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les et Chevincourt. Sans rencontrer de résistance sérieuse, elle atteignait et dépassait en quelques heures ses premiers objectifs qui étaient Cuvilly et Ressonssur-Matz. Le soir même, nous tenions Orvillers, Conchy-les-Pots et la station de Roye-sur-Matz. Sur la droite, nous avions pris Elincourt et le Plessier.

Les combats ont continué les jours suivants. Ils nous ont mené à proximité de Lassigny et de Roye, tandis que les Anglais arrivaient aux abords de Chaulnes. Au sud, nous pénétrions dans le massif de Thiescourt qui est menacé.

Le communiqué britannique du 13 août a accusé plus de 28.000 prisonniers, dont 800 officiers, 600 canons et plusieurs milliers de mitrailleuses, ainsi qu'un abondant matériel. Dans ce bilan ne sont pas comptés les prises de la 3 armée française. L'avance en profondeur dépasse 20 kilomètres.

A la vérité, depuis le 12 août, un ralentissement a été marqué, sinon dans la violence des combats, du moins dans notre progression. C'est que les Allemands ont amené en hâte toutes leurs réserves disponibles et qu'ils ont déclenché de furieuses contre-attaques que nous avons d'ailleurs brisées.

Ou

Il suffit de considérer une carte pour voir dans quelle situation extrêmement périlleuse nous avions mis les armées von Hutier et von Marwitz. Sans parler des troupes en secteur, qui ont été capturées avec leur matériel, nous risquions d'envelopper par un grand mouvement tournant tous les arrières ennemis. Roye est le carrefour où aboutissent toutes les routes qui sillonnent la région comprise entre l'Avre et l'Oise. Si les Français étaient parvenus à Roye dès le deuxième troisième jour, si les Anglais étaient arrivés à Chaulnes et avaient pu pousser jusqu'à Nesle, c'en était fait des deux armées allemandes. Le désastre était complet. L'état-major ennemi l'a compris. Une fois encore il a opéré une retraite. Mais il avait le choix entre deux partis ou bien reculer précipitamment sur des positions placées assez en arrière qu'il aurait fait tenir par ses réserves et où il aurait établi sa résistance, ou bien jeter dans la bataille, au fur et à mesure de leur arrivée, ces réserves elles-mêmes, afin de ralentir coûte que coûte notre marche victorieuse. Ce second parti l'exposait à des pertes plus cruelles, car il a dû engager ses bataillons dans une lutte meurtrière. Mais il lui a permis de protéger sa retraite par des combats d'arrièregarde et d'évacuer, dans une certaine mesure, son matériel.

et

moraux,

Où s'arrêtera le recul de von Hutier et de von Marwitz? On ne peut le dire encore. Tenteront-ils de se stabiliser sur une ligne Chaulnes-Roye-Lassigny? S'établiront-ils derrière la Somme? Tout ce qu'on peut faire remarquer, c'est qu'au cours de notre contre-offensive de la Marne, les Allemands nous ont donné d'abord l'apparence de vouloir conserver les positions jalonnées par Ville-en-Tardenois et Fère-en-Tardenois que c'est seulement au bout de quelques jours qu'ils se sont retirés derrière la Vesle. Envisagée dans ses résultats matériels et notre victoire du Santerre est considérable. Elle affaiblit l'ennemi par les pertes très importantes qu'elle lui a causées, en prisonniers, en morts et blessés, en canons, mitrailleuses, etc... Elle a mis fin à la menace qui pesait sur Amiens. Elle a dégagé la grande ligne de chemin de fer Paris-Amiens comme la seconde bataille de la Marne avait libéré la iigne de Paris-Châlons. La rupture est désormais rendue impossible entre les armées française et britannique c'était le plan présomptueux de' Hindenburg lors de son offensive du 21 mars -comme elle l'est entre les armées françaises du centre et celles de l'est c'était un des buts de l'offensive du kronprinz du 15 juillet.

Peu à peu se réduisent les saillants que, depuis le printemps dernier, les Allemands avaient creusés dans nos lignes. Selon une méthode qui leur est chère, ils voulaient aboutir à la dislocation générale de notre front en faisant tomber les uns après les autres les păns de ces saillants juxtaposés. Ce vaste plan est désormais déconcerté.

