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Un professorat de lettres exige des épreuves de français, de géographie, d'histoire, de pédagogie, de psychologie, de morale, de langue étrangère, et même de latin... depuis les derniers remaniements et sans doute simplifications ». De même en sciences où les différentes espèces de mathématiques, la physique, la chimie, l'histoire naturelle sont exigées, avec le dessin, le travail manuel, la pédagogie, la psychologie, la morale et une langue étrangère! On nous reprochera ensuite notre esprit borné! Nous pouvons être fiers... et vains... puisqu'on a voulu faire de nous des encyclopédies vivantes!

Combien faciles les sarcasmes d'un licencié possesseur d'un titre admis après spécialisation! Nous faisons du travail en surface, nous voudrions, nous aussi, un peu de travail en profondeur! Et n'oublions pas qu'étant cette année professeur de lettres, je serai l'année prochaine, professeur d'histoire et de géographie; et dans deux ans, selon le beau plaisir de mon directeur, à nouveau professeur de lettres!

Mes revendications tourneraient aux jérémiades; je les arrête. J'ai été diffus, touffu, voulant me faire comprendre. Vous m'excuserez, sans doute, si je n'ai pas réussi.

nos

Les mesures étant prises, il faudrait évidemment modifier profondément les programmes et je ne puis aujourd'hui m'étendre sur ces questions de détail. Cependant il me sera très agréable de vous communiquer quelques-unes de mes idées ou plutôt de idées, si elles peuvent vous intéresser ou vous servir... A la base des réformes que vous proposez, il semble qu'on devrait placer aussi un remaniement et ensuite une application stricte de la loi d'obligation de 1882. S'il est absolument juste de respecter les convictions religieuses de chacun et si je m'élève avec violence contre cette laïcisation à outrance qui veut faire une Saint-Barthélémy des consciences, je

aussi

me

veux

ses

que tout père de famille, convaincu d'avoir (par négligence ou par calcul) favorisé la non-fréquentation de ses enfants, soit châtié sévèrement. Vous le dites avec raison : nul n'aura le droit d'exercer droits de citoyen s'il ne les a auparavant acquis... Il faut considérer le devoir d'instruction considérons le devoir militaire... Nous acceptons de donner notre sang pour tous... faudra-t-il supporter longtemps que l'on soit ignorant contre tous?

comme nous

Et pour favoriser la fréquentation colaire, enlevons l'instituteur au maire ou au conseiller général... Brisons ces vieilles petites rivalités politiques, ces intrigues de hameaux, ces agrégats de médiocrités, ces petites conspirations où l'instituteur était un jouet, un jocrisse ou un porte-voix... Comme tous ceux qui ont combattu, j'ai assez de ces « histoires ». Il faut de l'air, de l'élan, de l'absolu. Il faut des consciences et des intelligences, des éducateurs du peuple, non des fonctionnaires.

nous

Qu'on s'occupe des écoles de hameau où des instituteurs misérables et de misérables instituteurs enseignent à deux ou trois élèves et font la classe quand ils sont menacés d'une inspection...

Qu'on les révoque, ou qu'on les encourage, au contraire, s'ils font leur métier, s'ils ont des élèves reçus au certificat d'études!

Qu'à leur tour les inspecteurs primaires soient des inspecteurs et non pas des autorités hybrides, sortes de juges de paix et de paperassiers, entre les politiciens de village et les magisters! J'ai vu tout cela cette année, et j'en suis écœuré.

Oui, nous avons beaucoup à faire et c'est pourquoi je suis heureux de pouvoir vous écrire aujourd'hui bien sincèrement et joyeusement. J'accepte tous vos principes et si j'ai parlé pour mon enseignement, c'est par

esprit de franchise et pour ne rien dire à la légère. Je n'ai pas plaidé pour ma cause les primaires n'ont pas plus de droits et ne désirent rien au delà de ce qui sera donné aux autres maîtres. Mais ayant combattu comme les autres, ayant agi comme les autres, ayant eux aussi un cœur solide et une volonté, ils espèrent arriver à leur idéal. Nous sommes du peuple et nous voulons rester peuple : nous n'y perdrons rien. De nous vient la force et la santé. Qu'on ne l'oublie pas! Nous voulons de l'air, un peu d'air, un peu d'hygiène intellectuelle.

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A l'Institut

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un

Ce jeudi d'août, quel caime à l'Institut! L'agent de service dans la cour suit le long du mur une étroite bande d'ombre. A quoi pense-t-il? Et quelle est sa mission? L'ordre règne ici de toute éternité et je ne vois pas du tout M. Frédéric Masson qui précisément arrive en taxi conduit au poste pour insultes à chauffeur dans l'exercice de ses fonctions. Quoi qu'il en soit, voici la cour redevenue déserte, hormis l'agent qui déambule incessamment et que l'arrivée de M. Masson n'a point fait dévier d'un pas. Ici, l'agent lui-même est rectiligne. Mais je répète : quelle est sa mission, qui surveille-t-il, sans avoir l'air, comme on dit, de rien? Il serait expédient de le lui demander, si la question ne risquait de lui paraître indiscrète et attentatoire aux secrets de sa profession. Allons! le hasard me favorise. Un personnage survient à point que je reconnais à son élégance indéfinissable pour un représentant de la presse. Qui surveille-t-il? dis-je avec un geste à peine perceptible vers l'académique sergent de ville. Le journaliste hoche la tête, et sourit tristement: Nous, peut-être.

