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Mallet-Stevens, Jourdain. Un quart du livre est consacré aux pays étrangers, à l'Allemagne, notamment, et ce n'est pas la partie la moins précieuse de l'ouvrage. - Н. С.

Le Pot de Basilic, par Madeleine CLEMENCEAU-JACQUE-
MAIRE (Jules Tallandier).

Sous le signe de l'humble plante aromatique qui fleurissait jadis à chaque foyer vendéen, voici les souvenirs d'enfance de la petite Juliette. Juliette c'est l'auteur n'est pas une petite fille ordinaire. Elle ouvre sur le monde des yeux tout frais et d'une rare clairvoyance : « L'enfant est vivant parmi les hommes. L'enfance a des annales où la chronologie importe peu. » Mais quelle précision dans ces annales et quelle couleur ! Des paysages d'une palette chaude et riche, servent de fond aux fières silhouettes de paysans vendéens, mi-bretons, mi-poitevins...

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Mademoiselle de Milly, par Albéric CAHLET (Fasquelle).

Le « motif » de ce roman est inventé avec ingéniosité. C'est l'histoire supposée du personnage dont Lamartine a fait Laurence, l'héroïne de son roman de Jocelyn, et qui s'appelait dans la vie Mlle de Milly. M. Albéric Cahuet raconte qu'il a obtenu d'un certain érudit mâconnais inconnu des bibliographes, M. Alfred Testot-Ferry, des documents ignorés jusqu'ici sur cette personne. Peu importe comment les détenait M. TestotFerry. Ce qui nous intéresse, c'est la vie de Laurence que nous retrace M. Albéric Cahuet, et le livre est d'une lecture très agréable. J. B.

Les scènes d'intérieur, à l'ombre du vieux château, évoquent avec une vie intense, la figure du « seigneur républicain » et de sa famille. Dans le cadre de hautes boiseries et de cretonnes passées, de douces femmes aux bandeaux lisses couvent la petite fille et gravitent timidement autour du grand-père à l'allure hautaine et au cœur charitable, grand seigneur et démocrate. Surgit | juste et tout à fait vraisemblable. - J. В.

Premier inceste, par Jeanne MAXIME-DAVID (Flammarion). Sous ce titre, qui accroche l'œil de l'acheteur d'une façon fâcheuse, Mme Maxime-David raconte l'histoire invraisemblable d'un garçon et de sa mère, tous deux influencés, sugges tionnés par la prédiction d'un charlatan. Sa psychologie paraît

parfois le fils de la maison, le père de Juliette, « ce jeune homme brun, pâle et maigre avec de fortes pommettes, des moustaches tombantes et des yeux immenses ». Il arrive de Paris, en hâte, pour embrasser tendrement ses enfants, et chasser l'alouette...

Au Pot de Basilic, qui nous embaume d'un parfum de vraie nature et de souvenir chaleureux, les historiens de l'avenir demanderont maints renseignements sur ce milieu robuste et sain, idéaliste et raisonnable, où se trempa le caractère et l'esprit du grand vieillard de 1918. R. S.

Ceux du trimard, par Marc STÉPHANE (Grasset).

« Quant à la réprobation des hommes d'ordre que risque finalement de lui faire encourir (ce dit-on) son goût déplorable pour les gueux, les réfractaires, les loups humains les horsla-loi, l'auteur s'en fout complètement... » Il se dégage de cette phrase (extraite de la préface de ce roman) un parfum de naïvet' qu n'est pas sans saveur. Le roman, assez naïf aussi, et jusque dans ses scènes les plus « luxurieuses », est plein de talent. L'auteur emploie un parler argotique qui est celui du trimardeur, son héros. S'il avait pris pour héros un autre trimardeur, il aurait pu prendre un autre parler du même genre, assez proche, mais non tout à fait semblable. Car c'est un des caractères de l'argot, que de varier à l'infini selon la personne qui parle, et d'être en somme toujours juste. J. B.

