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Exploitons notre victoire

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La deuxième phase de la bataille d'Occident, inaugurée les 15-18 juillet dernier par l'arrêt et le refoulement de la nou velle offensive allemande, se poursuit dans son rythme puissant et ouvre des perspectives sans cesse élargies. A l'indicible joie que nous ressentons à voir l'ennemi reculer en désordre, évacuer notre territoire, abandonner des prisonniers par dizaines de mille et des centaines de canons, s'ajoute la satisfaction de l'intelligence. Après les angoisses de ces derniers mois, nous goûtons La beauté classique d'une manœuvre que nous comprenons, où une volonté lucide et attentive déclenche au moment qu'il faut, là où il convient, avec une compréhension nette des possibilités, les forces qu'elle S'est mén agées et où chaque succès remporté s'engrène dans un ensemble dont la résultante sera « un maximum de victoi re». Cela est poignant et juste et bien construit comme une tragédie du XVII° siècle. Foch et Pétain sont dans la tradition. Honneur à eux. Comme il lui est arrivé en toutes les péripéties de son histoire, peut-être un peu plus tardivement, la France retrouve les chefs qu'il lui faut pour commander ses soldats qui sont ce qu'ils ont toujours été.

Grâce à eux, grâce à l'unité de commandement et à l'effort unanime et également magnifique de tous nos alliés, nous allons remporter le « maximum de victoire » actuellement possible.

Ce maximum, quel sera-t-il?

Il y a quelque temps, nous eussions été bien modestes dans nos évaluations. Depuis l'extension prise par bataille de Picardie, se greffant sur celle de Champagne et du Tardenois, et élargie jusqu'à l'Oise, nous sommes obligés de lutter pour ne pas laisser nos poirs s'enfler démesurément.

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Tablors sur les vraisemblances moyennes. Il y a quelques chances pour que, en fin de compte, notre victoire

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inflige à l'ennemi des pertes en territoire, en matériel et en prisonniers à peu près équivalentes à celles qui nous furent infligées pendant les quatre premiers mois de son offensive. Sans nous refuser au fond de nous-mêmes à envisager des perspectives plus brillantes, sans nous dissimuler non plus que nous pouvons être amenés à nous contenter de gains inférieurs, on peut concevoir que la stabilisation des fronts s'opérerait dans quelques semaines sur des positions soigneusement aménagées dans lesquelles l'ennemi s'était installé depuis près de quatre ans. A ce moment il pourra être nécessaire de souffler et de se recueillir avant d'entreprendre le nouvel effort qui l'en délogera : l'échec cuisant des Allemands aura, en effet, largement prouvé que si la théorie de l'inviolabilité absolue d'un front solidement retranché doit être abandonnée, il n'en est pas moins certain que, pour être victorieuse, une offensive stratégique doit disposer de moyens écrasants sous peine de s'épuiser et de prêter le flanc à de dangereuses ripostes avant d'avoir produit la décision.

Nous devons donc, j'en suis convaincu, entrevoir sur notre front d'ici à quelques jours ou à quelques semaines la possibilité d'une pause, peut-être prolongée, vant d'avoir chassé l'ennemi de notre territoire. Et je crois déjà lire les commentaires par lesquels il s'efforcera de donner le change sur l'ampleur de notre victoire en étalant une «< carte de guerre » à peu près inchangée, et où peut-être même il lui demeurera un bénéfice topographi

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Sur le désarroi moral de l'Allemagne je n'insiste pas. Les faits ne tarderont pas à nous édifier. J'aime mieux ne pas évaluer, crainte de les grandir ou de les sous-estimer, les répercussions des événements actuels.

Ce dont je voudrais être assuré c'est que nous nous occupons d'en assurer l'exploitation sur l'ensemble des fronts.

Car, ne cessons de le redire, si le front d'Occident est plus que jamais le front principal, celui où se déterminera la victoire, on se bat sur tous les fronts et plus que jamais en ce moment il importe qu'aucun ne soit négligé. Au point où nous en sommes de la guerre, un coup comme celui que nous sommes en train de frapper ouvre d'immenses et nouvelles perspectives. A lire certaines déclarations récentes, on a une petite crainte que les regards ne s'hypnotisent entre Somme et Marne. Que la quantité de déceptions qui nous vinrent de fausses manœuvres passées ne nous détourne de pousser ailleurs nos initiatives politico-militaires avec la vigueur qui s'impose.

