Les philosophes de métier profiteront à suivre M. Decoster dans les analyses et les controverses où l'engagent la position et la discussion de sa thèse. Pour nous, d'un point de vue plus général, nous accueillerons sur l'histoire de la pensée, un témoignage précieux. La pratique de l'analyse incline à une sorte d'illusion 'dont on revient avec peine. Pour le dire d'un mot, parce qu'on isole des éléments, on se figure que ces éléments sont premiers et donnés avant la synthèse qui les a réunis. Le fait que ces éléments peuvent subsister isolés, rend cette erreur persistante. Nous disons que l'hydrogène et l'oxygène entrant dans la composition d'une goutte d'eau lui sont antérieures parce que nous savons que l'eau est composée d'hydrogène et d'oxygène et qu'on peut isoler ces corps. Mais la goutte étant donnée, c'est elle qui est antérieure et première et c'est elle, en un certain sens, qui conditionne ses éléments loin d'en être conditionnée. De même, ce qui, dans la pensée, demeure réel, immédiat et premier c'est elle-même, non l'induction, l'abstraction, ni aucune autre part de son mécanisme. Dieu est antérieur au monde et on ne l'atteint pourtant, rationnellement, qu'à partir de ce monde. Il embrasse le total des êtres, mais il n'est pas ce total, comme le veulent les panthéistes; il est un et personne, principe et non point résultat. Il est et ne se fait point. Cette vérité profonde, si méconnue au milieu du siècle dernier, si gravement obscurcie par le sophisme d'un Renan, sort toute neuve des pages de M. Decoster. Hardiment, ce philosophe considérant la pensée, puis la matière de la pensée contraint celle-ci de céder à celle-là. C'est à la réalité phénoménale, ou expérimentale, à l'histoire qu'il dénie le droit de s'affirmer comme fait ou objet indubitable en premier, c'est à l'opération de la pensée qu'il attribue l'être, et c'est à la pensée, seule réalité authentique et irréductible, qu'il suspend le réel... 96 Nous avons parlé d'opération. Là redescend le rideau qui, toujours, au moment où elle espérait le plus, s'est levé devant l'espérance humaine. Si légitimement que M. Decoster établisse sa synthèse-pure au-dessus des inductions ou des intuitions dont on a voulu faire la clef de la vie de l'âme, si, heureusement qu'il lui associe l'acte et en fasse une actualité toujours présente, il reste que c'est une opération et qu'elle nous convie à chercher ce qui opère. Nous sommes une possibilité de synthèse, nous sommes cette synthèse même, pensée, pensée de pensée, pensée pure... Soit! Que savons-nous de plus après cela, où est l'organe, où est l'esprit, où est le dieu... et que sont-ils ? Nous sommes pensée, il est vrai, et ne pouvons échapper, à cette notion, à ce mode d'être qui nous définit. Mais aussi nous ne savons ce que c'est, d'où et comment cela nous vient, et pourquoi. Nous sommes pensée, mais nous sommes corps et le corps nous interdit de saisir l'essence ou même l'apparence de la pensée. Là se place le terme du tragique destin de l'homme. S'il est sur la voie de la vérité, à cette vérité, il ne saurait parvenir. Le livre de M. Decoster l'y avance et on ne saurait faire d'aucun ouvrage meilleur éloge... Cependant, que vaut une avance, quand le trajet demeure infini ? Et c'est encore l'horizon qui se pose au delà de l'horizon le plus lointain. GONZAGUE TRUC. AUTOMOBILE Le malaise des courses automobiles et l'un de ses remèdes L'attraction que les courses automobiles exercent sur le public n'a jamais cessé de croître et à l'heure actuelle la moindre course de côte devient un but et un prétexte d'excursion pour un nombre considérable de touristes. C'est pourtant au moment même où le concours du public est assuré que les dirigeants du sport automobile semblent se débattre dans les plus grandes difficultés. Déjà depuis quelques années le Grand Prix de l'A. C. F. perd de son prestige d'antan par suite de la défection croissante du nombre des concurrents; et, cette année, hélas ! l'épreuve est supprimée. Ainsi donc, ce sont les acteurs, et non les spectateurs, qui font défaut. Peut-être en faut-il trouver une première raison dans les frais de courses, qui deviennent de plus en plus considérables. Il est, en effet, nécessaire non seulement d'établir des voitures spéciales, mais de les modifier et renouveler sans cesse pour satisfaire aux exigences de règlements très différents chaque année. Quels que soient les frais de course d'une grande marque, elle peut connaître la défaite et voir échouer sans bénéfice utile le fruit de longs efforts, et même si elle triomphe, ne faut-il pas encore épauler le succès par une importante publicité ? Il est bien évident que seules d'importantes maisons peuvent s'engager dans une aventure si coûteuse, si risquée, et encore ne le feront-elles