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transports nocturnes, les divisions enlevées morceau par morceau, sont recollées; elles s'agglutinent, forment bloc; les armées, les groupes d'armées constitués sur le papier se dessinent sur le terrain; le contact ayant été au préalable établi entre les chefs chargés de la préparation et de la direction de l'attaque, les commandements s'exercent sans heurt, la soudure entre les corps de troupes, entre les armées se fait sans bruit. Et subitement, en nombre élevé, des divisions se trouvent en mesure d'atteindre, en une nuit, l'adversaire avec des moyens considérables.

Dès que la concentration est terminée, les événements se précipitent. La veille du matin fixé pour l'attaque, toutes ces divisions, autrefois éparses, et maintenant jointes, alignées face à la première ligne de l'adversaire, s'ébranlent de nuit, et, sous la conduite de guides trouvés en chemin, gagnent leurs emplacements de départ, pendant que, de son côté, l'artillerie commence sa préparation.

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A peine arrivée dans ses tranchées de première ligne, toute l'infanterie d'assaut bondit brusquement, et, suivant l'allongement du tir de son artillerie, aborde la position française. Elle réussit d'un seul élan, si le commandement n'a pas su prévoir car les éléments normaux en secteur ne sont pas suffisamment solides pour supporter une forte attaque. (avril-mai). Au edcontraire, si le commandement a été avisé à temps des intentions agressives de son ennemi, et sait où et quand Pattaque prévue se produira, l'offensive allemande est vite arrêtée sur les positions choisies pour la résistance. (49 juin-15 juillet).

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Comment, dira-t-on, le service de surveillance de la première ligne peut-il se laisser surprendre ? Comment. le service d'observation ne découvre-t-il pas les prépatatifs de l'ennemi ? Notre armée n'a-t-elle donc pas dedes moyens d'investigation de toutes sortes et à proFusion qui permettent de déceler avec de très grandes

nous soyons

probabilités, sinon avec certitude, les projets du comnandement opposé ? Comment 15, 20 divisions peuentelles s'approcher de nous sans être surprises en slagrant délit de mouvement, sans que Alertés? Une telle masse de 150.000 hommes ne peut asser inaperçue. L'artillerie de secteur, si nombreuse pit-elle, a cependant besoin d'être renforcée de pièces gères et lourdes qu'il faut introduire dans le système pffensif. Les batteries n'ont-elles pas des réglages à Leffectuer ? L'infanterie, si cloîtrée qu'elle soit dans ses cotationnements doit cependant vivre, d'où des ravitail

ements, des mouvements de chevaux et de voitures, des 1 amières, des feux. Elle a du reste un nombre colossal se voitures (T. R., T. C.) qui malgré tous les efforts ne euvent être entièrement dissimulées aux vues. Avant l'aordage, l'ennemi ne procède-t-il pas, comme nous, à la econnaissance du terrain d'attaque et, du reste, malgré s précautions prises, ne faut-il pas compter sur les délarations exactes de déserteurs et de prisonniers, sur les discrétions provenant de l'ennemi lui-même, et trans

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es au parti adverse de proche en proche, par les voies plus bizarres, les plus insignifiantes, en apparence. outes ces questions sont naturelles. Si naturelles On les retrouve, plus ou moins voilées, sous la plume critiques militaires au lendemain des surprises ril et de mai. Je ne vois pas qu'on leur ait encore posé les réponses convenables et nécessaires. Je vouis essayer de les donner dans un prochain article. il ne s'agit pas de nier la surprise ou de l'avouer. faut en démonter le mécanisme. Dans la guerre me dans la paix primum est intelligere. A suivre.)

JEAN DE MAU.

CE QU'ON DIT...

çà et là

En marge de la Haute-Cour (suite sans fin). Le programme est d'une grande variété, qui ouvre au jeu des physionomies et des opinions une libre carrière. La police y a découvert quelques-unes de ses ficelles, et les politiciens y ont multiplié les complications d'un roman-cinéma. Les oppositions furent savamment ménagées, même les contradictions; et, dans la diversité des paroles, un sourd cria si fort que son affirmation ébranla les vitres.