Mais surtout, le kronprinz de Bavière a subi son éclatante défaite au moment même où la presse germanique s'efforçait de trouver des arguments pour dissimuler celle qui avait été infligée au kronprinz impérial. La retraite de la Marne, expliquait-elle, n'était qu'une manœuvre, une « conversion en arrière » destinée à ménager des lendemains triomphants. Le commandement allemand ne l'avait consentie que pour conserver une initiative qui échapperait définitivement à l'Entente. L'armée de Foch se trouvait d'ailleurs immobilisée dans la région comprise entre Compiègne et Soissons et elle avait été tellement éprouvée dans les derniers combats qu'elle était incapable de réagir. Voilà ce qu'on lisait dans les journaux allemands le jour même où l'on a appris la reprise de Montdidier.

Les succès ne sont point le fruit du hasard. Si géniale que soit la conception d'un chef, elle ne suffirait pas elle-même à les provoquer s'ils n'avaient été rendus possibles par une longue préparation et une sage prévision. Les alliés viennent de recueillir les bénéfices du commandement unique institué par eux lors des journées sombres de mars dernier et qui manifeste aujourd'hui son excellence. Ils profitent de la reconstitution méthodique de l'armée anglaise qui, tandis que nous supportions les assauts du 27 mai, du 9 juin, du 15 juillet, achevait de panser ses blessures et de se remettre dans une forme magnifique. Ils doivent aussi une partie de leur victoire à l'emploi de cette nouvelle arme dont nous avons heureusement poursuivi depuis des mois la construction les chars d'assaut. Le général von Ardenne, le critique militaire du Berliner Tageblatt, leur a consacré un article où il exprime toute son inquiétude devant ces « monstres ». Il ne faut pas oublier enfin que si nous disposons aujourd'hui, malgré les les rudes combats que nous avons eus à soutenir depuis le mois de mars, des effectifs suffisants pour mener nos attaques, c'est parce qu'une politique rigoureuse d'économie a été la nôtre depuis un an et qu'elle nous a mis en mesure d'attendre l'arrivée des Américains.

J. C.

Les problèmes de la Guerre

L'AUTOMOBILE DANS LES BATAILLES MODERNES I

:

Aller vite telle est la préoccupation des chefs d'armée.

Qu'il s'agisse de masses d'hommes à lancer par surprise sur un point où nul ne les attendait, qu'il s'agisse d'accumuler canons et projectiles, de déblayer le champ de bataille, tout doit se passer vite.

L'explication de ce vertigineux déroulement d'événements, on l'a, d'un coup, quand on circule pour la pre-mière fois sur les routes du front, immédiatement en arrière de la zone de feu. Tous les transports ou presque, se font par les automobiles! La Divinité de la Vitesse pour employer une expression de Maeterlinck, c'est l'Essence !

-

Transports de troupes, ravitaillements de toute nature, en vivres, en munitions; transports d'artillerie, depuis les petites mitrailleuses jusqu'aux monstres les plus effarants, et en y comprenant affûts, plates-formes, servants et chevaux ; transports de matériel de tranchée, rondins, barbelé, chevaux-de-frise, caillebotis, ciment et

ferraille; transports de lignes télégraphiques, transtélégraphiques, transports des services sanitaires, des ambulances, des étatsmajors, du génie ; enlèvement des blessés, évacuations, entretien des routes, c'est l'Essence qui prête, pour tout, sa force propulsive !

Regardez sur la route: camions aux bâches flottantes où s'entassent les poilus, lourds et lents tracteurs, mastodontes attelés à des canons gigantesques, camionnettes légères, bourrées de caisses de fusées ou de sacs à terre, pesants autobus où pendent de rouges quartiers de viandes, souples voitures de tourisme qui se faufilent habilement, sans arrêts ni heurts, auto-canons et auto-bazars, voitures-projecteurs et voitures-réservoirs, sanitaires, side-cars, motocyclettes ronflantes et pétaradantes, tout s'entre-croise dans un mouvement ininterrompu.

Devant ce spectacle nouveau, on a le sentiment que l'automobile joue dans la bataille, un rôle de la première importance, et l'on se pose naturellement cette question :

Comment tout cela fonctionne-t-il ?

