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M. Louis Dubois de toujours mettre ses auditeurs à même de suivre son argumentation. Personne, jusqu'ici le s'en était aperçu. Il a fallu un hasard favorable pour que tout à coup la Chambre se mît à l'écouter. Pour ertains ce fut une révélation de voir les chiffres s'aniner. M. Jean Bon, converti, disait : « Quand je ne serai lus député, je ferai de l'économie politique »>. C'est peut-être attendre bien tard pour s'instruire, ar M. Jean Bon sera d'autant plus longtemps, député u'il annonce toujours sa retraite.

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M. Bokanowski et M. Forgeot demandent une loi qui ermette de punir les Allemands s'établissant en France. s proposent la peine de mort. Actuellement, les sujets memis qui n'ont pas fait de déclaration sont passibles e cinq francs d'amende.

Il est certain qu'ils peuvent servir à bon compte le i de Prusse. La peine de mort est excessive, répond Ignace. Mais on pourrait peut-être trouver byen terme.

L'alerte à Montmartre.

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Les soirs à gothas, c'est-à-dire les soirs où le ciel est r, où la lune brille de tout son éclat, quelques citaas de Montmartre gagnent les rampes qui montent rs le Sacré-Cœur. Devant la statue du malheureux evalier de la Barre, qui s'anime dans l'ombre d'une fantastique et se tord douloureusement comme à pproche du bourreau, des groupes ténébreux se forent... Dans l'air calme, on entend tomber quelques rases qui trahissent le dessein de ces conspirateurs

cturnes :

Croyez-vous qu'ils viendront ce soir? Est-ce qu'on ait bien d'ici les tirs de barrage ? Et les sirènes, est-ce d'on les entend bien ? Pourvu qu'ils ne nous fassent 2S coucher trop tard...

Bref, ces braves gens sont venus là, en famille, sur te colline qui domine la ville endormie, pour assister un spectacle rare... Ces artistes, loin de redouter l'alerte, souhaitent, l'appellent de leurs vœux. Pour un peu, frapperaient du pied en cadence, comme au théâtre and le rideau tarde à se lever. Et voilà un «< effet mo», peut-être, sur lequel les Boches ne comptaient

IS....

Sur la pente qui dévale vers la ville, le long du funilaire, à chaque palier des marches de la rue Foyatier, tous les bancs, des couples d'idylle parlent à voix asse ou se taisent, perdus dans leur rêve... Pour ceuxles nuit à gothas ne sont, après tout, que de belles uits de printemps.

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c'est un tohu-bohu de fête populaire ; d'aucuns, assis sur le quai, les jambes pendantes, ont apporté du saucisson et des litres, pour s'occuper. Une jeune fille lit. De petites dames tirent leur boîte à poudre, leur houpette, leur glace de poche, leur étui de rouge, avec des regards de côté... Sur une couverture, des bébés dorment comme des anges....

Une corne résonne: c'est la fin de l'alerte. On fait un succès ironique au chef de gare, qui sonne de l'olifant comme Roland lui-même, et qui déchire les oreilles de ses hôtes avec une sournoise satisfaction. Lentement, le flot remonte. Dehors, c'est toujours le beau ciel, l'air pur, les étoiles... Le regard perdu, le feutre en arrière, la cravate au vent, un jeune homme qui ressemble à Gustave Charpentier siffle doucement le motif final de la Symphonie pastorale...

La Société des ingénieurs vient de fêter le centenaire de son doyen, et encore la Conférence des avocats, car Jules Gaudry, fils et petit-fils de bâtonniers, fut son secrétaire au temps de Louis-Philippe, avant de se consacrer finalement à la science.

Ingénieur des chemins de fer de l'Etat, Jules Gaudry avait souvent des rapports avec ses collègues d'outreRhin. Lors de l'exposition de 1855, trop réussie à leur goût, ces rapports devinrent tendus à l'extrême. Le jeune ingénieur, secrétaire du jury de l'exposition, s'approchait, un jour, du premier canon Krupp exposé en France. « Voilà ce qui démolira les tours de Notre-Dame », lui dit aimablement le préposé au stand. En 1868, un Allemand disait au beau-frère de M. Jules Gaudry : « Je ne dis pas que nous prendrons Metz, je dis que Metz est à nous. Nous y entrerons comme nous voudrons ».

