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On a dit que la seule figure de rhétorique convaincante était la répétition.

M. Kellogg, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, doit être de ce sentiment.

Le 13 avril dernier, en effet, il avait adressé aux chancelleries des six principales puissances un projet en trois articles de pacte contre la guerre.

Les chancelleries avaient diversement réagi, mais toutes elles avaient formulé certaines réserves et suggéré des amendements.

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Or, le texte remis le 23 juin de la part du gouvernement américain aux puissances déjà saisies le 13 avril et à un certain nombre d'autres reproduit, sans y changer un iota, le texte primitif à lire le seul projet de traité c'est-à-dire le seul acte ayant une valeur juridique semblerait que le Cabinet de Washington, sûr de la mission divine du peuple américain et de son infaillibilité, ait superbement ignoré toutes les observations qui lui avaient été

soumises.

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il

C'est un peu cela, mais ce n'est pas tout-à-fait cela. En réalité le gouvernement que préside M. Coolidge et où M. Kellogg tient le portefeuille des Affaires étrangères est pris entre un désir et une crainte.

Le désir, c'est celui d'affirmer de manière éclatante, aux weux des électeurs américains et au début de la campagne pour l'élection présidentielle, le prestige mondial de la diplomatie du parti républicain - il est significatif, à ce propos, que la dernière communication de M. Kellogg ait été faite - telle une vulgaire « manœuvre de dernière heure >> moment où allait s'ouvrir à Houston la « convention » du arti démocrate.

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La crainte, c'est celle du Sénat de Washington, laquelle lemeure, depuis Wilson, l'alpha et l'oméga de la sagesse le tout gouvernement américain: or, les leaders influents u Sénat ont fait en temps utile connaître à MM. Coolidge Kellogg que tout amendement au texte du 13 avril ompromettrait irrémédiablement l'adoption de celui-ci par a redoutable assemblée.

Désireux d'aboutir, mais désireux de ne pas choquer le énat, le Cabinet de Washington a pris un moyen terme : a reproduit tel quel son premier projet, mais il l'a fait récéder d'un préambule et il l'a accompagné d'une lettre.

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On sait la petite mésaventure qui est arrivée à la diplomatie française:

En juin 1927 elle avait, la première, conçu un projet de pacte à peu près identique à celui que présente aujour d'hui le gouvernement des Etats-Unis. Mais, différence essentielle, ledit pacte devait être purement franco-américain,

Le Cabinet de Washington, en acceptant l'idée, l'élargit considérablement et proposa un pacte « multilatéral » c'està-dire conclu entre les principales puissances mondiales.

Mais alors le Quai d'Orsay protesta : l'extension projetée lui paraissait, à juste titre, de nature à rendre inopérants les traités conclus récemment par la France, dans le cadre du pacte de la S. des N., avec différentes puissances européennes et par suite à compromettre la sécurité nationale.

En conséquence, le Cabinet de Paris demanda qu'il fût spécifié :

1° Que le pacte laisserait intact le droit de légitime défense ;

2° Qu'en cas de contravention, tous les signataires reprendraient leur liberté d'action vis-à-vis du contrevenant ; 3° Que tous les droits et obligations découlant de traités antérieurs demeureraient valables;

4° Que l'adhésion de toutes les puissances (et non pas seulement des principales puissances) serait requise.

De son côté, le gouvernement britannique, tout en se ralliant partiellement aux réserves françaises, présenta une demande particulière : le nouveau pacte ne devrait en aucun cas empêcher la Grande-Bretagne d'agir à sa guise dans les régions qui importent essentiellement à ses intérêts impériaux lisez en Egypte.

On a vu que ces demandes n'ont pas conduit le gouvernement américain à modifier le texte de son projet de traité.

