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car enfin son histoire est pour le moins aussi éloquente que son éloquence historique. On sent très bien que ses livres sont d'un orateur qui met en œuvre un dossier qu'il a longuement médité et cela ne doit pas être pour surprendre, car M. Barthou est avant tout un orateur. Il est doué d'une mémoire excellente, qu'il cultive attentivement et qu'il garnit de belles fleurs, car cet homme politique a tenu à être un lettré et se plaît à rappeler que lorsqu'il était étudiant en droit à Bordeaux, il fit une conférence (sa première conférence!) sur la Chanson des gueux. Il sait par cœur des milliers de vers; il vous dira à volonté du Baudelaire et du Samain ou du Maynard et du Racan. Quand il veut s'amuser, il apprend une pièce, et les pauvres acteurs qui l'écoutent' en sont tout ébaubis, et cette mémoire excellente facilite sa tâche, qu'entravent ses mauvais yeux, car il a moins besoin de lire qu'un autre, puisqu'il peut se dispenser de relire, ayant sa bibliothèque dans sa tête.

Il est avant tout orateur et jouit de cette faculté propre à l'orateur de se dédoubler lorsqu'il parle, et de penser tout à la fois à ce qu'il dit et à ce qu'il va dire. Il prépare automatiquement la phrase no 2 lorsqu'il débite la phrase no 1. Il lit certains discours importants, malgré sa mémoire; il les lit, mais en les disant. Le plus souvent, il improvise sa forme après avoir longuement préparé, mûri le fond, et son plan : il travaille en marchant, feuillette les livres qu'il a dans la tête, réfléchit, compare, classe, bâtit, et son discours à la tribune est la forme improvisée d'une pensée longtemps réfléchie.

M. Barthou est avant tout un orateur, et cela paraît

évidemment dans ses livres. Il écrit en se dictant à luimême à haute voix, en utilisant toutes les notes qu'il a prises mentalement. Il est si bien orateur qu'automatiquement il éprouve le besoin d'écrire l'histoire des orateurs, celle de Mirabeau en 1913 (1), celle de Lamartine en 1918, celle de Victor Hugo demain, après-demain celle d'Henri IV, qui lui est doublement cher comme beau diseur et Béarnais (2).

Mais comment aimer les lettres sans aimer les livres, comment aimer l'histoire sans aimer les documents ?

C'est si peu possible que M. Barthou a été contraint de réunir l'une des plus belles bibliothèques et l'une des collections d'autographes les plus admirables qu'on puisse voir... Vous jetez un coup d'œil indiscret sur sa table de travail, · Elles Vous y apercevez des lettres.

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émanent de collègues députés ou d'électeurs méridionaux, pensez-vous? Vous n'y êtes pas, il n'y avait au courrier de ce matin qu'une lettre de douze pages de Descartes, une autre longue lettre de direction de Bossuet, quelques lignes du Grand Dauphin et un billet charmant de François, archevêque duc de Cambray, que nous appelon's simplement Fénelon. Tout ce courrier vient de Londres, car depuis quelque temps, n'en déplaise à mon excellent ami Noël Charavay, les lettres des morts passent beaucoup par l'Angleterre. Et c'est une chose émouvante que de tenir entre ses doigts ces feuillets qu'ont frôlés des mains si puissantes, et, ce faisant, je comprends que le goût des autographes puisse devenir passion, ou vice, appelez-le comme il vous plaira, et pour un peu je serais plus jaloux des richesses « documentaires » de M. Barthou que de son immortalité toute neuve. Il y a bien de l'imprudence à l'avouer, et je crains fort qu'après cette confession, il ne me fasse savoir incidemment qu'il a vendu sa collection.

Mais il aura toujours sa bibliothèque, où tous les clas

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siques du XIX° siècle figurent en éditions originales gar nies d'autographes, où, en tête de l'exemplaire de l'H toire universelle, écrite par Bossuet pour le Grand Dan phin, on trouve un devoir d'histoire de ce même Grand Dauphin sur Sigismond, roi de Hongrie, corrigé de la main du prélat, où les manuscrits de Grandeur et Servi tude militaire, de Stello, d'Alfred de Vigny, voisinent avec Sagesse, de Verlaine, Madame Chrysanthème et le cahiers de notes de Loti pour Vers Ispahan et Le Di sert, les Désirs de Jean Servieu, d'Anatole France. Et o geste d'un homme de lettres ne manque pas de coquet terie qui consiste à s'entourer des œuvres admirablement parées de ses plus illustres confrères.