Souhaitons à notre robuste centenaire de les en voir sortir...

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Voici deux extraits d'une lettre de Jules Ferry à Gambetta, écrite de Paris, au début de 1871 :

« Nous avons lu aujourd'hui ta dépêche... Elle nous a donné une joie inexprimable. Cette lumière a éclaté dans nos ténèbres comme un de ces gros cbus qui pleuvent sur la Cité et, la nuit même, j'en portais la bonne nouvelle aux gens du quartier du Luxembourg, debout sous le sifflement des bombes... « Alors, ont-ils crié tous d'une voix nous voulons nous rationner, car il faut vivre. » Vivre, durer, tel est, en effet, tout le problème! >>

Et plus loin ces lignes qui montrent qu'il n'y a pas grande différence entre l'Allemand de 1870 et d'aujourd'hui.

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(( ...

Nous souffrons à toute heure les affres de la mort. Ce qu'il faut de vertu, d'insouciance et de belle humeur à cette population parisienne pour résister à tout ce qui l'accable, l'histoire aura peine à le croire. Je t'aurai tout fait entendre quand je t'aurai dit que ce torrent de feu qui, quotidiennement, nuitamment, systématiquement, se répand sur la rive gauche de la Seine, depuis Montsouris jusqu'au Panthéon, depuis les Invalides jusqu'au Jardin des Plantes, tuant les gens endormis, les petits enfants dans les écoles, les oisifs à leur balcon, les retardataires sur leur seuil, que cette abomination, cette désolation, cette horreur, cette sauvagerie, cette foudre sifflante et savante qui pousse chaque jour un peu plus loin le massacre des innocents, tout cela n'est que douceur et paradis à côté des ténèbres profondes, du silence de glace et de mort, de l'absence de nouvelles... >>

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Dans un écho qui relatait l'installation d'humbles expéditionnaires dans les somptueux salons d'un de nos palais municipaux on lisait :

« Le canon de Saint-Gobain fut bien pour quelque chose dans la migration de tout ce peuple d'employés qui habitait les combles de la maison et que la sollicitude paternelle de leurs chefs dirigea vers des étages moins exposés. Mais on peut croire qu'une certaine soif d'aventures, le goût du chaste, peut-être même l'amour de l'art, etc... >>

L'auteur de cet écho n'avait certes pas songé à «< sonder les reins et les cœurs » de ces paisibles fonctionnaires. C'était le goût du faste qu'il avait écrit.

Ailleurs.

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de surface,à la manière, presque, de la Petite Ville de Picard; l'étude de mœurs, âpre, violente, brutale, par fois macabre, qui fait songer à un Balzac égaré au pays

de Rollinat.

Et puis, il y a là-dessus une poussière d'ac tualité, la guerre à la cantonnade, les émotions senti mentales d'une petite amoureuse, mariée par procura tion et qui attend au milieu de ces drames qui la fro lent et même l'éclaboussent, le retour de son bien-aimé Et encore, l'histoire d'une pauvre fille que l'amour, le jeu et la religion ont rendue folle et qui finit par se noyer dans un étang, pour échapper à ses obsessions mélancoliques... Au total, l'esquisse de cinq ou six romans que Mme J. Broussan-Gaubert aurait sans doute pu écrire et qu'elle a préféré réunir négligen ment dans ce petit livre singulier, vivant, plein de qua lités, laissant l'impression d'un talent qui cherche en core sa voie, mais d'une personnalité déjà bien mar quée, d'un regard clair et pénétrant posé sur la vie d'une sensibilité audacieuse à se répandre, habile s'exprimer, et dont nous devons beaucoup attendre.

