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Comment les gens d'un temps aussi dramatique que le nôtre ne verraient-ils pas des signes dans le ciel ? Même les incrédules relisent les vieilles prophéties et comptent bien trouver dans un manuscrit du moyenâge le jour de la fin de la guerre, « avec tous les détails ». Un journal anglais remet à neuf, en l'ornant d'un plus beau cadre, l'histoire de la receveuse de tramway qui donnait aux badauds de Cherbourg, non pas toujours de la monnaie, mais sûrement la date de la paix universelle

L'ouest de l'Irlande vient aussi à notre aide. Dans le Mayo naquit, il y a peu de semaines, un bébé qui, une heure après son entrée dans le monde, donna d'une voix éclatante quelques indications prophétiques sur les hostilités, et mourut. Qui dira encore que l'Irlande se désintéresse de la guerre ?

Mieux encore.. La paroisse de Kiltrustan s'enorgueillit d'un cochon fantôme, un immense cochon noir que, seuls, les enfants peuvent voir; mais les chers petits le décrivent si bien que les grandes personnes sont presque aussi impressionnées qu'eux-mêmes. Et comme ce sont de grandes personnes, elles raisonnent sur l'apparition. Ceux qui ont le goût des problèmes internationaux déclarent que la guerre va devenir plus terrible. Ceux que la politique locale parvient seule à passionner voient dans l'apparition l'annonce d'une prochaine débâcle de leurs adversaires politiques.

En Pangermanie.

M. Rizoff, ministre de Bulgarie à Berlin, vient de mourir et la disparition de ce diplomate balkanique a passé presque inaperçue. Il fut un temps cependant où Rizoff était l'un des hommes qui paraissaient destinés à jouer un rôle de premier ordre dans le grand drame européen. Il était ministre de Bulgarie à Rome au moment même où M. de Bulow se dépensait en vaines intrigues pour empêcher l'Italie d'entrer en guerre. La Bulgarie gardait encore une attitude équivoque, et son ministre ne négligeait pas de montrer une photographie du roi Pierre où le vieux monarque avait écrit de sa main « A M. Rizoff, ami fidèle des Serbes ».

C'est que Rizoff, né dans un village des environs de Monastir, se disait volontiers Macédonien et semblait vouloir travailler à la réalisation d'une union balkanique... Quand il n'était, en 1904, que simple chargé d'affaires de Bulgarie à Cettigné, il y avait épousé une jeune Serbe, Bossilika Voulétitch, et, par ce mariage, il avait acquis la confiance des milieux officiels serbes. Nommé consul à Belgrade, il parut justifier cette confiance et il sut traverser la crise de 1913, où l'on vit la Bulgarie se tourner contre ses alliés, sans que sa conduite éveillât la moindre suspicion. Un tel personnage était bien choisi pour tenir en main à Rome le double jeu dont Ferdinand de Bulgarie voulait tirer tous les avantages. Rizoff réussit dans cette tâche ingrate et combla les vœux de son gouvernement. Le poste de ministre à Berlin fut sa récompense. Les Serbes vaincus n'eurent pas d'adversaire plus implacable que cet ancien « ami fidèle »>!

Les exagérations allemandes.

Un journal anglais a eu la patience de dresser une statistique donnant, mois pár mois, la courbe des exa

gérations allemandes, de février 1917 à février 1918, en ce qui concerne le nombre de tonnes torpillées. Au début de 1917, cette exagération était de 46 o/o. En janvier 1918, elle a atteint 113 0/0, soit une « moyenne d'exagération » de 56 0/0 pour l'année. C'est en avril on se demande si c'est à cause du 1er que l'exa

gération a été la plus forte.

Pour les pertes allemandes, par contre, le gouvernement germanique exagère à rebours, il tente de les dissimuler le plus possible. Les télégrammes que l'admi nistration adresse aux familles pour les avertir de la mort d'un de leurs membres ont été retenus dans les bureaux de poste jusqu'à près la clôture de l'emprunt

en cours.

Ce qu'on lit...

