Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[graphic]

bâclais six cents lignes dans ma journée comme vous, j'aurais voiture!

Alors Ohnet, doucement, lui tendant cinq autres louis: Tenez, mon cher, je vous promets de m'appliquer à mieux écrire quand vous me les aurez rendus.

[ocr errors]

Depuis la guerre, il avait voué une haine féroce à deux catégories de gens aux embusqués et aux nouveaux riches. Ni aux uns ni aux autres il ne ménageait les sarcasmes. Il y a peu de temps il faisait encore un joli mot sur les derniers. Il dînait au restaurant avec un ami, non loin d'une femme dont les récentes origines populaires se trahissaient par des extémités qui n'avaient rien d'aristocratique.

Eh bien, cher ami, lui demanda son compagnon, que dites-vous de cette élégante?

Peuh! riposta Ohnet avec un sourire, pas assez de bagues pour cacher ses mains!

k Parmi les toiles les plus remarquées au Salon du Petit-Palais, on cite le Portrait de Mlle Y. de B..., par Henry Bataille.

On se rappelle, à ce propos, que l'auteur de la Marche nuptiale et de Poliche, pour ne parler que de celles de ses pièces qui font partie du répertoire de notre presmière scène nationale, a commencé sa carrière vers 1890, comme peintre et non comme littérateur. Elève de l'Académie Julian, il eut pour maîtres Benjamin Constant, Lefèvre et Doucet. Il fut même classé deux fois premier pour les concours d'esquisses préparatoires au prix de Rome. Ce n'est qu'en 1894 qu'il fit jouer à l'« Euvre », en collaboration avec le regretté Robert d'Humières, son premier essai dramatique, une féerie intitulée La Belle au bois dormant, dont Rochegrosse avait brossé les décors. Ce fut un four mémorable... Henry Bataille reprit ses pinceaux et, sans Marcel Schwob, qui présenta au public sa première plaquette poétique, en 896, il est probable qu'il ne les eût jamais abandon

[ocr errors]
[ocr errors]

de

évid

il

Jour

Alo

the

tat

1112

[ocr errors]

lés...

[ocr errors]

Il ne les a d'ailleurs jamais complètement abandonés. Son goût pour le portrait se révèle, il est vrai, surPut dans une série de dessins, dont quelques-uns ont té recueillis et édités dans un album recherché: Têtes de bonne définition une tpensées. Ce titre est a manière d'Henry Bataille portraitiste. Il excelle à aire sortir des traits d'un visage le reflet de la vie inrieure. Que l'on regarde son portrait de Jules Renard, elui de Jean de Tinan, ceux de Jean Lorrain, de Pierre ouys, de Rodenbach, et on sentira cela... Quelquefois, on coup de crayon se montre d'une franchise cruelle. 'est quand, dans la « tête », il y a une « pensée »> laine, ou quand il n'y a pas de pensée du tout...

Sur le portrait de Mlle Y. de B..., les avis sont pargés. Nous n'avons pas ici à donner le nôtre. Mais Ous voulons noter un mot sans méchanceté entendu autre jour devant cette toile. Comme quelqu'un ne ouvait pas le portrait ressemblant, un de nos plus Emillants confrères laissa doucement tomber ces mots: De Bray peut quelquefois n'être pas vraisemIable.

Ce n'est pas une femme qui a remplacé Judith Gauenter à l'Académie Goncourt, c'est M. Henry Céard. Et g-dessus, quelques confrères de bonne intention ont nepris à leur compte la vieille idée de créer une acaémie exclusivement féminine.

[ocr errors]

Vers 1850, un projet analogue avait été tué dans euf par un mot de Mme de Girardin. On avait déjà aloisi une douzaine d'académiciennes : George Sand, ien entendu, venait en tête, et à sa suite, Mme Ance

re

lot, Marceline Desbordes-Valmore, Louise Colet, la comtesse Dosh, etc. Mais soudain quelqu'un s'écria:

Vous ne trouverez jamais quarante immortelles. Fi donc le vilain mot! dit aussitôt Mme de Girardin. Votre académie, on l'appellera la « couronne d'immortelles ». C'est lugubre. Aucune femme ne voudra en faire partie.

Tristan Bernard avait écrit, pour le Bulletin des Armées, un feuilleton intitulé « Souvenirs épars d'un cavalier ». L'auteur y racontait des souvenirs de la vie de garnison d'autrefois. Il vient de les publier en volume.