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......

trouvons,

900.000 tonnes I.200.000

Matériel transporté Hommes transportés (1) Enfin, si nous cherchions le total des transports effectués jusqu'à ce jour, et que nous convertissions le tout en poids, nous trouverions que les automobilistes ont véhiculé plus de 26 millions de tonnes! En supposant qu'on ait entassé tout cela au même endroit on aurait une surface de 10.000 mètres carrés couverte sur une hauteur de plus de 2.000 mètres : une vraie montagne! Pour la déplacer, en se servant du chemin de fer et en employant des trains de quarante wagons, il faudrait plus de 65.000 trains!

Il faut convenir que la préparation du temps de paix n'avait eu aucune idée de ces chiffres-là !

Mais si l'on ajoute encore le résultat moral; si l'on ajoute que le but même du service automobile, par suite de la durée de la guerre, s'est trouvé modifié; que, prévu seulement pour « prolonger la voie ferrée sur la route d'étapes » il a, peu à peu et de plus en plus, opéré dans la zone de l'avant, portant les vivres jusqu'aux formations régimentaires et les munitions jusqu'aux

(1) En y comprenant les blessés.

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batteries, enlevant les blessés des postes de secours les plus avancés, amenant le matériel du génie jusqu'aux tranchées, les canons sur leurs positions de tir, les troupes jusqu'aux premières lignes; si l'on ajoute enfin que, dans bien des cas à Verdun, sur l'Aisne, dans la Somme le service automobile, à lui seul, a permis une action rapide des combattants et qu'il a contribué ainsi à l'exécution de toutes les manoeuvres dont di pendait le salut, on ne peut que constater que le service automobile est devenu aujourd'hui une véritable force de guerre dont les autres forces de guerre ne peuvent plus, désormais, se passer.

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La mobilisation du service automobile avait été préparée, à partir des années 1904 et 1905, par l'état-major de l'armée, notamment par la « commission militaire des transports par automobiles » et la « commission technique des automobiles », qui étaient spécialisées dans l'étude de toutes les questions concernant l'emploi des véhicules automobiles dans la guerre (1).

A la veille de la déclaration de la guerre, l'Etat possédait exactement 170 automobiles militaires! Autant dire zéro! On comptait donc, pour satisfaire aux besoins des armées sur la réquisition des voitures appartenant à des particuliers.

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Ces voitures étaient connues au moyen d'un recensement qui avait lieu au début de chaque année : le recensement était suivi d'un classement, sur lequel était basé un plan de réquisition.

:

Pour les voitures de tourisme, il n'y avait aucune difficulté il en existait alors, en France, environ 80.000, et il n'en fallait que quelques milliers aux armées. La réquisition devait donc fournir et elle a fourni en effet, largement, tout ce qui était nécessaire.

Pour les véhicules de « poids lourds », malheureusement, on ne pouvait pas compter, pour en avoir beau coup et de bons, sur l'initiative privée. Le ministère de la guerre avait donc pris certaines mesures préparatoi res parmi lesquelles l'une des plus efficaces était le système dit des « primes » au moyen d'un concours annuel, l'Etat, d'un côté, désignait officiellement, les voitures-types qui lui paraissaient remplir toutes les conditions du programme qu'il avait imposé et, d'autre part, il versait une indemnité en espèces à tout acquéreur d'une voiture de ce type primé. Ainsi le gouver nement encourageait, ensemble, et le constructeur et l'acquéreur et, par une sorte de coup double, il s'assu rait, à la fois, et le grand nombre et la bonne qualité.

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Enfin un plan particulier avait été préparé pour l'organisation des unités provenant de la Compagnie gé nérale des Omnibus, réservées au transport de la viande. Mais lorsqu'il s'agit d'automobiles, il ne suffit pas d'avoir du matériel et de posséder beaucoup de voitures il faut encore, ces voitures, les entretenir en bon état de roulement. De là l'importance des organes d'ar rière, des organes de réparation. On avait donc prévu, pour l'entretien et les réparations des véhicules, des sections de parc, sortes d'ateliers, dont la réunion par deux ou par trois constituait pour chaque armée, un parc automobile de réserve.