Théâtre & Musique

ANDRÉ FRIBOURG

Autour de la Comédie-Française

Ce fut l'autre soir, à la Comédie-Française, une bell soirée. Silvain jouait Mithridate.

Il ne le jouait pas pour la première fois certes et l érudits savent que Silvain joua ce rôle avec éclat l'année 1882... Au surplus il y montre toujours de puissance et toujours de la science. Mmo Silvain, près de lui est une Monime imposante, et Albert Lambert fil joue Xipharès et Leitner joue Pharnace comme si n'avaient fait que cela toute leur vie.. Ce fut don l'autre soir une belle soirée à la Comédie-Française

Belle surtout parce qu'on y reprenait Mithridat Et non pas pour Mithridate, et non pas pour Racin mais pour l'interprète lui-même, pour Silvain. Il ami assez souvent que les chefs-d'œuvre soient repris soient abandonnés uniquement selon la fantaisie d artistes qui les interprètent. Et les artistes passa néanmoins et les chefs-d'œuvre restent.

Au surplus, la reprise de Mithridate pour Silvain gissait de fêter gravement le quarantième anniversa par Silvain était bien justifiée ce soir-là, puisqu'il s des débuts de Silvain à la Comédie-Française.

On ne peut se le dissimuler la carrière artistiq de Silvain est parfaitement heureuse. Il a vécu la qu'il voulait vivre. Voilà un privilège qui n'est accord qu'à un petit nombre d'hommes, fussent-ils artistes la Comédie-Française.

Silvain entra presque tout de suite à la Coméd Française ; je ne sache pas qu'il ait été engagé d'abr à l'Odéon. Il fut aux Matinées Ballande dès qu'il so tit du Conservatoire. Il semble que si les premiers pr de tragédie du Conservatoire ont été inventés, ils l'on été expressément pour que Silvain les obtînt. Eh bien Silvain manque aux premiers prix du Conservatoire!! ne fut qu'un élève sans gloire d'une maison où il dera devenir un maître prestigieux et abondant en disciples comédie et un premier accessit de tragédie. L'année su En 1875, il obtient modestement un premier accessit d vante, il figure au palmarès, lauréat discuté, aver second prix de tragédie. Mais bientôt Silvain entre à la Comédie-Française et il y jouera toute sa vie com me s'il avait Conservatoire. On n'échappe pas à son destin. eu les premiers prix de tragédie a Pendant quarante années, Silvain sera presque exc Isivement un interprète des classiques. M. Emile Masq

sait tout, n'ignore pas que Silvain a

interprété seul hu

rôles. La plupart sont des rôles du répertoire, Silvain

un artiste de répertoire.

Un artiste traditionnaliste. Il représente la traditio dans toutes son ampleur. Lisez-vous quelquefois Com Idiana, de M. Emile Mas déjà nommé? La guerre

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oint distrait M. Emile Mas de sa passion exclusive ui est la Comédie-Française.Et M. Emile Mas continue e noter au jour le jour les événements, les accidents, es incidents de la vie de la maison. Dans ses notes, il éfend la tradition-classique et il me paraît fort rebelle ux nouveautés. Bien peu sympathique en outre aux ovateurs!

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Et il témoigne d'un acharnement assez singulier conle plus brillant, j'allais dire le plus scintillant, e Fa entre eux, M. de Max. Il ne pardonne pas à M. de Max pêtre Roumain et « d'avoir une conception étrangère de s nationaux » (sic). « J'irais, dit-il, applaudir cet acur ailleurs qu'à la Comédie, parce qu'il est intéressant même instructif de voir nos œuvres à travers l'inrprétation originale d'un artiste étranger; mais cette terprétation, malgré son originalité ou plutôt à cause son originalité, est insupportable à la Comédie-Franise, théâtre de pur style qui n'a plus aucune raison de bsister s'il ne demeure pas le conservatoire de la tration française, c'est-à-dire du goût et de l'art franrançais. » A chacun ses idées ; mais on peut, en conservant idées, les élargir.