Mais, au dernier moment, il y a fait une retouche malheureuse. Le charme du récit était la bonhomie avec

laquelle l'auteur parlait de lui-même et racontait ses chutes de cheval. Il a craint sans doute de ne pas pa raître modeste et il a tout mis sous le nom de Paul Ber nard. Où diable a-t-il été chercher ce prénom? A l'état civil, tout simplement, car il s'appelle bien effectivement Paul Bernard, dit Tristan. Mais le public n'acceptera sans doute pas la substitution. Il continuera à lui donner le nom de Tristan.

Tant pis pour lui, il n'avait qu'à ne pas le rendre célèbre.

[ocr errors]

L'administration paternelle qui prétendit naguère faire coucher les vieux auxiliaires sur la fraîche paille de ses greniers afin d'éviter à ces enfants gâtés la fatigue de se rendre chaque jour à leur bureau, l'administration généreuse qui vient de supprimer le prêt franc aux pauvres diables d'auxiliaires en offrant ñarquoisement à leurs misérables estomacs l'alternative de vivre avec 5 sous par jour ou de mourir en ingérant la ratatouille de l'ordinaire, l'administration vertueuse veille aussi sur la couche conjugale des auxiliaires mariés et sur les ébats des célibataires.

Il n'y a pas longtemps, un soldat parisien connut l'amertume de la prison parce que sa femme vint se plaindre au bureau de la « section » que cet époux sans foi, depuis sa mobilisation, bien qu'il fût muni d'une carte de couchage, n'avait point passé même une nuit sous le toit conjugal.

Et ceux qui lisent chaque jour la « décision »>, ont pu méditer récemment sur une autre punition, avec ce motif « arabe»: « a été vu dans la rue suivant une femme errante en dehors des heures réglementaires >>.

Y a-t-il donc, à cet égard, des heures « réglementaires >> ?

[blocks in formation]
[graphic]

ture confère une dignité relevée. On cite des familles qui se plient à des sacrifices stoïques, pour la satisfaction glorieuse de mêler un élégant coupé ou une limousine impeccable aux véhicules dont le défilé parcourt cérémonieusement les allées du Retiro et de la Castellana. L'avènement de l'automobile a fourni à cette passion un nouvel aliment, si bien que depuis longtemps les autos luxueuses ne se comptent plus à Madrid,

Toutefois, ainsi qu'il sied dans une monarchie bien ordonnée, la couronne tient sa place légitime, c'est-àdire la première, dans ce tournoi de magnificence. La cour d'Espagne s'est toujours enorgueillie des cent merveilles qu'abritent ses remises, depuis l'imposant et funèbre carrosse de Jeanne-la-Folle, tout en massif ébène, profondément sculpté, jusqu'au huit-ressorts à la caisse plaquée d'écaille blonde, présent impérial de Napoléon Ir. Alphonse XIII, enthousiaste du volant et connaisseur très compétent, a enrichi la collection royale d'une série très moderne d'automobiles somptueuses.

[ocr errors]

Ĉar vous entendez bien que l'auto d'un roi ne saurait ressembler à la vôtre, et moins encore à la mienne. Et il est bien vrai qu'elle s'en distingue à première vue. Même s'il ne prend garde aux écussons discrets, à la livrée et aux cocardes du personnel, familières à la population de Madrid, l'étranger le moins averti reconnaîtrait sans peine une auto de la cour. L'attitude majestueuse du chauffeur, la noble prestance du valet de pied, le galbe princier de la carrosserie, l'éclat exceptionnel des cuivres ou des nickels, jusqu'au vernis des panneaux et à la blancheur de lis des gros pneus tout gonflés d'aise, en un mot, le moindre détail de ces voitures décèle par sa qualité l'auguste rang de leur propriétaire.

[ocr errors]

dres ou de Paris, de jouer au grand centre européen. Le soir même de ce jour, on commentait un peu partout, avec entrain un fait qui ravivait sur place l'intérêt d'un événement diplomatique parmi les plus retentissants.On racontait que les entrevues du prince avaient une extrême importance, qu'il y avait été question de la lettre fameuse, que de l'Europe centrale étaient parvenues à Madrid des communications sensationnelles, que l'affaire allait rebondir de manière imprévue, on brodait, on fignolait, on inventait mille détails dont on se retenait de sourire, tant l'imagination méridionale les enflait visiblement. Bref, on était ravi d'aise à la pensée. que Madrid se signalait à l'attention du monde en hébergeant un personnage qui avait joué un rôle éminent dans un imbroglio très européen.

