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Quelle que soit l'ingéniosité des éditeurs français, ils ne se sont pas encore avisés d'un mode de publicité que vient d'employer un de leurs confrères londoniens.

Il a fait connaître au public, par la voie de la presse, que sir William Bull - un député aux Communes - a été récem ment victime d'un grave accident. Et voici la version de l'acci dent qu'il a donnée.

Sir William Bull se déshabillait. Par distraction, il mit ses deux jambes dans la même jambe de son pyjama. Il en perdit l'équilibre, tomba et se fractura l'épaule.

Et maintenant, devinez pourquoi il était si distrait ? C'est qu'il lisait Geeves Continue, de M. P.-G. Wodehouse. Sans doute, les lecteurs, méprisant le danger, seront-ils tentés de lire ce roman qui a pu amener un grave parlementaire à confondre une de ses jambes avec l'autre.

La vie de René Caillé.

Qui est Jacques Nanteuil, le collaborateur de M. André Lamandé, pour le prochain livre qui va paraître: La Vie de René Caillé. Le pseudonyme cacherait, dit-on, le nom de M. G. Giraudias, lauréat de l'Académie française et, depuis plusieurs années, biographe spécialiste de René Caillé. M. Giran dias est, en outre, le vice-président de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres. Le livre qui relatera la vie de René Caillé est fondé sur des recherches originales dont le Monde Colonial Illustré, en 1927, avait déjà fait pressentir la valeur instructive et attrayante.

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a saisie d'un film.

On sait que le vendredi 22 juin, il a été procédé, au Théâtre Vieux-Colombier, à la requête de Mme Rosemonde Gérard de M. Maurice Rostand, à la saisie du film La Petite Marhande d'Allumettes.

A la suite de cette saisie, qui a arrêté les représentations de film si bien accueilli par le public, le Théâtre du VieuxColombier et Jean Renoir ont immédiatement porté devant le ibunal de la Seine une instance en main levée de cette saisie brutalement exécutée.

Dans ce procès, il sera plaidé que le film est une fantaisie onçue par Jean Renoir et Jean Tedesco et directement insirée de l'œuvre d'Andersen qui est dans le domaine public, - laquelle M. Maurice Rostand et sa mère ont eux-mêmes mprunté le libretto de leur opéra comique.

On se rend compte de l'intérêt d'une pareille affaire au point Le vue judiciaire. Il s'agit de savoir: si, sous le prétexte d'une contrefaçon dont ils se sont eux-mêmes fait les juges et sans qu'au préalable la Justice soit intervenue pour donner à leurs prétentions un semblant de sérieux, il appartient à tout intéressé d'arrêter les représentations d'un ouvrage.

CE QU'ON LIT

Sa Majesté, par Pierre DOMINIQUE (Grasset).

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Mes voyages, par Charlie CHAPLIN (Kra).

On reconnaît dans ce livre un esprit qui n'est pas vulgaire ni médiocre comme, aussi bien, on avait pu s'en rendre compte par ces films charmants d'invention et qui tranchent si fort sur l'affreuse banalité de la production humoriste des Américains, dont Charlie Chaplin a imaginé le scénario comme la mise en scène et qu'il joue avec le génie qu'on sait: le Gosse, la Ruée vers l'or, etc. Il raconte ses voyages avec esprit et modestie, et cela fait un livre très amusant. Le récit de ses entrevues avec Wells ferait un excellent chapitre de roman. - J. В.

La Vie de Bernard Palissy, par Désiré LEROUX (Champion, édit.).