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Sil

nça Les idées de M. Emile Mas ne laissent pas d'être un u étroites en la circonstance. Et, d'une part, les chefs"euvre de notre théâtre classique sont ceux qui peuvent le al e le plus facilement interprétés par des acteurs angers parce que ce sont les chefs-d'œuvre qui ont le ractère le plus général, parce que ce sont les chefsert Leuvre qui contiennent le plus d'humanité. D'autre acet on vit à la Comédie-Française, avant M. de Max, Cusieurs artistes étrangers, et particulièrement des die-Femmes. Et ces femmes interprétaient les chefs-d'oeuvre enat notre théâtre classique comme si elles étaient nées pas ptives de Bécon-les-Bruyères, mais elles ne les compreSilient pas mieux et elles ne les traduisaient pas mieux

Sol Sur cela. Ce n'est pas parce que M. de Max est Roumain qu'il erprète la tragédie française avec parfois une sinlarité qui choque M. Emile Mas, c'est simplement PM. Emile Mas y consent, parce qu'il est M. de Max. le« génie de M. de Max le pousse à rechercher enouveauté. Et cette nouveauté pittoresque et colorée st pas nécessairement incompatible avec le goût inçais, avec l'art français... Elle ne ruine pas nécesarement la tradition; elle peut au contraire, la virier.

il Silvain, lui, personnifie cette tradition de la Comédieançaise et on peut affirmer et on doit affirmer qu'il personnifie excellemment. Oui, il est bien vrai que vain est un grand diseur et qu'il donne au vers frandis tout son relief harmonieux. Mais il lui arrivera es ptromper les bonnes gens et d'user du grand style verditionnel pour le mauvais motif et de prêter par btint emple au Père Lebonnard l'ampleur d'une œuvre Cons issique... C'est alors la tradition qui se soutient par isole-même dans, le vide.

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ant Au reste, Silvain est un artiste heureux parce qu'il terprète dans la certitude. Il a l'amour. Il a la foi. Il die le dévoué aux chefs-d'oeuvre. Il lui plaît d'être apdis audi lorsqu'il les déclame parce qu'il lui plaît de Ss faire applaudir. Ces applaudissements pour outsef-d'œuvre comme pour lui-même il les a recherchés, Beles a provoqués partout. Ces temps-ci, la Comédiedançaise officiellement fait des tournées dans les dépetements, à l'étranger. Il importe, à mon sens, que tournées se multiplient et que grâce à elles tous les Blics de France tout au moins soient maintenus en lations régulières si je peux dire, avec les grandes res de notre littérature dramatique. Silvain aucoup voyagé pour ces grandes œuvres. Et il les a it aimer, les aimant.

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Et parce qu'il a la foi, il anime encore et on pourrait soutenir qu'il rajeunit Mithridate où Racine a su mettre tant de vérité dans tant de convention...

Certes, le Mithridate de Racine est un de ces rois comme le royaume de Pont n'en connut jamais, et tout cela est du dix-septième siècle, du dix-septième siècle français. Mais quelle vérité profonde dans cette étude du vieillard amoureux! Et que Racine a donc été habile à rendre tout le pathétique de cette situation! Les héros de la pièce sont des souverains vaincus au sommet du malheur et la tragédie a ainsi une noblesse qui semble communiquer au drame un caractère d'exception. Et pourtant le fond de l'œuvre est humain et l'œuvre a cette humanité même que les auteurs. dernes ont voulu exprimer si souvent et Racine écrivant Mithridate était un dramaturge audacieux.

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La peinture de la passion jalouse du vieux Mithridate demeure aujourd'hui poignante. Cette passion est en effet exclusive ou du moins violemment tyrannique. Elle est selon la réalité et la peinture elle-même en est presque d'un réalisme brutal, en tous cas très puissant en sa simplicité.

Voilà par quels malheurs poussé vers le Bosphore,
J'y trouve des malheurs qui m'attendaient encore.
Toujours du même amour tu me vois enflammé.
Ce cœur nourri de sang et de guerre affamé
Malgré le faix des ans et le sort qui m'opprime
Traîne partout l'amour qui l'attache à Monime.

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Et il se leurre de cette aimable illusion. La gloire ne peut-elle pas remplacer la jeunesse? Monime peut-elle pas être sensible à la gloire du vieux Mithridate? L'amour dans le cœur d'une femme ne peut-il pas naître de l'admiration? Ne peut-il pas naître de la reconnaissance? Le bonhomme Mithridate se pose toutes ces questions à la façon du bonhomme Arnolphe et la tragédie de Racine rejoint la comédie de Molière. Et il faut bien du temps et bien de la douleur au héros tragique pour qu'il aboutisse à cette conclusion de bon sens :

Oh! qu'il eût mieux valu, plus sage et plus heureux,
En repoussant les traits d'un amour dangereux
Ne pas laisser remplir d'ardeurs empoisonnées
Un cœur déjà glacé par le froid des années !

