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CE QU'ON LIT

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La Volupté romaine, par Ferdinand BAC (Conard, 25 fr.) Célestin Lariette, maître de chapelle rencontre, au hasard d'un séjour romain, une charmante comédienne, Céleste Mondésyr, Lariette, qui est maître de chapelle dilettante et plein d'esprit veut retrouver et goûter à Rome le parfum de volupté que les fervents seuls savent y découvrir. Il y promène la Mondésyr et avec elle son lecteur, du Vatican à la Villa Médicis et de Tivoli aux Tre Fontane. Ses propos d'une aimable philosophie, la sagacité et le piquant de ses anecdotes plaisent fort à la comédienne qui témoigne à Lariette quelque bienveillance. Mais bientôt la volupté romaine inversement se fait sentir aux voyageurs Elle réveille en Lariette le païen endormi, elle fait naître en la pécheresse la confusion de sa vie passée et un aitrait mystérieux pour la religion séculaire, siège de la Ville Sainte. M.-L. P.

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Couci-couça, par FRANC-NOHAIN (Renaissance du Livre, 6 fr.). M. Franc-Nohain, qui est l'auteur des plus charmants vers de La Fontaine qu'on ait écrits depuis la mort de La Fontaine, l'est également d'un roman, Jaboune, qui est l'histoire d'un petit garçon, beaucoup plus fine, juste et agréable que les histoires de petits garçons (et de petites filles) dont on nous assassine depuis la guerre. C'est que M. FrancNohain a infiniment de goût. Cela se voit à Couci-couça où la mesure est admirablement gardée. Est-ce un roman « de mœurs » Il a bien de la fantaisie. Est-ce un roman «< fantaisiste»? Oui, mais fondé sur des caractères on ne peut mieux vus. Mme Hastière, qui tient le Grenell's Family, pension de famille modeste mais posée, est une créature inoubliable; et l'ancien ministre Le Riquier, non moins. Mais les personnages secondaires sont tout aussi réussis. Et chose merveilleuse M. Franc-Nohain, qui sait voir les âmes de ses contemporains, nous peint en somme une majorité de braves gens. Il est « psychologue », mais il n'est pas pessimiste, ou misanthrope. Cela fait plaisir. Faut-il conter en dix lignes le sujet du roman? Ce serait bien dommage. On y voit un chevalier d'industrie qui se fait appeler, en effet, le chevalier Postel. Si vous voulez connaître ses tours réjouissants, vous lirez le livre. Et vous ne vous ennuierez pas un instant.

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J. B.

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Le bilan de l'Etatisme, par Adolphe DELEMER (Payot, 10 fr.). - Le nom de M. Adolphe Delemer est familier aux lecteurs de l'Opinion: ils ne seront pas surpris de le trouver en tête d'un ouvrage destiné à combattre l'Etatisme. Mais non point par des « phrases » et des considérations a priori, car l'auteur a dressé, au prix de peines infinies, un << bilan », comme il dit, fondé sur des dépouillements considérables. Il montre ainsi ce que l'Etatisme nous a fait perdre durant la guerre;' puis ce qu'il risque de nous faire perdre pendant la paix. Notre collaborateur M. Jacques Bardoux, professeur à l'Ecole des Sciences politiques, a fait précéder ce solide ouvrage d'une introduction où les résultats en sont mis en valeur de la façon la plus vigoureuse et la plus claire. J. B.

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La princesse Mathilde et la famille d'Orléans. Dans la Revue de Paris, le comte Primoli publie une amusante étude sur La Princesse Mathilde et le duc d'Aumale. Et d'abord une lettre de M. Thiers au roi Jérôme au sujet d'un projet de mariage entre le duc d'Orléans et la princesse, qui est un chef-d'œuvre d'entortillement.

<< Mon Prince...

<«<< Paris, 3 mars 1838.