Mozart d'après ceux qui l'ont vu (librairie Stock).

Ainsi qu'il l'avait déjà fait opportunément pour Beethoven, M. J.-G. Prod'homme a réuni et traduit diverses lettres et souvenirs de parents ou d'amis de Mozart, tels son père Léopold, ses collaborateurs Da Ponte, Schikanender, sa belle-sœur Sophie Haïbel. Ces documents contribuent, ainsi que les Lettres dont il est question plus haut, à tracer un portrait vivant, véridique, et sans apprêt du musicien de la Flûte Enchantée. On les consul

BIBLIOGRAPHIE

ROMANS. A. W. MASON, Le reflet dans la nuit (Gallimard, 8 fr.). - La châtelaine de Vergy, trad, par Joseph BÉDIER (Piazza). Ch. de SAINT-CYR, Sous le signe du caribou (Aux Editeurs associés, 18 fr.). Elissa RHAIS, Le sein blanc (Flammarion, 12 fr.). Henri DROUIN, Service de jour (Grasset, Paul GSELL, L'homme qui lit dans les âmes (Grasset,

12 fr.).

12 fr.). - Louis-Charles BAUDOUIN, La loge de la rue du Vieux-
Muy (Grasset, 12 fr.). - Marcel ARNAC, La farce de l'île déserte
(Nouvelle Société d'Edition, 12 fr.). - Jean BALDE, Reine d'Ar-
bieux (Plon, 12 fr.). Thierry SANDRE, Cocagne (Nouvelle
Revue critique). - Georges BOUCHARD, Le relais de Citeaux (La
Monde moderne). - Adrienne LAUTÈRE, L'enfant prodige (Fas
que'le, 12 fr.). Germaine ACREMANT, Le carnaval d'été (Plon,
12 fr.). - Flavien GIRARD, La leçon d'amour dans une île (Le
Monde moderne). - COLETTE, La naissance du jour (Flamma-
rion, 12 fr.). - Marc STÉPHANE, Ceux du trimard (Grasset,
12 fr.). - Louis ARTUS, Les chiens de Dieu (Grasset, 12 fr.). -
Louis DELLUC, Le dernier sourire de Tête Brûlée (Le Monde
moderne). Henri BACHELIN, L'Abbaye, Vézelay au XII° siècle
(Le Monde moderne).
Paul BRACH, La protégée (Flammarion,
12 fr.). Marcel BOULENGER, C'est donc sérieux ? (Plon, 12 fr.).
VOYAGES.
Louis GILLET, Dans les montagnes sacrées
(Plon, 12 fr.). - Charlie CHAPLIN, Mes voyages (Kra, 12 fr.). —
Jean-Louis VAUDOYER, Nouvelles beautés de la Provence (Gras-
set, 15 fr.). - J.-F. Louis MERLET, Au bout du monde (Del
peuch, 12 fr.). - Pierre MAC-ORLAN, Rue Saint-Vincent (Edl-
tions du Capitole). - René Schwob, Profondeurs de l'Espagne
(Grasset, 15 fr.). - Marcelle TINAYRE, Terres étrangères (Flam
marion, 12 fr.). - Armen OHANIAN, Dans la VI partie du monde
(Grasset, 12 fr.). - Georges RAVÈNE, Défense de Venise (Bos
sard, 18 fr.). – Pierre CAMO, Peinture de Madagascar (Emile
Paul). - Marc ELDER, Pays de Retz (Emile-Paul. — Roland
DORGELĖS, La caravane sans chameaux (A. Michel, 12 fr.).

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ART ET CURIOSITE

La miniature sur émail

De quand date-t-elle ?