Malheureusement, il y a des grincheux partout. Seuls parmi les Madrilènes, les carlistes ont grommelé. Ils se sont demandé si la visite des princes au palais était une manifestation publique d'adhésion à la branche dynastique régnante. Et ils ont rappelé, non sans aigreur, que le duc, leur père, avait porté l'uniforme carliste sous les ordres mêmes de Charles VII et que fidèle jusqu'à la mort à ses principes légitimistes et aux droits politiques et généaloiques de don Jaime, il s'était invariablement refusé à reconnaître « l'usurpation » triomphante.

Par chance, les carlistes sont peu nombreux. Et puis la jeunesse, qui sait se défendre par sa bonne humeur, des récriminations inopportunes, a mieux à faire que de s'inquiéter des esprits chagrins. Et sans doute, au mo ment où venant de Madrid ils regagnent directement le front belge, les princes de Bourbon estiment-ils qu'une visite de courtoisie, un déjeuner intime et une course brève en auto ne justifient d'aucune façon des commentaires, ou fantaisistes ou malveillants.

La Guerre

Ce que pense l'état-major allemand

Ce n'est qu'un petit livre écrit en gros caractères mais qu'il est bien intéressant de feuilleter au lendemain de l'attaque allemande car c'est la traduction anglaise d'un opuscule écrit par le chef-adjoint d'état-major au grand quartier général germanique. Cela s'intitule: Conclu sions à tirer de la guerre mondiale et c'est une brochure que, pendant ces derniers mois, l'état-major a répandue à

Aussi bien les Madrilènes ne s'y méprennent point. Et c'est ainsi que l'un d'eux, curieux et indiscret de son métier, tombait en arrêt, le 28 avril, à midi moins le quart, devant une auto, évidemment royale, qui stationnait à la porte du très select Palace-Hôtel. Immédiatement intrigué, il s'avisait sur l'heure d'élucider ce petit mystère. Or, à ce moment précis, l'ange gardien du reportage accourait à son aide sous les traits d'un chasseur, qui informait le valet de pied, assez haut pour être entendu, que « M. le comte de Mortcœur, accompagné de son frère, venait de partir à pied... >>. Comte de Mortcœur... Le titre et le nom avaient de quoi décon-profusion dans toute l'Allemagne, sans doute pour l'hacerter notre informateur, qui se pique pourtant de connaître son tout Madrid. Mais bientôt, à la suite de démarches insidieuses, dont le récit serait oiseux, il apprenait successivement que le comte et son frère occupaient l'appartement n° 329, qu'ils arrivaient du Maroc, qu'ils se préparaient à partir pour la France, que l'un et l'autre étaient attendus au palais pour y déjeuner, et enfinô révélation! que le journal venait de consacrer à l'aîné un article intitulé « Comment j'ai connu le prince Sixte de Parme ».

Et, en effet, le bon reporter, lancé sur la trace des deux princes, les guettait aux abords du palais, d'où il les voyait sortir vers 2 heures, mais, cette fois, dans l'auto dénonciatrice.

[ocr errors][merged small]

bituer à l'idée d'une prochaine offensive et surtout pour la maintenir en état de militarisme, car c'est un véritable manuel de discipline militaire, une sorte de catéchisme de persévérance à l'usage de ceux dont l'orthodoxie militariste ne serait plus aussi ferme qu'aux temps de 1914 où la guerre s'annonçait comme « fraîche et joyeuse » La doctrine militariste n'étant d'ailleurs plus considé par l'Allemagne comme un article d'exportation, l'état-major a de bonne heure interdit qu'on expédiat ces brochures à l'étranger; le travail du baron von Freytag-Loringhoven (1) nous apparaît comme plus pré cieux encore à la suite de cette interdiction.

rée

[graphic]

Ce général von Freytag qui, soit dit en passant, vien d'une famille balte et qui a porté l'uniforme russe avan d'entrer, vers ses vingt-et-un ans, dans un régiment de la garde prussienne, ce général veut avant tout que la guerre de mouvement se présente à l'esprit de tous le

(1) Général baron von Freytag-Loringhoven. from the World-War, Constable, éd. Londres.