Toutefois, une phrase assez vague du nouveau préambule peut être interprétée comme donnant satisfaction à la deuxième demande française; la lettre d'envoi, d'autre part, tient un compte nettement favorable de la première et de la troisième demande; enfin le fait que le projet a cette fois été soumis à la Belgique, la Pologne et la Tchécoslovaquie c'est-à-dire aux alliées de la France- répond à la préoccupation qui était celle du gouvernement français lorsqu'il formulait sa quatrième demande.

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juridique ; la seconde en particulier ne saurait exprimer que Mais ni le préambule, ni la lettre d'envoi n'ont de valeur l'interprétation personnelle que les hommes actuellement au pouvoir à Washington donnent du projet de pacte.

point de vue français, assez inquiétant. Or, tel qu'il subsiste, ce projet lui-même demeure, du

D'autre part, nulle mention n'est faite, dans la dernière communication américaine, de la réserve formulée par la Grande-Bretagne.

Il semble que cette réserve fasse actuellement l'objet de conversations directes entre Washington et Londres : aussi bien paraît-il difficile que les Etats-Unis qui revendiquent si énergiquement le droit d'agir à leur guise au Nicaragua, dénient à l'Angleterre le même droit en Egypte.

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On ne résiste pas indéfiniment c'est regrettable, mais c'est ainsi à la volonté d'une puissance de cent vingt millions d'habitants et qui dispose du plus clair de la richesse 'du globe.

Il est seulement extrêmement fâcheux que cette volonté ne fasse que traduire d'étroites préoccupations de politique intérieure: l'équilibre européen compromis parce qu'un parti américain désire se tailler une petite réclame électorale, voilà de quoi faire réfléchir l'historien.

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et c'est là notre apaisement A vrai dire le pacte mettant << la guerre hors la loi » ne compromettra sans doute pas grand'chose.

Ce sera un papier vide de sens de plus.

Mais cette logomachie verbale ou écrite qui, depuis la guerre, tend à devenir de mode en diplomatie, présente un grave inconvénient : elle berce les peuples d'illusions et les habitue à se payer de mots; quand les faits les forceront à reconnaître qu'il n'y a rien sous ces phrases que sonorité creuse et faux-semblants, leur déception sera cruelle et leur colère risquera d'être terrible.

AFFAIRES

JACQUES CHASTENET.

ECONOMIQUES

La réforme monétaire

Après tant de services rendus au pays, M. le Président du Conseil s'est encore grandi par ce magnifique discours du 21 juin, et sa parole a rassemblé autour de lui, pour les décisions qui s'imposaient, l'unanimité presque entière de la Chambre.

Les événements ont montré que, si la reconnaissance est éphémère dans le cœur des hommes, l'estime est une force 'durable et puissante. Ce mot d'estime, dans sa modération même, exprime sans doute le sentiment auquel M. Raymond Poincaré doit attacher le plus de prix. Mais avoir fait de l'estime, qui implique à l'ordinaire une nuance de froideur, le ressort d'un de ces mouvements irrésistibles qui emportent une assemblée, c'est là un des mérites les plus hauts que

puisse souhaiter un homme d'Etat. C'est donner à un juge ment intellectuel la vigueur d'une passion, et à la passion, indispensable aux représentants du peuple, la droiture d'us raisonnement. C'est, par là, fournir une efficacité pratique aux valeurs morales les plus éminentes et restaurer, après crédit public, cette autre confiance plus profonde, cette confiance en soi sans laquelle il n'est point de nation pro père parce qu'il n'est point d'esprit en paix.

Le discours du 21 juin est mieux qu'une profession de fo Il est, à proprement parler, l'examen de conscience de la France. Combien de lecteurs y auront retrouvé, ou décovert, l'analyse de leurs sentiments propres, de leurs débats intérieurs, de leurs hésitations personnelles sur le plus vaste problème qui se soit posé à un gouvernement depuis l'ar mistice! Ces sortes de découvertes sont plus fréquentes dans un roman que dans un discours parlementaire. Mais i pour une décision dont dépendait tout l'avenir de notre pays, nous voyons le chef du gouvernement nous ouvrir regard sur ses réflexions d'homme, ne point nous cacher que son désir a toujours été de rehausser le franc jusqu'à l'extrê me limite du possible, et cependant choisir sans regret la solution que dicte le devoir, parce qu'elle est la meilleure pour le pays et que, lorsqu'une vérité est profonde, l'adhé sion qu'on lui donne est d'une complète franchise.