Cette nouvelle vie de Palissy, qui ne présente guère plus d'appareil critique qu'une biographie romancée, n'en a pas l'agrément, et c'est grand dommage. Le sujet en valait la peine. Mais l'auteur ignore des découvertes essentielles, comme celle de N. Weiss en 1912, dans les Registres d'écrou de la Conciergerie, qui tranche la question du lieu de naissance de Palissy, << natif de Agen en Agenoys » et jette une vive clarté sur les

Oui, c'est un roman, comme l'indique le titre. Et d'ailleurs, l'existence du baron Théodore de Neuhoff qui, ayant réussi | derniers mois de sa vie. De même, quelques recherches lui a la fin du XVIIIe siècle, à se faire nommer roi de Corse, sut monnayer ce titre jusqu'à sa mort et faire des dupes avec un art admirable, est bien celle du plus merveilleux héros de roman. M. Pierre Dominique la narre avec liberté et avec le puissant tempérament de conteur dont il est doué. - J. В.

Défense de Venise, par Georges RAVÈNE (Bossard).

M. Georges Ravène a pris la peine de réfuter une boutade assez grosse de M. Lucien Fabre, qui a publié naguère, paraîtil, un ouvrage intitulé Bassesse de Venise. Le défenseur de la cité des eaux montre sans peine non seulement que M. Fabre a tort, mais encore que M. Fabre n'a pas pris la peine de se documenter. Tous les vieux ragots, les légendes éculées trouvent place dans son ouvrage et il prend au sérieux des plaisanteries de Machiavel dont il ne s'aperçoit pas. Voilà pour le côté historique de son livre. Quant au côté, en quelque sorte visuel, on se demande s'il est jamais allé à Venise. Cette ville agissante est encore pour lui la cité langoureuse et passionnée, celle des amours en gondole et des sérénades: il n'est pas de ceux qui sa ent voir, ce M. Fabre. Le pamphlet défensif de M. Ravène est très solide et vivant : on le lira avec un très vif plaisir. J. B.

La belle Eugénie, par Marc ELDER (Ferenczi).

Ah! quel beau et intéressant roman eût pu nous donner M. Marc Elder, s'il se fût contenté de nous peindre une aventureuse navigation, à la fin du XVIII siècle, vers les Iles, avec la vraisemblance et la compétence que ses connaissances marines lui auraient permises ! Malheureusement, écrivant un roman <<< historique », il n'a pas su se dégager de la fâcheuse tradition, et ses personnages sont bien conventionnels, et son affabulation

auraient permis, dans l'auditoire de Palissy, d'identifier << Monsieur Misère, médecin poitevin », qui n'est autre que l'éditeur de Marot. Il n'eût pas été superflu, non plus, de tenir compte des études publiées sur le style et la langue, par L. Sainéan, E. Dupuis et autres. - H. C.

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Technique du décor intérieur moderne, par Guillaume JANNEAU (édit. Morancé).

Ces leçons, professées à l'Ecole du Louvre par un de nos écrivains d'art les plus clairvoyants, prouvent qu'il est aujourd'hui possible d'appliquer les méthodes de la critique historique à l'étude de l'art décoratif moderne. La période qu'elles embrassent, de 1889 à 1925, est suffisamment étendue pour permettre d'émettre des jugements, sinon définitifs, du moins rationnels et impartiaux. Ceux de Guillaume Janneau sur Gallé, l'Ecole de Nancy, l'art nouveau de Bing, Grasset, Guimard, surtout, ce courageux précurseur si injustement oublié, sont à retenir. Quant aux efforts de nos meubliers contemporains, ils sont heureusement groupés par tendances, sinon par écoles, car l'individualisme des artistes-décorateurs est tel qu'on compte dans leurs rangs plus de maîtres que d'élèves. Le point de vue de Guillaume Janneau est objectif. Il n'en pouvait être autrement. Mais on sent que ses préférences vont au rationalisme des frères Perret, à la machinerie domestique, à l'architecture pure de Chareau,

Mallet-Stevens, Jourdain. Un quart du livre est consacré aux pays étrangers, à l'Allemagne, notamment, et ce n'est pas la partie la moins précieuse de l'ouvrage. - Н. С.

Le Pot de Basilic, par Madeleine CLEMENCEAU-JACQUE-
MAIRE (Jules Tallandier).