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exactement comme il avait été ordonné : dès le 3 août, Troyes à Herbine avec une foudroyante rapidité et, au des unités automobiles se mettaient en marche.

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Le même jour, quatre groupes de sections pour le transport des troupes se rendaient dans les Ardennes, à la disposition de l'armée de couverture. Pendant ce temps des centaines de voitures de tourisme filaient vers les états-majors; et des sections sanitaires, enfin, étaient constituées, à la hâte, pour l'enlèvement des premiers blessés, avec les voitures de livraison des grands magasins.

Il n'y eut, en somme, dans ces « débuts », aucun mécompte. Et si, à ce moment-là, le public protesta parfois (non sans raison) contre les « autos militaires »>, contre certaines courses éperdues de torpédos ou de limousines étincelantes, contre certaines traversées de villes à des vitesses vertigineuses, dans un tintamarre affolant de claxons et de sirènes, dans un éblouissement de fanions aussi multicolores qu'indéchiffrables, les rapports nous révèlent, cependant, que tout se passa, dans l'ensemble, avec ordre et rapidité : c'était l'essentiel.

Vers le 31 août, il y avait, aux armées, environ 9.000 véhicules, parmi lesquels 6.000 camions, presque tous de types primés; et chaque armée avait son parc automobile qui la réapprovisionnait et assurait les répa

rations.

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C'est, sans doute, pendant le mois d'août 1914, au cours de la retraite, comme aussi durant la bataille de la Marne, que se dessina décidément le rôle considérable que le service automobile était destiné à jouer dans la guerre moderne.

cours même de l'action, les autres groupes restés à l'arrière apportèrent des munitions au 21° corps qu'il avait fallu engager avant l'arrivée de ses convois!

A partir du 10 septembre fonctionna, à Noisy-le-Sec, un véritable groupement de taxi-autos, pris en location aux Compagnies parisiennes, pour l'évacuation de nuit des blessés allemands dans la région de Nanteuil-leHaudouin, Saint-Soupplets, Varreddes, Lizy-sur-Ourcq, May-en-Multien, etc.

Cependant, après qu'un ordre du jour célèbre eut proclamé, à la face du monde, la victoire des armées françaises, l'action commença à se ralentir Il y eut encore, en septembre, de grands transports de troupes et de matériel dans les régions de Sampigny, Mécrain, SaintMihiel, ainsi que dans le groupe des armées du Nord pendant la « Course à la mer » (1). Puis ce fut le cominencement de l'accalmie, l'hiver allait venir; et si l'on note encore, au passage, les transports effectués pendant la bataille de l'Yser, la navette des convois entre l'Artois et la Belgique, les allées et venues pénibles des sections qui montèrent alors cantonner dans les Vosges, on ne va plus trouver, pendant quelques mois, que les travaux ordinaires de ravitaillement et d'évacuation de toutes sortes qui avaient toujours été prévus, qui devaient constituer la vie normale de la section automobile et qu'on était tenté de considérer, à présent, comme une sorte de repos!

Ah! les débuts avaient été rudes!

C'est de la bataille de la Marne, a-t-on dit, qu'est sorti, baptisé par le feu et par le sang, le « poilu » de France. Les automobilistes, comme leurs camarades, avaient bien droit, eux aussi, à un peu de répit ! La destinée le leur accorda : tout s'apaisa : on pouvait respirer! Et c'est alors qu'on songea enfin à se retourner pour jeter un coup d'œil en arrière : la situation n'était pas brillante!

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Un double problème se posait maintenant dans toute sa rigueur comment, d'abord, se procurer des véhicules? Et comment, ensuite, assurer leur entretien? Question de vie ou de mort tout simplement!

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Au 31 décembre 1914 on avait pu arriver à réunir aux armées au prix de quels efforts! 13.000 véhicules automobiles. Tant que l'opinion générale avait été que la guerre pouvait durer trois mois, un tel chiffre paraissait normal. A présent qu'on se savait en présence d'une lutte d'une durée absolument indétermi

Il est bien difficile de connaître tous les transports qui se sont effectués au cours de cette période mouvementée. Une telle énumération ne présenterait, au surplus, aucun intérêt. On assista à une véritable ruée en avant de tout ce qu'il y avait de possible comme véhi-nable, il fallait tout organiser. cules; et nul certainement n'a oublié la place de premier plan que prirent alors, auprès des protagonistes de la « Grande Bataille », les humbles taxi-autos parisiens, qui jetèrent, le 9 septembre, en quelques heures, toute la 62° division au secours de l'armée Maunoury.

