L'Algérie L'Algérie nomme - du moins va nommer trois députés par département. Au total, neuf représentants. Elle a donné au régime deux grands ministres. C'est moins une colonie qu'un prolongement de la France, par delà la Méditerranée. Il convient donc de s'y arrêter un instant, avant de clore définitivement et à regret — cette promenade dans les provinces de France. L'Algérie est peuplée de colons, dont beaucoup sont aujourd'hui des Algériens de seconde et même de troisième génération. A cet élément des colons, s'ajouta, dans le corps électoral, des naturalisés, plus nombreux d'ailleurs dans les départements de Constantine et d'Oran que dans le département d'Alger: beaucoup de naturalisés d'Oran, d'origine espagnole, constituent un élément important de la population. Enfin, il y a les juifs. Les communautés juives d'Algérie ont une importance considérable: on sait qu'un décret du gouvernement de la défense nationale, pris par Crémieux, leur a donné les droits politiques. La question juive a été une des plus délicates et des plus difficiles de l'Algérie : le mouvement antisémite a mis à feu et à sang l'Afrique du Nord pendant de nombreuses années et l'antisémitisme fut longtemps un des éléments essentiels du parti radical algérien et des éléments d'extrême gauche. Pourquoi? grief fondé en partie d'usure ? tout au moins reprochait-on aux juifs, banquiers et prêteurs hypothécaires, d'être pour les indigènes et même pour les colons des créanciers trop rigoureux. Agitation nationaliste répondant à un mouvement né dans la métropole et développé là-bas avec cette exagération ultra-méridionale des pays chauds. Aliment facile pour la violence naturelle de la population d'Alger et d'Oran, qui imposa longtemps dans les chefs-lieux des municipalités antisémites. La grande vague antisémite, qui balaya l'Algérie de 1898 à 1902, lors de l'élection Drumont, et qui renouvela presque totalement ses représentants, est apaisée en partie : toutefois, la question se pose encore, nous dirons comment, surtout dans l'arrondissement d'Oran. Non seulement il y a une question juive en Algérie, il y a aussi une question indigène. Elle est double. Non seulement les indigènes, même ceux qui ont accompli le service militaire français, ne sont pas électeurs, mais les droits civils de l'indigène sont prévus dans le cadre d'une institution qui est l'indigénat, et qui concilie le statut civil et pénal avec le respect de la religion musulmane. Les indigènes sont loin d'être unanimes à revendiquer le droit politique. Mais on comprend que l'indigénat, même atténué, même en évolution constante vers l'assimilation de plus en plus complète, est le point vers lequel s'est cristallisée toute l'opposition révolutionnaire. Nul n'ignore que l'Algérie, qui, à l'époque de l'antisémitisme militant, a connu les troubles sanglants de Margueritte, a été menacée d'une convulsion assez brutale par les menées communistes, s'efforçant, selon une tactique constante, de déchaîner contre l'administration française, le nationalisme musulman. La réussite si jalousée - de notre œuvre colonisatrice en Afrique du Nord n'a pas été, là non plus, en défaut. Le mouvement révolutionnaire est au moins provisoirement enrayé, qui menaçait d'em braser non seulement l'Algérie, mais la Tunisie et le Maroc (et l'insurrection d'Abd-el-Krim n'en fut qu'un épisode). Je ne veux pas analyser les causes profondes du mouvement ni en rechercher les responsabilités : je veux simplement, spectateur de la tradition politique, constater que le front unique réalisé contre la menace communiste, a beaucoup contribué à la pacification politique de l'Algérie. L'Algérie ne fait pas de politique au sens propre du mot : Elle est profondément loyaliste. Ses premiers colons furent fidèles à la monarchie de Juillet. La génération qui suivit ne méconnut pas la sollicitude constante que Napoléon III ne cessa de témoigner à l'empire africain. Mais il est indéniable que ce vieux sentiment démocratique et républicain existait, dès l'Empire, en Algérie. Pourquoi ? Parce que la plupart des colons, hardis pionniers, étaient plutôt les serviteurs d'un idéal démocratique que des conservateurs un peu routiniers. Parce que les déportés plus tard amnistiés constituèrent un foyer de républicanisme extrémiste dont le rayonnement