Mme Paquin, qui vint après lui, eut de la peine à se faire entendre. D'une élégance de deuil sûre et sobre, elle ne comprenait pas, inquiétée peut-être par un sou venir d'Athènes, pourquoi la justice voulait lui faire enlever son gant. Le serment prêté, elle le remit avec lenteur et affermit son âme. Alors sa voix douce et chantante commanda au silence de l'écouter, bien que l'extrême gauche hargneuse lui en voulût de gagner plus d'argent que ses ouvrières, comme si aucun de ces messieurs ne gagnait plus d'argent que ses électeurs.

X

Lundi fut le jour de la grosse recette, la journée des trois Présidents, ou, au dire d'un député malcontent, la journée des grands roués. M. Viviani a murmuré ses nom, âge, domicile et profession. Le témoin suivant a clamé : « Briand, Aristide, cinquante... >> M. Dubost la coupe discrètement avant la fin; mais, lorsqu'il vit s'avancer M. Ribot, remarquant qu'il le connaissait mieux encore, il l'arrêta devant qu'il n'eût commencé. Le succès personnel des trois grands hommes a été très vif. Leurs épaules étaient expressives: celles de M. Briand se ployaient sous le faix de six ministères; celles de M. Ribot étaient courbées par le poids de l'âge, des injures et du pouvoir; celles de M. Viviani, moins arrondies que carrées, semblaient disposes à se mettre la grosse charge sur la nuque.

C'est lui d'ailleurs qui avait accepté dans la joûte la part du lion. Son plaidoyer de grand style, avec les gestes de la tête plus beaux que ceux mal étoffés des bras, tenait d'Eschine et de Cicéron, et, dans les ténèbres des choses, son éloquence montait jusqu'aux étoiles aux tribunes, une couronne de femmes élégantes lui servait d'auréole. Souple ou ardent, il reste sûr de son verbe, avec ce sens du rythme qui fait que la moindre parenthèse garde la beauté d'une période.

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L'incident de l'évêque de Constantine a été très brillant, non pas de celui d'aujourd'hui qui est un très brave «< curé »,-mais de son prédécesseur que M. Viviani,d'accord en secret avec M. Denys Cochin, avait donné mission officieuse et amicale à Mgr Gasparri de mettre au pas patriotique, ce que fit le cardinal romain comme pas un procureur de France ne l'eût fait. Voilà. « Prenezmoi tout entier, Monsieur le procureur général. » Le magistrat qui s'en garda respectueusement, s'est effacé devant la politique et devant la magnificence du discours, s'inclinant même un peu trop, car il est messéant de parler de sa modestie, à moins qu'elle ne soit chrétienne, - lorsqu'on le fait d'un siège aussi haut.

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Quand il se fût assis-très bas,M.. Viviani remonta sa montre. Quelle heure s'y préparait-il ? « Si un jour la faveur ou la défaveur des temps me ramène à la chancellerie... » Et s'aperçut-il qu'il passait bien près de l'Académie en cheminant de retour ?

Après avoir été le témoin qui rapporte, M. Briand dans son finale fut l'homme qui juge et la voix de ce

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Do you speak English? Dou iou spik Inngliche ? S'pikante, l'innovation d'un de nos confrères avec sa paire de manchettes anglaises (en' toile d'Oxford, sans doute). Ainsi, tout lecteur attentif de ce quotidien ne pourra désormais ignorer les phrases et les mots les plus usuels de l'idiome commun à nos alliés britanniques et américains (avek proneuncièchèunn figourée, s'il vous plaît). Voltaire a écrit c'est bien lui, n'est-ce pas ? qu'en apprenant une langue étrangère, on acquiert une âme nouvelle; vous pouvez donc acquérir une âme nouvelle « à petite semaine » en achetant votre journal tous les << English » matins : c'est pour rien! Il est à souhaiter qu'un autre quotidien entreprenne la publication de manchettes semblables en italien, en portugais, en serbe, en polonais, en tchéco-slovaque, et même, pour n'oublier aucun de nos alliés, en japonais et en chinois ; cela ne manquerait pas de pittoresque, surtout pour ces deux dernières langues (mentionnons ici qu'un confrère humoriste a commencé à orner son en-tête de phrases en japonais.. de Montmartre).