La Guerre

La bataille impériale

LE ROLE DE L'AVIATION

Dans la bataille actuelle, notre aviation n'a pas jo seulement comme les autres armes, une difficile part

Herr Professor Adolf Lasson, de l'Université de Berlin, enseigne la théologie, mais tout sentiment de miséricorde chrétienne semble loin de son cœur. Il s'est montré aux premiers mois de la guerre un des plus ardents thuriféraires du « Dieu fort ». Il écrivit, alors, à un de ses anciens élèves hollandais, M. Van den Bergh Van Eyznigo, une lettre d'une exaltation frénétique extraordinaire, qui scandalisa même certains de ses collèguerrière; elle y risquait beaucoup plus que sa réputa gues pangermanistes. Quand elle parut, dans le Nieuwe Amsterdammer, des professeurs allemands crurent à une mystification. Mais Lasson en revendiqua hautement la responsabilité ! «Que le lourd mijnheer, écrivait-il superbement, continue à boire tranquillement son cacao et à soigner ses tulipes en fumant sa pipe. Nous, nous respirons à pleins poumons le large souffle l'Histoire qui se fait. >>

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Les temps ont passé, les deuils se sont accumulés, et le profeseur Lasson a eu sa part d'épreuves. Mais il plastronne toujours. Et il a écrit de nouveau récemment à son ancien élève : « Je ne vois ni n'entends presque plus; mais je vis et suis heureux de voir cette grande époque. De lourds sacrifices nous ont été imposés à tous. J'ai perdu à la guerre mon fils unique et beaucoup d'excellents élèves et amis sur lesquels reposait l'espoir de ma postérité. Nous serons tous contents si ces événements terribles portent des fruits salutaires pour l'avenir de l'humanité. Gardez au vieillard un souvenir amical et puissiez-vous bientôt jouir, dans une Europe libérée, de la bénédiction de la paix rétablie. >>

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tion toute son histoire.

Née à peine en 1914, constituée depuis, elle entra

printemps de 1918 dans l'âge de la pleine forma tion. Ceux qui suivaient son développement se deman daient avec angoisse si elle tiendrait ses promesses. Ell avait jusqu'ici été un instrument tactique souple sans cesse perfectionné. La question se posait de savo si elle était capable d'existence propre, d'un rendemen stratégique en rapport avec ce qu'elle coûtait au pays L'épreuve devait être radicale; l'aviation en sortirait of confinée pour longtemps dans le rôle d'adjuvant consacrée désormais comme l'arme neuve, celle à l'avenir offrait le plus riche épanouissement.

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Le résultat est aujourd'hui acquis. L'aviation fra çaise lancée soudain le 22 mars dans la guerre de mo vement sur un champ de bataille qu'elle n'a et que les Allemands lui imposèrent, a manoeuvré se réserves, opéré ses concentrations, réglé son action, en gagé ses forces de manière à conquérir la supériorité l'air. Les Allemands qui avaient préparé leur terrain exécuté à l'avance leurs rassemblements, placé leur ressources au mieux de leurs projets, ont dû nous laisser l'initiative aérienne. La lutte fut chaude, mais notre succès est incontestable. Tandis que le repli anglais obligeait nos armées à une défensive savante, tandis que le Boche se ruait sur le sol dans une offensive en masse, en l'air, c'est nous qui attaquions et l'Allemand qui se défendait.

L'intérêt de nos opérations aériennes gît là tout en tier. Le reste est secondaire. Les prouesses de nos as de la chasse, de l'observation ou du bombardement com servent leur éclat, mais le fait important au point de vu

Une Parisienne exilée dans une petite sous-préfec-militaire est d'avoir contraint l'aviation ennemie à subi

ture de la France, pendant la guerre, a pris la peine de regarder autour d'elle et s'est efforcée de saisir, sous la monotonie et la pauvreté apparentes de l'existence provinciale, la vie profonde des familles, les drames d'argent, les passions comprimées, les tumultes des consciences et la tragédie des coeurs. D'où, deux plans très nets dans ce livre : l'apparence, le pittoresque

la volonté de la nôtre. Parvenue à la force, notre avia tion a déterminé d'un coup sa méthode d'emploi.

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Le 21 mars nos escadrilles se trouvaient réparties long de nos lignes où nous jugions une attaque alle mande possible. La rupture de la cinquième armée a

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glaise déplaça brusquement vers l'ouest nos réserves. Notre aviation opéra elle aussi sa course à la soudure t accourut en Picardie.