Lorsque en 1882, Silvain joua le rôle de Mithridate on attesta qu'il était trop jeune pour le rôle... Silvain a maintenant cessé d'être trop jeune. Mais il conserve au rôle toute son énergie magnifique et grandiose et jamais les souffrances sentimentales d'un vieillard et d'un roi n'ont fait plus de plaisir à un public sans méchanceté.

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Il nous reste, pour achever l'étude de la région provençale d'exposer le programme d'après-guerre que ses hommes d'action ont établi.

La Provence pourra d'abord utiliser les industries nombreuses que sa situation, les initiatives de ses industries et de l'Etat lui ont valu, pendant la guerre. M. Joseph Thierry dont j'ai déjà publié une intéressante lettre veut bien préciser ce qu'il entend par liquidation technique de la guerre pour la région qui nous occupe. << La guerre, nous écrit-il, va laisser une Provence nouvelle où de vastes cités ouvrières, de puissantes usines auront poussé un peu partout. C'est de là que devra partir la guerre économique contre l'Allemagne, notamment pour les industries chimiques qui en ce moment sont appliquées à la fabrication des poudres et des explosifs.

« Depuis que l'aménagement progressif et inévitable de l'Europe centrale, les percements de Suez et du Simplon ont mis fin au monopole de travail que nous détenions, la Provence s'était déjà tournée vers les applications industrielles, mais cette évolution naissante ne ressemble en rien à l'énormité des installations et des outillages que la guerre nous léguera.

« Il nous faudra entreprendre sans retard une vaste tâche de transformation, d'accommodation, de mise au point, pour employer au service des travaux de la paix les organismes nés des besoins de la défense et de la destruction. Ce travail pour être fécond, pour nous épargner les dommages du tâtonnement et des forces perdues, exigera beaucoup de promptitude et de clairvoyance; il est digne de l'émulation de nos savants, de nos ingénieurs et de nos industriels. ».

La liquidation technique de la guerre est la tâche première que l'on s'apprête à effectuer, quand l'heure en sera venue, dans la région.

Une immense ruche industrielle est née de la guerre à Saint-Auban (Basses-Alpes). La censure ne m'a jamais permis de dire ce qu'on y fabriquait; du moins, dirais-je que sous l'active direction d'un homme d'une rare distinction, M. de Gastyne, on y va traiter les bauxites de Provence, ces bauxites dont l'Allemagne déshéritée n'a pas un gramme, qu'elle a prises chez nous et qui lui ont permis de nous faire la guerre de l'aluminium. Dans la paix, elle les raflait grâce à son espion Giulini, condamné à la détention perpétuelle dans une enceinte fortifiée et qui court encore, et à la pseudo-Société suisse de l'aluminium à Neuhausen, séquestrée.

Découverte par Berthier aux Baux qui lui donnèrent son nom, en 1822, la bauxite dont les plus importantes carrières exploitables du monde se trouvent dans la vallée des Baux, le Var, l'Hérault et les PyrénéesOrientales, est le minerai méridional par excellence. Son industrie est française. Sa métallurgie est l'œuvre d'Henri Sainte-Claire Deville. Et cependant, l'Allemagne l'avait accaparée. Elle avait acheté ou loué (pour jusqu'en 1916!) les gîtes varois, créé une usine, évaluée à 8 millions, à Saint-Louis-les-Aygalades, pour traiter les alumines, fondé une Société française pour l'industrie de l'aluminium et absorbé la Société des bauxites

(1) Voir l'Opinion des 9 février, 2 et 16 mars, 20 avril et 4 mai,

de France, séquestrée. Les ports de la Méditerrané embarquaient par ses soins 90.000 tonnes de bauxite par an. Aussi, l'artillerie allemande a-t-elle pu-consom mer 24.000 tonnes d'aluminium, tirées du suc de not

terre.

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Malheureusement les Français auront fort à faire prendre la place des Allemands. Une compagnie nor végienne à laquelle la France a refusé toute émission créée à Christiania pendant la guerre, qui ne peut sortir un kilo de bauxite ni rentrer un gramme d'alum nium, achète à des prix considérables les gîtes varo Pour œuvrer plus à l'aise, ladite société qui se nomm Hoyang Faldenen Norsk Aluminium Co est deven Société des bauxites et alumines de Provence; n'est pas plus difficile que cela avec les lois française de se maquiller.