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Cependant, pour commencer soyons modestes. «< La France comprend l'Angleterre, et l'Angleterre comprend la France », a déclaré le sympathique ambassadeur britannique à Paris, lord Derby, au cours du speech qu'il a -prononcé le 12 juillet à la Chambre de commerce de Liverpool. Efforçons-nous de donner toute la réalité possible à cette belle formule, en l'« étendant » à nos nou-veaux alliés d'outre-Océan, qui viennent de faire leurs preuves - et quelles preuves! sur la Marne (nous sommes sûrs que les Anglais ne feront qu'applaudir à cette extension du front américain). Travaillons donc à ce que tous les Français comprennent l'anglais celui de New-York comme celui de Londres.

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Autre initiative d'une portée plus considérable, celleci, puisqu'elle émane de l'autorité militaire des cours d'anglais facultatifs et gratuits viennent d'être créés pour les soldats de l'armée française. Ainsi cette tranchée infranchissable la différence de langage sera sinon conquise, du moins fortement entamée. Un soldat français, en présence d'un Britannique ou d'un Amex, éprouvait une sensation indéfinissable, pire que s'il avait eu affaire à un sourd-muet: ne pouvoir se faire comprendre d'un camarade qui parle comme lui, qui entend comme lui, mais qui assemble les sons d'une manière différente pour exprimer la même idée que lui.

Il n'en sera plus ainsi désormais. Compagnons d'armes et de labeur héroïque, ne seront plus comme des fantômes animés de parole, certes, mais d'une parole incompréhensible et par cela même irritante; ils prendront corps, moralement; ils se révèleront des hommes, des êtres avec qui les nôtres pourront mettre en commun la joie comme la souffrance. Hein! pouvoir dire à l'homme en kaki avec qui l'on est monté à l'assaut coude à coude: « Ce matin j'ai reçu une lettre de la«<bourgeoise». Elle va bien, les gosses aussi. L'aîné vient de passer son certificat d'études ;le cadet a percé une grosse den't ». Ça lui fera chaud au cœur, à l'homme en kaki, dont les lettres de la « bourgeoise » restée là-bas, dans quelque faubourg de Melbourne, de Chicago, ou dans une ferme de l'Alberta, perdue au milieu de la prairie, mettent si longtemps à lui parvenir. Et au cours des longues veillées de tranchée, ou au repos après la ba

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taille, les pipes s'allumeront, le pinard et l'ale circule ront et l'on pourra « jaspiner » en toute franchise, on parlera de la guerre oh! très peu de ses exploits respectifs très peu encore. Les poilus initieront les « boys » à la douceur de l'existence dans ce jardin du monde qu'est la France, à l'affectueuse intimité de la vie de famille française, aux incomparables qualités de la femme française, si femme et si mère à la fois; les amis english-speaking, de leur côté, vanteront les charmes et le confort de la vie anglo-saxonne, l'âpre liberté du Far-West ou des déserts du Queensland, ce je ne sais quoi de plus robuste et de plus sain qui distingue si fortement leur race de toutes les autres. Et puis, quelquefois, sur un lit d'hôpital, lorsque la fièvre rend plus aiguë encore la douleur de l'éloignement de tant d'êtres chers, un mot du voisin de lit dans la langue natale même mal prononcé, fera tant de bien à celui qui a franchi les mers pour venir combattre à nos côtés !

Ainsi se noueront des amitiés profondes qui survi vront à la guerre, des amitiés « à l'épreuve du feu » nées de l'accomplissement d'une tâche commune dans un même esprit de sacrifice.

A propos de notre récent écho sur le fameux décret du 29 floréal an X, les quolibets qu'il excita parmi les partisans de l'ancien régime, et le mot cinglant de Mme de Staël, un aimable correspondant, M. Louis Villat, agrégé de l'Université, nous écrit:

<< Napoléon tombé, la noblesse d'ancien régime de meurait toujours hostile à la Légion d'honneur, et celá pour des motifs jalousement personnels. J. G. Eynard, qui fut, au Congrès de Vienne, secrétaire des représen tants de Genève, a relevé, dans son « Journal », à la date du 7 novembre 1814 le mot caractéristique et me prisant du comte Alexis de Noailles. Il s'agissait d'un homme que le roi voulait récompenser. « On pourrait lui donner la Légion d'honneur, mais c'est autant que

rien ».