<< Avant 1630, dit un vieil auteur, ces sortes d'ouvrages étaient encore inconnus, car ce ne fut que deux ans après. que Jean Toutin, orfèvre de Chasteaudun... s'étant mis à rechercher le moyen d'employer des émaux qui fissent des couleurs mates pour faire diverses teintes, se parfondre au feu et conserver une mesme égalité et un mesme lustre, en trouva enfin le secret... >>

C'est l'histoire de cet art charmant que M. Henri Clouzot nous conte dans un très beau livre qui paraît ces joursci (1).

Rien n'est plus attachant que la vie de ces familles d'artisans d'autrefois. Vie laborieuse qui se poursuit dans la recherche et l'embellissement de leur art. Le secret de cet art est transmis d'âge en âge, il est gardé jalousement, et ne doit pas être trahi. Le père apprend à ses fils ce qu'il a appris, les fait travailler sous ses yeux, leur lègue le mot de sa science.

Presque tous ces émailleurs sont aussi orfèvres. Précisément ce Jean I Toutin auquel remonte l'invention de la miniature sur émail, cisèle les métaux précieux, d'autres sont tailleurs de monnaies, graveurs sur cuivre. Pour en revenir à notre inventeur, il fit de ses deux fils deux élèves qui le dépassèrent, car au début « quel que soit son génie, un artiste n'atteint pas du premier coup à la perfection matérielle. » Il essaye, il tâtonne. Toutin a « toutes ses couleurs à conquérir. Il faut qu'il obtienne pour chacune, le degré de cuisson convenable, et qu'il en dose le fondant. » Que d'habileté et de soin ces recherches supposent chez l'artiste, quelle patience! Que de plaques perdues, que de temps passé !

Il est assez singulier de noter que c'est au centre de la France, au bord de la paisible Loire, que l'art de la miniature se développe d'abord le mieux. On dit : « L'école de Blois ». Cette dernière ville donnera des artistes dont la qualité dépassera celle des autres. Pourquoi Blois ?

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Songez que la Cour y réside et que le goût des princes favorise dans la ville les joailliers et les orfèvres. Certains se sont spécialisés dans la fabrication de ces montres adorables, véritables chefs-d'œuvre de ciselure et de richesse. On compte dans la ville plus de trente maîtres, autant d'orfèvres. Blois est une véritable<« cité du bijou ». Marie de Médicis répand et favorise ce goût. N'a-t-elle pas détaché de son corsage en 1621, et offert à l'ambassadeur italien qui

(1) La Miniature sur émail en France, par Henri Clouzot, éditions Albert Morancé.

prenait congé, deux montres en lui disant que : « c'étaient là deux fruits merveilleux qui naissent à Blois dans les mains des excellents ouvriers du pays ».

A Blois deux émailleurs surtout, deux orfèvres, étudient l'art de la minature sur émail avec la « peinture vitrifiable » ; ce sont Isaac Gribelin, et Christofle Morlière. Ils commencent à décorer des boîtes d'or et à orner les montres de ces charmantes peintures, scènes mythologiques, fleurs, figures, que nous aimons tant.

Mademoiselle de Montpensier dans ses Mémoires note qu'elle emporte deux montres de Blois, pour les offrir au roi et à la reine. « Celle du roi était très petite et émaillée de bleu, celle de la reine était aussi émaillée, et c'étaient des figures, selon l'usage du temps. »

En 1643 Morlière exécute une boîte destinée au frère du roi, elle est << en or, émaillée, à figures et à personnages »>, elle lui est payée 1.200 livres. Pour le temps c'est un bon prix, l'artiste n'en reçoit pas toujours de semblables. Il peint aussi des anneaux et des bagues. Dans un procès qu'il fait (il est très procédurier cet émailleur) Morlière nous livre ses prix. Il réclame « six pistolles pour faire la façon d'une boiste de monstre pincte, une pistolle pour le dedans d'une autre boiste en païzage, et deux écus pour un jon d'or. »

Et voici Jean Petitot, le seul vraiment célèbre, même pour le profane, de tous ces maîtres; il laissera non seulement des œuvres parfaites, mais un grand nom. Dezallier d'Argenville parlera de lui dans sa « Vie des peintres » en 1745; Burgers dans Lives of eminent painters, dix ans après, et Mariette pourra encore interroger des contemporains du fils de Petitot rencontré à Londres : son souvenir est vivant.