En Lorraine, les groupes se portèrent en avant en même temps que les troupes qui se lançaient vers Saverne, et elles cantonnèrent en pays annexé jusqu'au delà d'Avricourt. De ce côté, après Morhange, le service automobile de la II° armée, reculant avec elle, prit part à la bataille du Grand-Couronné de Nancy, ap1portant les munitions jusqu'aux batteries elles-mêmes toute l'artillerie lourde qui se trouvait au nord-est du plateau de Saffais fut ravitaillée, en plein combat, par des sections de camions.

:

Entre le 26 août et le 5 septembre, le service automobile se replia, avec toute l'armée française. Mais un groupe, détaché de la IV° armée, pour être mis à la disposition du général Foch, transporta des troupes de

D'autant plus que ces 13.000 véhicules, eux-mêmes,

jours du mois d'août

-

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étaient loin d'avoir une valeur réelle! Dans les derniers cela a été dit il y avait eu utilisation à tort et à travers de tout le matériel automobile disponible. Si l'on a pu plaisanter, à ce moment-là, le spectacle bizarre qu'offrait la mobilisation des voitures à chevaux, il faut avouer que le défilé des automobiles, bien souvent, ne fut pas moins stupéfiant; et,

(1) Ce sont même ces transports de la « Course à la mer >> qui ont été le véritable point de départ des grands transports actuels. C'est alors, en effet, qu'on vit pour la première fois, enlever de grands éléments d'infanterie : une division française, un corps d'armée anglais, puis une série de corps d'armée français montant à la bataille. C'est à ces transports rapides par automobiles qu'est due, pour une grande part, la constitution en temps utile, des armées qui ont pu arrêter l'aile droite allemande après la prise d'Anvers, et qui ont permis d'établir notre front définitif, conservant ainsi la plus grande partie de la Flandre française, de l'Artois, de la Picardie.

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parmi les voitures de tourisme surtout, ne vit-on pas Affaires Extérieures
figurer des quantités de ces vieilles marques, de ces vé-
nérables « tacots » jadis mis au rancart, ressortis pour
la circonstance (1).

Ces lamentables épaves, faut-il le faire remarquer, ne provenaient pas de réquisitions régulières. Dans l'enthousiasme fiévreux de ces jours de danger, des exaltés les avaient enlevées, en échange d'un bout de papier, dans le but de remplir des « missions » extraordinairement importantes. L'intention était excellente, le résultat l'était moins! Pendant la retraite, comme pendant les jours de bataille qui suivirent, il avait été impossible de faire même un recensement quelconque de tous ces volontaires à plus forte raison la question de leur entretien et de leur ravitaillement en «< rechanges >>> était-elle insoluble. Et enfin, ce qui est pire, c'est que ce désordre ne faisait qu'accroître les difficultés pour les autres véhicules en situation régulière, et notamment pour 6.000 camions, environ, d'excellent modèle: nombre imposant qu'il fallait songer à augmenter rapide

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ment.

Alors, on se mit à l'œuvre.

L'Espagne et la guerre sous-marine

S'il est, parmi les neutres, une nation à qui l'Allemagne se dût de témoigner certains égards, c'est bien notre voisine l'Espagne. Dès le début de la guerre, le gouvernement espagnol ayant formellement proclamé sa volonté d'observer la plus scrupuleuse neutralité, l'opinion, dans son ensemble, ratifia une attitude, qui, loin de porter préjudice à nos ennemis, devait, à l'occasion, leur être avantageuse. C'est ainsi, par exemple, que beaucoup de leurs navires trouvèrent dans les ports de la péninsule un refuge des plus sûrs. Pareillement des milliers de leurs combattants, chassés du Cameroun ou d'ailleurs et accueillis à Fernando-Po, en Guinée et Espagne, ont pu échapper aux Anglais et vivre sur les ressources du Trésor espagnol, auquel ils coûtent près d'un million par mois. De même, un nombre considé rable de sujets des empires centraux ont reçu chez nos une hospitalité courtoise et généreuse. Enfin,