La France qui a besoin de toutes ses richesses laisse ra-t-elle des neutres, apparus chez elle à la faveur de guerre, prendre la place des Allemands ?

La question est d'autant plus angoissante que l'Alle magne ne renonce pas à ses visées sur nos bauxite dont elle a besoin; l'espion Giulini édifie une usi qui lui coûte 600.000 francs pour traiter nos bauxite à quatorze kilomètres de la frontière française, à Ma tigny-Bourg-en-Valais.

Avec l'équipement de nos chevaux-vapeur des Alp de Provence nous pouvions traiter nos bauxites su place. M. Adrien Artaud veut bien me dire « Pou quoi grâce à l'admirable faisceau des forces hydra liques des Alpes provençales, ne traiterions-nous p nos bauxites chez nous et ne produirions-nous p l'aluminium ? >>

Il serait à désirer que les Français devinssenti maîtres du marché des bauxites et les régulateurs celui de l'aluminium. Déjà, dans cette Provence aim des dieux, ils le sont devenus du marché des lavand et des plantes aromatiques qui leur avait échappé.

Avant la guerre, les distillateurs Schimmel, de M tiz-Leipzig, avaient monopolisé chez nous la distil tion de la lavande, de l'aspic, de la menthe et du près. Ils avaient élevé une grande usine, couronnée d' casque à pointe à Barrème, dans l'arrondissement Digne (1); ils avaient construit une autre usine à Sau dans l'arrondissement de Carpentras, établi des a liers à Castellane, Vergons, Soleilhas, Clamensan Thoard, Saint-Geniez-en-Dromont ; en 1912 ils dist lèrent de 26.000 à 28.000 kilos de lavandes par jo dans une seule usine; ils imposaient leurs prix; guerre venue, on crut que les lavandes ne pourraie plus trouver preneurs; bien au contraire; le Syndic des lavandes françaises d'accord avec des distillate français, acheta et paya les odorantes herbes, des pr que l'Allemand n'avait jamais donnés. L'Amén est le meilleur client; nous la fournirons directement les distillateurs qui ont obtenu l'usine de Sau MM. Gattefossé, sont en train de transformer nos la des alpines en encourageant la création de lavandera et la plantation d'herbes à distiller.

A Saint-Jean-du-Gard, Levinstein, de Berlin, poss dait d'immenses usines d'extraits tanniques. Levinste fut arrêté en Corse où il possédait des fabriques à Ba tia-Casamozza; on trouva sur lui sa nomination gouverneur allemand de la Corse; il est interné. U syndicat national des extraits tanniques a remplacé berlinois.

Les lièges du Var étaient pris en grande partie pa

(1) Sur l'audace de ces distillateurs de Leipzig dans la v politique de nos montagnes, j'ai ce billet de M. Joseph Reinac « Les Schimmel ont fait des versements d'argent à la coal tion qui a battu en moi l'un des auteurs de la loi de 3 ans. »

Allemand de Karlsruhe, Leeb-Stern, qui avait des ploitations à Fréjus et aux Arcs; ce récolteur de liège vait réalisé l'encerclement de la Méditerranée par ses ines du Var, d'Espagne, d'Algérie et de Tunisie. Les ploitants locaux ont pris sa place. Il en est de même Carpentras pour les truffes qu'avait flairées l'Alleand, à Apt pour les ocres, Maillane, pour les charons-cardère, Chateau-Renard, Saint Rémy, Meynes, ignon pour les graines de semences et les primeurs. On voit que les bauxites à part, et c'est malheureusent la branche la plus importante accaparée par l'Allegne, la Provence a repris les industries que détet l'ennemi, campé chez elle durant l'avant-guerre. PVoilà de la bonne préparation technique d'après

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erre.

MARSEILLE ET L'ÉTANG DE BERRE

La capitale économique de la région provençale, Marlle, qui éclate dans sa ceinture de collines, augmente ports avec le bassin Mirabeau (1); elle en trouvera immense dans l'étang de Berre. Les industries se eloppent considérablement dans la grande cité. Sans nete le mouvement du port a sensiblement baissé desun an; la cause en est à la guerre sous-marine qui jusqu'aux eaux du port; mais, la paix venue, celui-ci vera une prospérité jamais vue. A cette heure, Marsle n'est pas éloignée d'avoir un million d'habitants dir maire de la ville, M. Eugène Pierre, ne nous a pas for bé sa peine à loger les nouveaux venus; la valeur immeubles augmente; celle des terrains industriels rassé parfois cent pour cent.