Sous le signe de l'humble plante aromatique qui fleurissait jadis à chaque foyer vendéen, voici les souvenirs d'enfance de la petite Juliette. Juliette c'est l'auteur n'est pas une petite fille ordinaire. Elle ouvre sur le monde des yeux tout frais et d'une rare clairvoyance : « L'enfant est vivant parmi les hommes. L'enfance a des annales où la chronologie importe peu. » Mais quelle précision dans ces annales et quelle couleur ! Des paysages d'une palette chaude et riche, servent de fond aux fières silhouettes de paysans vendéens, mi-bretons, mi-poitevins...

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Mademoiselle de Milly, par Albéric CAHLET (Fasquelle).

Le « motif » de ce roman est inventé avec ingéniosité. C'est l'histoire supposée du personnage dont Lamartine a fait Laurence, l'héroïne de son roman de Jocelyn, et qui s'appelait dans la vie Mlle de Milly. M. Albéric Cahuet raconte qu'il a obtenu d'un certain érudit mâconnais inconnu des bibliographes, M. Alfred Testot-Ferry, des documents ignorés jusqu'ici sur cette personne. Peu importe comment les détenait M. TestotFerry. Ce qui nous intéresse, c'est la vie de Laurence que nous retrace M. Albéric Cahuet, et le livre est d'une lecture très agréable. J. B.

Les scènes d'intérieur, à l'ombre du vieux château, évoquent avec une vie intense, la figure du « seigneur républicain » et de sa famille. Dans le cadre de hautes boiseries et de cretonnes passées, de douces femmes aux bandeaux lisses couvent la petite fille et gravitent timidement autour du grand-père à l'allure hautaine et au cœur charitable, grand seigneur et démocrate. Surgit | juste et tout à fait vraisemblable. - J. В.

Premier inceste, par Jeanne MAXIME-DAVID (Flammarion). Sous ce titre, qui accroche l'œil de l'acheteur d'une façon fâcheuse, Mme Maxime-David raconte l'histoire invraisemblable d'un garçon et de sa mère, tous deux influencés, sugges tionnés par la prédiction d'un charlatan. Sa psychologie paraît

parfois le fils de la maison, le père de Juliette, « ce jeune homme brun, pâle et maigre avec de fortes pommettes, des moustaches tombantes et des yeux immenses ». Il arrive de Paris, en hâte, pour embrasser tendrement ses enfants, et chasser l'alouette...

Au Pot de Basilic, qui nous embaume d'un parfum de vraie nature et de souvenir chaleureux, les historiens de l'avenir demanderont maints renseignements sur ce milieu robuste et sain, idéaliste et raisonnable, où se trempa le caractère et l'esprit du grand vieillard de 1918. R. S.

Ceux du trimard, par Marc STÉPHANE (Grasset).

« Quant à la réprobation des hommes d'ordre que risque finalement de lui faire encourir (ce dit-on) son goût déplorable pour les gueux, les réfractaires, les loups humains les horsla-loi, l'auteur s'en fout complètement... » Il se dégage de cette phrase (extraite de la préface de ce roman) un parfum de naïvet' qu n'est pas sans saveur. Le roman, assez naïf aussi, et jusque dans ses scènes les plus « luxurieuses », est plein de talent. L'auteur emploie un parler argotique qui est celui du trimardeur, son héros. S'il avait pris pour héros un autre trimardeur, il aurait pu prendre un autre parler du même genre, assez proche, mais non tout à fait semblable. Car c'est un des caractères de l'argot, que de varier à l'infini selon la personne qui parle, et d'être en somme toujours juste. J. B.

Mozart d'après ceux qui l'ont vu (librairie Stock).

