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atteints par des bombes s'écroulent
des bombes s'écroulent au passage de
convois qui s'engloutissent dans la rivière.

Néanmoins des forces importantes à la faveur de la nuit ont réussi à passer. D'ailleurs, ne vaut-il pas mieux laisser s'engager l'adversaire sur la rive sud et combattre la rivière à dos ? Les précautions ont été prises pour résister en arrière où se développe notre ligne de résisStance.

Tout de suite, nos troupes commencent leurs contreattaques sur les premières colonnes. A Fossoy et Mezy les Américains réussissent pour un jour à rejeter l'ennemi sur la rive nord. Plus à l'est, une âpre bataille se déroule sur les pentes boisées qui dominent la Marne. Les Allemands poussent en direction du sud vers Condéen-Brie qu'ils doivent enlever dans la matinée. La vallée du Surmelin leur offre un chemin naturel. En même ale temps, de puissantes colonnes remontent la Marne. Entre ces deux axes de marche, un troisième se dirige vers Comblizy avec mission d'élargir vers le sud-est la inpoche formée.

Pendant ce temps, toutes les forces qui s'échelonnent de Dormans à Ormes attaquent nos positions, les unes vers Châtillon-sur-Marne, les autres sur Bligny et Bouilly.

Les troupes qui longent la Marne parviennent à Avancer jusqu'à Deuilly, mais vers Comblizy les ten

atives d'extension sont énergiquement enrayées sur les fav isières des bois de Bouquigny. En direction de Condésan-Brie, les Allemands s'emparent des hauteurs, redesurs endent les pentes boisées et occupent Saint-Agnan et les a Chapelle-Monthodon. Au nord de la Marne, ils ganent la rive jusqu'en aval de Mareuil-le-Port, pénèshprent dans les bois de Courton, nous rejettent sur Mar

aux et à l'est de Bouilly. La journée se termine sur ces leman vantages restreints. L'avance maximum réalisée par Cos ennemis est de 5 kilomètres environ.

var A l'est de Reims, l'échec est total. Les troupes de la ten one de couverture ont magnifiquement rempli leur rôle. entes colonnes ennemies chargées de foncer en avant et Silui s'efforcent de tourner les îlots de résistance ont été docalisées et repérées. Sous le feu intense qui part de Saxo otre position de combat elles tourbillonnent et se déAllegrègent. Les formations de choc qui parviennent à aborder sont refoulées et massacrées par nos contrettaques. Partout l'offensive s'effrite, tandis que la déense, admirablement articulée, joue avec un bonheur ui ne se dément pas. Prunay est pris, cependant. Mais en runay est en dehors de la zone gardée. Celle-ci, à l'est hate ce point remonte au nord de la Chaussée romaine, It à partir de la Suippe jalonne la région au nord de ouain, et de Perthes-les-Hurlus. Dans l'après-midi du 5, l'ennemi complètement maîtrisé, épuisé par les sacrices consentis en vain, renonce à ses assauts.

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Nous n'avons perdu aucun canon, le chiffre des prisoniers se limite aux garnisons de résistance qui ont hébiquement rempli leur mission de dévouement. Enore, certaines d'entre elles, grâce à l'audace des aviaeurs et à l'admirable fonctionnement des liaisons ont s et u être tenues au courant des péripéties de la lutte et ejoindre nos lignes à la nuit. Témoin cette petite roupe qui après s'être défendue tout le jour au Mont Sans-Nom est rentrée le soir, après avoir détruit le tunel qu'elle gardait en ramenant 14 prisonniers. L'enhousiasme de nos soldats est à son comble et leur moal au-dessus de tout éloge. Nos pertes, pour cette prenière journée de bataille, sont extrêmement légères. La dépression de l'ennemi, les prisonniers la révèlent sans ambages. Tous avouent qu'ils ont subi des pertes formidables. Plusieurs déclarent : «< Nous sommes

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trahis». Ils ne peuvent s'expliquer autrement l'échec complet de la surprise si soigneusement préparée.

La physionomie générale de la bataille est celle-ci : des deux branches de la redoutable tenaille qui devait se refermer sur la montagne de Reims, l'une est restée en l'air, sans pouvoir s'abaisser; l'autre, celle de l'ouest, a plié sous l'effort. Arrivée au quart de sa course, elle reste cabossée, incapable de refouler nos troupes d'une pression égale.