Disons que presque tous ces artistes sont Français, ou d'origine française, souvent chassés de leur patrie par la persécution religieuse. Beaucoup de familles se sont réfugiées à Genève, qui aura plus tard son école. Le temps aidant, l'art charmant qui a fleuri sous les doigts des Toutin et des Petitot, et qui est né de leur génie sera repris par d'autres, ils n'en restent pas moins les inventeurs d'un art qui par sa délicatesse et sa grâce, appartient essentiellement à la France.

Jean Petitot naquit à Genève d'une famille de Bourguignons qui, jusqu'au grand'père de l'artiste, ne quitta jamais la Bourgogne. Son père sculpteur sur bois, voyagea en Italie, puis se maria et se fixa à Genève. Jean vint ensuite à Paris prendre des leçons des Toutin, on le croit et reproduire leurs procédés dans le travail de l'émail. Il passa ensuite en Angleterre, où il fut appelé à la Cour du roi Charles Ier. C'est en Angleterre que J. Petitot connut Jacques Bordier qui devint son ami et son associé pendant demi-siècle. Charles Ier accueillit donc Petitot, lui fit même servir une pension jusqu'au jour où le bon peuple coupa le cou du roi,

Van Dyck donna en Angleterre, paraît-il, des conseils à notre émailleur, mais M. H. Clouzot affirme que Jean Petitot tint sa plus délicate facture de l'étude des miniaturistes comme Hilliard, Oliver, Hoskins et que d'autre part, c'est en Angleterre que notre homme trouva ses meilleurs procédés d'émailliste; le « le fondant » qu'il ne réalisait pas auparavant, il le trouva ici et aussi les ton. qui lui manquaient. C'est là le secret du chimiste, il est probable que Jean Petitot le découvrit dans l'utilisation de substance

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nouvelles, de préparations qu'il ne connaissait pas autrefois.

Il n'est permis à personne d'ignorer les admirables portraits sur émail de Jean Petitot. Le Louvre en possède une collection remarquable, et aussi Chantilly, et le Musée de Genève. Le livre de M. Clouzot qui contient de belles repro'ductions en montre d'autres encore, appartenant à des collections particulières. Nous sommes loin des premiers essais de Toutain reproduits à la première page, ici l'art de Jean Petitot atteint une perfection qui certes n'a pas été dépassée.

Mais déjà les maîtres émaillistes sont accueillis par tous les rois de l'Europe, fêtés, pensionnés, honorés. Christine de Suède voulut avoir le sien et fit venir un Français, Pierre de Signac, élève de Toutain qui n'a pas vingt-deux ans quand il est pensionné par la Cour de Suède. Pierre Huaud 'de la célèbre famille Poitevine, séjourne vers 1685, auprès du prince électeur de Brandebourg. Ch. Boit est protégé par le duc d'Orléans. Un autre, Barnabé-Augustin de Mailly, a affaire à la grande Catherine.

Ce Barnabé travaille dans son atelier, à Paris, rue PavéeSaint-André-des-Arts, pour le correspondant de l'Impératrice: Grimm. Par l'intermédiaire de Grimm, il offre à la Souveraine d'exécuter pour elle « une écritoire dans le genre militaire », où les victoires russes seront glorifiées, les défaites turques traitées de la bonne façon. Catherine II consent, et voilà notre orfèvre-émailleur à l'œuvre, non sans avoir reçu d'avance 36.000 livres tournois, Mailly demande un an de délai : Soit, Grimm attend, s'inquiète, en perd le sommeil.