que « si la publicité doit payer >>. Il semble bien qu'à l'heure actuelle les constructeurs jugent que les risques sont supérieurs au bénéfice éventuel et les exemples ne nous manquent pas de marques que leurs budgets de courses ont mis dans une situation délicate et qui se sont trouvées contraintes de renoncer à cette lutte-là. Il est permis de regretter que les difficultés économiques et les formules des grandes épreuves trop différentes d'an née en année aient fait naître un pareil état de choses, car ces compétitions constituaient le plus probant des bancs d'essais. Leur préparation même demandait des recherches techniques nouvelles d'où sont sortis peu à peu tous les perfectionnements dont nous profitons maintenant sur nos voitures de tourisme. Pourtant si les constructeurs se sont retirés de la grande lutte, il reste encore quelques courses particulières qui peuvent les intéresser et réunissent du reste de nombreux engagements. Je pense ici à la Coupe du Mans qui s'adresse aux voitures de modèle commercial. La Coupe du Mans nécessite la mise au point très soignée d'une voiture existante, mais non l'étude d'une automobile spéciale et le rententissement de cette course est suffisant par lui-même pour ne pas nécessiter une très forte publicité payante (1). Il faut reconnaître que les profanes, à tort ou à raison, attachent bien plus d'importance à une victoire remportée dans une compétition réservée aux modèles dits de série, qu'à celle conquise par un bolide spécialement construit à cet effet; ils s'attacheront aux résultats qu'ils croiront pouvoir atteindre eux-mêmes sans penser que la voiture spéciale est la première réalisation de leur automobile de demain. Mais si les constructeurs se refusent à courir, il y a par contre une quantité considérable de concurrents qui ne demandent qu'à s'aligner le plus souvent possible dans les courses les plus diverses. Je veux parler de ce qu'on appelle les « Indépendants ». Les Indépendants sont les propriétaires de leurs voitures n'ayant aucune attache avec les fabricants, courant et s'engageant à leurs frais. Ces pilotes sont pour la plupart de jeunes hommes épris de vitesse et de sport qui, ne pouvant se lancer sur les routes ainsi qu'ils le voudraient, saisissent toutes les occasions qu'on peut leur offrir de satisfaire leur plaisir. Parmi les Indépendants, il y a quelques valeurs de premier ordre montant des engins excessivement rapides tels que les Bugatti, Amilcar, Salmson, etc., et dont la rencontre est toujours des plus intéressante et des plus spectaculaire. Malheureusement, leurs carrières sportives sont courtes, l'achat et la préparation de leurs voitures, les engagements et les assurances, l'entraînement et le déplacement vers des circuits souvent très éloignés sont autant de dépenses fort onéreuses et que peu sont à même de soutenir bien longtemps. On a pu toutefois apprécier l'intérêt de semblables épreuves, lors du récent Grand Prix Bugatti, couru selon une formule handicap, et remporté par un amateur, Dubonnet, sur le Circuit du Mans. Ainsi, d'une part, nous avons des concurrents qui ne demandent qu'à s'exhiber pour peu qu'on leur en donne la (1) Il est permis de regretter que, malgré ces avantages, l'industrie française de l'automobile ait fait si peu de sacrifices, cette année, à l'occasion du circuit du Mans. Envoyez vos Lettres et Colis au facilité, et d'autre part un public énorme qui amène une animation considérable là où l'on veut bien le convier. Les Syndicats d'initiatives et toutes les industries se rattachant au Tourisme ont donc là un moyen parfait pour attirer vers eux un véritable flot d'argent. Veut-on des preuves? L'an dernier, le Circuit de Saint-Gaudens, malgré une sai son pluvieuse, malgré son éloignement, a amené dans le Comminges une affluence énorme ; faut-il encore citer les Meetings de Boulogne, du Mans et cette année même le Circuit de la Garoupe et la course de cote de ChâteauThierry? A cette occasion, cinq clubs avaient organisé des rallyes en cette direction, et à lui seul le M. C. F. voyait 250 concurrents répondre à son appel. Les épreuves de ce genre sont donc des moyens exceptionnels pour lancer une station balnéaire, un lotissement, une région touristique ou un Casino. Une seule chose est nécessaire pour assurer le succès de ces courses: réunir de nombreux partants. Pour cela, il faut les provoquer par des droits d'inscription réduits, des prix intéressants et des conditions de séjour spéciales, afin que les indépendants puissent espérer un équitable amortissement de leurs frais (car ils ne visent pas au bénéfice). Ce n'est un mystère pour personne que les villes d'eaux s'attirent les bons amateurs de tennis en leur accordant des avantages intéressants, pour ne pas dire plus ; et pourtant