voisins

Il ne saurait être question ici de suivre pas à pas les l'Espagne s'est faite le défenseur presque exclusif des

efforts et les travaux du service automobile dans cette organisation générale, qu'il n'a pas cessé d'améliorer au cours de trois années de guerre: 1915, 1916, 1917. J'ai dit que le service automobile possède aujourd'hui plus véhicules, pilotés par plus de

de

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teurs une véritable armée! et qu'il est arrivé peu à peu à jouer, dans les combats actuels, un rôle primordial. C'est donc simplement sur son fonctionnement actuel que nous jetterons, d'ici, un coup d'œil indiscret et nous laisserons deviner au prix de quels travaux préparatoires ont pu être obtenus des résultats qui laissent bien loin ceux qu'ont obtenus les Allemands, dans le même temps et sur le même terrain.

Est-ce à dire que l'organisation des services automobiles soit arrivée à une formule définitive, à laquelle plus rien ne saurait être changé? Certainement non : c'est le propre de toutes les institutions, comme de tous les êtres vivants, de se transformer perpétuellement suivant des lois plus ou moins mystérieuses; et leurs changements mêmes sont le signe de leur vitalité. Mais il est probable que, s'il se produit quelques modifications de détail, les grandes lignes, du moins, subsisteront, l'armature, le squelette, la carcasse.

:

Et puis, en tous cas, et cela suffit, le service automobile paraît être arrivé à un « point intéressant » de son histoire Le début de l'année 1918, avec la grande attaque du printemps, nous le montre en effet pareil à un grand lutteur qui s'est entraîné pendant des jours et des jours avec une infatigable ténacité en possession de tous ses moyens.

(A suivre.)

PAUL BERNIER.

aux

(1) Longtemps encore après on put voir circuler un cocasse convoi de diligences algériennes, jadis traînées par des chevaux et devenues subitement automotrices: omnibus à fenêtres étroites, portant toujours, le long de banderoles couleurs éclatantes, les noms magiques de Boufarik ou de BouSaada, qui détonnaient étrangement sur le fond sale et triste 'des paysages du Nord! Evocation des pays de soleil, avec le « compartiment réservé », que les badauds d'Alger appellent le « harem », et qui nétait plus occupé maintenant que par quelques diables bleus aux faces broussailleuses!

droits et des intérêts allemands auprès des chancelleries européennes.

En dépit de toutes les raisons qu'elle avait de ménager un pays dont elle recevait de pareils services, l'Alle magne a impitoyablement déchaîné contre lui sa guerre sous-marine. Pourquoi ? Un « Allemand qui prétend aimer l'Espagne à l'égal de sa patrie et qui lui est attaché par des », s de famille et des intérêts considérables l'expliquait en ces termes à un rédacteur de la Epoca: « Aussi regrettables que soient les torpillages de vos navires, l'Allemagne continuera à vous infliger ces domma ges. A l'heure où le conflit prend le caractère d'un duel à mort, l'Espagne devra opter pour l'un des termes du dilemme ou elle sacrifiera ses désirs de gain, au besoin elle affrontera la ruine, ou bien elle se rési gnera à perdre une bonne partie de sa marine marchande. Un refroidissement de nos relations ne changerait rien à la conduite de l'empire. D'ailleurs nous ne croyons pas que le fait de couler une moitié de votre flotte, pour que le reste renonce aux aventures, provoque une rupture de notre amitié. Une portion notable des Espagnols est avec nous. Les autres devront comprendre que nécessité n'a pas de loi. »>

En fait, la campagne sous-marine a décimé cette flotte. A la suite du torpillage du Larrinaga, on comptait 79 navires coulés, jaugeant ensemble 170.000 tonnes, soit le quart environ de toute la marine marchande espagnole. La disparition de ces bateaux représente une perte de 250 millions. Enfin ces attentats, qui ont coûté la vie à plus de 100 marins, ont été commis, pour la plupart, dans des conditions particulièrement révoltantes, souvent sans avis préalable, hors de la zone de blocus, ou bien sur des navires chargés d'un simple service de cabotage, ou encore alors qu'ils naviguaient soit sur lest, soit réquisitionnés par l'Etat.