Non sans raison. Un an après la commande, Mailly déclare qu'il lui faut encore 62.000 livres, sans quoi, il se demande s'il pourra achever... Grimm se fâche, on se plaint à M. de Vergennes, ministre des Affaires étrangères, on va quérir le lieutenant de police, on nomme des experts, on écrit des rapports, Houdon est chargé de surveiller la fabrication des bronzes. En 1778 tout est terminé. Mais aussi : Quelle écritoire !

Un parc d'artillerie, des petits génies militaires animés, l'embrasement de la flotte turque, trois aigles, un hercule, une pendule, des trophées, des armes, vingt-sept sujets d'émail, des plaques peintes représentant les batailles, Catherine décorant Potemkine de l'ordre de Saint Georges... tout cela ravissant de grâce et de couleur, et rappelant nos meilleurs petits maîtres: Saint Aubin ou Cochin, si l'on veut.

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L'art français en Amérique.

MARIE-LOUISE PAILLERON.

Un des plus grands magasins du monde, Macy, de NewYork, expose dans son hall l'art moderne de six nations. L'Autriche a réalisé un boudoir et un salon de coiffure, l'Allemagne un bureau et une salle à manger, l'Italie une boucherie et une salle rustique, la France une chambre à coucher, une salle à manger et un living-room, les Etats-Unis plusieurs appartements. Dufrêne et Leleu, Paul Bruno, Josef Hoffmann, Felice Casorati sont parmi les plus représentatifs des décorateurs invités à cet intéressant tournoi international.

IDEES

La pensée pure

Il y a des jours où le critique, lassé peut-être des idées courantes et de la facilité du roman éprouve le besoin de lire des choses difficiles. J'étais dans cette disposition heureuse quand m'est parvenu le livre de M. Paul Decoster, portant ce titre austère et bref : Acte et Synthèse (1). M. Paul Decoster est un professeur de l'Université de Bruxelles qui ressemble, en mieux, à Socrate et que ce maître eût aimé pour la subtilité de son esprit. Il est, j'entends M. Paul Decoster, il est prompt, hardi, se meut dans l'abstrait comme se mouvait Sardou parmi ses personnages, et il enlève dans un assaut foudroyant les positions métaphysiques les plus abruptes. << Au résumé... », écrit-il, et on a l'impression qu'il s'écrie: << Au drapeau ! >>

Tel quel, et sans autre plaisanterie, ce travail reste, dans sa sobriété parfois un peu sibylline, d'une haute tenue. Je ne puis guère songer à en exposer le détail à des lecteurs non professionnels. Qu'il me suffise d'en retenir le sens et de le restituer surtout à des problèmes qui doivent passionner tout le monde.

M. Decoster ne serait point philosophe s'il n'avait un système. Ce système est une correction, d'ailleurs heureuse, du kantisme. Vous savez que ces mêmes philosophes sont gens terribles et redoutables au commun qui s'aventure en leur compagnie. Nous croyons, par exemple, nous, bon peuple, que l'univers existe, et nous ne pensons point abuser quand nous demandons à Nicole de nous faire passer nos pantoufles. Or, nous abusons. Nous n'avons nul droit d'affirmer que nos pantoufles et Nicole existent. Ce sont leurs images qui sont en nous, exactement dans notre cerveau jouant son jeu de fibres et de cellules. Mais, direzvous, nous les touchons, que diable ! Peu importe : le toucher aussi bien que la vue peut faire illusion et il doit vous souvenir que Taine appelait le monde extérieur une << hallucination vraie ». Non, ce qui se produit, Kant l'a établi. Les choses nous apparaissent non en elles-mêmes, mais dans un cadre que nous leur imposons, sous des catégories qui sont à nous. Nous pensons qu'en nous encore, par la sensation, elles engendrent temps, espace, causalité : c'est nous qui, préalablement, ou à priori, leur tendons ces lacs où elles viennent se prendre et s'ordonner toutes dociles.

