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EXTERIEURES

Les préliminaires de Londres

(8 Août)

Quand ces lignes paraîtront, le Conseil Suprême, si fâcheusement reconstitué dans sa forme première, aura rendu son arrêt. Je ne chercherai point à le deviner. Mais on peut être, dès maintenant, assuré que la bataille sera difficile et le choc rude.

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La note de Lord Balfour, en date du 1 août, le discours prononcé par le chancelier de l'Echiquier, sir Robert Horne, et par M. D. Lloyd George, à la Chambre des Communes, le 3 août, fournissent des indications suffisantes, pour permettre de préciser la politique anglaise. Elle sera, comme elle n'a jamais cessé de l'être sur le terrain des négociations financières, doublement négative. Ajourner une solution totale et résister aux demandes françaises ces deux objectifs, malgré les espoirs donnés à M. Millerand sur la plage d'Hythe et à M. Loucheur sur les pelouses des Chequers, à dix-huit mois d'intervalle, restent immuables.

Huit jours avant l'arrivée de M. R. Poincaré, les insulaires inquiets organisaient des positions défensives, creusaient des tranchées et posaient des réseaux.

La note de Lord Balfour n'en fait point mystère. Les mots changemeni de politique s'y trouvent tout nets. Certes le gouvernement britannique n'a point ou

blié, que les nations débitrices et créancières ont été et sont bien plus que cela; elles étaient des associées dans le plus grand effort international, qui ait jamais été fait pour la cause de la Liberté... les dettes ont été contractées... non pour le profit séparé d'Etats particuliers, mais pour la grande fin commune à tous... Sans doute, le Foreign Office reste prêt, en principe, à abandonner sa propre part des réparations allemandes et à annuler, au moyen d'une vaste transaction, tout l'ensemble des dettes interalliées. Mais, il n'en doit pas moins avec répugnance, avec un grand déplaisir, adopter un changement radical dans la manière d'envisager les prêts, qu'il a consentis à ses Alliés. « Il ne saurait être juste », que tel des associés de l'Entreprise, récupère sa créance, tandis qu'un autre, tout en ne recevant rien, soit invité à rembourser tout le montant de ses emprunts. La Grande-Bretagne doit, mtérêts non compris, aux Etats-Unis, le quart des 3.400.000 livres, qui lui sont dus par l'Allemagne (1.450 millions), la Russie (650 millions) et les Alliés (1.300 millions). Elle ne demandera à ses débiteurs, que ce qui est nécessaire pour payer ses créanciers, soit à la France 17 0/0 du total, 144 sur les 600 millions de livres prêtés à la République. Il se voit donc contraint, à regret, d'inviter le gouvernement français à prendre des dispositions pour traiter de son mieux la question de ses emprunts envers l'Angleterre.

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Quels sentiments ont dicté à Lord Balfour ce document d'une écriture exceptionnelle, aussi remarquable par ses précisions que par ses silences, où le Foreign Office appliquant le principe «< ni vainqueurs, ni vaincus »>, met sur le même pied tous ses débiteurs, l'Allemand et ses Alliés, assimile les réparations

dues pour un crime aux avances consenties à un camarade?

Nous savons que la décision a provoqué de vifs débats au sein du Conseil des Ministres. Trois fois le Cabinet fut saisi de la note. Il l'approuva un jour, la déchira peu après, et finalement la signa, le lundi 31 juillet, malgré la résistance de sir Robert Horne.

Pourquoi le gouvernement britannique a-t-il choisi cette date pour réclamer à la France un argent qu' qu'elle a déjà remboursé une première fois avec un sang dont ses Alliés lui ont chichement discuté le prix ?