[ocr errors]

Deduction

TE

[ocr errors]
[ocr errors]

Allemands comme la seule guerre vraiment guerrière. Lorsqu'on s'est aperçu qu'on ne possédait pas encore une maîtrise suffisante sur l'ennemi, on peut, on doit se résigner à la guerre de tranchées et la mener alors aussi tenacement, aussi scientifiquement qu'il est possible, la mener pendant des années, s'il est nécessaire mais en la considérant toujours comme un moyen, non comme un but. Le but est de vaincre, en effet, et non de tenir, quoique tenir soit presque une victoire lorsqu'on tient pendant des années sur le territoire envahi et dévasté de l'adversaire. Une demi-victoire comme celle-là ne doit pourtant pas satisfaire un cœur allemand. Il lui faut vaincre par l'offensive. Mais comment la prati? Par l'enveloppement ou par la percée ?

quer

Je crois que les préférences du général von Freytag vont à l'enveloppement. Il aimerait mieux ramener vivant que mort, l'ours dont il convoite la peau. Mais l'enveloppement est bien difficile dans une guerre comme celle d'aujourd'hui où, grâce à la puissance des armes à la feu d'une part, et grâce aux résultats de la conscription, d'autre part, un petit nombre d'hommes, sans cesse renouvelés par d'infimes réserves, se déploie en fronts immenses à travers les pays. Si la victoire allemande a été « incomplète » à la Marne, si elle n'a pas été « décisive » comme dit encore von Freytag en euphémismes gentiment discrets, c'est que l'Allemagne a trouvé en face d'elle des armées bien inférieures en organisation mais plus nombreuses que les siennes. Pour pouvoir effectuer à la Marne l'enveloppement de toute l'armée française, il aurait fallu que l'état-major germanique eût pu disposer « d'une armée supplémentaire, disposée en échelon derrière l'aile droite allemande » (1). Les Français n'ont pas été, eux non plus, capables d'envelopper les Allemands, à la Marne, ils se sont contentés de les attaquer de front. Quant au front oriental, la zone dont les troupes russes disposaient pour l'exécution d'un repli était si gigantesque que l'armée allemande pouvait difficilement rêver de les envelopper.

and

[ocr errors]

car,

Reste la percée. Le général von Freytag estime indispensable qu'elle soit pratiquée sur un large front; et les dévots de l'état-major allemand ne doivent pas relire actuellement ces passages sans appréhension; d'après le général qui semble là, tout au moins, raisonner fort sainement, la condition principale de la réussite est que la poche formée par l'avance aille en s'élargissant et non point en se rétrécissant. Si l'élargissement désiré ne se produit pas, c'est dans leurs livres sacrés eux-mêmes que les dévots de Ludendorff trouveront leur condamnation, ce qui, chacun le devine, est fort gênant pour des dévots. Le général attire aussi très désagréablement l'attention de ses lecteurs sur le danger de l'usure par la victoire. Il ne suffit pas de réussir une offensive ; il faut être encore capable de l'alimenter pendant tout le temps nécessaire. « Au cours de l'automne de 1805, écrit le général, Napoléon traversa le Rhin et le Mein à la tête de 200.000 hommes; à Austerlitz, il ne devait en engager que 75.000. A Eylau, sur les 200.000 hommes dont il disposait après l'arrivée dans l'Allemagne du Nord du contingent de la Confédération rhénane, il ne put en lancer que 60.000 dans l'action; et tout le monde sait comment la Grande armée de Russie s'effrita en

1812 ». Et von Freytag cite en l'approuvant, une phrase de Napoléon, très réconfortante, en somme, pour l'Entente dont les ressources sont,en dernière analyse,autre

(1) Von Freytag attribue aussi l'échec allemand à la résistance inattendue que les fortifications permanentes et souterraines de Verdun comme aussi de la région de la Moselle ont opposée à l'avance ennemie ; l'état-major allemand croyait que ces fortifications ne résisteraient guère plus au marmitage que n'avaient fait, ailleurs, les fortifications en super

Structure.

ment vastes que celles des empires centraux. Moreau demandait à Napoléon (alors général Bonaparte) si l'infériorité numérique ne pouvait pas être compensée. par la bravoure, l'expérience, la discipline et par le talent du chef. A quoi Bonaparte répondit : « Dans une bataille isolée, certainement, mais rarement dans une guerre prise en son ensemble. Car les victoires usent les armées aussi sûrement que les défaites. >>