Ainsi ce qui est vraiment premier - irréductible, c'est l'esprit, la pensée dans ses modes et son principe, non l'expérience ou le sensible. M. Decoster est de cet avis. Seulement, aux catégories de l'idéalisme kantien, il préfère un acte plus haut, plus compréhensif, plus indubitable qu'il appelle

(1) M. Lamertin, édit. (Bruxelles).

la « synthèse pure ou concrète... ». Si nous le comprenons bien, il entend par cette synthèse le pouvoir qu'a l'esprit de présenter immédiatement le médiat, c'est-à-dire de rassembler par une opération originale et irreversible les éléments qu'unira dans un être définitif et dès qu'il s'émettra dans sa formule, le jugement. Ou plutôt, ce n'est pas là un pouvoir, une faculté de l'esprit, c'est l'esprit lui-même, l'esprit opérant, créant, et se créant.

Les philosophes de métier profiteront à suivre M. Decoster dans les analyses et les controverses où l'engagent la position et la discussion de sa thèse. Pour nous, d'un point de vue plus général, nous accueillerons sur l'histoire de la pensée, un témoignage précieux.

La pratique de l'analyse incline à une sorte d'illusion dont on revient avec peine. Pour le dire d'un mot, parce qu'on isole des éléments, on se figure que ces éléments sont premiers et donnés avant la synthèse qui les a réunis. Le fait que ces éléments peuvent subsister isolés, rend cette erreur persistante. Nous disons que l'hydrogène et l'oxygène entrant dans la composition d'une goutte d'eau lui sont antérieures parce que nous savons que l'eau est composée d'hydrogène et d'oxygène et qu'on peut isoler ces corps. Mais la goutte étant donnée, c'est elle qui est antérieure et première et c'est elle, en un certain sens, qui conditionne ses éléments loin d'en être conditionnée. De même, ce qui, dans la pensée, demeure réel, immédiat et premier c'est elle-même, non l'induction, l'abstraction, ni aucune autre part de son mécanisme.

Dieu est antérieur au monde et on ne l'atteint pourtant, rationnellement, qu'à partir de ce monde. Il embrasse le total des êtres, mais il n'est pas ce total, comme le veulent les panthéistes; il est un et personne, principe et non point résultat. Il est et ne se fait point. Cette vérité profonde, si

Nous sommes pensée, il est vrai, et ne pouvons échapper, à cette notion, à ce mode d'être qui nous définit. Mais aussi nous ne savons ce que c'est, d'où et comment cela nous vient, et pourquoi. Nous sommes pensée, mais nous sommes corps et le corps nous interdit de saisir l'essence ou même l'apparence de la pensée. Là se place le terme du tragique destin de l'homme. S'il est sur la voie de la vérité, à cette vérité, il ne saurait parvenir. Le livre de M. Decoster l'y avance et on ne saurait faire d'aucun ouvrage meilleur éloge... Cependant, que vaut une avance, quand le trajet demeure infini ? Et c'est encore l'horizon qui se pose au delà de l'horizon le plus lointain.

GONZAGUE TRUC.

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AUTOMOBILE

Le malaise des courses automobiles

et l'un de ses remèdes

L'attraction que les courses automobiles exercent sur le public n'a jamais cessé de croître et à l'heure actuelle la moindre course de côte devient un but et un prétexte d'excursion pour un nombre considérable de touristes.

C'est pourtant au moment même où le concours du public est assuré que les dirigeants du sport automobile semblent se débattre dans les plus grandes difficultés. Déjà depuis quelques années le Grand Prix de l'A. C. F. perd de son prestige d'antan par suite de la défection croissante du

méconnue au milieu du siècle dernier, si gravement obscurcie | nombre des concurrents; et, cette année, hélas ! l'épreuve

par le sophisme d'un Renan, sort toute neuve des pages de M. Decoster. Hardiment, ce philosophe considérant la pensée, puis la matière de la pensée contraint celle-ci de céder à celle-là. C'est à la réalité phénoménale, ou expérimentale, à l'histoire qu'il dénie le droit de s'affirmer comme fait ou objet indubitable en premier, c'est à l'opération de la pensée qu'il attribue l'être, et c'est à la pensée, seule réalité authentique et irréductible, qu'il suspend le réel...