fut puissant. Parce que les juifs venus en masse à la vie électorale, au lendemain de 70, apportèrent dans la consultation politique l'appoint d'un élément de gauche. Toujours est-il que l'Algérie fut, dès le début, républicaine, et fermement attachée au régime. La lutte y fut, je l'ai rappelé, contre deux grands partis, classés, conformément aux étiquettes de la métropole, sous les vocables opportuniste et radical, mais qui représenteraient plutôt, à considérer les choses en soi, le parti de la résistance conservatrice et le parti du mouvement. Les gouverneurs généraux s'appuyèrent tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre de ces forces, et l'on sait que le parti radical, qui avait remporté contre le personnel opportuniste, des succès partiels à Constantine et à Alger, se classa finalement dans l'opposition, lors du grand mouvement antisémite. A part cette grande division très atténuée d'ailleurs - et la naissance relativement récente d'un parti socialiste, assez gêné entre le radicalisme conservateur et le communisme, l'Algérie ne fait guère de poli❘tique. Les problèmes qui la préoccupent sont plutôt d'ordre économique, et elle jouit, pour consulter et décider sur ces questions, d'une institution spécifiquement algérienne, qui est celle des délégations financières, sorte de Parlement local, où tous les éléments de la population, cette fois, sont représentés par classe, et dont les débats sont toujours féconds et de haute tenue. L'Algérie est extrêmement nationale. Le nationalisme est dans la tradition du parti radical algérien, et les grands lieutenants de l'opportunisme, d'autre part, Etienne et Thomson, ayant été des familiers de Gambetta, avaient donné dès le début à la formule républicaine une note patriotique très nette. Elle n'est point davantage anticléricale. Evidemment, ses représentants étant de la majorité de gauche acceptaient la discipline générale de leurs partis respectifs, mais ils ne sauraient faire œuvre d'anticléricalisme sans heurter le sentiment algérien et une population renouvelée largement par des naturalisations italiennes et espagnoles, ces derniers surtout, dans l'arrondissement d'Oran, d'un catholicisme très ardent et très romantique : la plupart des députés de l'Algérie, à quelque parti qu'ils appartiennent, ont voté le rétablissement et le maintien des rapports avec le Vatican, et sont pour l'apaisement religieux. Aussi bien, la pacification politique était accomplie et la présence sur la même liste, à Constantine, de M. Thomson et de M. Morinaud, en fut l'expression la plus sympathique - l'Algérie semble ne plus vouloir connaître que la défense des intérêts algériens, et ses représentants s'attachent de plus en plus à une politique concertée d'équilibre, qui permet aux intérêts de l'Algérie de n'être sacrifiés ni négligés par aucune majorité. Un point plus délicat peut-être, c'est la rivalité certaine qui existe entre les trois départements et les luttes d'influence personnelles dont le secret donne la clef de bien des mouvements politiques. Parmi ces trois départements, celui d'Oran est certainement celui où la politique est la plus active. Constantine vit sous l'arbitrage de fortes personnalités représentatives désormais d'accord, et à Alger - sauf à Algerville, toujours remuant et frondeur il n'y a guère que des rivalités personnelles. Mais à Oran, les questions antisémite et nationaliste, conjuguées, renaissent fréquemment. La municipalité d'Oran, élue par une majorité très impressionnée par l'élément d'origine espagnole - d'ailleurs très loyaliste, et dont la conduite militaire fut admirable est antisémite, et la première circonscription d'Oran sera âprement disputée, et sans doute conquise par un représentant de cette tendance. Par ailleurs, dans la région de Tlemcen et de Sidi-Bel-Abbès, l'influence des communautés juives ne s'affirme pas sans résistance. Le sénateur d'Oran, trop engagé contre la municipalité, n'a-t-il pas été battu voici un an? La situation politique actuelle est donc telle que la bataille peut être ardente dans le département d'Oran, que toutes les difficultés, au contraire, paraissent résolues dans l'arrondissement peuplé de Constantine, et qu'il faut s'attendre à Alger à des rivalités de personnes et à des luttes d'influence. TRYGÉE. crédits