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INTERIEURES

A la recherche

d'un budget de recettes

L'impôt sur le revenu répudié par le prolétariat.

Depuis que la Commission du Budget s'appelle Commission des Finances, elle marque un souci plus louable il faut en convenir de comprimer les dépenses, et je vois qu'elle vient de supprimer trente sous-préfectures à titre d'indication. D'autre part, le gouvernement, respectueux, comme il convient, de la volonté des Chambres, paraît se décider à réduire le nombre des fonctionnaires. Enfin, voici les deux Assemblées d'accord sur une procédure draconienne contre les ministres et les administrateurs qui engagent criminellement des crédits sans un vote du Parlement.

Mais cette volonté « farouche » d'économies, comme disait M. Doumer, qui avait le verbe énergique, ne saurait suffire à équilibrer le budget. Force est donc d'envisager ce pénible chapitre des recettes. Il ne s'agit point, par ce mot, du compte des réparations. Nous ne parlerons, plus modestement, que du budget des recettes ordinaires. Recettes? C'est tôt dit. Il n'est que deux façons de s'en procurer l'emprunt et l'impôt. Or nous ne vivons que

sur cette formule: ni emprunt, ni impôt. Pour l'emprunt, c'est chose claire notre édifice financier, déjà précaire, ne saurait être chargé de nouveaux arrérages sans s'effondrer. Reste l'impôt il est généralement admis que la capacité imposable du contribuable est remplie, du moins en théorie. Et comme ces impôts sont fort lourds et fort nombreux, et d'ailleurs parfaits, c'est donc qu'ils sont mal perçus.

et

M. de Lasteyrie, qui aime le contribuable c'est bien son devoir, - veut nous débarrasser, paraîtil, de cette effroyable paperasserie, de ces innombrables et incompréhensibles feuilles d'impôts, et de ce travail supplémentaire de faire tant d'additions et de totaux, et de correspondre avec tant de percepteurs. La volonté louable de M. de Lasteyrie est que soit totalisée sur une feuille unique l'ensemble de nos impositions de l'année. Voilà qui est parfait. Mais nous nous permettrons aussi de demander que cette feuille soit envoyée et reçue - en temps utile. Et que les contributions, ainsi notifiées en temps utile, soient acquittées en temps utile également. De la sorte l'Etat n'aura plus aucun désordre dans ses écritures, et ne perdra plus des sommes énormes d'intérêt.

On nous répondra, je le sais « l'Administration plie sous le faix du labeur. Désorientée par un impôt nouveau procédant de formules nouvelles, elle est noyée dans le flot des cotes et des avertissements. >> Certains, qui tiennent cette excuse pour ce qu'elle vaut, admettent qu'il faut qu'une administration s'organise et, même, si elle veut s'organiser. Mieux, ils se frottent les mains à penser qu'une organisation si compliquée ne saurait être que l'œuvre des siècles, et qu'un impôt d'un recouvrement si laborieux, où la fraude est

par contre si facile, ne saurait avoir la vie bien dure, et que ses jours, pour tout dire, sont comptés.

Pareillement, les mêmes se félicitent que la réforme ait été boiteuse et que subsistent, à côté des cédules, les impôts départementaux et communaux basés sur les quatre vieilles supprimées au principal. Leur ceil sagace découvre, en effet, dans cette réforme incomplète et claudicante le signe certain qu'elle ne sera jamais complétée ni mise en équilibre parfait.

Un autre rayon d'espérance leur vient des mesures inquisitoriales, inapplicables, voire absurdes dont notre éminent, mais avisé ministre, avait prétendu garantir contre la fraude l'impôt sur les valeurs mobilières. Ceux qui poussèrent, à cette nouvelle, les plus rudes dameurs, n'étaient point les plus mal contents. Car n'est-il pas excellent d'établir qu'un impôt qui ne se peut percevoir sans mesures inquisitoriales, ni applicables, voire absurdes, est un impôt qui ne saurait longtemps fonctionner ?