Aussi peut-on dire que, dans un moment décisif, les séan ces de la Chambre et du Sénat ont été dominées par la grandeur de cet objet le bien public.

:

Une fois de plus, M. Poincaré a résumé l'oeuvre accom plie. Une fois de plus, la perfection de la technique et la perfection de la forme ont emporté la conviction.

Tout le monde se souvient des événements qui ont mar qué l'histoire financière de notre pays depuis deux ans. Il est à peine utile de résumer ici ses trois phases.

Première phase: Au mois d'août 1926, la formation d'un gouvernement d'union nationale, le rétablissement d'un équilibre budgétaire incontestable, le vote de la loi constitutionnelle créant la Caisse d'amortissement et la dotant de ressources permanentes, restaurent en quelques jours le cré dit de la France.

Deuxième phase: Du mois d'août au mois de décembre 1926, un afflux de capitaux provoque la hausse du franc.

Troisième phase: Du mois de décembre 1926 au mois de juin 1928, la Banque, d'accord avec le gouvernement, absorbe les capitaux qui continuent de se diriger, de tous les points du globe, vers la France, concentre entre ses mains 45 milliards d'or ou de devises, rend par là impos sible toute manoeuvre contre le franc. En même temps, le Trésor aménage d'une manière rationnelle ses échéances, et, le taux de l'intérêt s'abaissant peu à peu, emprunte, pour ce faire, à des conditions de moins en moins onéreuses. La crise économique que chacun avait prévue ne prend pas d'ampleur réelle et s'atténue rapidement.

Aujourd'hui, le Trésor se trouvant en mesure d'apura ses dettes envers la Banque de France, il devient possible dr séparer définitivement le crédit de l'Etat de celui de l'Insti

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tut d'émission, de rattacher le franc à l'or, et d'éliminer enfin cette incertitude des changes qui est pour la production, pour le commerce extérieur et intérieur, pour le développement même de l'économie nationale, une sorte de poison lent, mais à la longue mortel.

Telle est la portée de la loi du 25 juin. Elle ne marque pas un achèvement; elle n'est pas davantage, comme on l'a dit, le début d'une ère nouvelle : elle est simplement, sur la route encore longue, une étape.

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Une étape, certes, d'une importance singulière. Car il est certain que la loi du 25 juin, - et c'est là, semble-t-il, ce qui a le plus frappé l'opinion parlementaire, se distingue de tous les autres actes du redressement financier en ce qu'elle consacre un choix. Jusqu'alors, tous les gestes accomplis s'étaient présentés dans leur enchaînement logique, mais aucun d'eux n'avait eu ce caractère d'engager définitivement l'avenir, d'éliminer des possibilités latentes. La loi du 25 juin écarte des dangers graves, elle est chargée de promesses précieuses, mais elle abolit des espoirs. Il importe donc d'examiner une dernière fois ces espoirs qui subsistaient et de savoir, d'une manière parfaitement claire et précise, que la France n'a renoncé qu'à une chimère.

Supposons, en effet, que l'on eût « ouvert les digues » et laissé la spéculation à la hausse du franc se développer sans frein. Admettons, par exemple, que le cours de la livre se fût abaissé de moitié, jusqu'à 62 francs, et que le franc eût atteint, par conséquent, les deux cinquièmes de son poids d'or ancien. Que serait-il advenu ?