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Patience, Confiance, Espoir absolu. >> Ayant admiré, le rédacteur de la Rampe secoua son sty lo d'où sortit cette phrase:

«Ces quatre mots ne seraient pas déplacés au fronton du ministère de la guerre ». Pour une idée, c'en est une.

En Pangermanie.

On a commémoré, en Allemagne, le centenaire de la naissance du publiciste Constantin Frantz.

Ce Thuringien, qui fut, en son temps, fonctionnaire prussien, avait quitté l'administration en 1856, et jusqu'à sa mort, en 1891, il écrivit, d'une plume assez libre, sur les questions politiques et sociales. Il osa combattre Bismarck, et prédire que la politique de force conduirait infailliblement à une catastrophe mondiale (Welt Katastrophe). Adversaire du militarisme et du centralisme, il préconisait pour l'Allemagne la fédération des Etats. «En se prussi fiant, écrivait-il, l'Allemagne marche au système de grande puissance et par là menace la paix du monde... Le continent deviendra une caserne et la paix ne sera plus possible. »

Ce qui est à noter, c'est que le fameux professeur Forster, dans son livre: La jeunesse allemande et la guerre mondiale, a eu le courage de célébrer le libéra lisme de Constantin Frantz. La censure a laissé faire. le m Elle a pensé, sans doute, que c'étaient là de vieux écrits, pa jamais périmés...

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Mehmed devait cet état béat à la gentillesse bien conue de son oncle Abdul-Hamid, le sultan rouge. Mehhed étant héritier présomptif, Hamid avait imaginé, lès que son neveu eut dix-huit ans, de le laisser le naitre absolu du harem impérial ....

Dix ans plus tard, Mehmed était en cet état de béaitude enfantine....

Pour comble, il se mit à boire. A Péra, dans les saons et dans les ambassades, on ne l'appelait que le Sultan gris.

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e qu'on lit...

Mon pays, par MARIE, reine de Roumanie.

Au temps où la reine de Roumanie était une jeune acesse du sang royal anglais, en tant que fille du d'Edimbourg, elle jouait, par une belle matinée é, sur la plage ensoleillée qui borde le vieux parc château d'Osborne, dans l'île de Wight. On était 2 la grand'maman » Victoria. La toute fine et blonde fillette d'une douzaine d'années s'écria tout à P comme on annonçait une prochaine union royale: Si j'étais reine, un jour, je voudrais que « mon pays >> aime bien!» La Roumanie aime sa petite reine, par

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ce qu'elle se sent passionnément aimée d'elle. Et parce que ce petit, et aujourd'hui infortuné pays lui est si cher, la reine Marie voudrait qu'il fut « cher à d'autres ». Alors, elle a écrit et lui a dédié ces pages dictées par le cœur. Comme on sent que « l'étrangère >> des premiers jours s'est donnée sans réserve à sa nouvelle patrie Elle connaît « son pays » presque dans les moindres recoins, « terre d'extrêmes, où les hivers sont de glace, les étés ardents comme un four et qui relie l'Orient à l'Occident. » Elle l'a parcouru à cheval, dans de longues randonnées, en tous sens, par toute saison, depuis vingt-trois ans. Elle en aime les horizons étendus, le ciel libre, les chemins inexplorés, les vieux monastères, les petites églises, et parce qu'elle venait de si loin, elle a été plus à même de le voir, « avec toutes ses bonnes qualités et tous ses défauts ». Maintenant que l'étrangère est chez elle », comme on sent que peuple. et reine << ont confiance l'un dans l'autre » Car cette union a été scellée, avant même la terrible guerre, dans des jours de cruelles épreuves.