propre à l'Etat et susceptible de contrarier cel la Reichsbank. Il avait, par exemple, appelé l'attention l'augmentation du budget militaire. Il avait, égaler insisté sur la nécessité d'un règlement définitif des rap financiers entre le Reich, les Etats et les communes. Tout en confirmant ses critiques sur ce dernier p M. Parker Gilbert s'émeut surtout de deux mesures velles : le relèvement des traitements alloués aux fonch naires, et le projet de loi scolaire. Comme le budget Reich est en déficit de 850 millions de reichsmarks, et ce déficit a été couvert par l'emprunt au cours des derniers exercices, toute dépense nouvelle apparaît com dangereuse. « Le Reich, dit le mémoire, en ne restreig pas ses dépenses comme il convient, compromet la stab de son budget, dont l'établissement et le maintien co tuaient la pierre angulaire du plan des experts pou reconstitution de l'Allemagne... Le montant de ses pre dépenses augmentant constamment, il est naturellement ficile d'amener les Etats et les communes à mettre le budgets en bon ordre... Il en résulte une absence géné de contrôle effectif des dépenses et des emprunts publics. Ces inquiétudes sont confirmées par le commissaire chemins de fer, qui constate que le budget de la Reic bank est en équilibre; mais que, pour l'avenir, on prévoir des accroissements de dépenses sans augmenta correspondante des recettes. Enfin, touchant la politique monétaire, le Trésor e banques publiques ont tendu à diminuer l'autorité d Reichsbank et sont apparus comme contrecarrant la tique de cette dernière. Telles sont les constatations alarmantes de l'agent gén des paiements. Il ajoute, d'ailleurs, qu'il est encore tem d'agir et que les dangers peuvent être écartés si le gou ECONOMIQUES nement allemand prend les mesures nécessaires, L'exécution du plan Dawes Le rapport de M. Parker Gilbert, agent général des paiements de réparations, en date du 10 décembre 1927, a provoqué des commentaires assez vifs, en Allemagne, en France, dans les pays alliés et aux Etats-Unis. Ce tumulte s'est maintenant apaisé. On peut donc apercevoir dans leur ensemble les problèmes évoqués à cette occasion. Ces problèmes peuvent être classés en deux catégories : ceux qui touchent à la politique financière du Reich et ceux qui concernent, dans son aspect le plus général, le règle ment des réparations. Les observations de M. Parker Gilbert sur la politique financière du Reich avaient été consignées par lui, quelques semaines plus tôt, dans un mémoire adressé au gouvernement allemand (20 octobre 1927). Elles se présentaient, dans leur précision et dans leur courtoisie, comme assez sévères. Le rapport du 10 décembre a fait plus de bruit enco Prenant acte des assurances données par le gouvernem du Reich dans sa réponse au mémoire précédent, M. Pal Gilbert déclare que la période d'épreuve instituée par plan Dawes doit se prolonger dans de bonnes condi et que, d'une manière générale, « la confiance est taurée ». Mais il conclut que le plan Dawes, étant un règlem provisoire, laisse en suspens les questions qui se rattach à un règlement définitif, que l'incertitude qui demeurt sujet du montant total de la dette de réparations affa en Allemagne la volonté d'exécution, qu'enfin le gouve ment allemand n'ayant pas la responsabilité des trans se trouve << préservé de certaines conséquences de ses pres actes ». Aussi, rappelant la phrase célèbre du plan des expl qui réserve pour l'avenir < un accord définitif d'ense Ce mémoire du 20 octobre résume et rajeunit les indicaen ce qui concerne tous les problèmes de réparations et tions contenues dans des rapports antérieurs. Déjà l'agent questions qui s'y rattachent », fait-il entrevoir que le tel général des paiements avait signalé les dangers d'une polide ce règlement d'ensemble se rapproche, et ajoute-t-il tique de dépenses excessives, ceux aussi d'une politique de ❘ celui-ci devra comporter pour l'Allemagne << une tâche P ise à accomplir sous sa propre responsabilité, sans surveilance étrangère et sans protection pour les transferts >>. Ces conclusions ont aussitôt soulevé les émotions les plus iverses. En Allemagne, on s'inquiéta de voir poindre à l'horizon suppression de cette garantie de stabilité monétaire que plan Dawes a donnée au Reich, en le déchargeant de responsabilité