Ainsi qu'il l'avait déjà fait opportunément pour Beethoven, M. J.-G. Prod'homme a réuni et traduit diverses lettres et souvenirs de parents ou d'amis de Mozart, tels son père Léopold, ses collaborateurs Da Ponte, Schikanender, sa belle-sœur Sophie Haïbel. Ces documents contribuent, ainsi que les Lettres dont il est question plus haut, à tracer un portrait vivant, véridique, et sans apprêt du musicien de la Flûte Enchantée. On les consul

BIBLIOGRAPHIE

ROMANS. A. W. MASON, Le reflet dans la nuit (Gallimard, 8 fr.). - La châtelaine de Vergy, trad, par Joseph BÉDIER (Piazza). Ch. de SAINT-CYR, Sous le signe du caribou (Aux Editeurs associés, 18 fr.). Elissa RHAIS, Le sein blanc (Flammarion, 12 fr.). Henri DROUIN, Service de jour (Grasset, Paul GSELL, L'homme qui lit dans les âmes (Grasset,

12 fr.).

12 fr.). - Louis-Charles BAUDOUIN, La loge de la rue du Vieux-
Muy (Grasset, 12 fr.). - Marcel ARNAC, La farce de l'île déserte
(Nouvelle Société d'Edition, 12 fr.). - Jean BALDE, Reine d'Ar-
bieux (Plon, 12 fr.). Thierry SANDRE, Cocagne (Nouvelle
Revue critique). - Georges BOUCHARD, Le relais de Citeaux (La
Monde moderne). - Adrienne LAUTÈRE, L'enfant prodige (Fas
que'le, 12 fr.). Germaine ACREMANT, Le carnaval d'été (Plon,
12 fr.). - Flavien GIRARD, La leçon d'amour dans une île (Le
Monde moderne). - COLETTE, La naissance du jour (Flamma-
rion, 12 fr.). - Marc STÉPHANE, Ceux du trimard (Grasset,
12 fr.). - Louis ARTUS, Les chiens de Dieu (Grasset, 12 fr.). -
Louis DELLUC, Le dernier sourire de Tête Brûlée (Le Monde
moderne). Henri BACHELIN, L'Abbaye, Vézelay au XII° siècle
(Le Monde moderne).
Paul BRACH, La protégée (Flammarion,
12 fr.). Marcel BOULENGER, C'est donc sérieux ? (Plon, 12 fr.).
VOYAGES.
Louis GILLET, Dans les montagnes sacrées
(Plon, 12 fr.). - Charlie CHAPLIN, Mes voyages (Kra, 12 fr.). —
Jean-Louis VAUDOYER, Nouvelles beautés de la Provence (Gras-
set, 15 fr.). - J.-F. Louis MERLET, Au bout du monde (Del
peuch, 12 fr.). - Pierre MAC-ORLAN, Rue Saint-Vincent (Edl-
tions du Capitole). - René Schwob, Profondeurs de l'Espagne
(Grasset, 15 fr.). - Marcelle TINAYRE, Terres étrangères (Flam
marion, 12 fr.). - Armen OHANIAN, Dans la VI partie du monde
(Grasset, 12 fr.). - Georges RAVÈNE, Défense de Venise (Bos
sard, 18 fr.). – Pierre CAMO, Peinture de Madagascar (Emile
Paul). - Marc ELDER, Pays de Retz (Emile-Paul. — Roland
DORGELĖS, La caravane sans chameaux (A. Michel, 12 fr.).

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ART ET CURIOSITE

La miniature sur émail

De quand date-t-elle ?

<< Avant 1630, dit un vieil auteur, ces sortes d'ouvrages étaient encore inconnus, car ce ne fut que deux ans après, que Jean Toutin, orfèvre de Chasteaudun... s'étant mis à rechercher le moyen d'employer des émaux qui fissent des couleurs mates pour faire diverses teintes, se parfondre au feu et conserver une mesme égalité et un mesme lustre, en trouva enfin le secret... »

C'est l'histoire de cet art charmant que M. Henri Clouzot nous conte dans un très beau livre qui paraît ces joursci (1).