Les prix, dit-on parfois, se seraient abaissés. Sans doute, mais pas dans la proportion de 2 à 1, et pas avant un assez long délai. Ni les salaires, ni les stocks n'auraient pu subir une amputation rapide et profonde. Les contrats en francs auraient subsisté sans changement. Pour prendre un exemple, les chemins de fer conservant leur dette obligataire, dont les arrérages constituent une partie importante de leurs charges annuelles, le prix des transports n'aurait pu être abaissé que dans une proportion insignifiante. Il en eût été de même pour la plupart des éléments qui composent les prix de revient et les prix de vente. Ainsi le niveau du prix de la vie, rapporté à l'or, se fût élevé d'une manière considérable. L'exportation arrêtée, l'importation de marchandises étrangères favorisée, la ruine générale, le chômage, la balance des comptes renversée, une nouvelle chute du franc, telles auraient été les conséquences inévitables de ces événements.

En même temps, le budget de l'Etat se serait trouvé en déficit de plusieurs milliards. Les dépenses, en effet, seraient restées, pour la plupart, immuables (arrérages de la dette, traitements des fonctionnaires); de nombreuses recettes auraient fléchi sans délai (impôts sur le chiffre d'affaires, sur les bénéfices industriels, sur les dividendes, etc...). Au moment même où les impôts seraient devenus d'un poids insupportable pour une production anémiée, il eût fallu augmenter leurs taux ou en créer de nouveaux. On se serait heurté à l'impossible et, l'équilibre budgétaire s'écroulant, on serait allé à de nouveaux désastres.

De quelque côté qu'on examine cette hypothèse, on est obligé de constater que de sombres pronostics se fussent présentés. Et que l'on ne dise point que les craintes de ce genre se sont souvent, à l'expérience, révélées exagérées. Il n'y a rien là qui ressemble à une prophétie. Ouvrir les digues, c'eût été accepter, non pas le risque, mais la certitude d'une catastrophe.

Sur les modalités adoptées par la loi du 25 juin, nous n'avons pas grand'chose à ajouter à nos études antérieures. Elles sont conformes à la doctrine que nous avons exposée à nos lecteurs il y a quelques semaines. Au début, la Banque de France achètera et vendra les lingots d'or à un prix fixe en francs; elle ne se pas astreinte à rembourser en pièces d'or ses billets. Restriction indispensable pour éviter une thésaurisation soudaine et inconsidérée. Mais la faculté est ouverte au ministre des Finances, et à la Banque de France, de revenir peu à peu au régime de la circulation intérieures des pièces d'or.

Nous persistons à penser que ce régime présente de si grands avantages qu'il doit redevenir un jour celui de la France, et qu'il eût été dangereux de rejeter cette possibilité. Nous sommes convaincu que dans un pays libre, c'est aux individus qu'il appartient, en temps normal, de conserver par devers eux une somme en or ou de l'employer, à' leur gré, à un placement productif. Concentrer l'or, par force, dans les réserves de la Banque, en interdire l'usage au public, c'est une mesure d'autorité, non une œuvre d'éducation. Nous souhaitons, pour notre part, qu'après une nouvelle période de transition indispensable, la suppression du cours forcé soit complétée un jour par la liberté de la frappe. Nous pensons que, ce jour-là seulement, l'édifice sera achevé.

Mais, dès maintenant, il est construit, couvert et prêt pour les aménagements intérieurs. Solidement planté, il ne verra plus ses fondations s'enfuir dans le sable mouvant. On peut, de nouveau, en France, prévoir, entreprendre, créer. Nul ne doute qu'il ne sorte de ce pays les initiatives nécessaires, tant pour développer à plein sa prospérité et son bien-être que pour accroître son rayonnement.

la vie

MAX HERMANT,

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NOTES ET FIGURES

Le monument de Ronsard à Paris Voilà donc le monument de Ronsard élevé et inauguré 'dans la capitale, au Quartier Latin.