Les jours inquiets, 1914-1917,par L. DUMONT-WILDEN. Quelqu'un a dit justement : « La postérité commence à la frontière », et il est vrai que parfois, ceux du dehors nous voient mieux tels que nous sommes les arbres ne leur cachent pas la forêt. Mais, de fait, n'estil point des nôtres, de par l'épreuve commune, cet excellent professeur belge, Fulgence Delvigne, l'heureux truchement de M. L. Dumont-Wilden? Ses notes, qui portent toutes leur date, pourraient avoir ce sous-titre: << Comment les civils tiennent. » C'est mieux qu'un hommage à Paris et à la France: c'est le témoignage d'un ami qui a voulu dire ce qu'a ressenti son coeur. Son émotion contenue n'en est que plus éloquente. Et, de Paris, il a compris aussi le sourire. Nous n'en voulons pour preuve que : « L'ardoise du ministre ».

La puissance économique des Etats-Unis, par HENRI SCHULHER et MAX LAMBERT.

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Pour masquer la déception que leur causent les résul tats insuffisants de leur offensive, les Allemands cher chent à faire croire que leur but en attaquant le 21 mars n'était ni Paris, ni Amiens, ni Dunkerque, mais une telle destruction de matériel anglais que l'aide des Etas-Unis eux-mêmes ne fût pas capable de le rem placer. L'impudente présomption de l'auteur des radios de Nauen est si flagrante qu'il suffit pour en marquer le ridicule de se renseigner dans l'ouvrage de MM Henri Shuhler et Max Lambert, sur « la Puissance économique des Etats-Unis ».

La richesse de nos nouveaux alliés est à del peu chose près égale à celles de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne réunies! Suffira-t-elle à remplacer douze cents canons? Et cette richesse n'est pas seulement imformidable par les procédés employés à l'exploiter, par mense, qu'elle soit agricole ou industrielle, elle est sa vitesse d'accroissement. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que les bénéfices nets des compagnies des chemins de fer ont passé, en quatre ans, de 2.500 millions de francs à 4.000. Comme il en est de même dans tous les domaines de l'activité américaine, grâce à son grand principe directeur : «< une chose n'a de valeur que tant qu'il n'en existe pas une meilleure »; on ne saurait fonder trop d'espoirs sur la plus grande capacité de production qui soit au monde, au service du plus prompt, du plus judicieux esprit d'organisation qui se soit jamais révélé. Nos alliés d'outre-Mer nous pardonneront d'autant plus volontiers de montrer ce qu'ils «< valent » au sens le plus matériel du mot, qu'ils viennent de faire la preuve que pour eux la richesse n'est pas toute la valeur et qu'ils se rappellent que nous n'avons pas attendu qu'ils soient riches et forts pour leur donner notre amitié.

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Dans les ruines d'Ampurias, sonnets, par ANDRÉE BRUGNIÈRE DE GORGOT (1).

Le poète catalan Joseph Carner exalte dans sa préface le pieux dessein de cette jeune poétesse, « fille du pays le plus finement beau du monde, la France », de faire revivre l'âme d'Ampurias, cité morte et enterrée «< ciutat morta e sepel-lida » qui parfume la terre de Catalogne d'une spiritualité latine et classique.

Dans la mâle et puissante langue catalane, où se devine le noble atavisme romain, il chante les espoirs et les fiertés que fait naître dans son cœur cette évocation symbolique, au milieu des luttes ardentes de sa province. « Ampurias est le passé classique et médiéval qui surgit à fleur de terre comme un sourire et une promesse, portant témoignage d'un fonds idéal, permanent, qu'on ne renonce pas et qui ne meurt point ».

Mlle Brugnière de Gorgot fait revivre en quelques tableaux intimes les âges successifs qui se mêlent et se confondent dans ces ruines à la fois grecques, phéniciennes, romaines et chrétiennes. Elle dépeint les marchés, les jeux,la vie quotidienne de cette cité morte... Ampurias s'éveille aux cris des goélands Elle tresse une guirlande de sonnets pleins de grâce, e de dons et de facilité. Même l'inexpérience qui s'y décèle par endroits ne manque pas de coquetterie. Et l'envoi au fiancé lointain, prisonnier de guerre en Saxe, donne à tout ce volume un accent d'émotion contenue e qui le rend très sympathique.

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La Guerre

La situation militaire

Les Allemands ne pouvant se résoudre à ne pas obtenir un avantage décisif sur leur front d'attaque ont recommencé le 24 leurs tentatives. Il y a eu cette semaine deux séries d'opérations.