Rien n'est plus attachant que la vie de ces familles d'artisans d'autrefois. Vie laborieuse qui se poursuit dans la recherche et l'embellissement de leur art. Le secret de cet art est transmis d'âge en âge, il est gardé jalousement, et ne doit pas être trahi. Le père apprend à ses fils ce qu'il a appris, les fait travailler sous ses yeux, leur lègue le mot de

sa science.

Presque tous ces émailleurs sont aussi orfèvres. Précisément ce Jean I Toutin auquel remonte l'invention de la miniature sur émail, cisèle les métaux précieux, d'autres sont tailleurs de monnaies, graveurs sur cuivre. Pour en revenir à notre inventeur, il fit de ses deux fils deux élèves qui le dépassèrent, car au début « quel que soit son génie, un artiste n'atteint pas du premier coup à la perfection matérielle. » Il essaye, il tâtonne. Toutin a « toutes ses couleurs à conquérir. Il faut qu'il obtienne pour chacune, le degré de cuisson convenable, et qu'il en dose le fondant. » Que d'habileté et de soin ces recherches supposent chez l'artiste, quelle patience ! Que de plaques perdues, que de temps passé !

Il est assez singulier de noter que c'est au centre de la France, au bord de la paisible Loire, que l'art de la miniature se développe d'abord le mieux. On dit : « L'école de Blois ». Cette dernière ville donnera des artistes dont la qualité dépassera celle des autres. Pourquoi Blois ?

- Songez que la Cour y réside et que le goût des princes favorise dans la ville les joailliers et les orfèvres. Certains se sont spécialisés dans la fabrication de ces montres adorables, véritables chefs-d'œuvre de ciselure et de richesse. On compte dans la ville plus de trente maîtres, autant d'orfèvres. Blois est une véritable « cité du bijou ». Marie de Médicis répand et favorise ce goût. N'a-t-elle pas détaché de son corsage en 1621, et offert à l'ambassadeur italien qui

(1) La Miniature sur émail en France, par Henri Clouzot, éditions Albert Morancé.

prenait congé, deux montres en lui disant que : « c'étaient là deux fruits merveilleux qui naissent à Blois dans les mains des excellents ouvriers du pays ».

A Blois deux émailleurs surtout, deux orfèvres, étudient l'art de la minature sur émail avec la « peinture vitrifiable » ; ce sont Isaac Gribelin, et Christofle Morlière. Ils commencent à décorer des boîtes d'or et à orner les montres de ces charmantes peintures, scènes mythologiques, fleurs, figures, que nous aimons tant.

Mademoiselle de Montpensier dans ses Mémoires note qu'elle emporte deux montres de Blois, pour les offrir au roi et à la reine. « Celle du roi était très petite et émaillée de bleu, celle de la reine était aussi émaillée, et c'étaient des figures, selon l'usage du temps. >>

En 1643 Morlière exécute une boîte destinée au frère du roi, elle est « en or, émaillée, à figures et à personnages », elle lui est payée 1.200 livres. Pour le temps c'est un bon prix, l'artiste n'en reçoit pas toujours de semblables. Il peint aussi des anneaux et des bagues. Dans un procès qu'il fait (il est très procédurier cet émailleur) Morlière nous livre ses prix. Il réclame « six pistolles pour faire la façon d'une boiste de monstre pincte, une pistolle pour le dedans d'une autre boiste en païzage, et deux écus pour un jon d'or. »

Et voici Jean Petitot, le seul vraiment célèbre, même pour le profane, de tous ces maîtres ; il laissera non seulement des œuvres parfaites, mais un grand nom. Dezallier d'Argenville parlera de lui dans sa « Vie des peintres » en 1745; Burgers dans Lives of eminent painters, dix ans après, et Mariette pourra encore interroger des contemporains du fils de Petitot rencontré à Londres : son souvenir est vivant.