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La nuit du 15 au 16 sera calme. Les Allemands se recueillent, regroupent leurs divisions, préparent l'effort du lendemain, pour tâcher de ressaisir l'avantage.

Mais ils sont incapables de reprendre l'attaque générale. Ils se bornent à des attaques locales pour garder les gains acquis et les élargir si possible. La journée du 16 est hésitante. C'est une journée nulle pour l'offensive, satisfaisante pour la défense.

Contre-attaques au sud de la Marne. Les Français enlèvent Saint-Agnan, la Chapelle-Monthodon, et atteignent la Bourdonnerie et Clos-Milon, sur les hauteurs qui dominent la Marne. La poche qui s'allonge vers Oeuilly, s'amincit en largeur. Nos troupes refoulent l'ennemi vers la Marne. Le commandement allemand voit le péril. Il ne peut laisser s'éterniser cette situation sous peine de voir ses divisions jetées à l'eau. C'est là qu'il va porter tout son effort du troisième jour.

Arrivé à ce moment de la lutte, on peut dire qu'il combat moins pour le succès que pour empêcher la défaite. Sans doute, en amenant le reste de sa masse de réserve il peut desserrer la pression qui l'enserre, il peut même élargir son avance. Mais quoi! le plan initial a avorté: L'encerclement de la montagne de Reims ne peut se faire qu'à demi, par l'ouest, en mettant toutes les chances de son côté! L'est reste inviolé. L'air circule de ce côté autour de la montagne. L'armée de Champagne, ce deuxième jour encore, a brisé toutes les attaques.

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Au moment où j'écris, la troisième journée de l'offensive est en cours. La bataille se fait plus violente entre Château-Thierry et Reims. Au sud de la Marne, l'ennemi a jeté des divisions nouvelles pour parer à l'étranglement. Il a repris les hauteurs au nord de SaintAgnan. Il a voulu accentuer sa marche en amont de la Marne, au delà d'Oeuilly, mais il a été rejeté sur ce village. Au nord de la Marne, il tente des efforts désespérés pour amener sa ligne à la hauteur de son front sur la rive sud. Châtillon est dépassé, Mareuil-le-Port pris,mais nos troupes le bloquent en avant de Venteuil. Plus au nord, des combats héroïques se livrent dans les bois de Courtecon, d'où l'ennemi veut déboucher à tout prix pour atteindre Nanteuil-la-Fosse.

Ici, nous sommes sur le bord occidental de la montagne de Reims et le morceau est dur à enlever. Plus au nord encore, il essaye de tourner Reims par le sud-ouest et veut faire sauter le pivot de Vregny. Le pivot résiste.

Cependant, prévoyant l'essoufflement des jours suivants, l'impossibilité de poursuivre la lutte et la faillite du plan d'ensemble, les Allemands bombardent Reims. Sans doute, comme effet moral, ils voudront enlever la ville jusqu'ici dédaignée et qui devait tomber comme un fruit mûr par la toute-puissance de la stratégie prussienne.

Attendons, sans autres commentaires, les résultats de la lutte. Ayons confiance en nos troupes et en notre commandement. Tous deux sont dignes de nos espoirs.

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XXX.

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CE QU'ON DIT...

14 juillet 1918.

les

De la lutte prodigieuse que soutiennent toutes nations libres contre la plus monstrueuse agression, c'est peut-être le 14 juillet 1918 qui à Paris aura jusqu'ici fourni la vision d'ensemble la plus saisissante et la plus noble. Ce jour-là aux acclamations d'un peuple immense, à la fois joyeux et recueilli, des détachements de troupes françaises, britanniques, américaines, belges, italiennes, portugaises, polonaises, tchéco-slovaques, serbes et grecques ont défilé dans les avenues de la capitale, pavoisées de toutes les couleurs des alliés. Et tandis que les chefs d'Etats et les chefs militaires prononçaient des paroles ou échangeaient des télégrammes qui renouvelaient le serment de vaincre, sur tous les boulevards Paris, le reste du jour, a fêté gaiement, avec tout son cœur, les poilus souriants arrivés du front et qui le lendemain y retournaient.