L'erreur serait lamentable. C'est sur tout le pourtour de l'Europe centrale assiégée qu'il convient, repoussée sa tentative de sortie torrentielle, de reprendre l'assaut. Sans doute c'est à l'ouest que s'accumulent nos forces militaires. Mais là aussi se massent les plus considérables de l'ennemi. Sur des théâtres secondaires n'est-il pas possible en ce moment d'entreprendre certains coups de main dont le retentissement peut influer directement sur la décision suprême?

La brillante victoire italienne a été remportée en partie par la vaillance des troupes du général Diaz, en partie grâce aux dissensions que l'agitation des nationalités a créées dans l'armée austro-hongroise. Elle doit avoir des lendemains féconds. On voit avec joie l'escadrille de d'Annunzio propager jusqu'à Vienne des appels qui n'ont jamais eu plus d'opportunité, dont demain les échos peuvent faire crouler des montagnes ou des empires. Sachons exploiter les événements sur le front de la Piave et de l'Adriatique. Tout est possible aujourd'hui en Autriche-Hongrie.

Sachons les exploiter dans les Balkans. Ferdinand est-il fou? ou simplement se fait-il porter malade parce que le séjour de sa capitale est trop malsain ? Les plus étranges rumeurs courent sur l'état de la Bulgarie. Nos amis Américains y sont encore représentés et peuvent nous renseigner. Sachons proportionner notre action aux possibilités qui se dessinent et qui sont totalement différentes aujourd'hui de ce qu'elles étaient

hier.

Entre Turcs et Bulgares les haines montent. Il n'y a plus de Russie pour réclamer Constantinople. Les appétits « pan-turcs » irritent à Berlin presque autant qu'à Sofia. De plus en plus la Sublime-Porte semble se désintéresser de la Palestine et de la Mésopotamie, dirige vers le Caucase et la Caspienne des entreprises complètement disproportionnés avec ses forces. Qui ne voit la variété des horizons qui s'ouvrent.

Qui ne sent l'effroyable embarras de l'Allemagne empêtrée dans le marais russe? Les bolcheviks lui offrent une alliance au moment où Helfferich vient annoncer à Berlin que décidément ils sont au bout de leur rouleau. Un jour viendra où la Russie libérée choisira elle-même sa constitution quand l'accès de fièvre qui la consume aura pris fin. Sachons pour le moment, sur toute la surface de l'immense empire disjoint où enfin nous nous décidons à affermir nos points d'appui, grouper toutes les bonnes volontés, organiser les foyers de résistance et d'action, faire comprendre à tout ce qui demeure doué de quelque lucidité ou en état de la recouvrer que c'est du côté des alliés qu'est non seulement l'honneur et la dignité, mais le pain et la paix.

Il y a eu des moments où les diplomates ont dit aux militaires : « Donnez-nous une victoire et nous vous ferons de bonne diplomatie ». Cette victoire, nos chefs et nos soldats nous la donnent splendide. A la politique de l'utiliser. Si nous savons nous y prendre, les résultats tangibles dès maintenant de la seconde bataille de la Marne et de la bataille de Picardie ne sont rien à côté de ceux qui peuvent s'en dégager. Un peu de bonne stratégie cohérente mi-militaire et mi-politique peut avancer de bien des mois l'heure de la paix victorieuse. A l'œuvre, messieurs les diplomates. Vous avez de belles cartes à jouer et beaucoup de gaffes à réparer. Allez-y! Il y a eu des moments où certaines avances auraient pu paraître de votre part des actes de faiblesse. Aujourd'hui elles ont le caractère d'un suprême avertissement à la fois menaçant et amical. Il est encore temps pour le moment de courir au secours de la victoire. Faisons-le savoir à Vienne, à Sofia et à Constantinople. Et faisons-y comprendre que demain ce sera trop tard.

ANDRÉ LICHTENBERGER.

CE QU'ON DIT...

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LICE

dire que son bataillon a juré d'aller partout où il irait; et Dieu sait où il va! A la Malmaison, même, il fut bien près d'aller trop loin... Il s'en tira en enlevant la position! Avec son bataillon, il a pris part aux attaques de Soissons. Part glorieuse. Et c'est le repos... Non; car on a besoin d'eux. Très bien. Rassemblement... Puis « Bataillon, en avant... marche! » et il vient d'entrer dans Montdidier avec les premiers Britanniques! Là, il a chargé à la tête de ses chasseurs, ayant mis comme cux baïonnette au canon!