1

Premier effort en direction d'Amiens. Le plateau de Villers-Bretonneux tenu par les Anglais offrait l'obstacle principal à leur avance. Un peu au sud de ce plateau, dans les bois de Hangard se faisait la soudure edes troupes anglo-françaises. On sait que les Allemands attaquent régulièrement au point de jonction. 'De là l'effort puissant du 24 depuis Villers-Bretonneux jusqu'au delà de la Luce. Le premier jour le plateau est enlevé, Hangard résiste mais nous le perdons dans la nuit. Le lendemain, les Anglais reprennent Villers-Bretonneux de leur côté les Français rentrent en possession d'une partie du bois de Hangard et pénètrent dans le village. La bataille demeure indécise. En fait, les Allemands ont pendant deux jours attaqué sans trêve pour n'obtenir qu'un mince résultat. La position principale cherchée, le plateau de Villers-Bretonneux qui commande le terrain entre la Somme et l'Avre, leur a échappé.

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Ils ne s'obstinent pas sur ce point et, fidèles à leur tactique des coups alternés et des attaques à la soudure ils lancent un autre effort aussi furieux dans les Flandres. Dès le 25 ils ont dessiné leur attaque entre la route d'Ypres à Comines et les monts, sur Dranoutre, Kemmel et Vierstraat. Là existe une trouée commandée par le mont Kemmel qui donne des vues sur la région d'Hazebrouck, de Poperinghe et d'Ypres. Le 26, toute la bataille se concentre autour du Kemmel. A notre gauche, malheureusement, les Allemands sont parvenus à s'infiltrer dans la soudure et à l'élargir. Les Français résistent héroïquement sur le Kemmel, assaillis

(1) Traduits en vers catalans par Maria-Antonia Silva, préface de Joseph Carner.

de tous côtés par le corps alpin. Le Kemmel est perdu Il s'agit maintenant pour l'ennemi d'exploiter ce succès et venir prendre Ypres à revers. La bataille se poursuit acharnée autour de Locre et de Wormezeele qui passent de mains en mains.

Le 29, avec des réserves amenées en hâte l'ennemi essaye la pression décisive. Depuis le nord d'Ypres jusqu'à Meteren la lutte s'engage. Si les troupes francoanglo-belges résistent c'est l'échec total de l'offensive entreprise depuis le 24, si l'ennemi réussit à nous bousculer, les monts de Flandre sont compromis, Ypres est perdu et la ligne anglo-belge de Nieuport contrainte au repli.

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M. von dem Bussche, sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de l'empire d'Allemagne a envoyé, par le chemin public de la télégraphie sans fil, dont les messages sont captés par tous les postes de l'Europe, une dépêche à M. von Mirbach, nouvel ambassadeur d'Allemagne à Moscou accrédité auprès des bolcheviks, lui demandant un rapport complet sur la restauration monarchique à Petrograd dont le bruit courait à Berlin << sur des nouvelles assez concordantes pour ne pas paraître absolument invraisemblables ». Cette information assez sensationnelle a immédiatement fait le tour du monde, ainsi que le souhaitait vraisemblablement M. von dem Bussche. Les commentaires ont été abondants comme il fallait s'y attendre. En l'absence de toute confirmation ou de tout démenti, il ne reste qu'à raisonner dans l'absolu. Sur la vraisemblance du fait, on s'accorde à l'admettre comme nullement exclue. Des gens qui viennent de subir l'effroyable expérience du bolchevisme préfèrent un retour à l'ancien régime, quel qu'il soit. Il y a des navigateurs qui, échoués sur l'écueil de Scylla, n'ont d'autres ambitions que de revenir à Charybde. La versatilité russe ne peut que favoriser une telle évolution. Il n'y a là-dessus pas de discussion.

Une restauration en Russie a pour elle, non seulement les horribles excès du bolchevisme, mais aussi la superstition slave. Un peuple n'a pas impunément passé par des siècles d'attachement religieux au tsarisme. Le moindre pope venant prêcher que tous les malheurs ne se sont abattus sur le pays que par suite de l'infidélité au chef de l'église orthodoxe est assuré de bouleverser ses auditeurs et d'en rallier instantanément la majorité à la cause du « petit père ». Le mirage de la révolution et du partage des terres avait fait oublier les traditions. La déception du maximalisme a pu provoquer le mea culpa.