Eh quoi, & le plus pacifique de nos confrères, ô rédacteur chargé de l'Institut, seriez-vous dans ce milieu de haute intellectualité et de parfaite courtoisie, tenu pour dangereux?

Le journaliste est, partout où il va, aimé, craint ou méprisé. A l'Académie, on ne nous aime pas, ni ne nous craint. Vous n'êtes pas, je suppose, sans avoir entendu parler de M. Etienne Lamy. M. Etienne Lamy est l'auteur d'ouvrages d'édification, membre de l'Académie française et secrétaire perpétuel de cette Compagnie. C'est un homme fort bien élevé. Malgré cela, M. Etienne Lamy vit comme si nous n'existions pas, il va et vient comme si l'air qu'il respire n'était pas l'air que nous respirons. Il passe, et son regard où se lit une âme pure, ne daigne jamais tomber sur nous. Nous ne demandons pas une parole, nous ne demandons pas un geste, nous avons la notion de la hiérarchie sociale, mais un regard, un simple regard de M. Etienne Lamy nous ferait plaisir de temps en temps. Personne d'entre nous n'a encore osé le lui dire, car notez qu'il suffirait de le lui dire. Il n'y pense pas. Il a l'esprit tellement occupé!

« Voulez-vous entrer? ajouta le journaliste. Je vais vous montrer notre local ».

La salle réservée aux journalistes, à l'Institut, rappelle certaines boutiques de foire dites jeux de massacre. Elle est toute en longueur et présente sur celui de ses murs qui fait face aux fenêtres plusieurs rangs de bustes, académiques évidemment et à première vue, parmi lesquels la tête en plâtre d'Henry Roujon tent une place d'honneur. Au milieu de la salle, trois chaises s'empressent autour d'une petite table que recouvre un

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Trente-cinq?

Trente?

Oh non! Pas si nombreux. Je n'ai vu arriver que M. Frédéric Masson. Ils doivent être deux ou trois. Ce n'est pas mal pour une séance du mois d'août.

Alors, l'Académie ne prend pas de vacances?
L'Académie, non, mais les académiciens.

Et vous autres, journalistes, pendant que les académiciens font le dictionnaire à quelle occupation vous livrez-vous de préférence?

Nous attendons qu'ils aient fini.
Ce qui vous conduit jusqu'à...

Quatre heures et demie, cinq heures moins le quart, quelquefois cinq heures. A ce moment, le très aimable secrétaire général de l'Institut, M. Rénier, nous lit le procès-verbal de la séance. D'autres fois, il nous le remet 'tout copié; dans ces cas-là notre tâche est beaucoup simplifiée.

Sans doute... Et voilà donc tout votre rôle?
En ce qui concerne l'Académie française, oui. Il

17 Août 1918

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nous suspecte pas, on ne nous écarte pas, non, mais on ne nous considère pas. Telle est la vérité pénible: on ne nous considère pas. Et d'ailleurs, c'est humain. Les académiciens n'ont pas besoin de nous pour placer leur copie dans les journaux. Alors...

Comme mon interlocuteur disait ces mots, quelqu'un vint le prévenir que le secrétaire général de l'Institut attendait les journalistes dans son cabinet pour leur faire une révélation intéressante.

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Le legs du négociant de Jarnac, parbleu!

Je sortis. La bande d'ombre s'était élargie dans la cour, donnant ainsi du champ au sergent de ville. Je me dirigeai vers le pont des Arts. Mais avant d'en gravir les marches, je furetai machinalement dans la boîte d'un bouquiniste. Un hasard bienveillant voulut que ina main découvrît une brochure rose marquée 10 centimes, et portant ces mots sur sa couverture: Syndicat national des journalistes professionnels. Annuaire de 1908. Compte rendu des exercices 1905 à 1908. Siège social: Bourse du travail, 3, rue du Château-d'Eau, Paris.

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Bon, me dis-je, j'irai la semaine prochaine à la Bourse du travail. Je rechercherai ce qu'est devenu ce << syndicat » de la rue du Château d'Eau et quelles leçons on en peut tirer à l'usage du « syndicat » de la rue de Châteaudun.

