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La controverse franco-britannique Vues subjectives, causes réelles

L'opinion française, éclairée, a pris un vif intérêt à la discussion récente qui s'est poursuivie, au Parlement comme dans la presse (1) sur cette question éminemment propice aux spéculations suggestives : qui des deux doit l'emporter, de l'économique ou du politique? Discussion n'est pas, à dire vrai, le mot juste. C'est celui de conversation qui convient; conversation bien divertissante, qui montre que le jeu des idées, poursuivi pour le plaisir de l'esprit, est toujours un jeu national. Celle-ci a permis de reconnaître, si l'on avait pu en douter, que les Français sont admirablement d'accord pour nier que l'économique doive l'emporter.

Qu'on se rassure! Notre intention n'est pas de rompre ce concert. L'idée de marquer la moindre divergence avec une opinion, si unanime et, jusqu'à présent, si constante en ce pays, nous inspire un trop profond effroi. Car quel risque terrible pour un écrivain: se déclarer non conformiste !

Le point qui nous occupe est beaucoup plus limité, modeste, médiocre. L'économique doit-il compter? Tandis qu'en hommes qui savent penser, qui se

(1) Voir les articles de MM. Albert Thibaudet, Alfred Fabre, Luce et Georges Guy, Grand dans l'Opinion, p. 613, 718 et 826.

plaisent à penser et regrettent qu'il y ait relâche dans la façon de penser où ils excellent, nous organisons d'aimables combats idéologiques; tout près de la lice qui les limite, la voix grossière des intérêts matériels se fait entendre. Absorbant toute l'énergie de ces intérêts, l'économique non plus idée, mais force vive,

depuis tantôt trois ans se montre si tenace en ses progrès que le politique, malgré son art de parole et de style, n'arrête pas de reculer. Nous avons une formule, les Anglais n'en ont pas, non pas même « économique d'abord », que nous leur avons prêtée pour la convenance du tournoi intellectuel. Mais ils ont une méthode et qui est d'agir. Depuis trois ans nous reculons devant eux comme dans les vieux combats du XIV siècle la bannière devant les archers. Vouloir que les idées se battent avec succès contre les faits, quelle singulière tactique!

Pour tenir contre l'Angleterre, le premier point est de comprendre la cause de ses résolutions.

Elle nous dit : « C'est au désordre économique général que j'impute la crise dont je souffre et, l'effet devant suivre la cause, je prétends ne pouvoir triompher de cette crise que si l'ordre est restauré. Cet ordre naîtra du rétablissement des courants d'échanges normaux, tels qu'ils existaient avant la guerre, réserve faite des modifications plus ou moins profondes que put y apporter celle-ci. » Notre meilleure réponse fut la suivante : « C'est une thèse; la nôtre est différente. Il ne nous semble pas démontré que la crise qui nous affecte ait un caractère mondial. Peut-être nous concerne-t-elle seuls, et cédez-vous à une illusion, quand vous cherchez la cause de vos maux dans l'appauvrissement économique du continent européen. Nous inclinons, a priori, à croire que la renaissance industrielle de l'Europe centrale et orientale aggraverait nos difficultés, en accentuant la concurrence sur nos marchés préférés. Vous achetiez à l'Allemagne et à la Russie notablement plus que vous ne leur vendiez. Que nous importe donc que se rouvre le marché russe et que s'assainisse le crédit allemand? Qu'est-ce, d'ailleurs, que ces courants d'échanges normaux que vous souhaitez rétablir, et la presse n'a-t-elle pas révolutionné l'économie intérieure des peuples et bouleversé à jamais leurs relations mutuelles? Une ère nouvelle s'est ouverte; il faut vous adapter à ses nécessités, sans tenter de reconstruire ce qui fut. Et le terme même que vous avez les premiers jeté dans la circulation, ce mot « reconstruction », non seulement nous paraît faux; à peine s'il nous est intelligible. »

De ces deux thèses, quelle est la vraie? Nulle des deux, jusqu'à présent, n'a été l'objet d'une démonstration; le plus qu'on en puisse dire, c'est qu'elles sont vraisemblables à des degrés divers, et susceptibles inégalement de recueillir les suffrages des hommes capables d'en juger. Pour fixer à leur sujet la vérité, il faudrait une étude préalable fondée sur le principe communément admis, qui suppose qu'il existe une solidarité économique liant entre elles toutes les parties de l'univers. Ceci reconnu - car il le faut bien, si l'on ne veut remonter au déluge, - on déterminerait les conditions de cet équilibre tel qu'il s'établissait en fait avant la guerre; on économiserait ensuite les transformations apportées par celle-ci dans l'état de choses existant et qui sont de deux sortes : les unes passagères, résultant du trouble qui, depuis le début des hostilités, a suivi la brusque et radicale interruption des échanges anciens; les autres définitives, si cette interruption même a fait naître de nouveaux courants commerciaux, qu'on puisse tenir pour naturels et, somme toute, préférables à ceux qui préexistaient. Car l'évolution économique est constante, et certains accidents peuvent favoriser une genèse commandée par la

nature.

Mais une telle œuvre serait longue et, si l'on ose dire, intellectuellement coûteuse. Et si, une fois terminée, elle donnait tort à notre thèse, l'effort cérébral dépensé par son auteur ne serait-il pas perdu pour lui? Si quelqu'un l'entreprend jamais, il marquera par là même et sa foi dans la vérité économique et une étrange confiance dans la puissance qu'a celle-ci de convaincre. Car qui d'entre nous, malgré les vigoureuses leçons que l'événement nous donne, admet aujourd'hui que certaines nécessités sont à ce point irrésistibles que le refus de s'y soumettre condamne à l'insuccès final? Si pourtant il en était ainsi, la moindre réflexion nous inclinerait à tenir compte de ces forces qui nous résistent, et les mettant en balance avec nos préférences instinctives, à chercher entre les unes et les autres un compromis.

Nous supposerons donc que les nécessités matérielles comptent un peu dans les décisions des peuples, et même des individus. Nous irons jusqu'à reconnaître que ce temps-ci, où elles semblent plus pres

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