M. von dem Bussche cite, dans son radio, le général Alexeieff, les chefs libéraux Goutchkoff, Milioukoff et Rodzianko comme participants au mouvement de restauration. Cela fait pousser les hauts cris à certains qui voient dans la mise en cause de ces personnes une manœuvre allemande « pour les compromettre dans un complot réactionnaire ou pour les rendre suspects à l'Entente en laissant entendre qu'ils seraient capables de se prêter à un changement de régime qui favoriserait l'Allemagne ».

Est-il donc interdit d'admettre que les personnalités

mentionnées plus haut, après avoir épuisé tous les moyens en leur pouvoir pour renverser les bolcheviks n'aient trouvé que celui-là d'efficace? Nous nous plaçons constamment, pour juger les affaires russes, à un point de vue strictement ententiste, en faisant abstraction des conditions locales. Nous avons raisonné comme cela au sujet des affaires de Finlande et d'Ukraine, par exemple. Il nous déplaisait profondément que les Ukraniens livrassent du blé aux Austro-Allemands. Nous exigions en conséquence que la Rada de Kiev se laissât plutôt exterminer par les bolcheviks. C'est prendre ses désirs pour des réalités. Les martyres de la primitive église et les camisards professaient leur foi aux lions et aux dragons, mais la politique internationale ne connaît pas ce genre de sacrifices. Il ne faut demander aux gens que ce qu'ils pensent. L'intervention allemande en Finlande et en Ukraine a sauvé la vie à une population menacée d'extermination par des bandits déchaînés. Que l'action de l'Allemagne n'ait pas été désintéressée, c'est une affaire entendue, mais le fait de sauvetage subsiste. Arsène Lupin, gentleman. cambrioleur était, de l'aveu même de son créateur, une redoutable canaille, ce qui ne l'a pas empêché de faire parfois figure de sauveteur. Il ne faut pas confondre les faits avec les intentions.

Toute l'erreur provient du fait que nous considérons les événements de Russie au point de vue de l'intérêt de l'Entente au lieu de les considérer au seul point de vue des intérêts russes, tels du moins que les Russes les peuvent envisager eux-mêmes. Pour certains d'entre nous, le bolchevisme a gardé je ne sais quelle allure. de 1792 et l'on persiste à croire que ses excès doivent être passés au compte profits et pertes, de toutes les révolutions.

Les Russes ont peut-être le droit d'avoir une conception moins« historique » des calamités de ce régime et de chercher à s'en débarrasser sans se soucier des répercussions internationales de ce qu'ils peuvent faire.

S'ils considèrent une restauration monarchique comme pouvant remettre un peu d'accord dans la maison et faire cesser le meurtrier chaos dans lequel la Russie s'épuise, on se demande quel raisonnement d'ordre << ententiste pourrait les en dissuader ?

>>

Est-il d'ailleurs démontré, de façon indubitable, que le régime boichevick nous soit plus favorable qu'une

monarchie restaurée ?

Certes on devine bien le plan allemand. En favorisant la restauration de la monarchie, en mettant même

à sa disposition les contingents qui viennent de battre les gardes rouges en Finlande, Guillaume II se flatte de s'attacher le nouveau tsar par une reconnaissance dont la première manifestation serait d'avaliser la paix

de Brest-Litovsk et de donner ainsi un caractère solennel à ce traité de fantaisie imposé à des créatures de la propagande allemande. Ceux qui ont de l'imagination peuvent également concevoir un renouveau de la sainte alliance des trois empereurs, etc.

saires allemands lui présenteraient, en payement de l'appui donné.

Loin d'être pour l'Allemagne un bénéfice certain, la restauration de la monarchie peut parfaitement devenir une source nouvelle de complications.

Si l'on avait écouté Kühlmann au lieu de Hoffmann, représentant de Ludendorff à Brest-Litovsk la paix avec la Russie n'aurait pas pris ce caractère d'outrance qui la rend inacceptable. L'Allemagne a cru tout gagné, et a fait de la surenchère annexionniste en Courlande, en Esthonie. Une Constituante russe serait dans l'im possibilité de ratifier les engagements bolcheviks et les mpiètements ultérieurs allemands.

Comme d'autre part, si la monarchie est restaurée à Petrograd, il faut s'attendre à une opposition farouche des bolcheviks de Moscou, la Russie sera divisée deux classes et l'Allemagne sera dans la nécessité de choisir.

en

Si elle rappelle von Mirbach et désavoue les bolcheviks, elle déchire elle-même les engagements de BrestLitovsk.