La mort de cet infortuné M. de Royaumont met en deuil tous les balzaciens. Grâce au ciel, la maison de la rue Raynouard est sauvée, mais trouvera-t-on un conservateur aussi passionné pour son dieu que celui qui vient de s'éteindre ? Des anecdotes sur Balzac, il en avait plein ses poches, si l'on peut dire, et il en racontait à tout venant.

Balzac auteur dramatique, surtout le passionnait. Il narrait avec verve les échecs multipliés de l'auteur de la Comédie humaine et ses efforts persistants pour triompher sur la scène. Balzac avait, entre autres, une manie, la suppression des intermédiaires. De même qu'il avait été successivement imprimeur, prote, éditeur, il aurait voulu diriger le théâtre qui le jouait et il s'était fait buraliste ! Lorsqu'on donnait Les Ressources de Quinola, il s'asseyait lui-même derrière le grillage du bureau de location, et, à chaque arrivant, il répétait:

Trop tard! La loge est vendue à la princesse de Modène, ou au comte de Bourbon, ou à la duchesse de Maufrigneuse!

Et tout bas à la buraliste ahurie :

- Comprenez-vous, disait-il, en refusant des places, je fais monter les cours.

Il les fit si bien monter que personne ne se dérangeait plus pour louer dans ce théâtre étrange où était occupé jusqu'au plus petit strapontin, et qu'au bout de deux jours, la salle était vide ! Mais les cours avaient monté...

Dédié à M. Boret, grand maître de nos repas de nos menus et de nos desserts !

Nous avons retrouvé dans le Chansonnier du Gastronome de 1831 ce couplet de Victor Hugo qui ne figure pas dans ses œuvres complètes et qui nous paraît tout à fait de saison :

CE QUE J'AIME
Couplet fait à un dessert

Air Souvent la nuit, quand je sommeille...

D'attraits ravissants pourvue,
Seule elle réunit tout;
Ses appâts charment la vue,

Et chacun vante son goût.
Sa peau veloutée et fraîche.
Joint toujours la rose au lis.
Ce pourrait être Philis....

Si ce n'était une pêche.

On se plaint toujours de la censure, et parfois avec raison, car elle est bien souvent incohérente. Mais saiton que, sous la Révolution, la « commission de l'instruction publique, instituée par décret du 12 germinal an II, et chargée de la surveillance des spectacles et fêtes nationales », laquelle n'était qu'une censure camouflée, n'aboutissait pas à des résultats moins surprenants? Dans l'espace de trois mois, cent quarante-trois pièces furent censurées (et l'on se plaint de la pléthore aujourd'hui !) et trente-trois complètement rejetées. Presque toutes les comédies de Molière furent jugées

<< mauvaises ». On interdit Nanine, le Glorieux, les Jeux de l'Amour et du Hasard, le Dissipaieur, le Joueur, l'Avocat Patelin. En revanche, on autorise Encore un curé, Plus de bátards en France, la Papesse Jeanne, les Crimes de la Noblesse, Mort au Pape ! etc... Les théâtres vont eux-mêmes au devant des mutilations : ils annoncent qu'ils ont supprimé dans le Misanthrope «tous les passages suspects » et qu'ils ont mis Amphitryon « au goût du moment. »

Aujourd'hui, nous sommes tout de même plus rétifs...

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A propos de notre récent écho sur la Croix-Rouge américaine au pavillon de Bellevue, un de nos anciens et fidèles abonnés nous fait remarquer, avec raison, que c'est déjà dès le début de la guerre que « Terpsichore s'y effaça devant Esculape ». L'hôpital auxiliaire 207, de l'Association des Dames françaises y soigna plus de douze cents malades et y dépensa plus de 300.000 francs. La Croix-Rouge américaine « dont les moyens matériels sont supérieurs à ceux de nos Associations » tirera un meilleur parti de ce vaste immeuble.« Mais il serait injuste de passer sous silence ce qu'a fait sa devancière l'Assocation des Dames françaises. >>

Nous ajouterons : et de l'en remercier.

Le théâtre Kaki.

Chez nos Alliés.