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Les effets de ces agressions ne se mesurent pas seulement aux deuils et aux pertes qu'elles ont infligés à l'Espagne, Dans un pays où l'activité des chantiers navals est fort réduite, une diminution de tonnage devenait d'autant plus désastreuse que le trafic maritime y suffisait à peine à assurer le ravitaillement national. Durement éprouvée par les répercussions inévitables de la guerre, l'Espagne se voyait plus que jamais contrainte d'aller chercher à l'étranger le charbon, le coton, les enL'abondance des matières nous oblige encore, aujour-grais, le blé, les lubrifiants, le pétrole, l'essence, etc., qui d'hui, à remettre à huitaine l'article de notre collabora- lui manquaient. La guerre sous-marine lui a causé les teur M. Marcel Provence, sur l'Association régionale du plus graves préjudices et l'a mise également dans la péLanguedoc méditerranéen. nible obligation de se défendre contre une organisation

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occulte, destinée à préparer sur son sol même le « travail des sous-marins.

Enfin, à côté des dommages matériels, un peuple jaloux de son honneur ne pouvait assister impassible à ces offenses incessantes au pavillon national, à ces défis injurieux portés à la dignité d'un Etat libre et souverain. Une grande partie de l'opinion en a ressenti une humiliation exaspérée. Les journaux libéraux et indépendants-beaucoup plus nombreux et plus chauds. pour notre cause qu'on ne l'imagine chez nous, feuilles conservatrices, comme la Epoca, organe de M. Dato, ministre des affaires étrangères, n'ont cessé de stigmatiser avec indignation des forfaits qui leur apparaissaient comme « la négation la plus cruelle et la plus catégorique du Droit et de la Justice ».

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des

Roberto, sur lequel voyageait le ministre d'Espagne
à Athènes, du Luisa et du Larrinaga, officiellement ré-
quisitionnés
quisitionnés par l'Etat.

Peut-être aussi faut-il y voir l'effet du malaise provoqué par le cynisme croissant de certains agents boches installés en Espagne, et dont le gouvernement espagnol supportait les manœuvres avec une patience qu'ont soulignée les Etats-Unis et l'Angleterre.

Enfin le Sol écrivait, il y a peu de jours : « Quelque chose se transforme dans l'opinion germanophile et austrophile de l'Espagne. A la suite des communiqués de Foch, nous assistons à une curieuse évolution des idées touchant les problèmes internationaux. On cherche à esquisser un geste qui répare des erreurs passéeset d'insignes maladresses récentes. >>

Ainsi se vérifierait le mot si juste: «La plus efficace des propagandes est celle des communiqués. »>

La guerre navale

Malheureusement, une autre partie de la presse, dévouée ou, pour mieux dire, acquise aux Allemands, absout ces crimes par son silence, quand elle ne les excuse point par ses sophismes. A l'en croire, les seuls coupables sont certains armateurs, dont la convoitise expose sans pitié leurs navires et leurs équipages, en les obli- Armée et Marine geant à traverser les zones dangereuses; ce sont les trafiquants assez peu scrupuleux pour pratiquer une contrebande éhontée, au profit des alliés et, par suite, au détriment des Centraux. « Devant ces attentats à la neutralité espagnole,écrivait dernièrement la Correspondencia Militar, de quel poids pèse le naufrage de quelques vapeurs de notre flotte, surpris en flagrant délit de violation de la loi? » Certains vont même plus loin. Cet hiver, une feuille intitulait le récit de quelques torpillages, dont les victimes comprenaient un navire espagnol « Les derniers succès des sous-marins allemands ».