La manœuvre allemande a donc ses bons et ses mauvais côtés.

Il faut en attendre le développement. Pour nous, nous n'avons pas eu vraiment suffisamment à nous louer des bolcheviks pour pleurer sur leur disparition éventuelle. Leur programme n'était qu'une parodie de démocratie. Sous prétexte de lutter contre l'autocratie prussienne ils lui ont livré leur pays. Leur attitude infâme à l'égard de la Roumanie en détresse a parachevé leur honte. Ce sont eux qui ont poussé l'Ukraine et la Finlande dans les bras de l'Allemagne. Leurs organes se sont évertués à publier les seuls documents secrets pouvant nuire à l'Entente. Ils n'ont rien sorti qui pût être désagréable à l'Allemagne ou à l'Autriche. Attendre des bolcheviks autre chose que des télégrammes de protestations grandiloquents est un leurre.

L'âme slave est assez mystérieuse et changeante pour qu'une restauration monarchique lui fasse l'effet d'une de ces émotions vives qui quelquefois guérissent les aliénés. Toutes les hypothèses sont possibles. Pour jouer à coup sûr avec une matière aussi délicate il faut être prodigieusement adroit, or ce n'est pas là une qualité allemande. La Russie a été trop durement secouée simple. Or c'est la seule éventualité dont l'Allemagne pour pouvoir revenir au pouvoir autocratique pur et pourrait réellement profiter si tant est que le grand-duc Michel que l'on donne comme régent désigné soit disposé à se soumettre aux injonctions de Berlin.

Tout cela d'ailleurs n'est peut-être qu'un mythe, une invention de M. von dem Bussche pour intimider les bolcheviks et donner à M. de Mirbach un moyen de pression supplémentaire? ou bien est-ce un désir de donner une allure réactionnaire aux tentatives de re

groupement des éléments radicaux de M. Milioukoff et ses amis, contre le bolchevisme? Dans ce dernier cas, la manoeuvre serait risquée, car, selon nous, le seul terrain sur lequel puisse se refaire une unité russe est le terIl faudrait, pour la réalisation de ce plan, que la morain religieux. Si les cadets, en tant que groupe polinarchie fût dans forme masse, tocratie absolue. Mais l'on oublie que depuis 1905 la tique, avaient peu de chance d'attirer à eux la

Russie a fait l'expérience du régime constitutionnel et marchait à grands pas dans cette voie. S'il est exact que MM. Goutchkoff, Milioukoff, Rodzianko sont dans le mouvement de restauration, cela ne voudrait-il pas dire que, tout en cherchant à regrouper le peuple russe autour du seul pôle d'attraction restant possible qu'est le tsar, chef de l'église orthodoxe, leur programme comporte la réunion de la Constituante et l'établissement d'une monarchie constitutionnelle à la manière anglaise. Dans ce cas-là, on voit mal le jeune tsar ou même le régent libre de signer tous les papiers que les émis

complètement ignorante et indifférente en politique, c'est leur donner une force notable que de les représenter comme soucieux de rendre à la Russie son chef religieux.

Les malheurs de la Russie sont venus des bolcheviks, presque tous israélites d'origine allemande. Cette particularité peut contribuer à aviver les remords du peuple orthodoxe, si son clergé s'y emploie.

Une chose est certaine : le front russe ne se réveillera pas. Tout le reste est possible.

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Après avoir déposé l'élu des Chambres et dissous les Chambres elles-mêmes, le chef du mouvement révolutionnaire a pris la direction des affaires, exerçant son pouvoir par voie de décrets dictatoriaux jusqu'à institetuer le suffrage universel et direct pour l'élection d'un

honte

laissent jamais dévier ni à droite ni à gauche de ces principes d'ordre et de discipline qu'il a arborés lui-même comme l'emblème de la République nouvelle.

cause

Les Portugais viennent de démontrer, voilà bien peu, qu'ils sont les dignes descendants des guerriers que glo-. rifie leur histoire. Ce sont les liens du sang versé en commun qui attachent aujourd'hui les lusitaniens à la de l'Entente, en même temps qu'ils créent une place à leur représentant dans la conférence de la paix. Mais cette personnalité, il faut, pour la maintenir, donner à l'étranger des preuves d'unité intérieure que M. Sidonio Paës ne manquera pas de rechercher pour affirmer la pureté de ses intentions et la justice de ses mesures. JACQUES DORMÈRE.

président de ce président que les dépêches nous disent Armée et Marine être lui-même, sans nous surprendre, du reste.