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C'était lors de l'effroyable épidémie de choléra. La reine Marie fut jour et nuit au milieu de ses soldats, jusque dans ces baraques, qu'on avait baptisées la « bouche de l'enfer. »« Pauvres jeunes gens ! Je les ai vus avec des faces tuméfiées et violettes, les yeux comme tombés au fond de la tête, sanglants, spectraux ; je les ai vus en proie à des spasmes affreux, je les ai vus raidis et muets quand la dernière lutte était finie. Près de leurs couches de torture, j'ai prié silencieusement pour leurs humbles vies... Je n'ai pas voulu non plus qu'ils fussent tout à fait oubliés dans leurs tombes. Je me suis agenouillée là où leurs mères, leurs femmes, leurs enfants se seraient agenouillés; sur chaque petit tas de terre désert j'ai fait semer des fleurs pareilles à celles qui poussent autour de leurs maisons... J'ai voulu que chacun de leurs corps eût sa croix... » La reine Marie a le droit de dire qu'entre ses soldats et elle « il y a toujours eu quelque chose de puissant et de vrai, quelque chose de plus que l'hommage conventionnel dû à la souveraine », et au colonel d'un régiment de roschiori (hussards rouges).

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Depuis, la reine Marie de Roumanie s'est penchée sur la couche d'autres soldats mourants ceux de la guerre contre l'Allemagne. « L'homme que je veille vient de subir une trépanation... On lui a dit que la reine était auprès de lui et il tend une main tâtonnante que je prends entre les miennes. Cet homme n'a plus de visage. ni de regard, sa tête est une boule de linge d'où sort un murmure que je ne comprends pas... Je me suis penchée sur les linges rougis de l'homme sans visage et sans nom et j'ai prié pour qu'à l'heure de la récompense, un écho des chants de victoire parvienne, par delà la grande ombre, jusqu'à cet anonyme... »

La victoire n'a pas lui, et la grande ombre du malheur s'est étendue sur la Roumanie et sa vaillante petite reine... Mais celle-ci a beaucoup fait pour rendre son pays cher à tous les alliés.

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La Femme arménienne, par ARCHAG TCHOBANIAN. M. Archag Tchobanian a réuni sous, ce titre une conférence qu'il a faite l'an passé sur ses compatriotes, quelques poèmes douloureux de poétesses arméniennes, le cruel récit par une rescapée de l'épisode trop fameux de Djebel-Moussu, et enfin un choix de maximes des vieilles mères rustiques d'Arménie. Il en est de très savoureuses, et tous les critiques se plairont à celle-ci « Le vrai brave et le vrai poète ne se donnent pas de' grands noms, ce sont les autres qui les leur donnent ». Les auteurs, il est vrai, ne manqueront point de répliquer par cette autre : « Celui qui critique tout le monde finit par se rendre ridicule ».

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La situation militaire

Toute la finesse et la délicatesse de ce peuple appa- | La Guerre raissent dans des pensées de ce genre: « L'homme intelligent, s'il n'est pas poli, est une moitié d'homme >>, « l'homme instruit, qui n'est pas bien élevé, ressemble à un beau cheval portant un bât d'âne », et l'on comprendra son patriotisme et sa fierté rien que par cette maxime « Conduis-toi bien devant l'étranger pour que ta nation ne soit point discréditée ».

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M. Archag Tchobanian a écrit une jolie étude pour nous présenter la femme arménienne, dont les principales qualités sont l'attachement presque religieux au foyer, la fidélité inébranlable aux traditions et croyances nationales, le dévouement, la modestie, l'amour du travail, de réels dons artistiques. Il faut lire aussi ce qu'il nous dit de leur martyre durant la guerre, et de leur indomptable courage pour comprendre l'amour douloureux qu'il éprouve pour ses compatriotes et la fierté qu'il ressent à parler d'elles.

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Gross-Deutschand. La Belgique et la Hollande, par LOUIS PIÉRARD.

Un long séjour aux Pays-Bas et une connaissance parfaite du hollandais et de l'allemand ont permis à notre confrère Louis Piérard de nous donner un travail très substantiel et très savoureux sur l'activité de nos ennemis dans le royaume de la reine Wilhelmine.