Où la poussée allemande pouvait-elle s'exercer le plus utilement ? Le général von Freytag ne le dit pas; mais on ne saurait s'étonner que l'état-major allemand ait décidé de porter ses efforts contre les troupes anglaises quand on voit l'auteur des «< Conclusions » déclarer qu'entraînées seulement à la guerre des tranchées, ces armées seraient incapables de s'adapter rapidement à une guerre de plaine. Les contraindre tout justement à cette guerre de mouvement, tel a été, tel est encore le but de l'état-major germanique.

un

Le général von Freytag est un militaire de carrière et un militaire allemand, ce qui compte double. Aussi n'at-il que peu de confiance dans les troupes improvisées des nations démocratiques. Il se résigne au principe de la nation armée parce qu'il lui est impossible d'agir autrement mais tout son opuscule, au fond, est hymne à la louange de l'armée de métier. C'est parce que l'armée allemande est plus armée de métier que les autres, c'est pour cela qu'elle triomphera. Oui, les Français se sont brillamment conduits, plus brillamment qu'on ne l'espérait ; et c'est là une objection au militarisme qui parait bien sérieuse. Mais d'abord, le Français est un combattant de nature, indépendamment de tout entraînement; les qualités de sa race sont des qualités militaires. Il a été façonné, d'ailleurs, depuis de longues années, malgré ses airs frondeurs, par le service militaire obligatoire. Il a reçu de l'Empire et de la Révolution, sans parler de l'ancien régime, tout un ensemble de traditions militaires qui font de lui un des meilleurs soldats de l'Europe. Et puis, voulez-vous toute sa pensée ? La France n'est pas une démocratie; c'est « un pays esclave d'une ploutocratie et que domine arbitrairement la volonté de l'Angleterre. >> Ah! l'armée de métier ! Voulez-vous savoir pourquoi cette guerre n'a pas été conduite avec toute l'aménité qui a prévalu au cours des guerres anciennes ? C'est parce que des nations armées étaient en présence et qu'elles ne conservèrent pas dans leurs rapports entre elles toutes les manières chevaleresques qui sont mise entre militaires de professior. Si les Allemands ont pu commettre des actes regrettables et qui répugnaient à leur douce nature, c'est qu'il leur fallait, coûte que coûte, terroriser les francs-tireurs qui s'opposaient à leur avance. Puisque la guerre de nation à nation s'était, bien malgré eux, substituée à la guerre d'armée à armée, il leur fallait bien se résigner à des opérations naguère condamnables comme le bombar

dement des villes ouvertes.

Mais l'armée allemande n'en est pas moins l'armée disciplinée et militaire, par excellence. La preuve en est qu'au cours de l'offensive anglo-française dans la Somme en juillet 1916, elle a accompli ce tour de force, reconnu et admiré par la France Militaire, de détacher vingt bataillons d'au moins dix divisions différentes sans que l'homogénéité des troupes en eût trop à souffrir. De pareils mélanges sont cependant fort dangereux même lorsqu'il s'agit de troupes bien en main et le général von Freytag attribue l'échec des troupes allemandes devant Ypres en 1914 à ce fait qu'on avait été obligé de recourir à des volontaires nouvellement enrôlés et qui ne possédaient ni l'entraînement ni l'homogénéité indispensables pour remporter la victoire.

Moralité transformer plus que jamais, après cette guerre, notre armée nationale en une immense armée de

métier. Loin de diminuer sa discipline, rendons-la plus sévère encore. Mais profitons des leçons que nous ont apprises nos ennemis. A côté de notre armée formidable, constituons une flotte de guerre tout aussi imposante et conçue suivant les mêmes plans. Nos dirigeables ont produit, au début de la guerre, une impression morale considérable; mais nous avons eu tort néanmoins de les préférer aux avions: construisons sans relâche une aviation de combat. Ne désarmons pas. Mais, bien au contraire, armons-nous plus que jamais et préparons-nous aux guerres futures. Gardons la conception aristocratique de notre corps d'officiers. Défaisons-nous de notre «< sentimentalité cosmopolite » (sic).

Reconnaissons qu'une Société des Nations n'est pas seulement une utopie mais que, si elle était réalisable, ce serait « une tutelle intolérable à une grande et fière nation »>.

Voilà ce que pense le grand quartier général germanique. Il n'ose pas cependant prétendre (il proteste même contre cette notion) que la Force prime le Droit. Mais les philosophes du militarisme allemand ne l'ont jamais prétendu eux non plus ; ils ont toujours soutenu que la Force et le Droit ne font qu'un et que là où est la Force, là aussi sûrement est le Droit. Il est bon que nous sachions où nos ennemis puisent leurs raisons de combattre. Nous n'en saurons que mieux pourquoi nous nous battons.