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Personnel, matériel, hangars, ateliers accomplirent ans confusion ni délai des parcours de cent à quatre parents kilomètres. Les terrains repérés d'avance les attenlaient. Les aviateurs ne perdirent pas une minute de ombat. Des bombardiers firent le voyage au-dessus des Poches en semant leurs bombes au passage. Des escadriles de corps d'armée se livraient à des patrouilles, tandis ue leur installation déménageait et elles la rejoignaient Eest son nouvel emplacement.

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Grâce à la rapidité de ses mouvements stratégiques, otre aviation se trouva engagée contre les Allemands pla même temps que notre infanterie. Dès la première eure le commandement français fut renseigné et il n'a as cessé de l'être jusqu'à ce jour. Etant donnés l'encomrement des routes et le mélange des unités qui se jeient dans la bataille à mesure de leur arrivée, l'opétion présentait des difficultés sans nombre. Les Alleands en connurent de semblables les 25, 26, 27 mars cause de la vitesse de leur marche. Leur aviation se véla incapable d'y parer. Le jour où ils purent se reendre nous étions maîtres du champ de bataille aérien.

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La lutte, réglée en réalité par la concentration de nos oupes aériens au point voulu, revêtit au front dès les nemiers jours une apparence d'individualisme où l'iniHiffative de chacun menait le combat suivant l'occasion. étonnante monotonie de la guerre de tranchée fit place l'improvisation de la guerre de rase campagne. Il existait plus de mission exclusive. Tel avion de reonnaissance aperçoit en passant deux chasseurs allehands qui attaquaient un de nos ballons. L'aérostier ré de près, sautait dans le vide avec son parachute. otre biplace court sus au premier allemand l'abat, atque le second, l'abat et continue vers son objectif. Le sultat immédiat primait les autres.

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C'est en de pareilles heures que nos qualités de race se vèlent. L'adaptation de tous à toutes les fonctions fut SO médiate. Les pilotes de chasse s'improvisèrent obseradateurs, les avions d'artillerie mitraillaient, les avions celinfanterie servaient d'estafette, chacun se révélait prore au travail que l'occasion lui fournissait.

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Les circonstances, d'ailleurs, imposaient les attribuen ons d'emploi. La chasse allemande très active dans la agion de Chauny les 22, 23 et 24 mars, pour couvrir le ananc gauche de ses divisions en marche vers Noyon, onna lieu à des rencontres aériennes dont le bénéfice pous revint. Puis elle disparut des lignes jusqu'au 28. Dès lors n'ayant plus d'ennemi aérien à qui se prendre, plotre chasse se rabattit sur l'ennemi terrestre. Elle miraille les colonnes, les convois, les rassemblements, les arrefours, les ponts. Nos avions d'observations, ceux infanterie, ceux d'artillerie, les bombardiers que la hasse allemande ne poursuivait plus, en firent autant. L'avion devint une arme de combat terrestre et chaque aviateur tenait à donner des coups. Jamais encore de pareils objectifs ne leur avaient été offerts. Ils descendaient à dix mètres et tiraient dans le tas.

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Mettre en mouvement une patrouille de cinq avions ou une patrouille de trente avions sont deux choses bien différentes. Borner l'emploi de l'aviation à des patrouilles de protection ou concentrer à volonté sur un point quelconque du champ de bataille, 50, 100, 200 avions, c'est s'enfermer dans l'utilisation tactique ou exiger de l'arme un rendement stratégique d'envergure. Pendant les mois d'avril et de mai, notre aviation a prouvé qu'elle se pliait aux deux conceptions; elle a rendu le maximum de services tactiques et satisfait aux idées stratégiques du commandement de manière à légitimer tous les espoirs pour l'avenir.

Le bombardement et la chasse se sont combinés pour agir en commun contre l'ennemi: 60 avions de chasse et 20 de bombardement l'ont attaqué ensemble. Le bombardement a agi seul; en une journée de bataille il a jeté dans la région Roye,Chaulnes, Rosières-en-Santerre 19.000 kilos de projectiles, la nuit suivante, 18.000 en liaison avec nos tirs d'artillerie et une poussée de notre infanterie. Quant à la chasse, elle a marché par beau temps en patrouilles énormes. Le 16 mai, on 200 monoplaces survoler le Boche en un seul groupe, Cet escadron de l'air balaya le ciel devant lui.