Un choix éloquent de citations empruntées aux écrivains et aux hommes politiques les plus représentatifs du germanisme constitue en tête du volume un avertissement des plus utiles à méditer à la Haye et même ailleurs. Il y apparaît avec netteté que plus encore que la Belgique parce que la possession des bouches du Rhin exaspère les convoitises et que l'affinité des langues facilite certaines argumentations, le territoire de la Hollande fait partie des revendications du germanisme intégral. Voilée chez certains, cynique chez d'autres, la prétention était bien antérieure à la guerre, et selon ses fluctuations s'y est manifestée de bien des façons. M. Piérard analyse avec beaucoup de clarté les divers agissements de Berlin, les facteurs qui, en Hollande, travaillent pour l'Allemagne, les éléments nombreux qui demeurent résolument favorables aux alliés, insiste sur des personnages et des épisodes caractéristiques.

Si nous ne pouvons méconnaître que du voisinage de la Hollande, l'Allemagne a retiré des bénéfices, il convient cependant de tenir compte des difficultés où se débattait le gouvernement hollandais, du péril que lui crée la situation géographique du pays. Nous n'avons pas le droit d'être sévères pour le vaillant petit peuple qui, avant que nous ayons découvert la Bochic, l'appelait « Moffrika », et, dès le XVIIe siècle, connaissait si bien son âme :

"Quand le Moff est pauvre et nu,
Il parle un langage très mesuré ;

Mais quand il arrive à une situation un peu élevée,
Alors il fait du mål à Dieu et aux hommes >>.

Faire marcher au feu ses « benzine-officiers >> (ainsi nomme-t-on là-bas les propriétaires d'autos ayant mis leurs voitures à la disposition de l'armée), avoir la guerre, si salissante, au pays des grands nettoyages et des tulipes, furent de terribles perspectives pour une petite nation qui pouvait au contraire tirer de sérieux profits de sa neutralité. Pour la maintenir, elle avala de dures couleuvres. Nous ne lui en tiendrons pas rigueur et pour l'amour du droit, des admirables amis que nous y avons et de sa magnifique tradition historique, combattrons jusqu'au bout afin de sauver son existence en même temps que la nôtre.

La contre-offensive du 18 juillet après le premier ré-sultat immédiat qu'elle a obtenu dans les deux jours à savoir l'arrêt immédiat de l'offensive allemande et son reflux au nord de la Marne a continué pendant toute la semaine, sous une forme moins violente. Nos troupes par une pression continue sur les flancs de l'ennemi ont amené une réduction importante de la poche qui descendait jusqu'à la Marne entre les bois de Villers-Cotterets et la montagne de Reims. La résistance de l'ennemi a montré qu'il se rendait compte de sa situation critique. Sous une pluie de projectiles lancés par nos gros canons et par nos bombardiers il a dû faire refluer vers le nord son énorme matériel et cette opération effectuée en plein combat lui a coûté excessivement cher. Que les Allemands malgré le chiffre important des effectifs dont ils disposent n'aient pouspu bloquer notre sée et conserver au moins le bénéfice total de leur offensive du 27 mai, cela montre quel déséquilibre notre contre-offensive a provoqué entre les deux adversaires. Nous avons pris l'initiative et nous la gardons.

En même temps que nous avancions sur notre gauche au delà d'Oulchy-la-Ville et d'Oulchy-le-Château, nous décollions peu à peu les Allemands de la rive nord de la Marne. De part et d'autre de Dormans l'ennemi s'est efforcé d'accrocher le plus longtemps possible sa gauche à la rivière. Mais sous nos coups il a lâché prise. Treloup a d'abord sauté, puis Chassins, ensuite Port-à-Binson et Reuil.

Dès lors, son recul s'est précipité. Le 27 juillet, re nonçant à prolonger la lutte à pied il a pris du champ en direction du nord-est. Nos avant-gardes ont atteint à gauche la rive sud de l'Ourcq, au centre dépassé les lisières nord des forêts de Fère et de Ris. A droite elles ont débouché de la forêt de Courton et progressé au nord de Châtillon-sur-Marne. Ici nos lignes se rapprochent sensiblemnt de la route de Dormans à Reims. C'est un gain de terrain qui sur certains points atteint six kilomètres en profondeur. Une trentaine de villages se trouvent de nouveau libérés.