Il y a actuellement à Paris un curieux théâtre, où le kaki de l'uniforme anglais est la couleur dominante. Le rideau lui-même a cette teinte. Dans la salle il n'y a pas dix civils, hommes ou femmes tous les fauteuils sont occupés par des soldats britanniques. C'est d'un effet singulier. Sur la scène, des acteurs anglais jouent des pièces anglaises. A l'entr'acte, dans le bar installé au sous-sol, un petit orchestre joue des airs anglais que les assistants chantent en chœur. Un Français égaré dans cet étrange lieu peut se croire transporté à Londres. Il faut recommander la fréquentation assidue de ce théâtre aux néophytes, qui grâce aux manchettes du Matin, se sont pris d'une belle passion pour la langue anglaise. En dix minutes, comme on s'y bouscule fort, ils apprendront du moins les cent façons différentes de prononcer « I beg your pardon! » en marchant sur les pieds de son voisin...

Le théâtre Kaki n'a rien de commun avec le théâtre rosse. Miss Lena Ashwell qui s'est imposé la tâche de distraire les soldats anglais en permission, a-t-elle pris soin de composer le répertoire de sa troupe parisienne avec les succès les plus éclatants des théâtres londonens? Voici, en tout cas, de petites comédies sans méchanceté, ingénument romanesques, d'une gaieté enfantine; on s'épouse à la fin et le jeune premier, un cordial garçon qui joue beaucoup les mains dans les poches, ne craint pas d'emmener sa fiancée vers les forêts du Colorado.

Mais, même en faisant la part de la convention théâtrale, ces pièces ont, pour nous Français, un attrait tout particulier parce qu'elles nous présentent d'aimables tableaux de la vie anglaise, si séduisante et que nous connaissons si mal. Nous y prenons sur le fait l'intimité du home, dans ses détails les plus familiers. Voici une cuisine de maison bourgeoise, où les «maids>> prennent le thé (Wanted a husband); voici un petit salon où le mari, après dîner, engage une partie d'échecs avec la lectrice de sa nonchalante épouse tandis que celle-ci feuillette des magazines illustrés (The Molluse)... Les acteurs ne font pour ainsi dire aucun geste les hommes jouent avec leur pensée et leurs silences, les femmes avec leur frais sourire leurs

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yeux changeants... Et si le personnage principal d'une | La Guerre de ces comédies (Wanted a Husband) s'appelle par hasard le capitaine Corcoran, ce nom, prononcé à l'anglaise, ne vous rappellera que de très loin celui du charmant héros de votre douzième année...

La mort d'Ilia Iéfimovitch Répine.

Ailleurs.

A soixante-quatorze ans, le grand peintre russe, alors qu'il cheminait errant de Pétrograd vers la Finlande, vient de mourir de faim sur le bord de la route, à Hukhawa. Il était, comme notre Roll, à qui on l'a comparé quelquefois pour son goût du plein air et l'emportement de sa couleur, amoureux de toute la vie. Il avait peint les portraits des seigneurs et des poètes; il avait peint les drames de l'histoire : Ivan le Terrible devant le cadavre de son fils tué par lui, la Sœur de Pierre le Grand au couvent des Vierges pendant le massacre des Strélitz; il avait peint les humbles de la rue, et ce célèbre tableau des Haleurs de la Volga, où toute la misère des moujicks est chantée. Très Russe par ses attaches et ses habitudes, encore qu'il parlât excellemment le français, Répine, peintre social, aimait avec ardeur le peuple, et la populace l'a tué.

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On ne sait quelle fatalité moderne semble tenir les écrivains et les artistes de cette Russie vacillante. Peints par Répine, on voyait jadis à la galerie Trétiakov de Moscou les portraits de Tolstoi et de Moussorgsky l'un, devenu grand comme l'empire, errant volontaire, s'évanouira un jour dans une petite gare perdue; l'autre mourra à quarante-deux ans dans l'écroulement de son génie, affolé d'alcool. Pouchkine, frappé en duel à trente-sept ans, traîne une lamentable agonie. Dostoievsky, épileptique et forçat, finit dans une gloire d'impériales funérailles, après avoir épuisé toutes les souffrances humaines.: Vereschaguine, lui qui a peint l'apothéose de la guerre, apparue dans une pyramide de crânes, saute sur le vaisseau-amiral, torpillé par les Japonais.

Et, pendant que Répine meurt de faim, la Révolution arrête Maxime Gorki, et elle enferme dans ses Bastilles celui-là même qui lui avait fait signe de venir.

Ce qu'on lit...