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Il ne faut pas croire que la manoeuvre en masse supprime l'expédition individuelle ou la patrouille. Chaque formation a son utilité qui dépend des circonstances militaires et du temps. Par brume les groupements sont impossibles et l'isolé reprend ses droits. Le ciel nuageux ne se prête pas à la marche en commun. Les nuages sont les broussailles de l'air ou les compagnons de route se perdent les uns les autres. Enfin, le beau fixe est nécessaire aux vastes patrouilles d'avions. Mais celles-ci sont l'avenir et présentement notre victoire.

On peut dire l'ennemi dominé lorsqu'on est en état de jeter où l'on veut une force telle qu'il ne puisse lui opposer que des forces inférieures. C'est ce que nous faisons depuis deux mois. Du 21 mars à aujourd'hui, nous avons 1° accompli toutes les missions que nous nous étions données; 2° empêché l'ennemi d'accomplir les siennes ; 3° conquis la maîtrise de l'air au point et à l'heure que nous avions choisis. Un pareil résultat ne peut laisser indifférent. Nous l'avons obtenu à peu de

En même temps, ils rapportaient de précieux renseignements, atterrissaient près des postes de commandement et faisaient leur rapport de vive voix. Il fallait aller vite. Les photographies ne servaient de rien, l'image qu'elles donnaient du front étant périmécs au bout des trois heures nécessaires à leur tirage Toutes les reconnaissances s'opéraient donc à vue. Lorsque le renseigne-frais, nos pertes n'étant pas le tiers de celles des Boches.

ment valait d'être communiqué aux autorités supérieures, l'avion lui-même ou un autre, le leur portait par la voie des airs. Au moment où les liaisons téléphoniques manquaient, où l'encombrement des routes interdisait

Nous avons la supériorité du nombre et celle de l'emploi. L'avenir est à nous si nous savons le conserver. J.A CIGOGNE.

Affaires Extérieures

Les événements d'Irlande

engagements volontaires ne fournissent pas le nombr de combattants que le gouvernement estime pouvoir at tendre du pays. Il est permis de penser que l'on compte éviter ainsi la double agitation que sir Edward Carson annonçait le 9 avril aux Communes, l'une contre conscription et l'autre contre le Home Rule. Il reste savoir si les nationalistes considèreront qu'ils peuven faire à l'empire, tant que la question du gouvernemen de l'Irlande n'est pas réglée, « le don libre d'un peup libre ». Or, si l'on se rapporte à l'histoire des quat dernières années, en hésite à le croire.

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Après comme avant les événements de la Pentecôt que soit ou non prouvée la culpabilité des Sinn Feines le problème irlandais reste semblable à lui-même, moins aux yeux de l'Irlande. Restera-t-il le même au yeux des alliés et notamment des Américains? Là le tragique nouveau d'une situation déjà si émouvant Il ne faut pas que l'erreur (si blâmable, si criminel

Samedi soir, les journaux du continent ont annoncé qu'un complot germanophile venait d'être découvert en Irlande et que la plupart des chefs du Sinn-Fein avaient, en conséquence, été arrêtés dans la nuit du 17 au 18 mai. Pour bien saisir le caractère de l'événement, on lira utilement ce début de l'éditorial de l'unioniste Irish Times du 18: « Enfin, le gouvernement s'est décidé à procéder fermement avec la conspiration germanophile en Irlande... Depuis bien des mois, il était manifeste qu'une conspiration aidée, et sans doute inspirée par l'Allemagne, travaillait ce pays. » Ainsi, pour notre confrère dublinois, le principal intérêt des arrestations de la Pentecôte, c'est qu'elles indiquent que l'arrivée du maréchal French et de M. Shortt au Dublin Castle, marque l'adoption de méthodes gouvernementales énergiques. Les faits matériels sont d'ailleurs peu connus jus-puisse-t-elle être, elle n'en reste pas moins une ene qu'ici. On sait seulement qu'un personnage mystérieux fut débarqué récemment sur la côte d'Irlande par un sous-marin allemand, qu'il fut arrêté peu après et qu'il était porteur d'une somme de cinquante livres. Pour ce qui est des Sinn Feiners arrêtés dans la nuit de vendredi à samedi, on a publié leurs noms ; ce sont les quatre députés que le parti a fait élire depuis quatorze mois qu'il présente des candidats aux élections partielles, et avec eux les leaders du mouvement, sauf le professeur Mac Neill qui a pris depuis la direction du parti.