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Et Paris était digne de les fêter. Car, fût-ce dans une proportion infime, lui aussi tout de même maintenant participe un peu à la bataille. Des femmes et des enfants sont tombés sous les coups des obus et des torpilles. Et la nuit même qui suivit la fête, la communion se fit plus étroite entre la grande ville et le front qui la cuirasse. A l'heure où jadis à pareille époque achevaient de sauter les derniers pétards et de s'éteindre les feux d'artifice, une immense voix sourde gronda dans Paris, fit trembler les vitres. Et du côté de l'orient le ciel s'embrasa. Alors Paris sut que la bataille où se jouent son sort et celui du monde était de nouveau engagée. Et confiant dans nos armées il s'endormit paisiblement dans le ronflement de la canonnade.

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Au long de l'avenue du Bois s'étaient alignées, de frais matin, quelques centaines de personnes qui se félicitaient en elles-mêmes d'être là au premier rang. D'autres, surtout des dames, avaient traîné des chaises jusqu'aux gazons prohibés.

Mais ces privilégiés eurent la déconvenue de voir les troupes se « défiler » par l'avenue de Malakoff!

Ces gens-là avaient mal lu l'itinéraire ! Leur déception leur vint, méritée, de n'avoir pas compris que l'avenue menant à l'Arc triomphal, demeure réservée au jour plus grand, qui viendra.

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Place de la Madeleine, juché sur le haut d'une échelle, on ne voyait d'abord qu'un grouillement de fourmilière bousculée; puis l'œil, s'habituant, découvrait des aspects qui eussent fait la joie de M. A. Devambez. L'église, notamment, envahie de tous côtés, figurait assez bien une sorte de grand mur blanc où se seraient réfugiés des soldats de Lilliput.

Par contre, les habitants du quartier avaient confortablement descendu des tables massives et des tabourets mérovingiens qui n'étaient pas sans gêner le populaire... Il en prenait son parti ; « tout le monde ne peut pas habiter rue Royale ! »

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Pas cadencé, les Français vont, droits et souples, casqués et porteurs des longs fusils. Une joie mâle éclaire leurs visages sous le tonnerre des bravos.

Et tout homme, à les voir reçoit en plein cœur un souvenir de son « active », soit que passent chasseurs à pied, biffins, ou dragons à crinière. Les femmes, pâles, Et le tambour prend cette foule. Que de femmes sandressées, jettent des roses comme on offrirait son amour. glotent, que d'hommes se contiennent à peine devant la communion de Paris! Que sera-ce le matin du « Grand Jour»?

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C'était une surprise qu'on réservait aux Parisiens pour leur fête nationale. Sur la place de l'Opéra, sur celle de la Concorde et sur bien d'autres encore, on vit s'ins

taller, aux environs du 10 juillet, quatre petites baraques du type dit « Jour de l'an », cela avait évidemment un rapport avec la fête, lequel?

Le 12, on vit les affiches des Bons de la défense habiller les baraques, et le 13, enfin, des bandes de calicot très démocratiques indiquaient aux souscripteurs à la quelle chacun d'eux devait s'adresser, suivant l'impor tance de son versement.

Les clients furent très nombreux; dociles, ils attendaient leur tour avec cette patience particulière aux gens qui font si souvent et pour tant de causes diverses «<< la queue >>.

Derrière les comptoirs, il y avait les dames du minis tère des finances, qui recevaient l'argent délivraient les titres et donnaient des souvenirs. A 6 heures, aides des braves agents qui les avaient assistées, elles ont plie tout leur petit bagage dans de lourdes caisses, une auto grise les attendait pour les ramener rue de Rivoli. Les retardataires déçus trouvaient qu'on fermait trop tôt; mais elles qui n'avaient pas chômé un instant trouvaient que c'était une journée bien remplie et qu'elles avaient bien mérité de la patrie.

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qui désole l'Europe pour le moment a sévi à Paris il Rien de nouveau sous le soleil. La grippe espagnole y a plus de cinquante ans avec une intensité particu lière. On lui avait même donné un nom : la follette. En 1733 elle s'était montrée d'une violence extraordi naire et un auteur dramatique s'était même avisé d'ea porter les ravages sur la scène. On y voyait dans une manière de comédie-bouffe une multitude de person nages atteints de la nouvelle maladie et le tout se ter minait par un ballet divertissant dans le goût de l'épo

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que.