Nous avons parlé d'opération. Là redescend le rideau qui, toujours, au moment où elle espérait le plus, s'est levé devant l'espérance humaine. Si légitimement que M. Decoster établisse sa synthèse-pure au-dessus des inductions ou des intuitions dont on a voulu faire la clef de la vie de l'âme, si, heureusement qu'il lui associe l'acte et en fasse

est supprimée.

Ainsi donc, ce sont les acteurs, et non les spectateurs, qui font défaut. Peut-être en faut-il trouver une première raison dans les frais de courses, qui deviennent de plus en plus considérables. Il est, en effet, nécessaire non seulement d'établir des voitures spéciales, mais de les modifier et renouveler sans cesse pour satisfaire aux exigences de règlements très différents chaque année. Quels que soient les frais de course d'une grande marque, elle peut connaître la défaite et voir échouer sans bénéfice utile le fruit de longs efforts, et même si elle triomphe, ne faut-il pas encore épauler le succès par une importante publicité ?

Il est bien évident que seules d'importantes maisons peuvent s'engager dans une aventure si coûteuse, si risquée, et encore ne le feront-elles que « si la publicité doit payer ». Il semble bien qu'à l'heure actuelle les constructeurs jugent

une actualité toujours présente, il reste que c'est une opéra- | que les risques sont supérieurs au bénéfice éventuel et les

tion et qu'elle nous convie à chercher ce qui opère. Nous sommes une possibilité de synthèse, nous sommes cette synthèse même, pensée, pensée de pensée, pensée pure... Soit ! Que savons-nous de plus après cela, où est l'organe, où est l'esprit, où est le dieu... et que sont-ils ?

exemples ne nous manquent pas de marques que leurs budgets de courses ont mis dans une situation délicate et qui se sont trouvées contraintes de renoncer à cette lutte-là.

Il est permis de regretter que les difficultés économiques et les formules des grandes épreuves trop différentes d'an

née en année aient fait naître un pareil état de choses, car ces compétitions constituaient le plus probant des bancs d'essais. Leur préparation même demandait des recherches techniques nouvelles d'où sont sortis peu à peu tous les perfectionnements dont nous profitons maintenant sur nos voitures de tourisme. Pourtant si les constructeurs se sont retirés de la grande lutte, il reste encore quelques courses particulières qui peuvent les intéresser et réunissent du reste de nombreux engagements.

Je pense ici à la Coupe du Mans qui s'adresse aux voitures de modèle commercial. La Coupe du Mans nécessite la mise au point très soignée d'une voiture existante, mais non l'étude d'une automobile spéciale et le rententissement de cette course est suffisant par lui-même pour ne pas nécessiter une très forte publicité payante (1). Il faut reconnaître que les profanes, à tort ou à raison, attachent bien plus d'importance à une victoire remportée dans une compétition réservée aux modèles dits de série, qu'à celle conquise par un bolide spécialement construit à cet effet; ils s'attacheront aux résultats qu'ils croiront pouvoir atteindre eux-mêmes sans penser que la voiture spéciale est la première réalisation de leur automobile de demain.

Mais si les constructeurs se refusent à courir, il y a par contre une quantité considérable de concurrents qui ne demandent qu'à s'aligner le plus souvent possible dans les courses les plus diverses.