« J'avais d'ailleurs prié un intermédiaire de vous dire avec quelle bienveillance on avait accueilli une première ouverture relativement à ce qui vous concernait. J'attendais d'avoir quelque chose de plus précis à vous dire lorsque j'ai reçu votre dernière communication. Je n'ai pas cru de pouvoir prendre sur moi de répondre à votre avis sans des informations plus précises que des souvenirs ou des conjectures. Il m'a fallu un peu de temps pour trouver une occasion favorable. Je l'ai trouvée enfin et voilà ce que j'ai aperçu, je dis aperçu non pas vu, car il est resté un grand mystère dans la réponse. On a été très sensible à l'ouverture, à l'intention qui l'avait dictée, on m'en a montré une véritable gratitude, mais on n'a pas voulu s'expliquer. Je me suis demandé si on avait quelque autre négociation en train, si on gardait un reste

de ressentiment

pour une

ancienne més aventure... >>

Etc. Le projet n'aboutit pas et on sait que la princesse Mathilde épousa le prince Demidof; c'était beaucoup moins

brillant.

Elle alla plusieurs fois aux Tuileries, et elle se souvenait

bien de sa présentation à Louis-Philippe. Il arpentait la galerie de Diane, discutant avec le comte Molé.

«Il était grand et fort; la tête allongée, surmontée d'un toupet, émergeait d'un col droit et d'une cravate noire à plusieurs tours, son habit s'ouvrait sur un gilet brodé à fleurs d'argent avec des cerises en breloques qui pendaient à sa chaîne de montre...

<< I prit les deux mains de la jeune femme, passa paternellement son bras sous le sien et la mena vers la Reine qu'elle voyait de loin assise derrière une grande table ronde. Autour de Marie-Amélie, coiffée d'un bonnet retenu par des diamants, digne et grave, se groupaient les princesse de la famille royale qu'avait attirées sans doute la curiosité de voir la nièce de Napoléon.

« La Reine se leva pour l'accueillir et lui fit place sur le petit canapé entre elle et madame Adélaïde. On la fêta, on la questionna. Elle ne parut ni intimidée, ni embarrassée, elle semblait se retrouver dans le palais de son oncle. MarieAmélie lui nomma ses fils et ses belles-filles et la princesse les conquit tous et chacun. Le plus empressé fut celui-là même que M. Thiers avait songé un moment à lui faire épouser le duc d'Orléans; il montra une si visible admiration que sa femme, assise comme toujours à la droite de la Reine qui lui tournait le dos pour causer avec la princesse, eut peine à dissimuler un mouvement de dépit. »

N'oublions pas, à propos de ce mouvement de dépit >> que c'est la princesse Mathilde elle-même qui parle.

Elle manifesta d'ailleurs très gentiment ses sentiments à l'égard de la famille d'Orléans à propos des décrets du Prince Président qui dépouillaient Louis-Philippe et les siens de leurs biens, et que le président Dupin appela cruellement le premier vol de l'aigle ». Elle implora par lettre. son cousin, mais sans succès.

M. Primoli égrène les anecdotes... Rapportons seulement la première visite que la princesse fit à Chantilly, ah! bien longtemps après la guerre de 1870 !

«Le duc d'Aumale n'avait conservé du beau visage mâle de sa jeunesse que l'azur de ses yeux clairs. A l'autorité d'un général en retraite, il ajoute le grand air un peu mélancolique d'un prince détrôné; la taille serait restée jeune, sans la goutte qui la courbait douloureusement et l'obligeait à ppuyer sur une canne.

Il fallait le voir, me disait Bonnat sur le perron du

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château

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vêtu avec l'élégance un peu trop correcte et un peu gauche d'un militaire déguisé en civil redingote boutonnée, pantalons gris, guêtres blanches — il attend avec une impatience fébrile la nièce de l'Empereur...

« Voici la voiture à la portière, apparaît encadré dans une petite capote de velours noir à plumes blanches le bon visage souriant de la princesse... Le dtc soulève son chapeau qu'il pose sur sa canne et il présente à son auguste visiteuse sa main droite dont les doigts, déformés par la goutte, essayent de se dissimuler dans de larges gants gris perle.

« La princesse, pour ménager l'amour-propre de son hôte, feint de ne pas voir son embarras, elle effleure à peine, sans s'appuyer, la main tremblante que lui tend le pauvre goutteux et descend toute seule de voiture.