Il a été dit que le gouvernement publierait certains documents qui établissent l'existence du complot et qui peuvent être divulgués sans inconvénients; mais comme cette publication n'a pas encore eu lieu, la seule précision que l'on possède est la déclaration de M. Shortt, qu'un très petit nombre seulement d'Irlandais et d'Irlandaises sont impliqués dans l'affaire. Nous disons << dans l'affaire » et non pas «dans les poursuites », car il se peut, suivant le Daily Mail que le cabinet de guerre, suivant en cela l'exemple de Lincoln lors de la guerre de Sécession, n'entreprenne point de poursuites et se borne à interner pendant le reste de la guerre les personnages qu'il juge dangereux - sans doute à Frongoch (Merioneth) où plusieurs Sinn Feiners furent déjà déportés temporairement depuis l'insurrection de 1916.

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S'il n'y avait rien d'autre que les arrestations de Sinn Feiners, lesquelles n'ont occasionné jusqu'ici aucune réaction violente dans les masses, on ne pourrait faire plus aujourd'hui que se livrer à des suppositions gratuites sur les faits qui ont motivé la décision de l'exécutif et sur les conséquences ultérieures de cette décision. Mais la proclamation du 16 mai, par laquelle lord French annonçait la découverte de la conspiration et faisait appel à tous les loyalistes d'Irlande pour aider le gouvernement dans son œuvre de répression, la proclamation du 16 mai contient une autre déclaration qui présente sous un nouvel aspect la situation de l'Irlande à l'égard du bill des effectifs.

Le nouveau vice-roi entend« faciliter et encourager les engagements volontaires en Irlande pour les armées de Sa Majesté, dans l'espoir que, sans avoir à recourir au service obligatoire, la contribution de l'Irlande à ces armées pourra atteindre un développement convenable, en rapport avec les contributions des autres parties de l'empire ».

En d'autres termes, le cabinet est décidé à ne pas appliquer maintenant la conscription à l'Irlande, et à ne recourir au service obligatoire dans l'avenir que si les

de jugement et de savoir plutôt que de conscience) ne faut pas que l'erreur de quelques jeunes romantiqu dupés sans vergogne par l'Allemagne prussienne pu se retomber sur tout un pays. Si l'Irlande était tout e tière atteinte par une intrigue allemande, si les Amé cains et les Français se détournaient d'elle ce serait plus grande - et d'ailleurs la seule victoire du G main. Mais on le comprend chez nous, et c'est pourqu cette disgrâce sera évitée aux alliés celtiques. Car to sont convaincus que si l'Irlande obtient dans le mon occidental la place qu'elle revendique, elle saura l'o per dignement, à cette heure la plus solennelle de communes destinées.

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LOUIS TREGUIZ

M. Balfour et la paix

Il y a ce qu'on dit et ce que l'on ne dit pas. Ily ce qu'on tient pour acquis et ce que l'on croit vrai. Ce ce qu'Hamilton, l'homme à l'unique discours, n'aur pas manqué d'observer, s'il avait pu entendre la maine dernière les déclarations de M. Balfour, en ponse à quelques questions que M. Runciman ava faites aussi précises que possible pour les rendre e barrassantes.

M. Balfour lui-même, avec cette franchise qui est un de ses armes favorites, ne s'en est pas caché. Sur cett question brûlante des buts de guerre et des conversa tions de paix, avec un recul de quelques jours, son dis cours apparaît d'une suprême habileté. L'habileté, e somme, du ministre qui, n'acceptant que la responsab lité de ses actes, se refuse à apporter sur les actes d'au trui autre chose que des appréciations d'historien d

sintéressé.

