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Mémoires & Documents

Le culte de la Kartoffel

LA POMME DE TERRE D'EMPIRE

Je suis la pomme de terre d'Empire,

Longtemps le peuple français a cru qu'il suffirait d'arrêter l'introduction du blé chez les Allemands pour empêcher la guerre de traîner en longueur. Faute de pain, disait-on, l'Allemagne sera contrainte de demander grâce. De là naquit cette idée d'affamer l'ennemi en lui supprimant le blé. De là vint aussi, plus tard, quelque désolation, quand des territoires russes et roumains, riches en céréales, tombèrent aux mains de ceux que le blocus devait ruiner rapidement. Et je connais des gens qui pensent encore que les blés retrouvés par l'Allemagne lui permettront de tenir quelques mois de plus. Mais le problème est ailleurs. Evidemment, la Russie et la Roumanie sont une aubaine pour la Prusse, nul ne songe à le nier. Pourtant, il ne faut rien exagérer, et surtout il convient de regarder froidement la vérité. Et la vérité est que le manque de pain où le rationnement du pain n'a pas tant fait souffrir le peuple allemand que certains journaux ont bien voulu l'affirmer. Ceux qui avaient voyagé outre-Rhin avant la guerre le savaient déjà, et j'ai pu m'en assurer par moi-même pendant ma captivité dans la Forêt-Noire en 1916: l'Allemand n'est pas un mangeur de pain. On a souvent cité ce trait à quoi l'on reconnaissait à coup certain un Francais hors de chez lui, dans un hôtel ou sur un paquebot : c'est qu'il consommait une quantité prodigieuse de Lpain. Le pain est notre nourriture nationale. Nous gémirions d'en être privés ou de n'en pas avoir à notre guise. Il n'en va pas de même de l'Allemand. Son aliment essentiel est la pomme de terre, la Kartoffel.

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Nous aussi, Français, nous aimons la pomme de termais d'une autre façon. Il nous fatiguerait d'en manger tous les jours et à tous les repas. Elle est pour nous un légume quelconque, au même titre que le petit pois on la tomate. Elle va même quelquefois jusqu'à devenir un légume de luxe, et souvent rien ne nous semble supérieur au bifteck-frites des familles. Pour l'Allemand, au contraire, la pomme de terre est un légume substantiel que l'on ne traite pas en fantaisie. L'Allemand la mange ordinairement au naturel, en robe de chambre, Pellkartoffel), et il la mange avec tout, tant avec un canard au jus qu'avec des œufs sur le plat ou de la sauasse fumée. Sur le plus grand nombre des tables boches, les pommes de terre « en peau » apparaissent au début du service pour ne disparaître qu'à la fin du repas. Ainsi le Poméranien ou le Badois mange plus de pommes de terres que de pain. Je le répète, cette coutume ne date pas de la guerre. Tout au plus a-t-elle été systématiquement préconisée par les autorités civiles et militaires afin de parer quand même au manque possible de pain, dont je ne dis pas que l'Allemand fasse fi. Chez nous, le gouvernement pousse le paysan à cultiver du blé, du blé et du blé. Là-bas, c'est la culture à outrance de la pomme de terre qui est encouragée. Je me rappelle la consternation grande des soldats qui nous gardaient et les lamentations des gazettes, en 1916, parce que la gelée avait réduit des deux tiers la récolte tant attendue des « kartoffeln ». Jusque-là nous avions

des pommes de terre à discrétion, ou à peu près. Mais

nous rationna, on ne nous délivra plus que cinq ommes de terre par jour et par tête, et quelles pommes de terre ! Alors j'ai compris le rôle de la pomme de terre du pain dans la guerre actuelle.

Un matin, j'ai lu dans la Frankfurter Zeitung, sous signature de Kory Towski, les vers que voici :

Le sauveur du peuple allemand,

Et, si l'épée allemande est victorieuse
Et si le Français ne conquiert pas le Rhin,
Je suis la pomme de terre d'Empire,
J'y suis pour ma part.

Je suis le noble tubercule
Qui agit en secret.

Qu'on soit empereur ou palefrenier

J'ai droit sur la table à une place d'honneur,
Je suis le noble tubercule

Qui garantit la force de l'Allemagne.

Et que revienne la paix

Avec ses dindes, ses saumons et ses gibiers,
Je le sais, quand vous mangeres du caviar,
Vous oublieres vite les pommes de terre en robe ;
Oui, que revienne la paix,

Mon image modeste s'effacera.

Pourtant, dans l'histoire du monde

Je soutiens mon rang.

Et si l'Empire ne sombre pas,

Si au contraire il se dresse triplement magnifique Alors l'histoire du monde me payera

A moi aussi, un jour, le tribut de sa reconnaissance.

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Ces vers apportent une preuve. Les expressions qu'on y relève attestent ce caractère d'importance de la kartoffel allemande. L'auteur l'appelle die Reichskartoffel, la pomme de terre d'empire, comme on dit une terre d'empire ou une loi d'empire. Elle est nettement sacrée comme le salut (Heil) de l'Allemagne, à quoi la reconnaissance nationale doit aller après la victoire, s'il y a victoire, bien entendu. Mais ce petit poème, de style d'ailleurs très médiocre, n'est que peu de chose auprès de cet autre, que j'ai trouvé la même année dans le même journal (1). Celui-ci est signé Emile Claar, et il est écrit en vers libres. Il est encore plus surprenant que le premier.