Il est évident qu'une campagne commence pour

abolir l'impôt sur le revenu. Considérons plutôt l'indifférence bénigne avec laquelle l'Administration regarde ceux qui ne veulent point payer l'impôt sur les salaires. A Billancourt, l'huissier, dont on menaçait les insoumis, n'a pas paru. C'est là une excellente scène de revue. Et voici qu'un brave bureaucrate, à l'exemple des travailleurs manuels, refuse d'acquitter sa cote, et qu'ici encore comme il con

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vient logiquement l'exécuteur n'a pas paru. Qui ne voit que nous dépassons ici la scène aimable de café-concert, et qu'un impôt qu'on est libre de ne point payer a vécu?

Nous regrettons sans détour cette attitude de l'Administration. Ou il faut abolir un impôt, ou il faut en assurer le recouvrement. Dans ce pays de France qui a gardé merveilleusement son équilibre et sa santé morale au milieu d'une Europe un peu désorientée, le spectacle de l'anarchie est toujours d'un mauvais exemple, et qu'est-ce donc qu'un pays où disparaît la notion d'ordre public, au point qu'il est loisible à qui veut, de se soustraire aujourd'hui au devoir fiscal, demain au devoir scolaire, après-demain au devoir militaire ? Car il est bien entendu que la loi est égale pour tous. Ou chacun paie l'impôt légal, ou le fonctionnaire ne saurait payer la taxe dont l'ouvrier s'affranchit, non plus que le médecin ou l'avocat ne doivent acquitter celle dont le fonctionnaire est exempt telle paraît bien être, d'ailleurs, la doctrine de l'Administration.

Mais, comme il est impossible d'admettre que cette doctrine aboutisse à l'anarchie, consciemment voulue et cherchée, il faut bien reconnaître qu'il n'y a en tout ceci qu'une démonstration de ce fait qu'il faut abolir l'impôt sur le revenu.

Démonstration légitime, certes, mais les expériences les plus courtes sont aussi les moins dangereuses, ne prolongeons pas celles du désordre et de l'anarchie.

Sans doute, le retour aux quatre vieilles peut avoir des inconvénients, dont le moindre est de rendre au parti radical une doctrine, un programme, une plateforme électorale. Par ailleurs, ces quatre vieilles, assises sur les signes extérieurs, dont le principal est le loyer, frappent durement les familles nombreuses. Mais n'en est-il pas de même de l'impôt indirect, si nécessaire, car si productif ?

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D'ailleurs, force est de reconnaître que l'impôt sur le revenu si juste en théorie, (mais nous ne sommes plus assez riches pour faire de la théorie) est condamné par la majorité du pays. Les classes moyennes de la bourgeoisie, qui, au total, sont toujours accablées par n'importe quel régime fiscal, sont opposées, par définition, au système en vigueur qui, invariablement, les meurtrit et les écrase. Autrement grand est le soulèvement du prolétariat tout entier contre l'impôt sur le revenu. L'un, le prolétariat agricole, ne l'accepte que parce qu'il ne le paie que sur un forfait. L'autre, le prolétariat de l'atelier et de l'usine, le condamne sans appel en refusant de le payer, et proclame en même temps que la faillite de ce principe fondamental de la civilisation moderne qu'est l'égalité des citoyens deyant l'impôt, cette autre faillite, moins désastreuse, de la pensée radicale socialiste. Ce n'est point là, d'ailleurs, soit dit en passant, le plus mauvais tour, ni le moins savoureux, que nos compères de la rue Grangeaux-Belles aient joué à leurs alliés d'hier, leurs domestiques d'aujourd'hui : j'ai nommé ceux de la rue de Valois.

Il était du devoir du gouvernement, c'est entendu, de recueillir ces faits, de les souligner, de leur donner toute la publicité voulue, mais il ne faut pas s'attarder à cette démonstration. Il faut agir. Ne chicanons point sur des formules d'écoles. Que le gouvernemnet propose au Parlement un système, et celui-ci dira sa volonté. Quant à l'impôt sur le revenu, qui constitue notre presque unique source de recettes, il faut prendre un parti immédiat : l'abroger, ou le

cevoir.

per

TRYGÉE.

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