Affaires Extérieures

CHARLES CHASSÉ.

Les assauts allemands contre la neutralité
hollandaise

La presse hollandaise a fini par reconnaître la justesse

des revendications de l'Entente et des Etats-Un's relatives au droit d'angarie. Il n'y a guère que les journaux nettement nettement germanophiles, tels que le Toekomst et le Standaard, qui parlent encore du « vol de la moitié des navires de commerce hollandais », tout en approuvant la pression de Berlin sur la Haye à propos des questions du sable et du gravier et du transit à travers la province de Limbourg. D'ailleurs, ces dernières questions aussi viennent d'être réglées d'une façon sinon brillante au moins excusable pour un pays dont la situation géographique n'admet qu'à peine la possibilité d'une attitude neutre. L'Allemagne a donc réussi à obtenir de la part du gouvernement de la Haye une satisfaction qui doit contrebalancer l'augmentation du tonnage acquis par les alliés grâce à la flotte néerlandaise. Est-ce à dire que tout danger de violence envers les Pays-Bas soit écarté de la part des coalisés ? Oui, dans un certain sens. A moins d'évé nements imprévus, le royaume de la reine Wilhelmine, protégé par une armée défensive de près d'un demimillion d'hommes, pouvant compter sur l'aide des alliés qui lui savent gré de son désir de rester strictement impartial, ne paraît pas avoir à craindre l'invasion de la part de ses voisins de l'est qui se sont contentés d'un minimum de concessions. Le Berliner Tageblatt du 29 avril « plaint les Hollandais dont le gouvernement doit prendre une décision sous l'empire d'innombrables difficultés. » C'est une attitude assez répandue, depuis la guerre, à Berlin, de plaindre les neutres et d'adoucir une politique de fer par des marques extérieures de commisération. Car la mesure que la Wilhelmstrasse a su employer dans son dernier accord avec les Pays-Bas, si elle ne provient pas de sa bonté d'âme (qu'elle garde toute pour la Belgique) provient donc probablement du fait que la frontière de la petite

Néerlande, se trouve toute en longueur à deux pas des grands centres industriels de Krupp, de Thyssen. En outre, depuis la Marne, ni la prise de Verdun, ni celle d'Amiens, ni celle de Calais, ni celle de Paris, n'ont rendu les mains libres aux troupes du kaiser.

caste

On découvre dans la neutralité hollandaise un élément unique que ni les pays scandinaves, ni la Suisse, pas plus que la Grèce autrefois, ne peuvent faire valoir. En effet personne ne pourra nier que d'un moment à l'autre une ancienne puissance mondiale qui possède encore d'immenses colonies, une militaire, une petite flotte de guerre et une et une dynastie qui date du XVIe siècle ne puisse revivre par un formidable coup d'effort sur soi-même. Les Allemands pour s'être enrichis en Hollande se rendent peut-être mieux compte que nous de l'existence de ce fond, car là-bas, leur essai d'annexion pacifique ne date de 1600. Holland annektiert point de 1870, mais sichselbst, prétendit Bismark. N'en croyons rien. Ce serait déjà fait. D'ailleurs le ton des journaux d'Amsterdam, de Rotterdam, etc. est assez significatif depuis quelque temps. Et voici ce que le Nieuwe Rotterdamsche Courant qui, pour être le plus important organe d'une ville où le naturalisé allemand domine presque dans le haut commerce, ne peut pas être soupçonné d'ententophilie, écrivait au moment le plus aigu de la dernière <«<les journaux d'Outre-Rhin grisés par quelques succès provisoires feraient mieux de s'occuper de leurs propres intérêts nationaux que de ceux des PaysBas. Il passe de nouveau sur l'empire une de ces vagues du militarisme faites pour inquiéter le monde entier et en particulier ses voisins les plus immédiats. Ceux-ci se défient terriblement de l'intérêt superflu que leur porte Berlin. Personne n'a le droit de croire que la Haye, d'une manière détournée, modifie en rien sa politique. » Le Vaderland du 22 avril, organe appartenant à l'Allemand naturalisé Kroller, ne se gêne pas pour dire « que, si la Haye s'oppose au transport illimité de sable et de gravier à travers le Limbourg, c'est qu'aujour d'hui, vu le changemnt de circonstances, se trouve être illégale une chose qui l'année passée pouvait être encore considérée comme compatible avec la stricte neutralité. Les autorités hollandaises ignorant si Berlin, essayera d'imposer sa volonté par des mesures arbitraires, s'en tiendront au point de vue de la justice». Le Nieuwe Courant, tribune accoutumée des flamingants germanophiles, du 24 avril, reconnaît dans l'affaire du transit de sable et de gravier qu'il faut que la commission de contrôle néerlandaise se rende sans délai sur place. » Enfin, le Volk/du 29 avril, socialiste, insiste pour que le ministre des affai res étrangères Loudon défende par tous les moyens neutralité hollandaise contre les prétentions de l'Alle magne. Il faut qu'il lui fasse sentir qu'en s'inclinant devant les exigences berlinoises, la Hollande sera fatalement entraînée dans l'horrible guerre. En ces quel ques extraits, on ne découvre aucune trace d'idée de soumission envers le maître de la Mitteleuropa et voici peut-être la raison principale du maintien probable de la neutralité néerlandaise.