1911

convient de mentionner, à des fins diverses, la det considérable que certains nationaux de pays alliés neutres prennent dans le commerce et l'industrie marPlaise; sans doute le port qui reçut Gyptis compret une colonie grecque puissante, ancienne et assimien partie; mais la guerre a déversé sur les quais la Bourse de nouvelles recrues, recrues civiles veis de Constantinople et de Salonique, les mouzabi me l'on dit en dialecte marseillais; leur pullulaa fait naître un syndicat des courtiers français. grande marque anglaise des savons Sunlight a té de nombreuses savonneries marseillaises; les tiers de la Clyde offrent d'établir des apponteCats et des cales, sur les bords de l'étang de Berre ; syndicat américain demande la concession de l'adaagement du Rhône, déclare posséder 250 millions escrits et affirme avoir un milliard à sa disposition rce but; les cafés légendaires de la Cannebière cèit la place aux banques anglaises (2). Plus d'un se Occupe de ces transformations. Espérons pour ce at, qui tient la clef de tous les autres, que les bans locales si estimées sauront devenir de grands étasements régionaux à esprit régionaliste, comme on rit à Nancy, avec le regretté Jean Buffet, comme on oit à Grenoble avec ce prodigieux réalisateur qu'est Georges Charmeney. La Société marseillaise de créque présidait M. Jules Charles-Roux à qui a sucé un homme qui connaît bien sa Provence économiM. Cazalet, a créé des succursales dans toutes les es de la région et se propose d'aider les industries. ales. Il est bon de citer l'excellent esprit de la banBonnasse, à Marseille et de mentionner les heureudispositions des banques Conte-Devolx à Salon, aaud Gaidan en Avignon et à Nîmes, Cler à Em

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La Chambre de commerce s'engage à verser à fonds dus pour ce bassin 61.500.000 francs et à faire l'avance de eille somme. Le rapport de M. Fernand Brun, député, sur bassin Mirabeau, a été distribué l'autre semaine. ) en est de même à Lyon, rue de la République.

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brum. C'est avec l'argent des Provençaux, leur concours, les richesses de leur terre que la Provence doit être mise en valeur. Tant de sang versé pour sauver le sol de la patrie fait un devoir de le conserver aux héritiers.

Marseille possède un admirable foyer régionaliste ; c'est sa chambre de commerce; examinons ses créations. Déjà la Provence possédait les canaux d'Arles à Bouc (achevé dès 1842), et de Saint-Louis-du-Rhône; mais ces canaux étaient insuffisants; la chambre de commerce demanda une voie d'eau intérieure, reliant le port de. Marseille au Rhône.

L'avant-projet date de 1879; le canal, parti de l'ex-trémité nord du port de Marseille longe la côte jusqu'à 1.800 mètres après l'Estaque; il traverse en souterrain le massif de la Nerthe; ce souterrain auquel la commune du Rove a donné son nom est fait d'une voûte surbaissée s'approchant d'un plein cintre de II mètres de rayon; sa largeur est de 22 mètres, comprenant une cuvette de 18 mètres, qui permet la circulation de deux: chalands, et deux banquettes de 2 mètres. Le tunnel du Rove est le plus grand tunnel du monde comme section et cube de déblais. Son achèvement est proche. Il débouche dans la tranchée de Gignac-Marignane, pénètre dans l'étang de Bolmon, puis dans l'étang de Berre, traverse Martigues, emprunte les canaux de Martigues à Port-de-Bouc, de Bouc à Arles, agrandis ; il aboutit en Arles même, plus loin que l'ancien débouché des Fosses Mariennes.

Voilà donc Marseille, le canal achevé, en communication intérieure directe avec le Rhône. Avant d'étudier les projets provençaux, d'aménagement du fleuve, arrêtons-nous un instant sur les bords de l'étang de Berre. La chambre de commerce de Marseille qui a dépensé 40 millions sur 90 pour l'aménagement du canal, demande l'autorisation d'aménager l'étang de Berre; par ses soins, ce magnifique port intérieur de 15.500 hectares, à l'abri des sous-marins, et dans une eau calme deviendrait un formidable foyer; sur ses 68 kilomètres de côtes s'élèveraient des usines; déjà plusieurs industries chimiques importantes y sont installées ; l'industrie de la soude a eu son berceau aux salins de l'étang de Berre (1808). Marseille qui ne pouvait pas, bornée par l'arrêt des collines de la Nerthe, se développer au nord, a maintenant un port immense à son seuil. Il faudra peu de dépenses pour l'aménager; « les dragages coûteraient moins cher que les quarante mètres de fond par lesquels il faudrait à Marseille construire les digues des nouveaux bassins » (Joseph Thierry).