Au moment où se déclencha ce qu'on a appelé un p hâtivement « l'offensive pacifique »> de l'empere Charles, M. Balfour était en mission aux Etats-Un En outre, la lettre impériale, conformément à des eng gements précis, ne devait être communiquée qu'au p mier ministre. Le chef du Foreign Office l'ignorera donc encore si M. Clemenceau « qui n'est pas un hom patient », ne s'était décidé à la divulguer. Ainsi M. Balfour s'explique, il a presque l'air de le faire spectateur désintéressé. Et M. Runciman a une répo aussi précise que possible; mais peut-il dire qu'il a tisfaction?

qua

M. Balfour ne croit pas à la sincérité de la dip matie autrichienne, qu'elle soit manoeuvrée par l'em reur ou par le comte Czernin. Il adopte donc, avec point de vue de M. Clemenceau, les conclusions de commission française des affaires extérieures. Mai

l'adopte, en y regardant d'un peu près, parce qu'il n'y a pas moyen de faire autrement. Au fond, il n'en sait pas plus que le commun des mortels, il s'en tient à un communiqué officiel. C'est pourquoi il ne repousse nullement a priori toute conversation of ficieuse sur la paix, à ndition qu'elle soit engagée de manière à pouvoir être poursuivie plus commodément que celle du mois d'avril 1917.

En vérité, n'est-ce pas là tout ce qu'on peut retenir, au point de vue international, du discours du ministre anglais? La discussion rétrospective reste ouverte, et, aussi, pour l'avenir, la possibilité de causer.

Il n'y a qu'au point de vue anglais que M. Balfour ait vraiment apporté une réponse gouvernementale. Autant, il y a quelques mois, il avait approuvé la revendication française sur l'Alsace-Lorraine, autant il a condamné nettement tous les projets, de quelque nature qu'ils fussent, qui pouvaient dépasser les frontières de 1815.

Mais cela, c'est une autre question. La question de savoir si, même ainsi réduite, la revendication française est ou n'est pas tenue par l'Allemagne pour un obstacle infranchissable à la paix.

Or, comme l'a dit lui-même le ministre, il y a des sujets qu'il est difficile d'aborder en public.

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M. Jules Cambon, académicien. Chacun sait qu'il y a deux Cambon diplomates, comme il y eut deux Goncourt écrivains. Mais il est beaucoup plus rare de voir deux frères collaborer en diplomatie qu'en littérature, et leur collaboration comme leur bonne entente se remarquent bien davantage. Paul et Jules Cambon sont, par ailleurs, si bien unis dans l'esprit du public que les gens ne sont pas nombreux qui pourront vous dire si c'est Paul ou Jules qui a, dès aujourd'hui, droit de cité sous la Coupole.

Il y a donc deux messieurs Cambon dont les carrières furent très semblables. L'un, l'aîné, Paul, est l'Olympien. Ce surnom le peint justement si l'on veut bien admettre qu'on puisse y avoir droit sans être d'une taille de six pieds. J'eus l'honneur de lui être présenté à Londres, quelque temps avant la guerre. Le souvenir m'est resté d'une barbe blanche, d'un monocle retenu es par un large cordon, et porté par un homme qui parlait peu. Beaucoup de calme, beaucoup de « tenue »; et, signe« particulier » pour un ambassadeur français en Grande-Bretagne, il ne parlait pas l'anglais.

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L'autre, le cadet, Jules, devenu l'académicien, n'a pas l'imperturbable sérénité de son frère; les « réactions » sont beaucoup plus vives chez lui; il aime les mots, les formules à l'emporte-pièce, manie supérieurement l'ironie, et l'on devine comme cette arme l'avait rendu redoutable à Berlin. On le craignait dans les milieux officiels, parce qu'on ne comprenait pas toujours s'il raillait ou parlait sérieusement. C'est une situation. pénible que celle de la brute qui ne sait si elle doit senorgueillir ou se fâcher des propos qu'on tient devant elle, qui se demande ingénument: « Cet homme me fait-il des compliments ou se moque-t-il de moi? ». « Dois-je le remercier ou l'injurier? » M. Jules Cambon a connu à Berlin des heures suaves.