C'est la faillite du parlementarisme, le triomphe d'un système dont l'opportunité est peut-être plus discutable en Portugal que partout ailleurs.

nous

Pour mal que nous connaissions le Portugal, nous Français, son histoire comme sa géographie, savons que les statistiques officielles y dénoncent 75 0/0 d'illettrés, mais que le vote de tout citoyen majeur ou émancipé jouissant de ses droits civiques et politiques est admis sans autre distinction par le décret du 30 mars, base de cette élection. Nous savons encore que les officiers et les sous-officiers ont été admis au vote, alors nde que les partis républicains, les constitutionnels et les Socialistes, se sont abstenus par esprit d'opposition ou par principe, en raison du caractère dictatorial du décret. Et nous en tirons comme déduction, au moins apparente, que le président d'aujourd'hui, du reste candidat unique, a recueilli la consécration de ses pouvoirs au sein des partis modérés, conservateurs ou d'ordinaire te p éloignés de toute politique.

Sagra

Et d

En d'autres circonstances, la chose serait d'un intérêt relatif, mais le décret fixe à un minimum de quatre années la durée du mandat du président élu et lui donne le commandement de la force armée de terre et de mer, en même temps qu'il lui confère le droit de nommer et de destituer librement ses ministres. L'on voit donc tout de suite quelle personnalité imposante devient M. Sidonio Paës, maître reconnu pour quatre années d'une situation dont le poids n'est pas déjà des plus commodes à porter en temps ordinaire.

Pour être précis il faut bien encore signaler que le même décret reconnaît aux Chambres la compétence nécessaire pour réviser librement la Constitution et par Conséquent modifier ou restreindre les pouvoirs du président. L'élection de ces Chambres a eu lieu en même temps, d'après les mêmes principes et dans les mêmes Conditions d'abstention des partis républicains constitutionnels, sauf en ce qui concerne le Sénat dont les membres sont, d'après la nouvelle conception, les délégués librement désignés par les corporations et associations de toutes classes. Les résultats quant à présent connus marquent à la Chambre quelques gains des monarchistes, tout en donnant une majorité imposante au parti national qui est celui du gouvernement.

che

Il serait imprudent de juger M. Sidonio Paës sur sapolitique des cinq derniers mois. Jusqu'à présent il s'est trouvé pris entre les avances intéressées du parti monarchchiste, qui a cru voir en lui le champion de la restauration, et l'opposition irréductible des républicains évincés, toujours prêts à lui reconnaître les mêmes desseins. Ia su néanmoins résister aux uns et aux autres et ne

faire de concessions à personne sans aggraver la situa

tion intérieure.

Il se peut que les directives de la politique à suivre lui soient données par les événements extérieurs et ne le

L'attaque des ports belges

C'est un beau fait d'armes que l'opération exécutée, le 23 avril, contre Ostende et Zeebrugge par les forces anglaises de Douvres, auxquelles s'étaient joints quelques contre-torpilleurs français. Il faut remonter jusqu'à la guerre de Sécession et aux forcements de passes de l'amiral Farragut, à Mobile et à la Nouvelle-Orléans, pour trouver une attaque aussi hardie.Encore la prouesse du croiseur Vindictive, allant s'amarrer au quai du port ennemi, pour en prendre les défenses à l'abordage, n'at-elle, croyons-nous, de précédent dans aucune guerre. Quant aux tentatives d'embouteillage, les difficultés qui les entouraient étaient cette fois bien plus grandes que dans les entreprises analogues de Cuba, en 1898, et de Port-Arthur, en 1905. Le plan en avait été étudié jusque dans les détails en 1916 et en 1917, et les Allemands ne l'ignoraient pas l'accumulation des ouvrages qu'ils avaient installés pour en empêcher l'exécution suffirait à le prouver. Tant de canons de tous calibres, tant de postes échelonnés sur le littoral avaient singulièrement augmenté, depuis deux ans, les risques que courait l'assaillant. Peut-être aussi toutes ces précautions entretenaient-elles chez les défenseurs une confiance qui rendait la surprise plus probable. Quoi qu'il en soit, l'affaire fait le plus grand honneur aux marins qui l'ont menée avec tant d'audace, et à leur chef, l'amiral Keyes, qui l'a préparée et dirigée de la façon la plus remarquable. L'amiral Keyes, qui a pris depuis peu le commandement des forces alliées dans le pas de Calais, avait du reste manifesté dès son arrivée une volonté offensive dont les flottilles allemandes ont déjà ressenti les effets.