L'idée de cette commémoration naquit en 1924, l'année 'du quatrième centenaire de la naissance de Ronsard, dans une conversation entre M. Pierre de Nolhac, l'un des meilleurs poètes de ce temps, éminent humaniste et l'un de nos plus savants et de nos plus passionnés ronsardisants, et M. Maurice Allem, secrétaire de la rédaction de la Muse française. Le comité Ronsard, qui se fonda aussitôt sur leur initiative, comprenait les plus grands noms des lettres contemporaines. Il forma bientôt le projet de comprendre les compagnons de Ronsard dans l'hommage qu'il se proposait de rendre au « prince des poètes français » et de perpétuer cet hommage en élevant un monument à leur commune gloire. On placerait le monument sur la montagne Sainte-Geneviève, près de l'emplacement de l'ancien collège de Coqueret, où Pierre de Ronsard avait découvert l'hellénisme en écoutant les leçons de son illustre maître et ami Dorat.

Le Comité lança donc une souscription. On désirait, naturellement, recueillir une somme importante. Cependant, à l'une des séances du comité, M. André Hallays déclara qu'il souhaitait que cette somme fût petite, car, dit-il, < plus il y aura d'argent, plus le monument sera gros, et plus il sera gros, plus il sera laid ». L'ardent défenseur de la beauté 'des monuments et des paysages de notre pays proposait 'd'honorer Ronsard et la Pléïade par une simple plaque de marbre portant une belle inscription et apposée contre un monument du Quartier Latin. Mais son avis ne prévalut point, et l'on décida d'élever, si on le pouvait, dans un jardin public de ce quartier (le meilleur endroit serait la pelouse en pente qui longe la façade principale du collège de France, à l'angle de la rue Jean-de-Beauvais), un buste de Ronsard, au-dessous duquel seraient placés les médaillons de Joachim du Bellay, de Remi Belleau, d'Antoine de Baïf, d'Etienne Jodelle, de Pontus de Tyard et de Jean Dorat.

C'est ce qui a été fait, mais le projet primitif a subi quelques modifications que je ne trouve pas heureuses. Le socle du buste devait être hexagonal et porter sur chaque face le médaillon de l'un des six compagnons de Ronsard; or, l'architecte a élevé un socle quadrangulaire et groupé les six compagnons de Ronsard deux par deux, sur trois côtés du piédestal. Ce groupement est arbitraire, et en outre, comme les deux profils regardent du même côté, le nez du

personnage placé derrière touche la nuque du personnage voisin, ce qui n'est point gracieux.

Autre modification: M. Jusserand, qui avait le dro de dire son mot dans cette question puisqu'il est l'auteur d'un remarquable volume sur Ronsard proposait de pla cer le buste au milieu d'un parterre composé des fleurs que Ronsard a chantées le plus souvent et avec le plus d'amou, sans parler du vert laurier si cher au poète; or, le buste et entouré d'un petit terrain sablé, square minuscule, où tros voitures d'enfants tiendraient à peine. Mais on nous dit que cet arrangement est provisoire et que nous verrons bientôt le poète entouré de ses fleurs préférées.

Ce qui est plus fâcheux, ce sont les dimensions mêmes du monument. Le statuaire a taillé l'effigie du poète d'après le beau buste ancien qui se trouve dans la salle dite des Pr mitifs au musée de Blois ; mais, il lui a donné des dimen sions beaucoup plus considérables que celles de l'original, et cette modification est très regrettable. David d'Angers avait fait de Stendhal un médaillon admirable; qui voudrait admirer le médaillon grossi et bouffi que Rodin a sculpté, d'après celui de David d'Angers, pour le monument du Luxembourg ?... De plus, le monument de Ronsard et trop volumineux par rapport au bâtiment du Collège de France, et surtout par rapport à la belle statue de Dante, par Aubé, qui lui fait pendant à l'autre bout de la pelouse, du côté de la Sorbonne.