<< Avec la conscience d'une femme qui n'a rien à cacher, elle relève bravement sa jupe de pou-de-soie violet et découvre dans un flot de valenciennes un petit pied chaussé de brodequin mordoré et une jambe toujours fine moulée dans un bas de cachemire rose. Jamais elle n'a pu se décider à adopter les bas noirs, trouvant que tout ce qui touche la peau doit être blanc, pas plus qu'elle n'a voulu admettre les costumes tailleurs n'aimant pas, disait-elle, les femmes déguisées en hommes : elle en est restée à la soie et à la dentelle. >>

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Le duc et la princesse restèrent en bons termes jusqu'à la fin. Derrière le cadre d'un portrait du duc de Penthièvre, par Nattier, elle avait écrit: « Je lègue au duc d'Aumale le portrait de son aïeul. » Mais son grand ami mourut avant elle. Le duc de Chartres a hérité du tableau.

Racine et Renan. La même revue donne une étude inédite sur Athalie, écrite par Ernest Renan à vingt-trois ans, en 1846, qui est des plus curieuses, parce qu'elle montre curieusement combien les idées de Renan sur l'art littéraire étaient dominées par ses idées sur la science.

par

L'éditeur de ce beau morceau, M. J. Pommier, rappelle tout d'abord l'article que Sainte-Beuve écrivait dix-sept ans plus tôt sur le même sujet. En bon romantique (on était au temps de la bataille d'Hernani), Sainte-Beuve reprochait à Racine d'avoir méconnu la « couleur locale », exemple, «ce temple merveilleux, bâti par Salomon, tout en marbre, en cèdre, revêtu de lames d'or, reluisant de chérubins et de palmes », ou bien «< ces chérubins de bois d'olivier, hauts de dix coudées, qui enveloppent l'arche de leurs ailes : la scène se passe sous un péristyle grec un peu nu »>; en un

mot, il lui reprochait de n'avoir pas fait un drame historique. Mais, d'autre part, il regrettait que l'auteur d'Athalie n'eût pas pénétré l'essence même de la poésie hébraïque orientale», qu'il eût adouci les terribles traits, les paroles redoutables et farouches du grand prêtre.

Renan reprend ce dernier reproche en le développant et en le creusant. Ce dont il fait grief à Racine, c'est de n'avoir pas compris l'âme juive antique, ni l'esprit biblique, ou de ne s'être pas essayé à les rendre, et d'avoir habillé les sentiments des Hébreux de costumes grecs et latins, bref de n'avoir pas été assez historien. Racine ne savait pas l'hébreu : quel crime ! Et Renan, un peu pédant à cette époque, lui reproche d'avoir traduit » inexactement la poésie des Hébreux, de n'avoir pas respecté son parallélisme, d'avoir poussé à bout des comparaisons qu'elle se contentait d'indiquer...

Pourtant, si Racine, dans Athalie, s'était efforcé de rendre la couleur historique telle qu'on l'imaginait au temps de Renar, tout porte à croire que son œuvre paraîtrait encore bien plus historiquement inexacte aujourd'hui, tels ces drames omantiques dont le Moyen Age ou le « Louis XIII » nous font à présent sourire. Et l'on se demande aussi pourquoi Renan ne considérait pas l'œuvre de Racine « historiquement », lui aussi, et pourquoi il lui reproche d'avoir habillé à la romaine ses Hébreux, quand il ne reprochait pas aux primitifs d'avoir toujours tout vêtu à la mode de leur temps (on est toujours primitif par rapport à quelque successeur).. Heureusement le pédantisme du jeune Renan lui passa assez par la suite comme on sait.

Les expériences de la Sorbonne. Il faut signaler, dans l'Illustration du 22 juillet, un long article de M. Robert de Beauplan, consacré aux expériences métapsychiques de la Sorbonne. Nos lecteurs, qui connaissent le rapport officiel publié par nous, trouveront là quelques détails que M. Paul Heuzé n'avait pu donner dans l'Opinion, et, particulièrement, des photographies fort intéressantes.

Sur la demande de ses lecteurs, l'Opinion s'est mise en mesure de leur fournir par courrier, contre remboursement, les ouvrages qu'ils voudront bien lui commander.

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