la

tatait que la manière de faire la guerre maritime des L'Algemeen Handelsblad, il y a plus d'un an, cons Germaniques, est la manière des gens sans traditions maritimes. Cette phrase, dans sa grande simplicité, est typique. Au fond, il n'existe rien de commun entre le Prussien qui domine de Hambourg à Constantinople et le sujet d'un pays basé sur le principe républicain dès le temps de Philippe IV d'Espagne et c'est ce qu'il faut se garder de perdre de vue quand on étudie le problème de la neutralité néerlandaise.

W.

[ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de savants d'académiciens, ce récent immortel entre à l'Institut comme on prend possession d'un patrimoine inpr contesté. La place qu'il va occuper, en effet, marquée par ou eût dû l'attendre avance l'attendait n'eût-il rien fait pour l'obtenir. Ce n'est pas le cas, disons-le bien haut et bien vite, et Mgr Baudrillart a pu ajouter à son hom plus encore qu'il n'en a reçu.

ne

[ocr errors]

par

ante

[ocr errors]

x d L'Eglise a toujours tenu sous la Coupole un rang qu'elle entend se jalousement réserver, tant elle sait pourvoir par le mérite. Toutefois, l'élection de jeudi fernier n'a pas eu un caractère exclusivement religieux. C'est bien un prélat dont se sont complétés nos quaqui n'étaient plus que trente-neuf, mais un prélat ad jui tient étroitement au siècle, et même à l'Université. Certes, Mgr Baudrillart est un prêtre infiniment dioccur ne, orateur sacré, pédagogue, et, je le pense, bon théolodes ien. Mais il y a quelque chose d'assez curieux dans sa de arrière. Il n'a pas été voué ni préparé aux ordres dès menfance. Né en 1859, c'est seulement en 1893, à trentequatre ans qu'il est ordonné, après l'austère discipline le l'Oratoire. Entre temps, il avait fait ses études comOne tout le monde et comme tout le monde, ou presque, tait sorti de l'Ecole normale pour enseigner en proince, puis à Paris, passant des lycées de Caen et de aval à Stanislas.

[ocr errors]

TOUT

Sa spécialité professionnelle était l'histoire, et dans histoire, la moderne. Il a traité de Philippe V et de cour de France, objet de sa thèse de doctorat, de la téforme, des rapports entre l'Eglise et l'Etat. Il a suivi dans tous ces travaux les règles contemporaines de la Séthode historique, et il les a su amender d'un agrément

d'un talent d'exposition que d'habitude elles ne comortent point.. Il a été exact sans raideur ni recherche, ec cette aise et cette sorte d'onction qui réalisent dans s historiens d'origine ecclésiastique des modèles dont us les autres historiens ne semblent guère profiter. Mais l'homme d'étude, chez Mgr Baudrillart n'a pas i à l'homme d'action. La guerre a dérivé pour un moLent son activité au service immédiat de la cause naPonale. On sait qu'il a fondé en 1915 le « Comité caolique de propagande française à l'étranger »>, et e des simples d'esprit, pour rester dans le ton 'il choisissait ont crié qu'Almeyreda ou Goldsky Ouvaient bien voyager en Espagne du moment qu'il y lait! L'œuvre du comité a été tout autre que celle de s messieurs et a répondu par ses résultats aux capatés et à la hauteur de caractère de son directeur. C'est toutefois par des occupations moins accidentel

-

que celui-ci manifestait le mieux son génie. PédaOguc de carrière, il brillait par sa pédagogie. En 1907, es évêques protecteurs de l'Institut catholique de Pais le choisissaient pour succéder comme recteur de cet tablissement à Mgr Péchenard, promu à l'évêché de anhoissons. Et il convient ici d'insister un peu.

