pas, à cause du milieu, de vraies preuves. Il veut un milieu scientifique indiscutable... Je me suis donc mis à l'œuvre. J'ai réussi, et je viens dire aujourd'hui ceci.: Trois professeurs de l'Université de Paris par conséquent la science officielle française - mettent à ma disposition un laboratoire dans la Sorbonne, et acceptent d'authentifier les phénomènes : ectoplasmie, matérialisations. Ces messieurs seront seuls, bien entendu, et les bruits suivant lesquels j'aurais fait appel à M. Branly, au R. P. Mainage ou à Dicksonn, etc., sont de simples fantaisies. Mon étude n'a en rien pour but d'attaquer aucune des organisations déjà existantes, mais, au contraire, de leur donner un appui. Je ne suis, vous le savez, l'adversaire de personne et je prétends, au contraire, que j'aiderai ainsi les expérimentateurs, quels qu'ils soient, si leurs expériences furent sincères. Cela dit (et vous sentez combien les querelles de personnes me paraissent mesquines, les criailleries ridicules) peu m'importe, profondément, quel sera le médium qui, le premier, donnera à la Sorbonne un résultat positif : Le plus tôt sera le mieux, voilà tout. Un mois, de nouveau, se passa. Et c'est alors que tout à coup parut, dans la Revue Métapsychique de janvier-février, un long article, ou plutôt une étude d'un caractère scientifique très net, au milieu de laquelle j'étais dessiné de pied en cap, cette fois devant le public, par M. le directeur de l'Institut Métapsychique lui-même. Quel honneur ! On me rendra, j'espère, cette justice, que j'ai toujours parlé avec le plus grand respect du docteur Geley. Je continuerai. J'ai dit ici même, précédemment, que je plaignais cet homme : Je répète que je plains cet homme. Et ma seule petite vengeance consistera maintenant on conviendra qu'elle n'est pas méchante à mettre tout simplement sous les yeux de mes lecteurs le morceau en question. Il s'agissait d'une étude de quatorze pages, ayant pour titre « L'hypothèse spirite », motivée par les conclusions négatives du Traité du professeur Charles Richet, et dans laquelle l'éminent docteur Geley défendait (c'était son droit ; c'était même, me dit-on, son devoir) le spiritisme attaqué. Soudain, il s'y trouvait cette anecdote inattendue : J'ai reçu, ces jours derniers, la visite d'un ami, M. R.... métapsychiste distingué, et convaincu fermement, comme M. Lebiedzinski, des capacités sans bornes des forces médiumniques. Voici l'étrange conversation qui s'engagea entre nous : Vous connaissez, me dit-il, le jeune homme (1) qui a publié récemment, sur nos études, de sensationnelles interviews ? Qui, répondis-je. C'est un garçon intelligent, mais qui est atteint d'une singulière manie : c'est de s'imaginer que la découverte de l'Amérique n'est pas encore faite et que l'honneur lui en est réservé ! (2). C'est cela, reprit M. R... Eh bien, j'ai tout lieu de croire que ce garçon n'existe pas, en tant que personnalité distincte et autonome; qu'il est simplement un produit idéoplastique du médium Kluski, un ectoplasme abandonné par ce dernier lors de son passage à Paris. Inconnu jusqu'à ce moment, il est destiné, sans doute, à disparaître aussi vite qu'il est apparu! Comme je le regardais avec stupeur, mon interlocuteur continua : Oui, je sais, vous allez m'objecter la longue durée de cet Ectoplasme, ses évolutions en plein jour, loin de son médium... Mais qui peut assigner une limite aux forces métapsychiques ? en (1) Je ne peux qu'être flatté de ce terme. Car je dois m'excusant d'un tel détail, informer mes lecteurs de mon âge: quarante-quatre ans. - Cela prouverait que je « ne les porte pas ? Quelle chance! (2) Je connaissais cette charmante phrase: elle figurait déjà dans une lettre privée. Les contingences de temps, d'espace, de lumière, etc., sont vraiment fort peu de chose, dès qu'on a admis la possibilité philosophique et physiologique de la création d'un Etre, de toutes pièces, par un médium ! Evidemment, dis-je. Votre fantaisie est amusante ! Continuez. Ce n'est pas une fantaisie, affirma M. R...; je suis arrivé à la conviction que la personnalité en question est purement fantomatique, après avoir lu son interview récente dans un journal du soir. Il est clair, d'après cette interview, que la psychologie de l'entité P. H. est tout à fait celle de certaines des entités matérialisées dans les séances médiumniques. Elle se révèle, en premier lieu, par une prétention extraordinaire qui, a elle seule, est caractéristique! Vous savez que les fantômes sont, parfois, d'une extravagante vanité. Ils se croient capables de tout, prodiguent des promesses sensationnelles. Mis au pied du mur, ils ne montrent plus, par contre, que des capacités très limitées. De plus, les fantômes aspirent à diriger les