Je veux parler de ce qu'on appelle les « Indépendants ». Les Indépendants sont les propriétaires de leurs voitures n'ayant aucune attache avec les fabricants, courant et s'engageant à leurs frais. Ces pilotes sont pour la plupart de jeunes hommes épris de vitesse et de sport qui, ne pouvant se lancer sur les routes ainsi qu'ils le voudraient, saisissent toutes les occasions qu'on peut leur offrir de satisfaire leur plaisir. Parmi les Indépendants, il y a quelques valeurs de premier ordre montant des engins excessivement rapides tels que les Bugatti, Amilcar, Salmson, etc., et dont la rencontre est toujours des plus intéressante et des plus spectaculaire. Malheureusement, leurs carrières sportives sont courtes, l'achat et la préparation de leurs voitures, les engagements et les assurances, l'entraînement et le déplacement vers des circuits souvent très éloignés sont autant de dépenses fort onéreuses et que peu sont à même de soutenir bien longtemps. On a pu toutefois apprécier l'intérêt de semblables épreuves, lors du récent Grand Prix Bugatti, couru selon une formule handicap, et remporté par un amateur, Dubonnet, sur le Circuit du Mans.

Ainsi, d'une part, nous avons des concurrents qui ne demandent qu'à s'exhiber pour peu qu'on leur en donne la

(1) Il est permis de regretter que, malgré ces avantages, l'industrie française de l'automobile ait fait si peu de sacrifices, cette année, à l'occasion du circuit du Mans.

Envoyez vos Lettres

et Colis au

facilité, et d'autre part un public énorme qui amène une animation considérable là où l'on veut bien le convier. Les Syndicats d'initiatives et toutes les industries se rattachant au Tourisme ont donc là un moyen parfait pour attirer vers eux un véritable flot d'argent. Veut-on des preuves? L'an dernier, le Circuit de Saint-Gaudens, malgré une sai son pluvieuse, malgré son éloignement, a amené dans le Comminges une affluence énorme ; faut-il encore citer les Meetings de Boulogne, du Mans et cette année même le Circuit de la Garoupe et la course de cote de ChâteauThierry? A cette occasion, cinq clubs avaient organisé des rallyes en cette direction, et à lui seul le M. C. F. voyait 250 concurrents répondre à son appel.

Les épreuves de ce genre sont donc des moyens exceptionnels pour lancer une station balnéaire, un lotissement, une région touristique ou un Casino. Une seule chose est nécessaire pour assurer le succès de ces courses: réunir de nombreux partants. Pour cela, il faut les provoquer par des droits d'inscription réduits, des prix intéressants et des conditions de séjour spéciales, afin que les indépendants puissent espérer un équitable amortissement de leurs frais (car ils ne visent pas au bénéfice). Ce n'est un mystère pour personne que les villes d'eaux s'attirent les bons amateurs de tennis en leur accordant des avantages intéressants, pour ne pas dire plus ; et pourtant l'attrait provoqué par un tournoi de tennis ne peut aucunement être comparé à celui engendré par un meeting automobile. Au surplus, quel est le spectacle dont les acteurs ne sont pas rétribués ?

Les municipalités et les syndicats d'initiative subventionnés par toutes les industries vivant du tourisme et de l'industrie hôtelière ont donc à leur disposition une publicité merveilleuse. L'A. C. F. et l'A. C. de Saint-Sébastien l'ont si bien compris qu'ils viennent de créer des épreuves ouvertes à tous, largement dotées et même assurées de primes de départ (Grand Prix de Saint-Sébastien).

Un cluble Volant » vient de se fonder, afin de réunir dans son sein les indépendants sportifs, tant pour défendre leurs intérêts que pour assurer le succès des épreuves pour lesquelles son aide sera sollicitée.

Il s'agit un peu là d'une troupe et d'un manager; le public est acquis, la parole reste aux imprésarios.

La tentative est intéressante à observer et dans l'intérêt de tous il convient de lui souhaiter bonne chance. Et peutêtre qu'ainsi il ne sera pas encore besoin d'avoir recours au Pari-Mutuel, en quoi beaucoup de bons esprits voient la dernière planche de salut des courses automobiles.

J.-P. ZAMBAUX.

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