BABOUC.

en est de même pour les Académies des Beaux-Arts, des Les Faits de la Guerre
Sciences morales et des Inscriptions dont les séances
sont également privées. A l'Académie des Sciences et
à celle de Médecine où les réunions sont publiques,
notre besogne exige plus de pratique puisqu'elle con-
siste à en faire le compte rendu de visu et de auditu.
Cependant ce n'est pas le diable, j'en conviens. Il faut
reconnaître aussi qu'en général les informations de
l'Institut ne sont pas palpitantes d'intérêt. Supprimez
les petites intrigues électorales, à quoi peut s'accrochei
ici la curiosité des profanes? Ainsi tout à l'heure, nous
allons apprendre qu'un négociant de Jarnac a fait à
l'Académie un legs destiné à récompenser la vertu des
agriculteurs de son canton. Pour les gazettes de Jarnac,
c'est une aubaine, mais pour les journaux de Paris, ça
vaut trois lignes. Cependant, mes camarades et moi
nous sommes dérangés de très loin, quelques-uns habi-
tant la banlieue, à seule fin de venir ici recueillir le
nom du négociant de Jarnac et le montant de son legs.
C'est vous dire que lorsque nous remettrons notre pa-
pier à notre rédacteur en chef, celui-ci ne nous saluera
pas par des cris de joie et d'impatience, d'autant que
ce soir les nouvelles du front promettent d'être parti-
culièrement importantes. Nous avons pris l'offensive
à l'est d'Amiens et avancé de quinze kilomètres. Le
négociant de Jarnac n'a pas de chance, son legs tombe
un mauvais jour.

LE SAOUT. Victorieuse offensive franco-britannique, sur 32 kilomètres entre Albert et Montdidier, sur une profondeur déjà atteinte de 6 à 12 kilomètres au nord de la Somme, durs combats livrés avec succès par les Anglais, vers Chipilly et au sud de Morlancourt; au sud, franchissant l'Avre, les Français enlèvent Villers-aux-Erables, Morisel, Moreuil, Plessiez-Rozainvillers, Davenescourt, Rubescourt ct Assainvillers. Front italien brillants coups de main français, anglais

et italiens dans la Giudicarie ramenant près de 400 prisonniers. LE 9 AOUT. Avance victorieuse sur tout le front de Picardie les Français enlevant Pierrepont, Contoire, Hangest-enSanterre, Arvillers, les Américains Fismette sur la Vesle, les Britanniques s'emparent de la ligne extérieure des défenses d'Amiens qu'ils dégagent en s'avançant de deux milles environ; les Allemands évacuent complètement leurs positions avancées de la vallée de la Lys.

Votre rubrique est maintenue néanmoins.

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La tradition l'exige. Et puis, nous nous défendons. Nous nous sommes groupés en association, nous avons un président, un trésorier. Nous avons obtenu que les agences à l'exception d'une seule laissent les journaux dans l'obligation d'en passer par nous. Bref, nous vivons, nous durons, collés au flanc de l'Institut, suçant son sang pâle et tiède, gênés et maintenus à la fois par son antique routine et souffrant un peu, je vous le répète, de l'indifférence que, sans la moindre méchanceté, ses représentants laissent généralement tomber sur nous. Je vous parlais tout à l'heure de M. Etienne Lamy et de l'ignorance olympienne où il se tient de ce qui nous concerne. C'est un exemple, un symbole de l'état d'esprit ambiant. A la Chambre, au Palais, nos confrères ont du crédit. A l'Institut, on ne

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LE 10 AOUT. Prise de Montdidier et extension, au sud, de la lutte; les Français portent leurs lignes à dix kilomètres à l'est de la ville, et au sud-est, une avance de dix kilomètres est réalisée vers Roye; à l'autre aile, brisant la résistance allemande, les Britanniques et les Américains conquièrent Mor lancourt et le saillant entre l'Ancre et la Somme, et au centre, Bouchoir, Meharicourt, Lihons qu'ils dépassent plus de 24.000prisonniers et 300 canons sont aussi le bilan des trois jours. Front italien les Français enlèvent le mont Sisemole et font 248 prisonniers, tandis que plus à l'est les Italiens s'emparent de plusieurs points des lignes ennemies, avec 60 prisonniers.

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LE 11 AOUT. La lutte s'étend de l'Avre à l'Oise avec de nouveaux succès, entamant le plateau de Lassigny, les Français prenant Marcquivillers, Grévillers, les abords de Cannysur-Matz, Laberlière, Machemont, Cambronne; au centre, les contre-attaques des réserves allemandes sont brisées par les Britanniques dans de durs combats, et, au nord de la Somme, les Anglais avancent leurs lignes sur les hauteurs entre Etinehem et Dernancourt; au nord, au Kemmel, attaques et contre-attaques se succèdent depuis deux jours.

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Au sud de la Somme, les Britanniques livrant d'heureux combats, avancent et prennent Proyart, avec des centaines de prisonniers ; entre l'Avre et l'Oise, les Français enlèvent Les Loges et Gury près de Lassigny et progres sent au nord de Roye-sur-Matz et de Chevincourt; rive nord de la Vesle, région de Fismes deux violentes attaques sont

repoussées.

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