Il n'est pas que Nénette et Rintintin pour constituer d'excellents fétiches: tant de porte-bonheur différents ont été successivement à la mode qu'en vérité on ne sait plus distinguer dans cette foule d'amulettes. La plus ancienne est « le cochon porte-bonheur ». Sait-on qu'elle est d'origine gauloise? Dans les sacrifices de

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nos ancêtres, le porc était l'animal expiatoire,.préserva- ( cortège : cortège « Monsieur, répondent dignement les deux teur des maléfices et des maladies mentales. Et voilà pourquoi, Mesdames, vous portez un petit cochon en or à votre bracelet !

La « pierre de lune » qui a quelque ressemblance avec l'opale, passe pour avoir des vertus contraires aux influences mauvaises de cette dernière pierre. Aussi a-t-elle été longtemps à la mode. Il en est de même de la médaille de Saint-Georges qui, dans le monde de l'hippique, passe pour préserver des chutes de cheval. Aussi les amazones en ont-elles sur elles.

Le fétiche « philippine » consiste en une sorte de petite amande en or dont les deux coquilles s'ouvrent pour laisser voir un double grenat, et le fétiche «< baccara» cher aux joueurs est une sorte de boule de verre au milieu de laquelle on distingue un minuscule roi de trèfle et un neuf de carreau.

Enfin n'oublions pas les « bracelets horoscopes auxquels sont suspendues des plaques cannées à pans coupés où sont ciselés les signes du Zodiaque.

«Napoléon ».

M. Pérès, ainsi qu'on l'aura lu, a prononcé devant le x; Sénat réuni en Cour de justice un nom qui sonnait nce étrangement en cet endroit solennel. M. le rapporteur, ant parlant incidemment d'un autre procès jugé, peu de jours avant la mobilisation, signala Napoléon Poggiale tlak chef des gardes corses », ajouta l'honorable sénateur. arg Cette noble périphrase était en effet nécessaire en Atatel licu.

Mais, sans tout dire, on peut expliquer un peu ce dequ'est le chef des gardes corses », et ce qu'était sa megarde.

Napoléon », ainsi le nomme son monde, est un reunpris de justice. Sa première affaire fut un viol de sépulolie ture, en son pays natal. A Paris, ce bandit sans enver

gure mais redouté tenait, lors de cet ancien procès, une maison de jeu et de rencontres sise rue Laferrière.

Qui le recommanda? Lui-même, peut-être... Toujours st-il qu'un naif ami du témoin principal engagea Napoléon à charge pour lui de réunir une troupe de vocion férateurs qui acclameraient ledit témoin à sa sortie. sait

Almereyda, de son côté, menait là un peloton de alle idèles, et M. le rapporteur nous a fait savoir que ce seraille vice avait été payé à Vigo la somme de 40.000 francs. to Napoléon, lui, touchait moins, sans doute... On l'a vu, solden ces journées-là, qui payait sa horde dans un café voisin du Palais... une pièce de cinq francs par faquin, plus un verre de vin par gorge.

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Il est vrai d'ailleurs que le bandit et sa garde ne faisaient qu'applaudir tandis que les autres savaient écrire, après la cérémonie.

Chez nos Alliés.

Bilyjim est un richard qui gagne des six shillings jour; et comme c'est un garçon qui aime la société,

par

lin te volontiers les poilus, dans les secteurs mitoyens les poilus qui. eux, ne reçoivent pas grand argent. La

qui

conversation est un peu languissante entre gens e parlent pas la même langue; mais les bonnes boute illes fraîches servent d'interprète. Quand c'est du whisy, les Français qui n'ont pas l'habitude, sont en beaucoup moins bon état ou en bien meilleur état Is voulez que les Australiens à la fin de la soi

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jour-là, c'avait été du whisky. Un capitaine ausrencontre deux de ses hommes, dans une zone dangereuse, chacun poussant une brouette lourdement