des transferts. Tous ceux qui, de l'autre ôté du Rhin, pensaient trouver dans les difficultés des transerts un frein susceptible d'arrêter le paiement des réparaions, aperçurent aussitôt les conséquences du programme l'avenir exposé par l'agent des paiements. En France, de nombreux esprits se montrèrent inquiets le voir remettre en question le plan Dawes qui, pour ne ournir qu'une solution provisoire, n'en permet pas moins 'exécution régulière de paiements déterminés. En Amérique, on vit immédiatement que l'allusion du plan Dawes à un règlement définitif d'ensemble est tout à Fait claire et que nul ne peut contester qu'elle vise, à côté des réparations, les dettes interalliées. Et l'on parut surpris, dans certains milieux, que les règlements ratifiés par les Etats-Unis et par la plupart des puissances débitrices pussent être remis en cause. Aussi chacun s'est-il demandé pour quels motifs l'agent général des paiements a tout d'un coup lancé dans le vaste monde des idées aussi lourdes de conséquences. Il semble pourtant que l'on puisse deviner les motifs de ce geste. Nous hasarderons une explication, qui n'est qu'une simple hypothèse. L'un des objets essentiels du plan Dawes est d'assurer aux créanciers de l'Allemagne des paiements en capital, sous la forme d'obligations négociables émises par la Compagnie des chemins de fer du Reich et par l'industrie allemande, et dont ces dernières doivent payer les coupons et l'amortissement. Cette partie importante du plan n'est pas encore entrée en application et le rapport de l'agent général des paiements se borne à indiquer, dans une phrase brève, qu'aucune proposition relative à la vente de ces obligations n'a été soumise au Comité des Transferts depuis un an. Or, il est certain que, pour que le produit de cette vente puisse être transféré aux puissances créancières, il faut que ces obligations soient placées, au moins en majeure partie, hors d'Allemagne, et il n'est pas moins clair que les porteurs de ces titres devront avoir la certitude de recevoir les arrérages dans leur propre monnaie. L'opération organisée par le plan Dawes comporte donc une suppression au moins partielle des clauses qui subordonnent les transferts à la situation économique du moment. Il y a là un problème qui doit préoccuper l'agent d'exécution du plan Dawes et l'on comprendrait fort bien que sa pensée s'orientât vers une transformation, aussi rapide que possible, d'une partie de la dette de l'Allemagne en une dette extérieure normale, et ce au moyen d'emprunts obligataires des chemins de fer et de l'industrie, dont le produit frait aux puissances créancières. Cette question, semble-t-il, est la première qui doive se poser dans l'avenir, la seule qui nécessite un examen aussi proche que possible. Elle ne doit pas être insoluble puisque, dès maintenant, le public américain, notamment, a souscrit et souscrit encore de nombreux emprunts allemands, publics ou privés. Quant à un « règlement définitif d'ensemble », il est trop tôt pour l'envisager. Comme il comportera des sacrifices, ces sacrifices devront être répartis d'une manière équitable. Actuellement, la créance de la France sur l'Allemagne s'élève, en capital, à 51 0/0 de 132 milliards de marks-or, soit l'équivalent de 16 milliards de dollars environ, chiffres qui n'ont jamais été modifiés et qui ne peuvent l'être que par un accord unanime des gouvernements alliés. C'est là, en ce qui concerne notre pays, le point de départ de toute négociation future. D'ailleurs la France n'est point seule à établir un lien qui s'impose, en fait, entre les réparations et les dettes interalliées. L'Angleterre a déclaré ne vouloir recevoir, au titre de ses créances politiques et de sa créance de réparations, que des sommes égales à celle qu'elle paie aux Etats-Unis. Quant à l'Italie, elle a créé une caisse autonome chargée de recevoir le montant des réparations et de verser à ses créanciers les annuités prévues par les accords Volpi; c'est dire qu'elle n'envisage pas que les versements de l'Allemagne puissent cesser ou diminuer avant qu'elle-même ait fini de se libérer. La situation est donc très nette. Ce sont les Etats-Unis, et eux seuls, qui tiennent la clef de tout règlement éventuel. MAX HERMANT. La Foire internationale de Lyon Quand, au milieu des