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à

des légendes absurdes, propagées par des sots ou par communs ennemis, ont semblé parfois nous séparer, nous diviser si l'on peut dire. Ce sont là querelles de famille qui n'entament pas l'unité d'une race. Lorsque, sur une route du Canada, un brave fermier à la figure grave et honnête me salue dignement, avec son grand visage tanné de terrien et son geste lent, très noble, il me semble que je me retrouve sur une route de la Normandie ou du Perche et que je vais adresser la parole à un métayer de chez nous. Les jeunes filles dans les bourgs ont la cheville aussi fine Parisiennes, et c'est là un fait qui n'échappe pas que des un Français arrivant en droite ligne de Broadway. Ce capitaine qui m'invita l'autre année, par téléphone, sans me connaître, seulement parce qu'il avait entendu dire qu'un officier français de la guerre était à Montréal et qu'il avait dit dans une conférence, la veille, que la politique de Londres n'était pas toujours celle de Paris, ce capitaine, grand comme un hêtre de ses forêts, solide, gai, jovial et simple, qui racontait des histoires, des aventures, tout en dégustant de bons vins, était-ce vraiment un Canadien ou un Normand, un Picard, un Celte, bon vivant, bon garçon, solide les dames et pas hypocrite pour un sou? Il avait comau travail, consciencieux, honnête, gai, galant envers lui, et il savait bien quel était le drapeau sous les battu en France, il s'était, là-bas, lui aussi, senti chez couleurs duquel il aurait voulu combattre, si on l'avait laissé choisir; et c'eût été le tricolore avec, pour marquer le Canada, une feuille verte et dentelée d'érable, symbole de la fraîcheur, de la jeunesse et des éternelles forêts de la Nouvelle-France.

Les Français du Canada sont trop modestes. J'en

tendais une jeune fille, l'autre jour, dire devant moi : « J'aimerais bien épouser un Français, mais je n'oserais pas le mener chez nous; j'aurais peur qu'il trouvât tout trop simple. >>

Vous avez grand tort, mademoiselle. Nous aussi, nous sommes un peuple de paysans. Nous l'avons montré durant cette dernière guerre. Et nous n'apprécions rien tant que le naturel et l'honnêteté, ces deux vertus de base du Canada.

Je me demandais un jour, devant la femme de chambre d'un hôtel d'Ottawa, où j'avais vu cette tête-là. Et je me rappelai soudain que c'était au musée du Louvre, dans un tableau de paysans des frères Le Nain, qui prenaient leurs modèles du XVII° siècle dans les environs de Laon. La Canadienne me dit que ses parents étaient de souche normande. Voilà l'unité de notre race, le lien indissoluble entre Français du SaintLaurent et Français vivant près de la Loire, de la Seine, du Rhône. De petites nuances d'opinion ou de sentiment semblent parfois nous séparer, mais elles sont beaucoup moins fortes que celles qui font la différence entre un Provençal et un Lorrain ou un Breton. Et tout cela, ça fait de richement bons Français.

Il faut comprendre la situation de ces Français du Canada. Les erreurs politiques, les mauvaises chances des guerres d'autrefois les ont séparés de la mère patrie. Ils étaient 60.000. Non seulement ils se sont maintenus, ils sont restés eux-mêmes, mais ils sont devenus trois millions (et plus encore, si l'on compte ceux qui ont émigré aux Etats-Unis). Et ils ont imposé au gouvernement anglais la reconnaissance du droit à leur langue et à leur religion. Aujourd'hui, lorsque

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c'est la fête et qu'ils pavoisent, les uns sortent un
drapeau anglais, les autres un drapeau anglais timbré
de l'écusson canadien, certains y adjoignent un dra-
peau tricolore français, et d'autres se contentent de
drapeau
tricolore. On dirait à la fois un souvenir

ce

du passé et un appel à l'avenir.

ne les oublions

Tournons-nous vers eux, et montrons-leur que nous pas !

m

Des amis
64 milles à l'

min, une
Dans l'un d'

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ont mené en auto à Sainte-Agathe, à Ouest de Montréal. J'ai vu, sur le chedizaine de bourgs ou de villages canadiens. eux, nous passâmes la nuit, ne voulant l'obscurité la découverte d'une route de montagnes assez accidentée et en voie d'élargisse

pas

tenter dans

ment et de réparation.