Il faut s'attendre assurément à un redoublement de la résistance ennemie sur ce front. Les Allemands ont trop d'intérêt à laisser le plus d'espace possible au sud de la voie transversale Ciry-Salogne-Bazoches-Jonchery, qui sert de base au ravitaillement de leurs troupes.

A l'heure actuelle notre nouveau front emprunte sensiblement la route de Soissons à Oulchy-le-Château, la haute vallée de l'Ourcq et rejoint par Courmont et Ronchères la route de Reims à hauteur de Sainte-Gemme.

Considérations sur l'offensive.

J. S..

Le 18 juillet 1918 restera une grande date dans l'histoire. Non sans doute à la manière d'une victoire écrasante, d'un Austerlitz ou d'un Waterloo. Mais elle marquera le terme, l'échec définitif et sans appel de la grande offensive militaire de l'Allemagne. A la veille encore de la contre-attaque Mangin, la jactance de la presse allemande s'étalait.

On lisait dans le Strassburger Post du 17 juillet «En somme, outre un gain de terrain fort notable, le grand résultat enregistré le 15 juillet est que l'enne mi semble avoir conscience qu'il lui est impossible de

résister. >>

La Münchner Augsburger Abendzeitung écrivait à la même date: « Le succès allemand du début fait présager un heureux développement de tout le plan

d'attaque. Tous les sacrifices consentis par Foch depuis plusieurs semaines pour tâter le front allemand auront donc été vains. Voilà la guerre transportée au de à de la limite sacrée de la Marne qui depuis 1914 symbolisait pour les Français leur invincibilité ». Le même jour et le surlendemain deux articles du général von Ardenne en tête du Berliner Tageblatt méritent de demeurer célèbres comme des monuments de sottise et d'infatuation.

On lisait dans la Deutsche Zeitung du 19 juillet que la défaite des Français au nord de la Marne étaitdéfinitive. Le 17 juillet resterait « une des plus tristes. pages de l'histoire militaire française ».

Pour en dégager la valeur il convient de se rappeler dans quelles conditions elle a été engagée. L'ennemi était le maître de nous attaquer sur le front occidental ou de chercher ailleurs des succès plus faciles. J'ai été porté à croire jusqu'au dernier moment que, fidèle à sa méthode de frapper sur le point faible, c'est ailleurs qu'il dirigerait son effort. Il a tenté le grand coup parce qu'il voulait terminer la guerre avant l'entrée en ligne des Américains, et parce qu'il se croyait assez fort pour le faire.

Aujourd'hui que son erreur est démontrée, reconnaissons à sa décharge qu'elle était excusable. En mars 1918 l'ensemble de supériorités dont dispo sait Ludendorff était considérable. Il avait l'avantage du nombre moins une quarantaine de divisons.

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Ces rodomontades étaient exactement dans le ton des articles qui, depuis le début de l'offensive, ne cesdsaient dans toute la presse d'outre-Rhin, de démontrer l'anéantissement des armées anglaises, l'épuisement Il avait celui de l'homogénéité des troupes contre des Français, l'incapacité combative des Américains. un amalgame insuffisamment réalisé de Français, d'AnQuand nous les lisions, nous supposions qu'il n'y glais, d'Américains, d'Italiens, de Belges et de Poravait là qu'un bourrage de crâne, consciemment organi-tugais, l'armée allemande se dressait forgée d'un seul alsé pour remonter le moral de la nation.

La chose était plus grave. L'état-major ennemi en des était arrivé à prendre pour authentiques les thèmes qu'il fournissait à ses coryphées.

La semaine dernière, l'Opinion rendait hommage, comme il convient, à l'action de notre commandement dans la victoire. Ce n'est pas la diminuer que de constater que seule l'incroyable outrecuidance de l'ennemi lui pa permis de donner son plein effet.

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L'attaque sur l'armée Gouraud sans préparation d'artillerie et sans surprise, la ruée au delà de la Marne en tenant pour inexistante l'armée Mangin, sont des témoignages manifestes de la folie des grandeurs. Pariculièrement cette dernière manœuvre rappelle de façon déconcertante la marche au sud-est de von Kluck dédaignant l'armée Maunoury. Mais en 1914 von Kluck était plus excusable de nous espérer à bout de souffle. En juillet 1918, le commandement allemand he pouvait ignorer que des troupes importantes couvraient Paris à l'est. S'imaginer qu'elles assisteraient mpassibles à la marche vers le sud est une méconnaissance inexcusable de la psychologie aussi bien que des forces de l'ennemi. Quand on commet des fautes pareiles, on est mûr pour la défaite.