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L'Argot de la Guerre, d'après une enquête auprès des officiers et soldats, par ALBERT DAUZAT. (1)

On a beaucoup parlé de l'« argot des poilus »>, mais aucun ouvrage reposant sur le témoignage authentique des intéressés n'avait encore vu le jour. M. Albert Dauzat, qui s'est spécialisé dans l'étude de la vie du langage et de la langue française d'aujourd'hui, a voulu combler cette lacune : l'Argot de la Guerre, nous donne les résultats d'une enquête faite directement, pour la première fois, auprès des officiers et soldats.

Cet ouvrage, écrit d'un style alerte, et illustré d'anecdotes, fait jouer devant nos yeux les ressorts cachés de ce langage pittoresque et changeant qui n'a pas de frontières précises adaptation aux conditions de la guerre du parler populaire, surtout parisien, mélangé d'apports provinciaux, coloniaux, voire étrangers. Les circonstances qui ont présidé à la création des néologismes, les voyages et les avatars des mots, la psychologie du soldat d'après son langage, autant de phénomènes intéressants qui nous font mieux pénétrer l'héroïsme et les souffrances de nos défenseurs.

(1) A. Colin, éditeur.

La situation militaire

LA VICTOIRE DE MONTDIDIER

Une nouvelle preuve de la vitalité des armées alliées vient d'être donnée. Alors qu'on pouvait se demander si nous n'allions pas avoir à supporter un retour offensif des Allemands désireux de venger la défaite qu'ils avaient subie au sud de l'Aisne, ce sont au contraire les troupes de l'Entente qui, conservant l'initiative, ont, sur un autre théâtre, remporté une victoire comparable en tous points, par son importance et ses résultats, à celle du 18 juillet et des jours suivants.

C'est le 8 août au matin que la première armée française, agissant en liaison sur sa gauche avec la quatrième armée britannique, sous le commandement suprê me du maréchal sir Douglais Haig, a attaqué les Allemands par surprise au sud de la grande route d'Amiens à Roye. Les Anglais, de leur côté, opéraient au nord de cette route et jusqu'au delà de la Somme à la hauteur

de Dernancourt.

L'attaque française, effectuée d'abord sur 4 kilomè tres seulement, après une préparation d'artillerie de 45 minutes, s'est bientôt élargie sur la droite en glissant le long de l'Avre. Nous avions pris d'ailleurs la précaution de nous assurer, par une série de coups de main préalables, la possession d'excellentes positions de départ dans ce secteur. Comme s'il redoutait une entreprise de notre part, l'ennemi avait lui-même procédé à un retrait de ses lignes le long de l'Avre. Pourtant notre offensive l'a pleinement déconcerté. Elle s'est produite contre des troupes en secteur dépourvues de réserves immédiates. Dans le flot des prisonniers capturés dès le premier jour, il y avait des soldats en train de faire la moisson !

Dans l'exécution, le général Debeney, commandant notre première armée, s'est montré un manœuvrier remarquable. Son attaque a procédé par mouvements successifs de direction convergente, qui ont fait tomber par menace d'encerclement, des portions entières de positions allemandes sans qu'il fût besoin de les aborder de front. C'est ainsi que le premier assaut mené au sud de la grand'route d'Amiens s'est immédiatement combiné avec un autre partant de Braches, vers le nordest. Tout le saillant qui avait son sommet vers Hailles a été réduit du même coup. Devant Montdidier, la méthode a été analogue. La ville, qui était défendue par des organisations formidables, n'a pas été attaquée directement, mais débordée à la fois par le nord et par le sud.

Dès le soir du premier jour, notre progression dépas sait 8 kilomètres en profondeur, et nous avions fait plus de 2.500 prisonniers. Le 9 août, notre front s'alignait à peu près à l'est d'Hangest-en-Santerre, le long de la voie ferrée. Le 10, l'entrée en jeu de l'aile droite de l'armée Debeney enveloppait Montdidier et nous livrait la ville que nous dépassions aussitôt d'une dizaine de kilomètres vers l'est. Le bilan de nos prisonniers était alors de 8.000 et celui des canons dépassait de beaucoup 200.

Dans le même temps, l'armée britannique, commandée par le général Rawlinson, poussait en avant, jusqu'aux environs de Rosières et de Bray-sur-Somme Une, quinzaine de mille de prisonniers tombait entre ses mains, ainsi qu'un énorme butin.

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Le 10 août, a eu lieu un nouvel acte de la manoeuvre. La 3 armée française celle du général Humbertest venue participer à l'action sur un assez large front d'une vingtaine de kilomètres, entre Courcelles-Epayol

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