C'est d'ailleurs un fait à noter que ces travaux d'amélioration des routes au Canada. Dans ce pays, comme aux Etats-Unis, la multiplication des autos et le développement du tourisme amènent la création d'un réseau de routes approprié au nouveau mode de circulation. On élargit les vieux chemins où circulaient seulement de légers chariots, les buggys des fermiers, montés sur des roues hautes et minces, qu'un cheval enlève sans effort à travers cailloux et ornières. On adoucit les côtes, on supprime les angles trop brusques, on pose des écriteaux et des pancartes aux croisements; parfois, on construit une route nouvelle. On arrivera ainsi, progressivement, à avoir partout des routes en ciment, sur lesquelles les autos rouleront à 35 milles à l'heure sans poussière et sans effort. Le

Canada, comme les Etats-Unis, comprend que le tourisme est l'une des grandes industries d'un pays.

Ce qui me frappe surtout dans ces villages et ces fermes que nous voyons plus ou moins rapidement, c'est le confort, le luxe même des maisons, l'air de prospérité et d'aisance du pays et de ses habitants. Il serait absurde de s'imaginer la campagne canadienne d'après les campagnes européennes, ou d'après les tableaux de Maria Chapdelaine. Les villages terriens de l'Europe sont beaucoup plus pauvres, moins propres, les maisons moins confortables, plus usées, plus vieilles, plus tristes que le village ou la maison dans ces parties heureuses de la province de Québec. Quant aux tableaux du chef-d'œuvre de Louis Hémon, ils nous retracent la vie dans les districts de pionniers dans les régions du nord de la province de Québec, plus austères, plus rudes, encore presque sauvages, où l'homme doit arracher à la grande forêt primitive, pied à pied, arpent par arpent, la terre féconde, porteuse de moissons et de fruits. Rappelezvous d'ailleurs ces regrets de la mère Chapdelaine, soupirant après les beaux « carrés » de terre des « vieux pays ». Ce que je viens de voir, ce sont précisément les «< vieux pays », et ils sont agréables et attirants, s'ils n'offrent plus de possibilités à l'émigrant, au défricheur, au pionnier, toute la terre étant prise et occupée par d'anciens habitants et leurs fils. On voit tout de suite qu'ici l'argent est, je ne dirai facile à gagner, car le travail de la terre est parpas tout chose dure et chanceuse, mais de circulation courante; on a dix, douze, quinze enfants, mais ils se portent bien et on les habille. Hommes, femmes, enfants portent des vêtements semblables à ceux des

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citoyens des villes; les jeunes gens sont plus souples, plus chics, plus désinvoltes que la plupart des habitants de nos provinces.

Les magasins sont (comme ceux des Etats-Unis) riches, modernes, clairs, scrupuleusement propres et garnis de tous les objets en vente aux Etats-Unis et dans les grandes villes du Canada. A part l'infinité de denrées et d'outils nécessaires dans une de grandes boutiques d'instruments agricoles et de que le canadien (exactement comme celui des Etats-Unis) emploie les mêmes objets que son compatriote de la ville; il n'est pas en retard,

ferme, on voit

il connaît

n'en dirait

ser

ce

paysan

qui est moderne et il entend en user. On pas autant de la plupart de nos paysans français, demeurés si primitifs jusqu'à la dernière crise économique qui les a enrichis et leur a appris à dépende l'argent pour faire leur existence moins rude. Les maisons de bois, peintes de couleurs vives, rapidement construites et pas trop coûteuses, on en voit de partout neuves au Canada, avec un grand porche et souvent une véranda couverte et garnie de treillage métallique très fin, et où l'on peut, l'été, vivre le jour et dormir la nuit à l'abri des moustiques.

Il existe aussi des maisons de brique et de pierre, elles coûtent plus cher à faire bâtir et, construites en général sur le modèle du bungalow colonial, elles montrent tous les dehors de l'aisance. De bois ou de pierre, ces maisons, comme aux Etats-Unis, ne sont pas séparées les unes des autres par des clôtures à la mode française. Et le carré de gazon qui s'étend autour d'elles est planté d'arbustes et d'arbres en ce moment presque tous en fleur.

Les autos sont nombreuses, beaucoup plus nom

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