Mais enfin il existe, et la cérémonie d'inauguration, samedi matin, a été charmante. Un beau soleil ; sur l'es trade, presque tous les poètes de France, et de nombreux prosateurs aussi ; autour de l'estrade, des étudiants; enfin, aux fenêtres des vieilles maisons de la rue Jean-de-Beauvais, de jeunes têtes ébouriffées et qui ne savaient pas sans doute, que Ronsard a écrit : « Mignonne, allons voir si la

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rose... >>

Devant la tribune officielle se tenait la Chanterie de la Renaissance, que nous voulons remercier d'abord pour avoir entouré la cérémonie de l'atmosphère musicale qui convenait. Il faisait beau voir M. Henry Expert, une calotte de velours noir posée sur des cheveux indisciplinés, et la flamme de l'enthousiasme aux yeux, conduire les chants que ses artistes ont exécutés à merveille. Ces poèmes de Ronsard, Las, je me plains, Petite nymphe folastre, Ma mais tresse est toute angelette, et d'autres encore mis en musique par les Costeley, les Janequin, les Lassus et leurs confrères de ce temps, ont enchanté les auditeurs, de même que Revecy venir le printans, de Baïf, qui a terminé la cérémonie. Et Mme Dussane, sociétaire de la ComédieFrançaise, a dit avec son art habituel : Quand vous serez bien vieille, Afin qu'à tout jamais de siècle en siècle vive, enfin Le poète et la Muse, ce sublime testament poétique de

Ronsard.

Quant aux discours, nous en avons rarement entendu de pareils dans une inauguration officielle. M. Pierre de Nolhac, qui représentait l'Académie française, a parlé de Ronsard avec la même ferveur que mettaient en ce même endroit, Ronsard, Baif et Dorat, à s'entretenir d'Homère ou de Pindare. M. André Dumas, président de la Société de

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Le programme nous annonçait un discours de M. Raoul ndon, conseiller municipal du quartier de la Sorbonne éputé de la Seine. Mais, voulant témoigner son méconement de n'avoir été invité, quelques jours plus tôt, absurde et inconvenante débaptisation du quai Saintchel mué en quai René-Viviani, M. Raoul Brandon a dé le silence. Faut-il le regretter ?... Si le mérite littére de ce discours rentré devait être égal au mérite artise de l'Hôtel des Postes que M. Raoul Brandon, qui est hitecte, vient de construire à Chartres, nous n'avons pas -du grand'chose...

HUBERT MORAND.

Les anciens jeux français

Nous voici aux longues journées, si favorables aux jeux e plein air et aux courses. On croit généralement que ces eux, nous les avons empruntés à l'Angleterre. C'est une reur. En France, ils ne doivent rien à qui que ce soit de étranger. Même, nous devons en revendiquer la priorité rançaise.

D'abord le diabolo, le diabolique diabolo, que nous vons trop connu avant la guerre, n'est pas d'invention écente. Le XVII° siècle s'en est amusé beaucoup, ainsi qu'on eut le constater dans un tableau de Watteau qui figure u Louvre et qui est intitulé, on ne sait pourquoi, L'Indif'érent.

Pas plus que le diabolo, chez lequel on retrouve une parenté avec le « volant » de notre XVe siècle, le lawntennis n'est d'origine anglaise. D'après un vieux chroniqueur, Duguesclin se livrait à l'amusement du Jeu de Paume quand on vint lui annoncer que son frère était captif des Anglais. Souvenez-vous que Charles V avait fait construire au Louvre une salle pour ce jeu et que Louis XIV en avait dans toutes ses résidences. Or, tout le monde sait que le lawn-tennis n'est qu'un dérivé du Jeu de Paume.

Et le golf ?... Vais-je prétendre que c'est un jeu français ?... Mais oui.

Au XIII° siècle, on jouait en Normandie à un jeu qui se nommait la crosse ». Chaque année, à Avranches, les parties s'ouvraient avec un certain cérémonial. Sur la grève de la Saudière, non loin du pont qui existe encore, l'évêque donnait le signal des jeux, en frappant la boule avec sa Crosse, tandis que les cloches sonnaient à toute volée. La boule devait passer dans tous les trous, séparés par des obstacles, et le joueur qui conduisait sa boule avec le plus petit nombre de coups gagnait la partie.