Sa désignation pour ce poste important, suivant de près les changements du premier lord naval et du commandant en chef de la Great Fleet, semble marquer, de la part du gouvernement anglais, un désir d'employer d'une manière plus active les éléments de la puissance maritime, les récentes expéditions d'escadrilles conduites par des croiseurs dans la baie d'Héligoland ont d'ailleurs manifesté clairement cette intention. Dans cette guerre, où toutes les forces doivent donner leur maximum d'effets, ce n'est plus assez pour les marines militaires des alliés d'annihiler les marines militaires des empires centraux et d'interdire la navigation de leurs flottes commerciales. L'Allemagne a réussi à vivre malgré le blocus, en se servant des neutres d'abord, puis en acceptant toutes les restrictions nécessaires, et maintenant la prise de possession de la Russie lui ouvre, pour le ravitaillement en matières premières et en vivres, des perspectives lontaines peut-être, mais illimitées. Son isolement du monde occidental n'a plus, au point de vue de l'issue de la lutte, l'importance capitale qu'il

nous

avait au début. Tout en le maintenant, tout en continuant par des moyens qui se montrent de plus en plus efficaces le combat contre les sous-marins, les marines alliées doivent s'efforcer d'apporter à la cause commune la collaboration aussi directe et aussi complète que possible de leur personnel de choix et de leur immense matériel. Mais cette collaboration exige l'avons déjà indiqué ici-même des vues d'ensemble qui dépassent la compétence particulière des marins. Il y faut l'intervention du haut commandement interallié, une conception et une étude approfondie qui ne sépare plus les moyens d'action terrestres et maritimes, qui les coordonne au contraire pour en tirer le meilleur rendement.

L'entreprise contre les ports belges est plutôt un épisode de la guerre aux sous-marins, et, telle qu'elle a été tentée, elle ne pouvait avoir d'autre but.

Il ne faut cependant pas s'exagérer les effets qu'on peut en attendre. Ostende et Zeebrugge seraient-ils absolument clos et rendus tout à fait inutilisables pour l'ennemi que cela ne causerait ni l'arrêt ni même une très grande diminution d'intensité de la guerre sous-marine. La flottille des Flandres, basée sur ces deux ports, n'a jamais compris de nombreuses unités; elle se composait surtout de petits sous-marins employés seulement dans la Manche et la mer du Nord. Les sous-marins de plus grandes dimensions, et surtout les croiseurs submersibles récemment entrés en service, partent toujours de l'embouchure de l'Elbe et rallient les ports allemands après leurs croisières quand il ne leur est pas arrivé de mésaventure dans l'intervalle. Pour eux, quelques centaines de milles de parcours supplémentaire n'ont pas grande importance, et, depuis longtemps, les risques du séjour dans les ports belges étaient trop grands pour que l'amirauté allemande les y exposât sans nécessité; de plus ils n'auraient pas trouvé dans ces ports les moyens de réparation et de carénage qui leur sont indispensables. Pour les petits sous-marins, au contraire, on avait pu préparer le long des rives des canaux, des abris bétonnés fort bien dissimulés, sous lesquels ils étaient en sécurité. Mais le rendement de ces navires peu armés et de faible vitesse avait beaucoup baissé depuis que la réaction des alliés était devenue plus active, et en somme la flottille des Flandres ne faisait plus un très grand mal à notre navigation commerciale. Quant aux destroyers basés sur Ostende et Zeebrugge, leurs incursions dans le pas de Calais étaient surtout des opérations de réclame, dont les conséquences n'ont jamais été très sérieuses; leur plus grave inconvénient pour nous était d'immobiliser quelquesuns de nos navires analogues, qui auraient été plus utilement employés ailleurs.

