Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pacification totale du Maroc et à la consolidation de notre protectorat dans les sphères encore incertaines. En recherchant dans la jeunesse marocaine de nouveaux éléments de succès, le maréchal Lyautey déploie une fois de plus son imagination prévoyante. C'est le propre de l'homme d'action et l'on ne saurait refuser à l'animateur du Maroc le goût des entreprises originales. Rien n'est fait, disait César, tant qu'il reste quelque chose à faire. Voilà pourquoi le maréchal Lyautey ne cesse de construire.

[merged small][ocr errors]

DE LA

PENSÉE FRANÇAISE

Le livre français en Egypte

Quelle est la situation de notre livre en Egypte, pays de culture française, malgré quarante-cinq ans d'occupation anglaise, et quelle peut-elle être demain? C'est à quoi répond une récente enquête de la Maison du Livre, entreprise auprès de nos représentants à l'étranger et dont il n'est pas sans intérêt de compulser les résultats. Cela nous entraînera peut-être à des redites, mais il est des vérités que, dans notre intérêt, on ne saurait trop répéter.

Nous avons une position intellectuelle très forte, cela n'est pas douteux, et l'empreinte française, qui date de Bonaparte et surtout de Méhémet Ali, n'a jamais été effacée en Egypte. Quelques exemples le montreront bien.

D'abord, nous avons l'avantage que notre langue soit universellement répandue. Le journal officiel du gouvernement égyptien paraît en anglais et en français; la commission municipale d'Alexandrie n'emploie que le français; toutes les grandes sociétés indigènes (Société d'économie politique, Société sultanienne de géographie, Université, Union syndicale des agriculteurs) publient leurs bulletins et comptes rendus en français. Devant les tribunaux mixtes, quatre langues sont admises l'arabe, l'anglais, le

français et l'italien; mais on ne plaide qu'en français, les arrêts et jugements sont écrits en notre langue, parfois en italien, jamais en anglais. La presse est presque exclusivement de langue française: on ne compte que deux journaux italiens, deux journaux anglais et quelques grecs. Enfin, les affiches, la publicité commerciale, les indicateurs des chemins de fer et des postes sont écrits en français.

Et tout contribue à développer l'usage du français. On ignore trop chez nous combien sont utiles à ce point de vue nos établissements d'enseignement à l'étranger; nous devons une particulière reconnaissance à ceux d'Egypte. Ce sont les établissements des Frères de la Doctrine chrétienne les plus anciens, puisque leur création remonte à 1854; ils ont aujourd'hui 1.800 élèves au Caire et des écoles dans les grandes villes. Et les collèges des Jésuites qui, au Caire et à Alexandrie, ont chacun de 300 à 400 élèves; les lycées d'Alexandrie et du Caire qui datent de 1909 et celui de Port-Saïd (1910); les écoles de l'Alliance israélite et, à Tantah, le collège Saint-Louis des Pères des Missions d'Afrique.

Quelques chiffres à Alexandrie, sur 28.000 enfants fréquentant les écoles, 12.000 sont instruits dans des écoles égyptiennes et sur 21.000 recevant un enseignement européen, 7.000 ont une instruction française. Au Caire, 12.000 enfants dans nos écoles; à Port-Saïd, un bon millier.

En outre, nous avons un établissement d'enseignement supérieur qui nous a puissamment servis: c'est l'Ecole française de Droit du Caire qui, comptant cinq ou six élèves en 1890, année de sa fondation, en comptait 425 en 1914. La plupart de ses diplômés

recrutent l'administration ou le barreau égyptiens. Enfin, la célèbre Université musulmane d'El Azhar, centre d'instruction religieuse, où accourent les jeunes lettrés de l'Islam entier, commence à se mettre à l'étude du français.

Est-il besoin d'insister davantage? La prédominance de notre langue et de notre culture n'a pas besoin d'être davantage démontrée.

Il est évident que tous ces gens qui étudient et parlent le français lisent des livres français. Si l'on consulte, par exemple, les statistiques de la bibliothèque municipale d'Alexandrie, on voit que, pour l'année 1920, 90 pour cent des ouvrages européens consultés sont des ouvrages français.

Quels sont ceux de nos livres qui sont le plus demandés ? Nos romans d'abord et, naturellement, surtout ceux de nos grands romanciers: France, Loti, Bourget; après eux, les romans « succès du jour »>, ceux dont on parle à Paris et le roman dit populaire : feuilletons ou romans policiers.

Les livres techniques sont presque tous français. Les livres de droit le sont exclusivement et les livres de médecine se vendent bien, quoique assez concurrencés depuis la guerre par les ouvrages similaires anglais. Enfin, nos ouvrages classiques s'écoulent abondamment. Les livres de luxe sont moins demandés en Egypte, parce qu'ils ne touchent qu'une clientèle de riches amateurs qui presque tous profitent de leurs séjours annuels à Paris pour se pourvoir sur place.

La demande est donc considérable, d'autant plus que la concurrence étrangère n'est pas inquiétante

pour nous.

Les livres qui pourraient le plus facilement s'opposer aux nôtres sont les livres anglais, évidemment. Ils ont connu une assez grande vogue en Egypte pendant la guerre du fait de la présence de gros contingents britanniques; depuis, leur vente s'est un peu ralentie, mais ils ont encore sur les nôtres l'avantage d'une présentation élégante et soignée pour un prix beaucoup moins élevé. Il est remarquable à ce point de vue que les éditeurs anglais aient tenté de réduire les frais de leur clientèle en réunissant, par exemple, en un seul volume des ouvrages qui, avant la guerre, formaient deux tomes; pendant ce temps, et je ne sais pas de coutume plus absurde et directement contraire d'ailleurs à leurs intérêts, nos éditeurs ont pris l'habitude inverse, publiant en deux tomes des livres qui, antérieurement, tenaient en un seul volume.

Les autres livres étrangers, allemands ou italiens, sont très peu demandés. Mais les Allemands écoulent par contre des livres français fabriqués chez eux; ainsi une maison de Leipzig qui a édité l'œuvre de Flaubert arrive à la vendre aux libraires égyptiens au taux de 2 fr. 50 le volume cartonné.

pra

C'est d'autant plus regrettable que le principal obstacle à la diffusion de nos livres dans ce pays si bien disposé à les accueillir, c'est leur prix, vraiment prohibitif, par suite, hâtons-nous de le dire, des tiques à tout le moins étranges des intermédiaires indigènes. Comme à tous les libraires, nos éditeurs leur consentent des remises variant de 20 à 33 0/0. Autrefois, majorant le prix français de 15 à 20 0/0, pour couvrir leurs frais de transport, ils vendaient notre livre à peu près à son prix de France.

Aujourd'hui, ils spéculent sur le change de la

« AnteriorContinuar »