Disons que presque tous ces artistes sont Français, ou d'origine française, souvent chassés de leur patrie par la persécution religieuse. Beaucoup de familles se sont réfugiées à Genève, qui aura plus tard son école. Le temps aidant, l'art charmant qui a fleuri sous les doigts des Toutin et des Petitot, et qui est né de leur génie sera repris par d'autres, ils n'en restent pas moins les inventeurs d'un art qui par sa délicatesse et sa grâce, appartient essentiellement à la France.

Jean Petitot naquit à Genève d'une famille de Bourguignons qui, jusqu'au grand père de l'artiste, ne quitta jamais la Bourgogne. Son père sculpteur sur bois, voyagea en Italie, puis se maria et se fixa à Genève. Jean vint ensuite à Paris prendre des leçons des Toutin, on le croit et reproduire leurs procédés dans le travail de l'émail. Il passa ensuite en Angleterre, où il fut appelé à la Cour du roi Charles Ior C'est en Angleterre que J. Petitot connut Jacques Bordier qui devint son ami et son associé pendant demi-siècle. Charles Ier accueillit donc Petitot, lui fit même servir une pension jusqu'au jour où le bon peuple coupa le cou du roi,

Van Dyck donna en Angleterre, paraît-il, des conseils à notre émailleur, mais M. H. Clouzot affirme que Jean Petitot tint sa plus délicate facture de l'étude des miniaturistes comme Hilliard, Oliver, Hoskins et que d'autre part, c'est en Angleterre que notre homme trouva ses meilleurs procédés d'émailliste ; le « le fondant » qu'il ne réalisait pas auparavant, il le trouva ici et aussi les ton qui lui manquaient. C'est là le secret du chimiste, il est probable que Jean Petitot le découvrit dans l'utilisation de substances nouvelles, de préparations qu'il ne connaissait pas autrefois.

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Il n'est permis à personne d'ignorer les admirables portraits sur émail de Jean Petitot. Le Louvre en possède une collection remarquable, et aussi Chantilly, et le Musée de Genève. Le livre de M. Clouzot qui contient de belles repro'ductions en montre d'autres encore, appartenant à des collections particulières. Nous sommes loin des premiers essais de Toutain reproduits à la première page, ici l'art de Jean Petitot atteint une perfection qui certes n'a pas été dépassée.

Mais déjà les maîtres émaillistes sont accueillis par tous les rois de l'Europe, fêtés, pensionnés, honorés. Christine de Suède voulut avoir le sien et fit venir un Français, Pierre de Signac, élève de Toutain qui n'a pas vingt-deux ans quand il est pensionné par la Cour de Suède. Pierre Huaud 'de la célèbre famille Poitevine, séjourne vers 1685, auprès du prince électeur de Brandebourg. Ch. Boit est protégé par le duc d'Orléans. Un autre, Barnabé-Augustin de Mailly, a affaire à la grande Catherine.

Ce Barnabé travaille dans son atelier, à Paris, rue PavéeSaint-André-des-Arts, pour le correspondant de l'Impératrice: Grimm. Par l'intermédiaire de Grimm, il offre à la Souveraine d'exécuter pour elle « une écritoire dans le genre militaire », où les victoires russes seront glorifiées, les défaites turques traitées de la bonne façon. Catherine II consent, et voilà notre orfèvre-émailleur à l'œuvre, non sans avoir reçu d'avance 36.000 livres tournois, Mailly demande un an de délai : Soit, Grimm attend, s'inquiète, en perd le sommeil.

Non sans raison. Un an après la commande, Mailly déclare qu'il lui faut encore 62.000 livres, sans quoi, il se demande s'il pourra achever... Grimm se fâche, on se plaint à M. de Vergennes, ministre des Affaires étrangères, on va quérir le lieutenant de police, on nomme des experts, on écrit des rapports, Houdon est chargé de surveiller la fabrication des bronzes. En 1778 tout est terminé. Mais aussi : Quelle écritoire !