Cependant rien n'est négligeable de ce qui nuit à l'ennemi. Quelques sous-marins détruits ou seulement immobilisés pendant un certain temps, des difficultés. supplémentaires pour l'utilisation de bases même accessoires, représentent des navires sauvés avec leurs cargaisons, des possibilités de transport conservées pour l'avenir. Ce résultat ne peut s'obtenir sans pertes, mais les pertes qui s'accumulent du fait de la prolongation de la guerre finissent par atteindre des chiffres plus élevés que ceux d'une opération offensive. Celle-ci est la plus importante qui ait encore été essayée, elle a mis en œuvre de grands moyens (sans faire intervenir cependant une seule des unités de combat de la grande flotte) et elle a montré les magnifiques qualités d'un personnel d'élite qui ne demande qu'à se battre. Son intérêt tient peut-être plus encore à ce qu'elle permet d'espérer qu'à ses résultats immédiats.

GEORGES CLAUDE.

NOTES ET FIGURES

L'ère des quatre mendiants.

Qui donc disait que les Français n'avaient pas le génie de l'adaptation? En vérité, les spectacles de tous ordres que nous contemplons depuis le début de la guerre infligent à cette opinion le plus éclatant des démentis. Voici le dernier en date, et c'est des restrictions sur la pâtisseries et les sucreries qu'il s'agit.

Gâteaux, bonbons, fondants, choux à la crême, barquettes de fruits, toasts savoureux, muffins tout parfu-. més de beurre, cakes entrelardés d'orange, délicieux accompagnement des thés de 5 heures, quelle détresse votre absence n'a-t-elle pas jetée dans le cœur des maîtresses de maison et dans celui des pâtissiers ? Par quoi orner désormais les devantures des magasins discrets où se savourent les vins doux d'Espagne et le chocolat réparateur ? Et qu'offrir, en définitive, à une clientèle avide d'ignorer les restrictions sans les vio ler? Cruelle énigme que nos pâtissiers, nos épiciers et leurs collègues ont résolue sans s'écarter du respect dû aux décrets de M. Boret. Il leur a suffi d'élever à la dignité de friandises une foule d'aliments dédaignés, et c'est toute une révolution dans l'art de la gourmandise. Voici d'abord, méprisés hier, comblés d'honneur aujourd'hui, les quatre mendiants bien nommés pour leur air piteux, leur teint blafard, leur goût médiocre : raisins de Malaga, noisettes, amandes et figues, dessert du pauvre, maintenant festin du riche. Qu'on les présente artistement dans de petites boîtes de papier blanc à quatre compartiments ou qu'on les offre chacun à part, c'est toujours avec le même respect. Le raisin de Malaga s'entortille frileusement dans son papier de soie ainsi qu'un bijou de valeur, une chose rare et sans prix. Les amandes se tassent avantageusement les unes sur les autres, ou mieux, décortiquées de leur enveloppe et dûment salées, se prélassent sur de petites soucoupes de métal, faisant l'office du toast absent, auprès de la tasse de thé. Les noisettes s'entrechoquent avec fracas dans leur bocal de verre et semble appeler le gourmet délicat qui les croquera. Quant aux figues, c'est bien simple: elles sont partout et sous toutes les formes. Bourrées d'orange, elle se gonflent à éclats, démesurément garnies et présentées une par une, tels ces fruits extravagants qu'on voit dans les expositions. Desséchées, au contraire, tassées par centaines dans d'énormes boîtes de bois blanc, elles semblent l'aliment inépuisable offert à l'appétit des hommes.

Ainsi, par des moyens différents, les quatre mendiants sont en train de conquérir une faveur immense à laquelle ils n'eussent jamais osé rêver. Mais s'ils en sont fiers, que dire du pot de confiture, du bourgeois pot de confiture, hier encore relégué très loin dans les arrières-boutiques, triomphant aujourd'hui sur le devant de tous les étalages. Rien ne peut lutter contre ces pots transparent ou ventrus si ce n'est les dattes qui attirent tout de suite par le rappel qu'elles évoquent des confiseries d'antan.

Tout empoissées de sucre, le noyau dûment enlevé, l'intérieur bourré d'ingrédients les plus variés c'est, avec leur vieux parfum de bazar oriental, la plus étrange des mixtures. Et l'on vous les rassemble dans de mignonnes boîtes aux couleurs éclatantes ou dans des sacs attachés de rubans aux couleurs tendres qui nous remémorent les succulants fondants d'avantguerre.

Le jeu, en effet, et c'est là que se révèle la profonde psychologie de nos pâtissiers consiste bien moins à présenter au public des friandises inédites, imprévues, qu'à imiter avec art celles de jadis. Le truquage, le

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