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Lorsque la clairvoyance d'un observateur lui permet de saisir l'humanité telle qu'elle est trop souvent dans son monstrueux égoïsme, dans son avidité, dans son indélicatesse; lorsqu'il se rend compte que le moraliste n'avait point tort qui, dans un double, énergique et cru raccourci assignait pour but à l'activité universelle « le ventre »; lorsqu'il constate que la soif de l'or, c'est-àdire la satisfaction des appétits matériels, est le plus fréquent mobile qui fasse agir l'individu, l'autre mobile étant la vanité et le goût de la domination, il se peut qu'il sourie soit qu'il éprouve quelque satisfaction à se sentir supérieur à cette foule, soit qu'il lui plaise de retrouver chez autrui ses propres bas instincts. Il se peut aussi qu'idéaliste, tourmenté éternellement du besoin d'aimer et d'admirer, il soit blessé au cœur par les turpitudes aperçues : c'est cette déception amère qui fait les Becque et les Mirbeau; les plus durs, les plus abominables livres de Mirbeau ne sont que les réactions d'une âme qu'irrite jusqu'à l'envenimement le spectacle de la marche du monde.

Mais le satiriste n'est pas toujours d'humeur aussi noire, surtout lorsqu'il est bien portant ou si la chance. le favorise, et c'est souvent d'un œil dédaigneux, paisible et amusé qu'il contemple la piteuse comédie. Telle est l'attitude adoptée par M. Jean-José Frappa dans son roman A Salonique, sous l'œil des dieux. Le sourire ne le quitte pas, tout au long de cette peinture d'une si profonde amoralité qu'elle en serait presque insoutenable sans son talent, sa malice et sa

mesure.

Une grande bonne humeur, une apparente indulgence, une pitié profonde le dominent. Mais qu'on ne s'y trompe pas rien de plus cinglant que ce livre, rien de plus grave ni de plus fécond que la conclusion qu'il nous oblige à en tirer. Devant ce misérable peuple macédonien, «< mélange de toutes les races, bâtard dégénéré », qui « pour avoir eu trop de patries diverses a fini par n'en avoir plus aucune », comme nous comprenons le grand réservoir moral, la source de qualités sociales que forme une nation solidement constituée, hiérarchisée, liée par un passé de devoirs communs! Quel roman profondément nationaliste que celui-ci, qui ne contient pas la plus petite tirade patriotique,. qui sur près de 300 pages en consacre à peine trois (et avec quelle sobriété voulue!) à dépeindre dans leurs dures. tranchées les soldats d'Orient!

Fort bien écrit par un romancier qui, ayant déjà produit d'excellentes oeuvres de théâtre, sait la valeur et la force des mots, coupé de descriptions d'autant plus évocatrices qu'elles sont brèves, on en goûtera la forme littéraire autant que l'observation aiguë, l'émotion cachée, et les fortes conclusions sociales qu'il impose.

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ée. Et comme il s'enquiert du but de ce singulier (1) Flammarion, éditeur.

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décentralisation, le livre de J.-M. de Pereda paraît vraiment opportun. Il nous présente, dans le cadre grandiose des montagnes et de la mer cantabriques un gentilhomme de la cité que la nature surprend, que les mœurs patriarcales étonnent, que la simplicité paisible des « villages montagnais » déconcerte, mais qui ne laisse point que d'être enfin conquis par tant de nouveautés si longtemps méconnues, et que l'amour frais et sain d'une jeune indigène fixera parmi ces choses profondes que nos préjugés d'éducation nous font croire repoussantes.

Pereda nous prêche le retour à la terre ; il conseille à l'homme d'action de se tourner vers ces domaines qu'il dédaigna par un orgueil de civilisé qui se croit indispensable aux mesquines luttes urbaines. Et ses arguments paraissent convaincants au lecteur impartial.

Le livre, tel quel, est passionnant. Il eût, cependant, gagné à être allégé. La traduction scrupuleuse de MM. Henri Collet et Maurice Perrin ne laisse de côté aucun mot du texte. Sans doute cette fidélité exagérée leur fut-elle imposée. C'est dommage. Mais, à tout prendre, l'œuvre de J.-M. Pereda est si belle, si pleine, que nous lui pardonnons volontiers quelques longueurs.

Affaires Extérieures

Rien de changé en Allemagne

« Il n'est pas possible de dire dans quelle mesure le grand quartier a consulté le gouvernement. »>

Gazette de Francfort, 10 juillet 1918.