Devant une opinion aussi divisée, qu'ont fait les gouvernements? On peut dire qu'ils n'ont pas fait grand'chose. Seul, le comte de Romanones, dont l'active sympathie à notre égard est notoire, essaya de réagir. A l'occasion du torpillage du San-Fulgencio (5 avril 1917) le gouvernement qu'il présidait décida d'adresser à 'Allemagne une déclaration plus catégorique que les précédentes. La note, rédigée sous son inspiration par M. Gimeno, alors ministre des affaires étrangères, allait jusqu'à prévoir la rupture des relations, dans le cas où se renouvelleraient des agressions de ce genre. Soumise aux délibérations du conseil, cette note fut remaniée et adoucie. Même ainsi, une partie du pays, stimulée par certaine presse et encouragée par des politiciens influents, redoubla de violence envers l'homme d'Etat libéral, qui dut se retirer.

Ses successeurs se bornèrent, chaque fois qu'un navire espagnol était coulé, à envoyer des notes, à quoi l'Allemagne ne daignait même pas répondre, ou à quoi elle répondait en termes malgracieux. Leur unique souci semblait être de sauvegarder, coûte que coûte, une neutralité qui se résignait à être méconnue par autrui, pourvu qu'elle s'affirmât soi-même. Il semble cependant qu'il y ait quelque chose de changé. Le gouvernement de M. Maura, auquel collaborent MM. de Romanones et Dato, se propose, dit-on, de protester avec une vigueur inédite. Une dépêche de Madrid annonçait dernièrement qu'à l'issue d'un conseil tenu au Palais, une note officieuse avait été communiquée. Elle disait notamment Quant à la politique extérieure de l'Espagne, le président du conseil a déclaré qu'elle ne subirait aucune modification. Le maintien de la neutralité est fondamental pour nous, mais il ne s'oppose certainement pas à une défense énergique des grands intérêts nationaux confiés à la direction du gouvernement. ›› Les raisons de cette attitude nouvelle sont assez complexes. L'une d'elles, et sans doute la principale, est l'indignation soulevée par les récents torpillages du

POLÉMON.

LE DESARROI DE L'OPINION ALLEMANDE

Nous n'apprendrons rien à personne en disant que le but de l'Allemagne était la domination économique réalisée par le succès complet, escompté, de ses armes. Elle s'était préparée pour atteindre ce but et peu s'en est fallu qu'elle y réussît. C'est sa confiance orgueilleuse et aveugle dans les seules méthodes brutales qui l'a fait échouer; le monde entier s'est révolté contre sa barbarie voulue et sa méconnaissance du droit des gens qu'elle a renié.

Chaque fois que le sort des armes lui a souri, l'Allemagne a éprouvé le besoin d'être sincère; alors, d'une façon ou d'autre, elle a avoué avoir voulu la guerre; sa population croissante et la progression incessante de son commerce et de ses industries l'« obligeaient » à des << acquisitions » territoriales devenues indispensables. Mais dans l'adversité, l'Allemagne rentre ses griffes, se pare d'un air innocent et candide, et déclare qu'elle fut contrainte de « défendre » l'intégrité de son territoire et sa liberté.

En juin dernier, alors que la courbe de l'offensive allemande était encore ascendante, l'empereur Guillaume II parla avec sincérité. Dans sa revue Die Zukunft, Maximilien Harden retraça alors le portrait de l'Allemagne actuelle et conclut : « Des amis ne pourraient dépeindre l'Allemagne autrement qu'elle n'est vue des peuples de l'Entente. » Et il ajoute : « Pour que rien ne manque au tableau, pour que le dossier d'accusations soit complet, nous venons d'avoir l'aveu du kaiser luimême... Chez nous on ne croit officiellement ni aux traités, ni aux concessions, ni aux promesses: on ne croit qu'à la force! »

Enregistrons cette déclaration; gardons-la constamment présente à notre esprit afin qu'elle soit notre guide pour la conduite de la guerre et pour les négociations futures de la paix.

Les espoirs de la nation allemande avaient été confiés aux pangermanistes, qui promirent de les réaliser par l'écrasement de l'Entente. Les pangermanistes viennent d'engager leur dernière carte, et la victoire allemande s'éloigne plus que jamais. L'artisan de la guerre sous-marine à outrance, le vice-amiral von Holtzendorff, promu récemment grand amiral, vient de prendre sa retraite (raisons de santé, invoque-t-on), dans des conditions d'un effet fâcheux pour le moral allemand, car il disparaît par suite de l'échec de sa politique sous-marine.

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