Il ne manquait pas d'ailleurs de répondre du tac au tac, quand l'occasion s'en présentait, aux butors avec lesquels il devait vivre. Une fois, c'était pendant l'affaire d'Agadir, il « moucha » proprement Son Excellence von Kiderlen-Waechter. Son Excellence était co

lérique, par essence. Son Excellence jouait à singer Bismarck, qui impressionnait les imbéciles en simulant de violentes fureurs. Le « truc » est d'ailleurs connu depuis longtemps et Bonaparte l'employait souvent. Si mes souvenirs sont exacts, vers les débuts de sa carrière, il «< eut » les délégués autrichiens qui discutaient avec lui à Campo-Formio, en fracassant sous leur nez un cabaret de porcelaine. Il renversait tables et chaises, criait et trépignait son chapeau.

L'Excellence dont le gilet jaune avait terrorisé les Balkans voulut encore épouvanter l'ambassadeur de France. Elle venait d'apprendre, par les rapports de son ambassadeur à Londres, Wolff-Metternich, que le gouvernement français, inquiet de l'attitude allemande, avait «< parlé » avec le gouvernement anglais et lui avait fait part de ses craintes. Il ne plaisait guère à la Wilhelmstrasse que les Anglais eussent promis de soutenir la France.

S. E. von Kiderlen-Waechter vint donc au-devant de M. Jules Cambon et lui dit très brutalement, pour cacher sa propre déconvenue « Ah! vous avez eu peur dans le bois! Vous avez sifflé le grand frère pour qu'il vienne à votre secours... C'est très maladroit! Tant pis pour vous! Si quelqu'un paye les pots cassés, ce sera vous!... » L'Excellence roulait de gros yeux et s'attendait à contempler l'ambassadeur de la République s'affalant à terre, pantelant, et criant : « Grâce! grâce! je ne le ferai plus!... » Au lieu de cela, stupéfait, cramoisi, il vit le Welche lui mettre la main sur l'épaule et lui dire d'un ton goguenard : « Savez-vous que ce n'est pas poli du tout ce que vous dites là, mon gros!... ››

Paul et Jules Cambon ont toujours été très liés. Il n'y a guère entre eux que quatre années de différence. L'une et l'autre, quand ils étaient jeunes, vécurent dans l'entourage immédiat de Gambetta et son action fut grande sur eux. Ils se voyaient souvent malgré les voyages que leur imposait la « Carrière », et cela était tout bénéfice pour le pays et pour eux-mêmes. Un jour, Jules, gouverneur général de l'Algérie, alla voir Paul, ambassadeur à Constantinople, et fut présenté au sultan Abdul-Hamid. Mais la Porte prétendait être toujours suzeraine de l'Afrique du Nord, et cela rendait la présentation de Jules bien délicate. Paul s'en tira en présentant son frère le gouverneur comme « un Français de qualité », ce qui ne trompa personne, fit plaisir à quelquesuns et amusa tout le monde. Paul lui-même avait d'ailleurs régné sur la Tunisie; il a signé la convention de la Marsa du 8 juin 1883 comme « ministre résident à Tunis, officier de la Légion d'honneur, décoré de l'Haïd et grand'croix du Nicham-Iftikar, etc., etc. >>

Le nouvel académicien fit d'abord son droit ; en 1870 il fut mobilisé à Paris ; auditeur au Conseil d'Etat, il siégea avec ce corps dans l'actuel ministère du commerce; il fut préfet de Constantine, préfet du Rhône, gouverneur général de l'Algérie, ambassadeur à Washington. Quand la ville de Santiago-de-Cuba eut capitulé le 17 juillet 1898, il organisa la médiation française entre les Etats-Unis et l'Espagne qui aboutit à la signature du traité de paix de Paris du 10 décembre. Dès lors il était tout désigné pour l'ambassade de Madrid. On l'y envoya, il y réussit; il sut gagner la confiance du jeune roi en dépit de certaines influences hostiles, et cette confiance se manifesta particulièrement lors de la grande revue de la flotte française qu'Alphonse XIII passa à Carthagène.

En 1907 M. Jules Cambon était nommé ambassadeur à Berlin. Il allait y rester sept années et y conquérir un fauteuil à l'Académie française.

On a vu plus haut comme il y tint sa place. Il débuta par un coup d'habileté. Bülow était chancelier et le conseiller d'Etat aux affaires étrangères était le Saxon von Tchirsky. M. Jules Cambon présenta ses lettres de

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