inquiétudes pour le salut même de notre pays, la Foire de Lyon rénova une tradition séculaire et ouvrit son marché aux hommes de bonne volonté, elle apparut non seulement comme un acte de foi, mais comme une innovation technique. Elle groupait, en effet, tous les produits de l'activité humaine, alors que les grandes Foires de Nijni-Novgorod et de Leipzig, les seules qui eussent une importance internationale, se contentaient jusqu'alors de réunir les articles spéciaux à certaines provinces. Les fondateurs de la Foire de Lyon comprirent qu'un marché, pour présenter tout son intérêt, doit retracer le cycle de la production: la matière première, la machine transformatrice et le produit fabriqué. Les stands de la Foire de Lyon reproduisent en raccourci l'image de la France laborieuse. C'est pour nos compatriotes un précieux moyen de documentation, et souvent, pour les étrangers, une véritable révélation. A la suite d'une réunion de la Foire, un industriel suisse écrivait : << Beaucoup de commerçants suisses ignorent encore tout ce que l'on fabrique en France. Quand je leur dis ce que j'ai vu à la Foire de Lyon, ils demeurent sceptiques, car ils croient que les Français achètent à l'étranger la plupart des produits qu'ils consomment et des machines qu'ils emploient. >>> C'est à la Foire de Lyon également que revient le mérite d'avoir introduit dans le domaine des échanges le principe de la concentration qui, de plus en plus, doit devenir la règle de l'activité moderne. Depuis la guerre, les acheteurs ont été amenés à rechercher les centres d'approvisionnement et à se déplacer euxmêmes au lieu d'attendre chez eux les offres des vendeurs. Cette méthode, qui a donné de si heureux résultats, trouve à la Foire de Lyon son application parfaite. C'est aussi un avantage capital de la Foire que de mettre un acheteur personnellement en relations avec les fabricants. Nous savons tous combien les affaires sont plus faciles quand elles se concluent d'homme à homme, sans intermédiaire et sans longue correspondance préalable. La classification stricte des industries par familles nettement déterminées, la concurrence loyalement ouverte entre les producteurs d'un même article, permettent au commerçant de faire un choix rapide et de discuter qualité et prix en toute connaissance de cause. Ainsi, vendeurs et acheteurs trouvent à la Foire de Lyon des avantages essentiels. Les vendeurs en remplissant leur carnet d'ordres assurent pour de longs mois la marche de leurs usines. Certains du chiffre de leurs ventes, ils peuvent, séance tenante, s'approvisionner en matières premières, développer leur outillage et, rentrés chez eux, s'assurer la main-d'œuvre nécessaire. La Foire contribue ainsi à la sécurité et à la régularité de la production nationale. Les acheteurs, de leur côté, évitent tous les aléas de l'approvisionnement ; ils sont renseignés avec précision sur l'orientation de la mode, sur les nouveautés de la fabrication; ils sont donc assurés de répondre à la demande de leur clientèle; ils ont, d'autre part, gagné un temps précieux et passé leurs ordres aux meilleures conditions. Ainsi, la Foire d'échantillons de Lyon est un moyen certain d'ajustement des prix. Mais la Foire ne pourrait jouer le rôle que nous venons de décrire si elle n'avait à sa disposition un instrument de travail spécialement conçu et édifié pour l'application de ses méthodes et la réalisation de ses desseins. Sur 500 mètres de long, le Palais de la Foire dresse ses constructions symétriques ; il se présente comme un édifice grandiose et sans doute unique au monde. Les 24 pavillons construits perpendiculairement à la nef centrale comportent 1.700 stands. La disposition des bâtiments permet une présentation méthodique des produits offerts à la clientèle. Au même étage, dans les galeries voisines et semblables, une même industrie s'établit et offre ainsi aux visiteurs une documentation complète et un approvisionnement rapide. Comme la méthode n'exclut point l'élégance, le Palais de la Foire de Lyon, stricte maison d'affaires, sourit au visiteur par l'harmonie de ses lignes, la justesse de ses proportions et l'éclat de ses lumières. Construit au bord du Rhône aux eaux rapides, près du Parc de la Tête d'Or aux mouvantes frondaisons et aux harmonieuses perspectives, il produit