettres qui, pour se faire connaître, se serait servi de ce stratagème. Il aurait déjà envoyé au journal de La Rochelle plusieurs petits poèmes que l'on n'aurait pas jugés dignes d'impression. Et maintenant, le jeune poète est sûr qu'il a autant de génie que Mme la comtesse de Noailles. Bande de publicité. M. Tristan Derème est l'auteur d'un beau livre de vers paru dernièrement sous ce titre à la fois printanier et automnal: La Verdure Dorée. Une bande rouge ou verte, ou rose ou blanche aurait évidemment bien fait autour du livre avec ces vocables : Prix de la Bourse de Voyage. N'ayant pas eu la fortune de pouvoir arborer une aussi flatteuse affirmation, un ami du poète tourna élégamment la difficulté. Et c'est ainsi que l'on peut voir en ce moment à la devanture d'une librairie de la rue Bonaparte, parmi tout un tas de livres primés et couronnés, celui de M. Tristan Derème, ceint d'une bande blanche sur laquelle, en belle anglaise, un monsieur a écrit : N'A PAS OBTENU LE PRIX DE LA BOURSE DE VOYAGE Et voilà qui ne manque pas d'un délicieux imprévu. Simple communisme. On sait quelles sont les idées de ces messieurs touchant la propriété: prendre son bien où il se trouve et de la façon qui vous plaît. Partant de ce principe élémentaire et qui ne souffre pas de discussion, ces bonnes gens de l'Humanité, ayant découvert chez quelques-uns de leurs confrères certains dessins qui leur plaisaient, en ont voulu faire leur bien tout simplement. Entre confrères, la chose, parfois, se fait; on indique la source et le tour est joué. Mais les communistes ont des idées particulières. Ils prirent donc bien les dessins à leurs confrères, mais sans en indiquer la provenance et, chose infiniment plus grave, inscrivirent sous lesdits dessins des « légendes » toutes différentes et assez imprévues. Ce que voyant, le dessinateur ainsi pillé, en l'occurrence Poulbot, de se mettre en colère et de revendiquer ses droits... d'auteur, au moins et d'abord. Mais il paraît que les gens de l'Humanité ne l'ont pas entendu ainsi et le dessinateur Poulbot se trouve en procès avec les fidèles de Moscou, qui le traitent de << sale bourgeois ». « La propriété, c'est le vol », disait Proudhon; mais il n'allait pas aussi fort dans le commun de la vie que dans ses discours. La question des « honneurs ». Un peu partout Les adversaires de M. Lloyd George ont trouvé une excellente occasion de l'ennuyer en soulevant la question des (( honneurs » et en l'accusant d'avoir, pour procurer des fonds à son parti, cédé au plus offrant et dernier enchérisseur des titres de chevalier, baronnet et même de lord. L'affaire n'aura pas de suites, car, en Angleterre, cela s'est toujours fait et cela se fera toujours, alors qu'en France on est plus difficile, ainsi qu'en fait foi l'affaire Wilson-Grévy, de lointaine et fâcheuse mémoire. Etant donné que notre budget accuse un déficit sérieux, pourquoi ne pas imiter, pour le plus grand bien de ce tonneau des Danaïdes qui s'appelle le Trésor français, ce qui a lieu de l'autre côté de la Manche ?... Pourquoi également ne pas exiger des droits de chancellerie pour les officiers d'Académie et de l'Instruction publique et pour tous ceux nommés ou promus dans l'Ordre du Mérite Agricole. L'ex-président Taft en Angleterre. L'ancien président des Etats-Unis, M. Taft, vient d'être reçu solennellement en Angleterre. Bien entendu, on offrit en son honneur, des réceptions et des dîners et... on prononça des discours. Certain soir il était l'hôte de la société américaine. Les orateurs s'étaient. succédés nombreux et loquaces. Bref, quand fut fini le dernier discours, la nuit était très avancée et, le président de la société, lord Ashfield, pressentant le désir des invités de regagner au plus tôt leur domicile, crut devoir les prier de ne sortir qu'après l'ancien président des Etats-Unis. Vaine recommandation! Chacun de se précipiter au vestiaire. M. Taft est corpulent: aussi, dans une course aux pardessus, doit-il nécessairement être handicapé. Philosophe, il s'assit gravement sur une des marches de l'escalier et attendit son tour. On fit cercle auprès de lui, tandis qu'il riait à pleines dents de cette réunion... sans façon. L'esclave de son art. Même à rester dans les musées, les choses et les objets finissent par s'user. C'est ainsi que l'on a constaté dernièrement que nombre de tapis vieux et authentiques qui nous vinrent du pays d'Algérie, par endroits s'effritaient et s'effilochaient. Il était de toute urgence de les réfectionner si l'on voulait les sauver et éviter de les voir tomber à bref délai en cordes. On fit appel à des spécialistes parisiens, mais aucun ne voulut se charger de ce travail minutieux. C'est alors qu'on pensa aux descendants de ceux qui tissèrent lesdits tapis. On fit donc proclamer en Algérie qu'il y avait à Paris une place vacante pour quelques femmes connaissant très bien l'art du tapis. Et c'est ainsi que l'on peut voir en certaines salles de nos musées où se trouvent des tapis, des femmes accroupies et tricotant de leurs doigts habiles pour redonner une beauté à de belles vieilleries. Ce sont de précieuses vestales qui entretiennent avec dévotion le feu sacré d'un art que la machine tend à faire disparaître aujourd'hui. Agrandissements. On peut remarquer, sur un établissement financier situé près de la place de l'Opéra et dont le directeur (de nationalité balkanique) vient d'être remis en liberté après un court séjour sous les verrous, un grand écriteau portant ces mots : « Agrandissement de la banque Χ... )) « Agrandissement? » dit-on, quand on passe là, ne devrait-on pas dire plutôt : « Elargissement? » Turi Rapisarda ou le bon brigand. On vient d'arrêter, en Sicile, le brigand Turi Rapisarda, au milieu de l'attendrissement général. Voilà neuf ans, en effet, qu'il travaillait dans le même district et chacun a une histoire touchante à raconter sur la douceur de ses mœurs. C'était un véritable redresseur de torts, contraignant les séducteurs de jeunes filles à épouser leurs victimes, obligeant les voleurs moins chevaleresques que lui à restituer les bestiaux dérobés à de pauvres paysans. Pendant la guerre, il se montra très patriote et donna la chasse aux innombrables déserteurs qui se cachaient sur les pentes de l'Etna. Il leur offrait le choix : ou il leur tirerait sur place une balle dans la tête ou ils retourneraient au front; ils préféraient encore la seconde alternative. Jeune, fort et beau, ce brigand si fascinateur avait coutume d'errer à cheval, richement vêtu, à travers le pays cependant que six grands matins le suivaient. Personne ne comprend comment il a pu être pris. On suppose qu'un de ses dix-huit compagnons l'a trahi en lui versant un soporifique, si bien que les gendarmes |