A LA POMME DE TERRE

Infatigablement jaillie du sombre flux de la terre,
Perle de la maison bourgeoise allemande,
Aprement conjurée, vivement évoquée,
Apaisante nounou d'un festin modéré,
O pomme de terre !

Pour toi, aujourd'hui, dans un amour pressant,
On discute,on combat, on crie et l'on écrit.
Des millions de langues indigentes,
Te célèbrent par des cantiques sacrés,
Comme jamais fruit ne fut célébré,
Comme rarement le fut un être vivant,
Et dans la fuite des événements

Tu demeures pour la sauvegarde du peuple élu,
O pomme de terre !

Ni les figues, ni les bananes, ni les tendres olives,
Ni les merveilles du sud qui distillent des douceurs,
Rien n'a fait résonner du bruit de sa gloire
Le monde attentif avec autant d'éclat
Que toi, o pomme de terre !

Ni les huîtres, ni les truites, ni les truffes aromatiques,
Ni les entrecôtes des buffles succulents,
Rien n'a jamais ému,

O désir ardent des grands et des petits
Comme tu émeus dans la nécessité qui ronge,
Toi, sœur consolatrice du pain sec,
O chère pomme de terre !

(1) Frankfurter Zeitung, 28 octobre 1916.

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Prodigieux sujet de remarques! Ne nous attardons pas sur la boursuflure héroïque et les prétentions lyridu style nous avons d'autres soucis. Notons en ques passant, pour notre connaissance de la psychologie des Barbares, les regrets si émouvants d'un « estomac affamé >> qui rêve de figues, de bananes, de tendres olives, d'huitres, de truites, de truffes et d'entrecôtes de buffle, alors que Kory Towski de son côté regrettait les dindes, les saumons et le caviar du bon temps de paix. Prenons acte aussi de cet aveu d'un « temps rigoureux » et d'une «nécessité qui ronge ». La faim allemande n'est pas un mythe. La voici bassement proclamée en phrases cadencées. J'ai traduit ces vers littéralement, serrant le texte au plus près et sans outrer le sens ou la force des mots. Rien de plus grave que le ton de ce chant qui veut avoir par endroits des allures quasi religieuses. Qu'on ne s'y trompe pas. Moi-même, d'abord, j'ai cru à une plaisanterie d'un poète à la Franc-Nohain ou à la Raoul Ponchon. Il n'en est rien. Le poème d'Emil Claar est un hymne. La plaisanterie est inconnue des poètes allemands, et aujourd'hui plus que jamais. C'est sans la moindre ironie que la pomme de terre est «< la sœur consolatrice du pain sec », et « le trésor de la glèbe féconde », et « l'aide de l'estomac affamé », et « la perle de la maison bourgeoise allemande », et « le banquet sacré de la satisfaction », et « la sauvegarde du peuple élu »>.

Nous ne lisons pas assez les journaux allemands. Les nôtres sont plus recherchés là-bas que les leurs ne le sont ici. Et cependant, à quelle meilleure source puiser pour trouver l'âme d'un peuple? Je sais bien que, dans toutes nos feuilles, on rencontre des extraits de la presse allemande. Mais par qui sont faits ces extraits et comment? On nous livre le plus souvent des entrefilets sans importance, tandis que nous échappent des articles d'apparence anodine et qui ont leur intérêt. Mais ces réflexions nous entraîneraient trop loin...

CHARLES MOULIÉ.

Les Faits de la Guerre

LEI AOUT.

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Région sud-ouest de Reims, attaque allemande sans succès sur la montagne de Bligny; au nord de l'Ourcq, des troupes franco-britanniques rejettent l'ennemi entre le Plessier-Huleu et la rivière; est enlevée la hauteur au nord de Grand-Rozoy, avec une avance de 3 kilomètres, au delà de Beugies, atteignant Cramoiselle et Cramaille, faisant 600 prisonniers; plus au sud, les Américains s'emparent de Cierges et avancent plus loin en repoussant les contre-attaques; au nord de la route de Dormans à Reims, prise de Romigny. Les allliés occupent militairement la ville d'Arkhangel.

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LE 2 AOUT.

Les Allemands abandonnant leurs positions de résistance entre Fère-en-Tardenois et Ville-en-Tardenois, précipitent la retraite à gauche, Soissons est pris, au sud, la Crise franchie sur tout son parcours; au centre, au delà de l'Ourcq, on dépasse Arcy-Sainte-Réstitue, et on pénètre dans les bois de Dole, plus à l'est, les Américains conquièrent la cote 230, Coulonges et les bois au sud ; à droite, prise de Gousseaucourt, Villers-Agron, Ville-en-Tardenois et les lignes

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Établissements Antoine Chiris

Compagnie des produits aromatiques, chimiques et médicinaux Société anonyme au capital de 20 millions de francs. Placement de 30.000 obligations 6 o/o de 500 francs Nets de tous impôts présents et futurs.

Ces obligations rapportent un intérêt annuel de 30 francs net de tous impôts présents et futurs. L'intérêt est payable par semestre, les 31 janvier et 31 juillet de chaque année.

Elles sont remboursables au pair en vingt-cinq années à partir de 1923. Le remboursement s'effectuera par tirages au sort annuels de 1.200 titres, la Compagnie se réservant le droit d'anticiper le remboursement en totalité ou en partie, mais seulement à dater du 31 juillet 1923, et avec un préavis de six mois.

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