sur le nouveau venu une impression tout à la fois de rectitude et de majesté. Les commerçants étrangers qui ont l'habitude de fréquenter les foires étrangères sont unanimes pour déclarer que le Palais de la Foire << laisse dans l'ombre ce qui a été fait partout ailleurs > et << qu'il réunit beaucoup de conditions, quelques-unes sans rivales, pour devenir le siège d'une des principales foires du monde ». Cette vaste cité des échanges abritera du 5 au 18 mars prochain la foule des producteurs et des acheteurs qui se donnent rendez-vous à Lyon à chaque printemps. Cette réunion s'annonce sous un signe favorable. Jamais les participants n'avaient montré ure telle hâte à s'assurer un stand, et, huit mois avant l'ouverture de la manifestation, plusieurs groupes ne comptaient plus un seul emplacement disponible. Les industries du textile et du vêtement, celles se rattachant au mobilier et à la décoration, les industries techniques, les industries de luxe, les produits alimentaires y seront largement représentés. Il convient de faire une mention spéciale du groupe de l'automobile qui, dans la rue centrale du Palais, couvrira une superficie de 7.000 men carrés, et de la « Semaine de la machine agricole », dont 21.000 mètres carrés seront occupés par toutes les variétés machines, de matériel et d'outils servant à la culture du L'industrie étrangère aura sa place dans cette vaste synthèse la production, et les relations que la Foire internationale de L entretient avec les principaux négociants et importateurs de t les pays du monde, permettent de penser que la réunion de pi temps 1928 dépassera encore le succès de la Foire de 192 qui fut visitée par des commerçants venus de 47 pays appart nant à tous les continents. Ainsi, la Foire de Lyon collabore à la prospérité nationa En considérant cette institution, on voit avec quel sérieux fut conçue et réalisée. Ses fondateurs ont voulu apportera contribution à la grande besogne de reconstruction économ et pour se montrer dignes des traditions commerciales de la v de Lyon, ils n'ont épargné ni le labeur ni la dépense. A d'aut villes de développer leurs ports, d'exploiter leurs ressources nah relles, de mettre en valeur leur site pittoresque. Lyon estu centre de production et un nœud de voies de communication il a créé une revue des industries et installé une place d'échanges. Plus les acheteurs étrangers viendront nombreus Lyon et plus nos industries seront prospères, plus nos richesse agricoles et minières trouveront de débouchés, plus nos chemin de fer auront d'activité et mieux nos ports seront approvisionn de fret. Dans ses cinq volumes consacrés à Paris, à la province et à l'étranger, il est le dictionnaire unique et mondial du commerce et de l'industrie. Par ses développements cons tants, il a débordé le quartier des adresses, et il nous initie à l'administration, à la législation et à la géographie de notre pays. Les pages consacrées à notre vie départemen tale sont pleines de saveur, pour ceux qui veulent bien pénétrer dans nos provinces, et qui cherchent les bons che mins. On a dit que, si Balzac eût connu le Bottin, tel qu'on nous le présente aujourd'hui, il en aurait fait son livre de chevet, et vraiment les survivants de Balzac, sans être Balzac, auraient grand profit et surtout économie de temps à explorer les pages du Bottin. Mais qui fut donc Bottin, et n'est-il pas intéressant de connaître le petit homme obscur, né sous l'ancien régime malades. qui conçut ce livre, ou du moins y attacha son nom ? Quel | ment impérial le chargea souvent de remplacer les préfets est l'ambitieux de renommée qui ne regarde avec envie la fiche tant de fois répétée : « Ici on consulte le Bottin >> ? Pour connaître ce fondateur, j'ai consulté pour ma part M. Emmanuel Rodocanachi qui a fait jadis un curieux portrait de ce personnage. Sébastien Bottin naquit en Lorraine à Grimonviller, le 17 décembre 1764. Sa famille le mit chez un régent où il apprit plus de latin que de français, mais où s'éveilla déjà, sans qu'on en sut les causes, sa vocation. Comme chez tant 'd'autres, elle dut être innée. Cet enfant aimait la statistique, il se plaisait à compter les choses et à les cataloguer. Il fut décidé qu'il serait d'Eglise, car il y avait dans sa famille un bénéfice vacant et il ne fallait pas