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Est-ce un avertissement donné aux Etats-Unis, avant le départ du Parmentier anglais ? Je n'en crois rien. Si le Foreign Office avait voulu faire sentir au Cabinet de Washington le poids de ses responsabilités, il eût choisi une méthode plus efficace parce que moins directe et plus discrète. Il eût attendu, sans mot dire, la réunion du Conseil Suprême; déposé sur la table un plan de liquidation réciproque; pris l'initiative d'une annulation, au moins partielle. Cette supériorité aurait piqué l'orgueil américain. Cette invite eût frappé l'attention américaine. En agissant aujourd'hui, avec précipitation et avec précision, contrairement aux conseils des ambassadeurs Geddes et Harvey, Lord Balfour, qui connaît l'atmosphère de Washington, risquait de froisser des épidermes sensibles et de provoquer des manifestations inopportunes. Elles n'ont point manqué de se produire. Et il a dû être singulièrement pénible pour le comte de Balfour

d'entendre le président de la Commission des Finances, le sénateur J. Mac Cumber, déclarer :

L'Angleterre, au contraire de ses débiteurs, est parfaitement solvable. Elle offre maintenant d'annuler ses protêts contre des débiteurs qui sont au bord de la faillite et desquels elle ne peut rien recevoir. Nous n'annulerons jamais sa dette. Une telle mesure ne pourrait pas être adoptée par le Sénat et ne serait jamais approuvée par le peuple américain.

La presse s'est déchaînée. Le Sénat s'est gendarmé...

Mais, alors, pourquoi le gouvernement britannique s'est-il ainsi exposé à froisser le seul peuple dont il ménage les sentiments et qu'il traite avec déférence ? Pour deux raisons, l'une d'ordre électoral, l'autre d'ordre diplomatique.

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En prévision d'un scrutin, qui ne saurait être longtemps ajourné, le Cabinet a voulu apparaître, aux yeux des masses anglaises, sous les apparences toujours favorables du gardien des deniers publics, du protecteur des contribuables obérés. Il ne veut pas reporter l'income-tax aux chiffres de guerre. Il ne veut pas prélever un schelling de plus par livre de revenu. Et Gerotwohl indique nettement, dans le Daily Telegraph, que le manifeste de la Fédération des Industries britanniques, dont je signalais, il y a huit jours l'importance, - a pesé, d'un poids décisif, sur les décisions ministérielles. Pour en être convaincu, il suffit de lire les débats parlementaires du 3 août.

Comment sir Robert Horne a-t-il terminé son discours En affirmant que le contribuable britannique paie 17 liv. 17 sch. par tête, et le contribuable français 9 livres; que, tant au point de vue des impôts

'directs et indirects, le citoyen britannique paie plus que le Français. L'impôt sur le revenu prélève ici 7 liv. 10 sch. par tête et 1 livre en France; les droits sur les vins, l'alcool et la bière 3 liv. 10 sch. par tête en Angleterre contre 1 livre en France. Pourquoi ces chiffres? Parce qu'il est nécessaire de galvaniser l'opinion britannique, pour faciliter la résistance gouvernementale au sein de la Conférence. Afin de réaliser cette manœuvre, sir Robert n'a pas craint, avec une incroyable légèreté, d'apporter des chiffres inexacts. C'est la réédition du faux de Lord Lee. La Conférence commence bien. J'ai moi-même remis, en mars 1922, à sir Edward Grigg, chef du Cabinet de D. Lloyd George, un travail remarquable, dressé par M. Compeyrot, l'expert financier de la Société d'Etudes et d'Informations économiques. Il établissait que les impôts de consommation étaient, en France, deux fois plus élevés qu'en Angleterre, et que les impôts directs sur la fortune pesaient d'un poids sensiblement égal dans les deux pays. Ces calculs ont été depuis confirmés par le directeur de l'Economist, J. Layton, un Anglais éminent et un libéral impénitent. Il a établi que, par rapport au revenu national, les recettes fiscales représentent :

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1913 Recettes effectuées.. 12 5 1/2 1920 Recettes actuelles.. 14 10 1922 Recettes prévues... 22 7 Sir Robert Horne ne lit donc pas l'Economist ? Grâce à une erreur indigne de son caractère et que, en gentleman, il doit réparer, le chancelier de l'Echiquier put terminer son discours sur un succès certain et produire sur l'opinion l'effet voulu.

Comment D. Lloyd George a-t-il achevé sa réponse

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