La leçon méritée ne s'est pas fait attendre; durement administrée le 18 juillet, elle s'est poursuivie les jours

uivants.

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Au moment où j'écris ces lignes, il n'est pas encore possible d'en fixer les dernières conséquences. La reraite allemande va-t-elle à peu près se stabiliser sur les positions actuelles? Se poursuivra-t-elle jusque sur la Vesle ou même sur l'Aisne ? Une diversion sera-telle marquée contre le front anglais, jouant le rôle que hotre attaque sur la Somme assuma pour dégager Verdun? Allons-nous au contraire voir l'ennemi pratiquer ntertains raccourcissements de son front? Il est permis ux stratèges de l'arrière d'en discuter et même d'enisager encore d'autres hypothèses.

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Mais un point est fixé. La grande offensive allemande
désormais brisée sans avoir atteint aucun de ses

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Elle a conquis du terrain, du matériel, des prisoners. Mais après quatre mois d'efforts et de sacrifices, Anglais ne sont pas jetés à la mer, Paris n'est plus nacé. Et quels que puissent être les ressauts ultérieurs l'ennemi, on ne voit pas très bien comment dans les pothèses qui lui seraient les plus favorables, il en attedrait avant l'automne un succès stratégique. C'est ans l'ensemble l'échec acquis de la campagne allende.

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métal, parfaitement une.

Elle avait à son actif la confiance que lui donnaient quatre années de triomphes éclatants sur tous les autres fronts que celui de France.

Elle s'appuyait sur le matériel de guerre le plus abondant et le mieux outillé qui se puisse imaginer. Elle bénéficiait d'un commandement non seulement unique, mais souverain. Pour décider les opérations point de conciliabules interalliés, point d'amours-propres et d'intérêts à ménager. Pour les contrôler point d'ingérence parlementaire. Ludendorff est le maître de ses initiatives, frappe où il veut, quand il veut, comme il veut.

C'est disposant d'une telle somme, presque écrasante, de supériorités que l'offensive allemande à échoué déflnitivement, irrémédiablement.

De cet ensemble de réflexions, je vous soumets cette conclusion dans les conditions actuelles de la guerre, pour que, deux armeés en présence, celle qui attaque batte véritablement l'autre uniquement par des moyens militaires, il faut qu'elle lui soit formidablement supérieure. Faute de quoi des succès tactiques même considérables resteront sans portée à cause de l'énormité des pertes. Et de l'usure qui en résulte les conséquences peuvent être redoutables. C'est probablement l'excessive offensive de Broussiloff qui fut la préface de l'effondrement russe. Peut-être ne mesurons-nous pas encore exactement les dernières répercussions de celle de Ludendorff.

D'où il me sera encore permis de formuler les deux observations suivantes.

En premier lieu, l'actuelle expérience allemande nous engage à juger avec moins de sévérité que l'on ne fit parfois le commandement militaire des alliés pour n'avoir pas réussi en trois ans à chasser les Allemands de France. Il serait aisé de démontrer qu'à aucun moment, même dans ceux qui furent estimés les plus favorables, il n'a joui à l'égard de l'ennemi d'avantages qui aient approché ceux dont Ludendorff bénéficiait il y a quatre mois.

En second lieu, il serait opportun que, dans la même expérience, nous puisions quelque indulgence pour notre commandement au cas où par hasard il ne reconduirait pas tout de suite les Allemands jusquà Berlin à coups de pied dans le derrière. Il règne actuellement dans certains milieux civils et militaires une véritable frénésie en faveur de la contre-offensive. Cet état patholo gique nous a coûté cher dans le passé ; il vient de coûtter terriblement cher à nos ennemis. Ne tolérons pas qu'il nous entraîne à de nouvelles erreurs.

Il est encore trop tôt pour entrevoir nettement les possibilités prochaines de la campagne. Notre com

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