Il est fort heureux pour nous que, de temps en temps, un fait éclatant vienne rappeler aux observateurs, même ignorants et inattentifs, ce qu'est la politique intérieure allemande et dans quelle direction elie évolue.

La chute de M. de Kühlmann est un de ces événements caractéristiques et édifiants. Ce fonctionnaire, dont la souplesse et la docilité ne sauraient être mises en doute, prononce au Reichstag, d'accord avec l'empereur et le chancelier, un assez mauvais discours dont il ressort, d'une part, que l'Allemagne espère bien traiter la France et l'Angleterre comme elle a traité la Russie et la Roumanie, d'autre part que, pour réaliser ce généreux espoir elle ne doit pas compter uniquement sur la valeur de ses armes, mais aussi mettre en œuvre l'habileté de ses diplomates.

La première partie de cette déclaration était apparemment destinée à rassurer les pangermanistes, la seconde à satisfaire les socialistes et les radicaux. L'accueil fait aux paroles de M. de Kühlmann démontre que la grande majorité de l'assemblée d'Empire partage, sur la question de la guerre et de la paix, les sentiments des pangermanistes: nous nous en doutions depuis quelque temps. Le secrétaire d'Etat est accusé de défaitisme et de méfiance à l'égard du haut commandement, séance tenante, le chancelier désavoue les propos de son subordonné; après quoi, il part pour le grand quartier, faire amende honorable aux géné

raux.

M. de Kühlmann eût accompagné son chef, s'il n'avait été retenu à Berlin par un procès. Deux journaux pangermanistes avaient incriminé ses mœurs et prétendu qu'il avait compromis par une tenue scandaleuse, non seulement la dignité de l'Empire, mais encore le succès des négociations de Bucarest, où la chasteté du comte Czernin avait été si largement récompensée. S'étant justifié à Berlin, Külhmann va s'excuser à Spa. Il se sait déjà condamné. L'amiral von Hintze, ministre d'Allemagne à Christiania, a été mandé d'urgence au grand quartier. C'est lui que Ludendorff a choisi

pour remplacer Kühlmann au ministère des affaires étrangères.

Les pangermanistes triomphent; l'opposition fait entendre, pour le principe, quelques protestations. La Münchner Post propose ironiquement aux généraux d'envoyer au Reichstag un sous-officier bien dressé, fort en gueule, qui, chaque fois qu'il s'agira d'obtenir de nouveaux crédits, rappellera militairement l'auditorre au sentiment de la discipline, en évoquant tantôt les succès passés, tantôt les victoires prochaines. Le socialiste Haase préconise une solution encore plus simple: « Le parti militaire gouverne, - observe-t-il, - le moyen le plus pratique, dans ces conditions, se rait peut-être que Ludendorff vint s'installer lui-même au palais de la Chancellerie. » La Gazette de Franc fort trouve une formule moins outrancière, mais plus savoureuse : « Il n'est pas possible, - déclare-t-elle de dire dans quelle mesure, le grand quartier a consulté le gouvernement. Le comte Hertling est au grand quartier depuis plus d'une semaine. Son opinion n'aura certainement pas pu y rester ignorée. Malheureusement, il nous paraît très douteux que les pouvoirs civils aient participé de façon notable au renvoi de M. de Kühlmann et à la désignation de son successeur.

Sauf quelques enragés, qui sont d'ailleurs des impuissants, tous les dirigeants de l'opposition marquent le même souci en critiquant une nomination encore incertaine, ils se réservent le loisir de s'y rallier tout doucement, le jour où la volonté de l'empereur l'aura rendue définitive.

Jamais Ludendorff n'eût commis la faute de recommander au choix de l'empereur pour succéder à Kühlmann, un homme à qui la faveur du souverain ne fût point déjà notoirement acquise. Il y a longtemps que Guillaume II avait distingué M. de Hintze.Après l'avoir fait nommer en 1903, attaché naval auprès des Etats scandinaves, avec résidence à Pétersbourg, il l'avait rappelé à Berlin et attaché à sa personne en qualité d'aide de camp. En 1906, l'empereur renvoya Hintze en Russie, avec une mission spéciale. Entre Pétersbourg et Berlin, les relations n'étaient pas entretenues seule ment par des missions diplomatiques officielles ; les deux souverains correspondaient personnellement par l'entremise de deux « plénipotentiaires militaires » in dépendants des ambassades et des gouvernements. M. de Hintze représenta Guillaume II auprès du tsar Nicolas il avait le privilège d'aborder en tout temps le souverain russe sans demander audience, et d'adres ser ses rapports directement au souverain allemand.