Un parc d'artillerie, des petits génies militaires animés, l'embrasement de la flotte turque, trois aigles, un hercule, une pendule, des trophées, des armes, vingt-sept sujets d'émail, des plaques peintes représentant les batailles, Catherine décorant Potemkine de l'ordre de Saint Georges... tout cela ravissant de grâce et de couleur, et rappelant nos meilleurs petits maîtres: Saint Aubin ou Cochin, si l'on veut.

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L'art français en Amérique.

MARIE-LOUISE PAILLERON.

Un des plus grands magasins du monde, Macy, de NewYork, expose dans son hall l'art moderne de six nations. L'Autriche a réalisé un boudoir et un salon de coiffure, l'Allemagne un bureau et une salle à manger, l'Italie une boucherie et une salle rustique, la France une chambre à coucher, une salle à manger et un living-room, les Etats-Unis plusieurs appartements. Dufrêne et Leleu, Paul Bruno, Josef Hoffmann, Felice Casorati sont parmi les plus représentatifs des décorateurs invités à cet intéressant tournoi international.

IDEES

La pensée pure

Il y a des jours où le critique, lassé peut-être des idées courantes et de la facilité du roman éprouve le besoin de lire des choses difficiles. J'étais dans cette disposition heureuse quand m'est parvenu le livre de M. Paul Decoster, portant ce titre austère et bref : Acte et Synthèse (1). M. Paul Decoster est un professeur de l'Université de Bruxelles qui ressemble, en mieux, à Socrate et que ce maître eût aimé pour la subtilité de son esprit. Il est, j'entends M. Paul Decoster, il est prompt, hardi, se meut dans l'abstrait comme se mouvait Sardou parmi ses personnages, et il enlève dans un assaut foudroyant les positions métaphysiques les plus abruptes. << Au résumé... », écrit-il, et on a l'impression qu'il s'écrie: << Au drapeau ! >>

Tel quel, et sans autre plaisanterie, ce travail reste, dans sa sobriété parfois un peu sibylline, d'une haute tenue. Je ne puis guère songer à en exposer le détail à des lecteurs non professionnels. Qu'il me suffise d'en retenir le sens et de le restituer surtout à des problèmes qui doivent passionner tout le monde.

M. Decoster ne serait point philosophe s'il n'avait un système. Ce système est une correction, d'ailleurs heureuse, du kantisme. Vous savez que ces mêmes philosophes sont gens terribles et redoutables au commun qui s'aventure en leur compagnie. Nous croyons, par exemple, nous, bon peuple, que l'univers existe, et nous ne pensons point abuser quand nous demandons à Nicole de nous faire passer nos pantoufles. Or, nous abusons. Nous n'avons nul droit d'affirmer que nos pantoufles et Nicole existent. Ce sont leurs images qui sont en nous, exactement dans notre cerveau jouant son jeu de fibres et de cellules. Mais, direzvous, nous les touchons, que diable ! Peu importe : le toucher aussi bien que la vue peut faire illusion et il doit vous souvenir que Taine appelait le monde extérieur une << hallucination vraie ». Non, ce qui se produit, Kant l'a établi. Les choses nous apparaissent non en elles-mêmes, mais dans un cadre que nous leur imposons, sous des catégories qui sont à nous. Nous pensons qu'en nous encore, par la sensation, elles engendrent temps, espace, causalité : c'est nous qui, préalablement, ou à priori, leur tendons ces lacs où elles viennent se prendre et s'ordonner toutes dociles.

Ainsi ce qui est vraiment premier - irréductible, c'est l'esprit, la pensée dans ses modes et son principe, non l'expérience ou le sensible. M. Decoster est de cet avis. Seulement, aux catégories de l'idéalisme kantien, il préfère un acte plus haut, plus compréhensif, plus indubitable qu'il appelle

(1) M. Lamertin, édit. (Bruxelles).

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