Je dirai peut-être quelque jour ce qu'a été la réorgastisation des études dans l'enseignement ecclésiastique upérieur, les promesses que justifient des suites déjà écondes, la piquante et cruelle leçon que l'Université officielle s'efforce de ne pas recevoir de son émüle. Avec

'cette souplesse qui la caractérise, l'Eglise a su se mettre au goût du jour sans rien abandonner de ses positions. Ses maîtres passent pour garder dans les disciplines littéraires un goût et une mesure peu à abanpeu donnés ailleurs. Ils se sont pliés de bonne grâce à la rigueur des méthodes nouvelles, et ils restent au niveau, pour le moins, de leurs concurrents. En philosophie ils les dépassent, et de combien !

On sait que la papauté, sous Léon XIII et depuis sous Pie X, a prescrit et encouragé la restauration des études scolastiques, et que la philosophie de Saint-Thomas a été replacée à la base des études métaphysiques d'où on n'aurait jamais dû l'òter. Or, pendant que les étudiants des Facultés catholiques profitaient d'un fond et d'une méthode qui donnent leur plein sens aux exercices de l'esprit et portent la pensée à toute sa plénitude, les élèves de la Sorbonne et de nos grandes écoles se perdaient dans les décevantes précisions de la sociologie, de plus en plus se cantonnaient dans l'examen des phénomènes, sans se soucier du fond des choses, ni des valeurs propres de l'intelligence, et, enfin, devenaient chaque jour davantage, sous une allure ennuyeuse et grave, superficiels et légers.

L'Institut catholique de Paris aux mains de Mgr Baudrillart a marqué un avantage décisif dans une matière si importante de l'enseignement officiel. On y fait, je le sais et je ne serai pas suspect de le dire, d'excellente besogne. Des professeurs de premier ordre, en des cours publics, trop restreints encore, ou des conférences pricaractère vées, distribuent une culture, malgré son confessionnel et sa spécialité, assez large, assez humaine, et c'est sérieusement que je souhaiterais à nos futurs agrégés d'y faire un stage sérieux.

La physionomie de Mgr Baudrillart répond à l'idée qu'on doit commencer de s'en faire. Le cheveu dru, l'œil jeune encore sous le lorgnon, il paraît porté au combat plus qu'aux retraites méditatives. Il y a pourtant chez lui de l'érudit, du véritable historien et du philosophe autant que de l'homme d'action. Il a parlé de la Réforme avec toute l'impartialité que son état comportait, et il est fort honorable pour l'Eglise que sur un sujet aussi délicat elle ait pu réunir des noms comme celui-ci et celui de M. l'abbé Paquier. Mgr Baudrillart, enfin, sait accorder, dans la mesure où ils en restent susceptibles, les droits de l'intelligence et de la foi, du dogme et de la liberté.

L'Académie française veut surtout être représentative, et, trop souvent, dans son désir de grouper, pour une sorte de symphonie, des exemplaires notables de classes diverses, elle néglige de prendre garde au mérite. Pour une fois, elle a évité cette erreur. Elle a nommé Mgr Baudrillart plus pour lui-même que pour les souvenirs ou les idées figurés en sa personne. Elle est soucieuse en temps ordinaire des choses plus que des gens, aussi faut-il la louer sans réserve d'avoir su distinguer une valeur.

GONZAGUE TRUC.

Les deux préfets.

Les Parisiens n'ont jamais connu leurs préfets. Leurs fonctions les retiennent à l'Hôtel de Ville et quand ils sortent, c'est uniquement à titre représentatif : ils se rendent sur les lieux quand il y a de grands incendies, ou bien visitent les hôpitaux ou encore distribuent des secours. Ils ne peuvent donc apparaître à la foule que dans une attitude conventionnelle. Leurs actes ne peuvent pas donner davantage une idée de leur personnalité. A dates fixes, ils signent des arrêtés déclarant la chasse ouverte ou la pêche fermée, puis d'autres qui indiquent la fermeture de la chasse ou la réouverture de la pêche.

« AnteriorContinuar »