expériences; ils se disent des guides. C'est encore le cas de P. H. Il se donne comme l'organisateur et le directeur, le guide, en un mot, vous entendez, le guide indispensable d'expériences sensationnelles, d'expériences comme il n'en jamais été fait ! On reconnaît bien là l'outrecuidance bouffonne de ces entités. Enfin, toujours comme certaines entités médiumniques, P.H., à côté de brillantes facultés, présente de singulières lacunes psychologiques, qui dénotent immédiatement un Etre incomplet et fragmentaire. Ecoutez ce qu'il dit de Crookes, de Lodge, de Richet et de leurs expériences : « Je prétends (il ose dire: je prétends!) que pas un n'a fait ce qu'il fallait faire tout d'abord : faire authentifier indiscutablement les phénomènes!... Le phénomène se produit, là où il se produit, dans des conditions déplorables avec, toujours, comme témoins, ces mêmes gens qui ont été vingt fois roulés et dont nous ne voulons plus! etc. » (1) Je vous le demande, en toute sincérité: de pareilles paroles ne sont-elles pas pleinement révélatrices de la véritable nature de l'entité P.H.? (1) Remarquons qu'ici mon texte est faussé. Cos paroles avaient été citées comme extraites d'une lettre que j'avais reçue. Un jeune homme cultivé, tel que le prétend être cet Ectoplasme, ne se serait jamais permis ces injures ridicules contre les maîtres de la Science moderne. Il n'aurait parlé qu'avec le plus profond respect, comme il le devait, de Sir Oliver Lodge (1), le premier des physiciens contemporains, de M. Richet (2), le premier des physiologistes ! C'est vrai, avouai-je, mais il n'y a aucun rapport entre la psychologie de l'ectoplasme P. H., comme vous dites, et celle de Kluski ou des expérimentateurs de Kluski. Mon interlocuteur haussa les épaules : Cela prouve simplement, dit-il, l'extraordinaire complexité du subconscient de Kluski! Soit! répondis-je, un peu agacé; car je finissais par me sentir ébranlé (3). Mais enfin, il y a des preuves de l'existence de ce reporter! Il y a le témoignage de ses amis, de son père et de sa mère. Je vous attendais là! s'écria M. R... Le témoignage humain, est-ce que cela compte, en métapsychique ? Que m'importe que dix ou cent personnes prétendent avoir connu P. H. avant la venue de Kluski ! Simple illusion, cher ami, à moins que ce ne soit une hallucination collective ou une tromperie préméditée. Pour l'affirmation des parents... (Je laisse de côté ce passage. Mes lecteurs jugent de son bon goût.) ... 1 En réfléchissant à cette parodie de certaines théories à la mode (4), je ne pus m'empêcher de trouver qu'elle était à peine exagérée, et, de plus, qu'elle avait un profond sens philosophique (5), et c'est pourquoi je me suis permis de la rapporter ici. (1) J'avoue que cette phrase m'a bien fait rire: Je venais de. relire Raymond. (2) Idem. Je venais de relire les histoires de Bien-Boa et de Phygia. (3)? (4)? (5)? Il est très vrai qu'il est impossible de prouver, scientifiquement, l'existence réelle d'une personne quelconque, qu'il s'agisse d'un petit reporter ou d'un savant! » (1) Signé: Dr. Gustave GELEY. Je crois que je peux dire que, cette fois, j'avais mon compte! Cet article, sur lequel je ne porte ici aucune appréciation (2), était surtout destiné, vraisemblablement, aux habitants de Varsovie. Il y produisit un assez mauvais effet. Car le motif caché de ces attaques était assez facile à discerner et MM. les membres de la Société polonaise des Recherches psychiques voulurent bien se contenter de se dire, en substance : « Pourquoi ces injures? Est-ce ainsi que des Français doivent en agir entre eux aux yeux de l'étranger? Il n'y a ici qu'une chose à savoir : si cet Heuzé dit vrai, ou non, quand il déclare que la Sorbonne nous attend. » Or, précisément, ils ne pouvaient plus avoir aucun doute à ce sujet : M. le professeur Piéron, le 29 jan (1) Le petit reporter, c'est moi, hélas! Le savant, c'est M. le docteur Gustave Geley. (2) Dans le même numéro, il y avait un compte rendu de mon enquête, où il était dit, entre autres gentillesses : «... On a vu des enquêtes, loyales mais gauchement conduites, juxtaposer des déclarations sans laisser au lecteur de commune mesure. Encore vaut-il mieux que le lecteur reste dans l'embarras à cet égard que s'il est trompé par une relation déformée et tendancieuse ! Dans l'art des enquêtes, la question de la compétence se pose donc d'une façon presque aussi pressante que celle de l'honnêteté. « Si encore M. Heuzé s'était borné à conclure que l'hypothèse spirite ne semblait pas rigoureusement démontrée, il serait resté dans son rôle... Mais il a émis des doutes sur l'existence même des phénomènes métapsychiques, ce qu'il n'avait pas le droit de faire, dans son ignorance totale du sujet, etc., etc... |