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Il venait fréquemment à Berlin. C'était à cette épo que un brillant officier de marine, au regard froid, aux traits très fins, au visage glabre. Une distinction un peu voulue, des manières soigneusement copiées celles des marins anglais : c'était alors, c'est peut-être encore aujourd'hui le chic suprême dans la marine alle mande. Beau causeur, il révélait par sa conversation un esprit cultivé, observateur et très réfléchi. Il affectait de parler allemand le moins possible, se servant d'ailleurs avec une aisance parfaite de l'anglais et du français, du russe avec un peu plus d'effort.

M. de Hintze remplit ces importantes fonctions de 1906 à 1911, à l'entière satisfaction de son maître. Le tsar avait, il est vrai, moins de goût que l'empereur pour ce diplomate actif et intrigant, qui avait réussi en peu de temps, à pénétrer dans tous les milieux, et dont on retrouvait la main partout. Eut-il aussi quelque inquiétude et quelque scrupule à suivre M. de Hintze dans la politique où celui-ci s'efforçait de l'engager, officielles de la Russie? L'histoire un jour le dira. et qui ne s'accordait que malaisément avec les alliances Toujorus est-il que Nicolas II prit prétexte de quelques

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petits scandales financiers pour demander à l'empereur Guillaume de rappeler son aide de camp.

Hintze, nommé contre amiral, quitta la marine pour entrer aux affaires étrangères. Les gens de la carrière le jugeaient indésirable; mais l'empereur l'imposa. Hintze était ministre à Mexico lorsque les hostilités se déclarèrent; il occupa le même poste à Pékin, jusqu'au jour où la Chine entra dans la guerre. On l'envoya alors à Christiania. Lors de la chute de M. Zimmermann, il avait été question de lui confier la direction des affaires étrangères. Les pangermanistes et les industriels s'agitèrent en sa faveur et le compromirent. A cette époque (été de 1917) l'empereur et le gouvernement affectaient de ménager l'opposition et de croire la possibilité d'une paix de conciliation. M. de Kühlhann fut choisi. Aujourd'hui que M. de Hintze lui sucède, les radicaux et les socialistes demandent timidenent au chancelier des explications, que celui-ci s'emresse de leur fournir.

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« Hintze pangermaniste, Hintze conservateur ? s'érie le comte Hertling. Allons donc ! Mon secrétaire Etat n'a pas d'opinion politique : c'est un fonctiondaire. D'ailleurs il n'a aucun pouvoir, aucune responabilité. Le chancelier seul est responsable. Le secréaire d'Etat aux affaires étrangères ne fera pas sa deolitique, mais la mienne. »

Et voilà le Reischtag rassuré. Les partis d'opposition attendaient qu'une déclaration du chancelier pour acepter cette nomination qui avait été faite à l'insu de « représentation nationale » et même, selon toute apSarence, en dehors du gouvernement. « Vous nous asM. de Hintze est d'accord avec nous : cela aurez que nous suffit, disent les députés allemands. Nous vous ausommes infiniment obligés de vouloir bien nous assurer e quelque chose et de ne pas avoir l'air de nous mésriser tout à fait. Nous voterons le budget. Scheideann lui-même et ses socialistes officiels le voteront E vec nous. » Le comte Hertling a bien raison de dire qu'il n'y avait rien de changé en Allemagne ». Relisez le discours prononcé par le chancelier deant la grande commission du Reichstag: il en vaut la eine. Jamais encore M. de Hertling n'avait réussi aussi arfaitement un tour d'escamotage. Le secrétaire d'Etat era la politique du chancelier... Mais cette politique, ersonne ne sait ce qu'elle est. « Reportez-vous,