«La chambre de commerce, nous apprend M. Thierry, a élaboré un projet pour approfondir le chenal d'entrée du port de Bouc et le porter de 6 m. 50 à 9 mètres, donner la même profondeur au port lui-même et au canal de Bouc à Martigues, créer à Martigues un débouché sur l'étang de Berre par une passe de 40 mètres, approfondir dans l'étang le chenal et la passe de 9 mètres. L'idée a été acceptée par le ministère des travaux publics; l'unité de gestion appartiendrait à la chambre de commerce >>.

Le bassin de Berre, abrité des vents, recevrait, avec les dragages effectués, les navires de mer, porteurs des matières premières. Les marchandises fabriquées s'en iraient les unes vers Marseille par le canal, vers la mer par des allèges, vers Lyon, la Suisse et l'Europe centrale par le canal de Martigues à Arles et le Rhône, et par le chemin de fer P.-L.-M. qui a deux voies de fer toutes proches.

L'aménagement de l'étang de Berre, voilà bien un Beau programme, me direz-vous, mais comment notre pauvre Etat, accablé de dettes par la guerre, pourra-t-il prendre sur lui cette charge nouvelle ?

Mais il n'en coûtera rien à l'Etat.

Nous touchons ici un point que je voudrais bien faire sentir à nos lecteurs. Il existe et nous le mettrons à jour, région par région, un magnifique programme d'aménagement de la France pour l'après-guerre. Nos chambres de commerce que c'est une bénédiction les ayons devant la déchéance de l'Etat, s'offrent à exécuter ces travaux.

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que nous

A mesure que l'Etat centralisé, tiraillé entre sa politique et son administration, augmentait sa tyrannie politicienne et bureaucratique, lui donnant toute sa pensée, perdait de son autorité vraie, les puissances économiques augmentaient la leur. Nous le constatons pour le canal de Marseille au Rhône. La participation de la Chambre de commerce n'était au début que de 6 millions 666.666 francs; voulant augmenter la longueur du souterrain du Rove, la participation de ladite compagnie a passé à 40 millions.

C'est maintenant la totalité des dépenses que Marseille offre de prendre à sa charge pour l'aménagement de l'étang de Berre. Le distingué membre secrétaire de la Chambre de Marseille, M. Hubert Giraud, armateur, qui connaît mieux que personne la question, nous dit : « Marseille se charge de la dépense; elle demande simplement que l'Etat l'y autorise et lui concède, comme dans les ports actuels, la perception de péáges locaux ».

L'Etat donnera-t-il des autorisations ? Nous l'espérons. Nul plus que nous, régionalistes, ne peut être heureux de ces initiatives locales; il est impossible cependant à qui possède le sentiment de la nécessité du pouvoir central, régulateur et ordonnateur, de ne pas ressentir une certaine tristesse devant l'effacement incapable dudit pouvoir, devant l'effondrement de notre malheureux Etat moderne, pris dans ses tirailleries électorales et son mandarinat administratif.

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Georges Ohnet et le roman-feuilleton

La pompe funèbre qui a conduit au tombeau M. Georges Ohnet n'a pas manqué de piquant. On a vu la critique couvrir de roses, cette fois sans épines, celui qui trop souvent avait alimenté sa verve, et, peut-être par reconnaissance pour les plaisanteries faciles qu'elle en avait tirées, former,, pour clore sa carrière heureuse, un chœur d'éloges sans réserve. M. Georges Ohnet méritait ces regrets et ces louanges. Il n'avait pas varié; il continuait de plaire au même public auquel il ne contait plus d'histoires édifiantes, mais qu'il fortifiait contre les périls de l'arrière par des articles de journaux d'un enthousiasme solide et clair.

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Et nous lui devons tous un souvenir ému. Tous, aux jours de notre jeunesse candide, nous nous sommes délectés au Maître de Forges. Je l'ai lu, ce livre, à dix-sept ans, sous une treille, dans une ville de province. au pied d'une petite colline qui s'appelait le Malmont un mot qu'il eût aimé je l'ai lu et j'en garde encore une impression de terre humide et de ciel bleu. Mais on est terrible à dix-sept ans. Je me rappelle que, le volume fermé, j'ai discerné tout à coup le génie de M. Georges Ohnet et que j'ai prorfoncé sur lui un arrêt que je prononcerais encore, l'amendant toutefois de l'indulgence générale et de cet apaisement irrésitible qui vient parmi la grande ombre de la mort.