Au XIV' siècle, chaque jour, quelque temps qu'il fit, tout bon Français « prenait de l'ébat », c'est-à-dire se livrait au sport en plein champ ou à huis-clos, et de bien des manières différentes.

Nos ancêtres ignoraient l'usage du parapluie, mais ils pratiquaient une foule d'exercices physiques, et ils y excellaient. Les tournois, ainsi que la chasse, n'étaient pas autre chose que le sport de la chevalerie et de la noblesse. La lutte était un exercice seigneurial et populaire. Les manants jouaient à la soule ou choule (football), au criquet (cricket). Ils faisaient tous du sport. sans le savoir. Ce terme anglais vient du vieux français : « desport », « desporter ». Rabelais employait notre vieux mot dans son sens sportif : « Se desportaient... ès près et jouaient à la balle, à la paume ».

La découverte de l'imprimerie plongea dans la joie émouvante de lire et d'étudier tournoyeurs et paumistes, joueurs de soule et de crosse. Après la débauche d'exercices physiques du moyen âge, nous eûmes fatalement de longs excès cérébraux.

Aux XVII et XVIII° siècles, les jeux virils sont en décadence.. La paume n'est plus qu'un prétexte de paris. Le tripot, qui est le lieu où l'on jouait à la paume, devient synonyme d'endroit où l'on triche. Pendant que nous délaissions les jeux de plein air, ils devenaient populaires, en Angleterre. Chez nous, néanmoins, l'escrime et l'équitation n'ont jamais cessé d'être en honneur. La lutte demeurait populaire dans notre midi. Les sports locaux, pelote, longue paume, ballon, tir à l'arc, mail, etc., maintenaient leurs traditions.

La boxe française naissait de la combinaison de la savate marseillaise et du pugilat anglais. C'est en 1860 que se formèrent les premières sociétés d'aviron; en 1867 qu'apparaît le vélocipède. Depuis 1820, la gymnastique acrobatique, introduite en France par le colonel espagnol Amoros, est enseignée à l'école et dans l'armée. On ne l'appelle plus que la « gymnastique »>.

Savez-vous d'où vient le nom de mail, donné à ces grands emplacements plantés d'arbres qui forment la principale promenade de plusieurs villes de France ? Tout simplement du jeu qui consiste à frapper sur des boules à l'aide d'un maillet à long manche et à les diriger vers un but figuré par un piquet. Avant de parvenir à ce but, il fallait leur faire franchir une série d'obstacles représentés par des anneaux de fer n'est-ce pas, en somme, le jeu de croquet ?

:

Le mail, abandonné depuis longtemps à Paris, conserve sa vogue en Languedoc. L'habileté qu'y déploient les habitants de Montpellier a fait dire que les enfants y naissent << un mail à la main ». A l'un des jeux très aimés au temps de Rabelais, on lançait en l'air avec le pied un gros ballon, que les joueurs se disputaient ardemment. Cela n'allait pas toujours sans de véritables batailles : coups de poing, coups de pied, crocs en jambes; n'est-ce pas le football ?

Tous ces jeux, dont les parchemins authentiques remontent au moyen âge, qui donc les avait appris à nos aïeux ? Cette question ne m'importe guère. Pourtant, il est vraisemblable que celui qui nous les enseigna, dans les temps de jadis, fut un de ces bateleurs qui voyageaient par le monde,

et dont nous avons encore les héritiers errant d'une contrée de la vieille Europe à l'autre.

D'ailleurs, les textes du plus lointain passé ne racontentils pas que la jeune Nausicaa, fille du roi Alcinoüs, jouait au ballon avec ses compagnons, quand débarqua dans l'île

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