le laisser perdre. On l'envoya en conséquence faire ses humanités à Toul et à Bordeaux, et les voyages à petites étapes lui furent une occasion d'agréables statistiques. En 1789 il recevait l'ordination et prêtait, deux ans après, le serment constitutionnel. Curé dans la HauteMarne, puis dans les Vosges, il occupa ensuite un poste supprimé bientôt après, celui d'aumônier des députés du département de la Meurthe. C'était un patriote, et l'on eut 'de la peine à l'empêcher de quitter ses paroissiens pour aller se battre sur le Rhin. Alors l'abbé Bottin se prodigua en discours plutôt révolutionnaires, prenant occasion de tous Jes anniversaires, comme nous faisons aujourd'hui pour les centenaires. Envoyé à Paris, le 10 août 1793, pour participer à la fête de l'unité et de l'indivisibilité de la République, il commença commen cependant à s'inquiéter des excès de la Terreur et, tout en continuant de souhaiter le renversement « des trônes des tyrans qui déjà chancellent sur l'axe du despotisme > il mit en garde ses ouailles contre l'anarchie menaçante. Mais un événement décisif changea sa destinée. Le culte fut supprimé dans le département de la Meurthe et l'abbé Bottin en profita pour rompre des liens qu'il supportait malaisément. Il cessa d'être homme d'Eglise, partit pour la frontière et aussi se maria. A travers tous ces événements que devenait la statistique ? Elle attendait son homme. Bottin entra dans l'administration et il l'y retrouva. Attaché comme sous-chef de bureau au Directoire du département du Bas-Rhin, il vit des rouages, il vit des pièces et aussi des hommes, il fit la statistique de tout, jusqu'à celle des bègues et des bossus, il conçut et il réalisa J'almanach du département du Bas-Rhin. Le Bottin était né. Il ne contenait pas encore d'adresses, mais le cadre était créé, et le fondateur entrait déjà dans la renommée. Malheureusement, il aimait autant la politique que la statistique, parlait beaucoup et il fut révoqué. Mais bientôt on ne put se passer de ses services. Rappelé dans le département du Nord, il étiqueta cette nouvelle région, et le gouverne Puis vinrent les changements de gouvernement. Le roi révoqua cet ancien prêtre, mais le décora. L'empereur le rétablit, mais il voulut être député, fut élu, et se trouva dès lors exclu définitivement de l'administration, et peu après du Parlement. Alors, il vint à Paris, où il mena une vie besogneuse et difficile, mais heureusement l'ange de sa vocation veillait sur lui. Un de ses amis et contemporains, d'origine suisse, Jean de la Tynna vint à mourir. Depuis 1797, il publiait un almanach contenant les adresses des commerçants français. Il avait déjà, en 1818, 50.000 adresses qui prenaient 1.125 pages. Alors, Bottin, qui avait besoin de vivre, entreprit d'en continuer la publication, et il termina sa vie au service d'une statistique bien spéciale et bien restreinte, mais qui le ramenait à ses premières amours, et qui assura sa gloire. Il ne s'agit pas des femmes, à qui aucun concile n'a jamais refusé le droit d'avoir une âme. Il s'agit des gens qui manquent de vie intérieure. Et, d'ailleurs, il ne s'agit pas principalement de cela. Il se trouve que M. André Thérive nous a peint dans ce roman - qui est un vrai roman, très nourri, plein à déborder (1) - une personne aride et mécanique. Mais elle n'est pas l'héroïne d'un bout à l'autre du récit; elle ne joue le premier rôle que pendant quelque temps. La plupart des autres personnages sont pleins d'âme. Mais le titre était si heureux ! On sent bien que M. André Thérive s'est dit un beau jour : « La formule du roman naturaliste est une bonne formule et injustement délaissée. Personne ne l'emploie plus, ou presque personne. Il y a l'école Proustienne (plus ou moins Proustienne), qui se perd dans la subtilité psychologique. Il y a l'école Morandesque, qui nous peint les mœurs exotiques, étrangères et les plaisirs des wagonslits. Il y a l'école Giraudousique, qui nous défile des images sentimentales en kaleidoscope. Il y a l'école immoraliste, qui cherche l'originalité et l'étrangeté à tout prix. Il y a ceux qui mêlent les enseignements de ces diverses écoles. Tout cela est délicieux. Mais enfin personne ne s'occupe plus de nous peindre sincèrement et avec compétence (1) Sans âme (Bernard Grasset, éditeur.) |