Oui, je l'aperçus déjà, M. Georges Ohnet eût été un grand séducteur, s'il n'avait déçu autant qu'il promettait. Il situe son récit dans une atmosphère suffisante,

il campe bien ses personnages. Il intéresse. On a l'illu sion que quelche chose va se passer. Et, en effet, quelque chose se passe, mais on ne voit plus personne. Je m'explique: le drame suit son cours, seulement on n'en sai sit que l'événement extérieur et la raison en échappe, Les personnages agissent sans donner d'aucune sorte nulle explication de leurs actes. Philippe conquiert le cœur de sa femme au terme d'une suite de faits, mais ce cœur, on ne le voit pas changer. M. Georges Ohnet n'a pas de psychologie!

Et on lui en veut d'autant plus qu'il a laissé croire qu'il en avait. On est furieux! Il trompe. Il trompe sur la marchandise! On le suivait avec patience. On se di sait : « Attention, voilà qui va devenir intéressant...", puis, subitement, plus rien... que le récit tout en surface On attendait Benjamin Constant et on voit sortir un Ponson du Terrail un peu plus distingué; on espérait un roman psychologique, et on tient un roman-feuille

ton.

Et voici le mot décisif : romani-feuilleton! Jules Le maître l'a bien vu, et il a su trancher dans le vif, opérant une juste mise au point. On veut, pour la circonstance qu'il ait regretté son article et qu'il ne l'eût point écrit de nouveau. Je n'en crois rien, il a bien eu trop de plaisir et trop de satisfaction à le faire. Imaginez-vous Alceste traitant de la poésie d'Oronte ! Et il a eu raison. De puis l'article de M. Lemaître, dit, ou à peu près, M. Lan son, on lit encore Georges Ohnet, mais personne ne s'e vante plus. C'est très exactemerit ce qu'il fallait. Mm de Sévigné avouait avec quelque pudeur d'Urfé ou la Calprenède, et par là les écartait de toute méditation sérieuse, comme Jules Lemaître écarte sa victime de la littérature. Quelques vivacités à part, on ne pouvait

souhaiter mieux.

- ave

Mais si l'on doit admettre comme un fait inévitable le roman romanesque, le roman-feuilleton, Georges Ob net reprend tous ses avantages. Il a travaillé là-dedan autant du moins que la matière le comporte, honnêteté. Il a donné à une demi-bourgeoisie incult la nourriture qu'elle demandait, sans trop l'abaisser en core. Certes, il est extrêmement difficile qu'un roman qui n'est que roman, ne tourne pas plus ou moins à ma quelques-unes des têtes qu'il veut charmer. Nombre d garçons de magasin et nombre de pensionnaires de b génération qui maintenant touche à la cinquantain ont dû prendre dans les livres de leur auteur favori un singulière idée des hommes, des femmes et de la vi Mais enfin, M. Georges Ohnet ne les a menés ni au cam briolage, ni aux stupéfiants.

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Car, pour bien l'apprécier et pour le regretter plu qu'il ne se serait attendu à l'être, il faut voir ce qu'o a fait après lui. Sur notre sol ultra-moderne ne fleuris sent plus les élégances désuètes des brillants ingénieur et des héritières indomptables. Le mari dédaigné n s'écrie plus : « Créature orgueilleuse qui ne veut pa plier, je t'adore, mais je te briserai... » On nous a trouv une autre langue et d'autres sujets. Nos jeunes premier de feuilleton parlent argot, et les rez-de-chaussée de no << grands journaux » se complaisent à l'apologie de la police d'amateur, ou, quand la chose se relève, nou voyons réapparaître le roman de cape et d'épée dans so horreur ancestrale; on nous présente dans toutes se manifestations et dans un français de période électorale les faits et gestes des métèques et des aventuriers d tout poil qui foisonnaient avant la guerre sur le pavé d la capitale. Quant à la prose inspirée par les circons tances, il vaut mieux n'en rien dire, et, enfin, il suffi pour mesurer le chemin parcouru dans l'espèce, de cons tater que nous en sommes à l'industrie proprement dit et au roman-cinéma.

D'Octave Feuillet à Georges Ohnet, il y avait déj

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