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I. de Hertling. à la réponse du gouvernement alleTerai and a and aux propositions pontificales de 1917. » Mais ette réponse ne renfermé aucune précision, aucune inication même, touchant les buts de guerre de l'Alleagne; M. Michaëlis et M de Kühlmann, qui la rédierent, ont déclaré au Reichstag que toute précision sur n pareil sujet serait inopportune. Cependant, que deaande l'Assemblée d'Empire ? N'a-t-elle pas admis ue la réponse au pape était d'accord avec sa propre réolution de paix du 19 juillet ? Il est vrai que M. Mihaëlis, en proclamant cet accord, a pris soin d'ajouter es mots mystérieux : « La résolution de paix, telle que se la conçois. » Il y a une certaine analogie entre la poitique parlementaire de la Chancellerie d'Empire et a politique financière de M. Helfferich. Tout le système dest basé sur la création d'une monnaie fiduciaire quelonque, de valeur mal définie mais périodiquement confirmée, sur laquelle on gage indéfiniment de nouveaux emprunts. La résolution du 19 juillet, la réponse au pape, le message impérial de Pâques promettant la réforme électorale, autant d'assignats prestigieux, dont ul ne sait plus exactement ce qu'ils valent, mais qui constituent tout de même un moyen officiel de payement. Malheureusement pour lui et pour l'Empire al

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lemand, le chancelier ne peut pas faire que cette monnaie ait cours chez les ennemis, ni même chez les neu

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le gouver

<< Messieurs, continue le chancelier, nement et le haut commandement sont parfaitement d'accord sur la conduite de la guerre et sur les conditions de la paix. Au point de vue de la politique extérieure, il n'y a rien de changé au programme que, d'ailleurs, vous ne connaissez pas.

<< Messieurs, continue le chancelier, le gouvernement est parfaitement d'accord avec l'Assemblée d'Empire touchant la direction de la politique intérieure. Notre volonté est de mener à bien l'ensemble des réformes que vous avez vous-mêmes proposées. Ce n'est vraiment pas notre faute, si les conservateurs ont fait échouer la réforme électorale. >>

Là-dessus le Reichstag vote le budget; les socialit tes se déclarent entièrement satisfaits; le groupe Ezberger, qui soutenait M. de Kühlmann, proclame que « après le discours du chancelier, les partis de la maiorité n'ont vraiment aucune espèce de raison pour retirer leur confiance au gouvernement et pour l'abandonner à lui-même. » La situation est parfaitement claire ; le bon droit de l'Allemagne éclate; le gouvernement impérial, soutenu par la majorité de la nation, attend de pied ferme les « propositions sérieuses» de l'Entente. Pourquoi faut-il que l'Entente s'obstine à exiger plus de franchise, ou tout au moins plus de clarté que n'en demande un socialise allemand ?

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Les Hautes-Cours sont rares dans l'histoire de notre troisième République et c'est heureux, car l'appel à cette juridiction exceptionnelle est symptomatique d'un état de crise grave. Le dernier remonte à près de vingt ans au lendemain de l'affaire Dreyfus, il s'agissait de décapiter l'agitation nationaliste qui en était issue. L'avant-dernier date d'une trentaine d'années : il avait pour but de liquider l'aventure boulangiste.

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Tout cela, comme prononce le gros bon sens populaire, c'étaient des histoires de politique. Aussi l'opinion publique en général n'a-t-elle guère pris au tragique ces manifestations d'une justice de défense contre les entreprises qui menacent un régime. Elles rappellent un peu l'ostracisme antique, par lequel la Cité se débarrassait des indésirables trop entêtés à troubler la tranquil· lité commune au profit de leurs ambitions tumultueuses. Et puis et surtout, elles ne se produisent qu'au jour où déjà la velléité d'agitation subversive est hors de jeu, où les institutions existantes ont cause gagnée contre elle cela va de soi, puisque autrement les perturba. teurs du régime ne pourraient pas être traduits en justice par leurs adversaires triomphants. Raison de plus pour qu'on se désintéresse de cette ultime ondulation succédant à une tempête dont les effets sont déjà conjurés. On s'était passionné pour le procès Zola, pour procès Dreyfus ; on avait senti passer un souffle d'exaltation le jour de l'élection boulangiste à Paris. Mais toute cette flamme avait déjà fait place à la cendre tiède lorsque comparurent devant la Haute Cour le général et ses complices d'ailleurs absents déroulédistes.

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