l'attrait provoqué par un tournoi de tennis ne peut aucunement être comparé à celui engendré par un meeting automobile. Au surplus, quel est le spectacle dont les acteurs ne sont pas rétribués ? Les municipalités et les syndicats d'initiative subventionnés par toutes les industries vivant du tourisme et de l'industrie hôtelière ont donc à leur disposition une publicité merveilleuse. L'A. C. F. et l'A. C. de Saint-Sébastien l'ont si bien compris qu'ils viennent de créer des épreuves ouvertes à tous, largement dotées et même assurées de primes de départ (Grand Prix de Saint-Sébastien). Un cluble Volant » vient de se fonder, afin de réunir dans son sein les indépendants sportifs, tant pour défendre leurs intérêts que pour assurer le succès des épreuves pour lesquelles son aide sera sollicitée. Il s'agit un peu là d'une troupe et d'un manager; le public est acquis, la parole reste aux imprésarios. La tentative est intéressante à observer et dans l'intérêt de tous il convient de lui souhaiter bonne chance. Et peutêtre qu'ainsi il ne sera pas encore besoin d'avoir recours au Pari-Mutuel, en quoi beaucoup de bons esprits voient la dernière planche de salut des courses automobiles. J.-P. ZAMBAUX. CONSERVATION 6! BLANCHEUR des DENTS POUDRE DENTIFRICE CHARLARD Pharmacie. 13.Bd.Bonne-Nouvelle Faris Maroc, en Algérie, à Dakar, en Amérique du Sud par Avion COMPAGNIE GENERALE AÉROPOSTALE, 92, AVENUE DES CHAMPS-ÉLYSÉES Téléphone: ELYSEES 52 03 et la suite VOYAGES Promenades africaines I La traversée du Sahara en auto Le Sahara n'est pas le plus grand des déserts. Mais de tous ceux qui étalent leurs taches blanches sur les cartes du monde, aucun n'exerce sur les esprits un prestige égal à celui 'de cette terre aride que les géographes anciens, pour plus de commodité, désignaient simplement sur leurs mappemondes par ces mots : « Hic sunt leones ». Les éléphants et les lions l'ont peu à peu abandonné, à mesure que sa mort devenait plus complète, pour gagner la brousse nigérienne. Ce Sahara qui comptait, au temps de la domination romaine en Afrique, plus d'oasis qu'il n'en a de nos jours, 'était, lorsque les Français y parvinrent, le théâtre de la lutte tenace entre le sable et la plante. Les canalisations, mal entretenues, diminuaient le débit de l'eau. Les palmeraies en souffraient. Loin d'y remédier, les indigènes se contentaient de se replier à mesure que la vie faiblissait dans les 'oasis. Le premier soin des Français, après les combats que leur livrèrent les tribus guerrières, fut de remédier à cette dégénérescence. Les canalisations furent remises en état, dégagées 'du sable qui les obstruait. Des puits artésiens furent forés qui augmentèrent les quantités d'eau disponible. Enfin, la répartition de l'eau fut remaniée de façon à en assurer une meilleure utilisation. Précédant cette action hydraulique, l'action militaire remettait lentement de l'ordre dans ces immensités où les caravanes étaient jusque-là mises en coupe réglée par les tribus pillardes. Ce ne fut ni sans difficultés, ni sans pertes. Les Chambas, les Touaregs se battirent avec acharnement dans un pays qu'ils connaissaient à merveille et où nous ne pouvions avancer qu'en assurant nos arrières et nos ravitaillements. La pacification du Sahara est une des plus belles pages de l'histoire coloniale française. Elle a eu son apothéose, en 1924, quand, coup sur coup, deux missions automobiles traversèrent le désert de part en part, unissant les possessions françaises de l'Afrique du Nord à celles de l'Afrique Centrale. Dès ce moment, le Sahara cessait d'être cette sorte d'infranchissable obstacle que l'avion même ne pouvait survoler Bans risques. Avec la collaboration de l'auto, les traversées aériennes du Sahara devinrent plus faciles. On put sans trop de danger étudier les difficultés particulières du survol d'une région où la chaleur crée des courants et des remous. On put enfin jalonner le désert de terrains d'atterrissages. Le Sahara retrouvait une actualité que la guerre Jui avait fait perdre. Et le chemin de fer transsaharien revenait au premier plan des préoccupations de l'opinion coloniale française. Le grand public apprenait enfin que le Sahara est loin d'être une mer de sable que ne peut traverser que le chameau. Sur le parcours de l'Ouest, les autos n'avaient trouvé qu'un terrain rocailleux, ferme et souple. Peu de sable, sinon sur de courtes distances dans les lits des rivières à régime torrentiel. Sur une voiture 6 C. V. de série sans chenilles ni roues, mais quatre roues normales, un officier, le lieutenant Estienne, seul à son volant, allait de Paris au Soudan en huit jours. L'opinion française s'est enthousiasmée. Le film a popularisé les raids transsahariens. Une compagnie a crée un service d'autos transsahariennes. Chaque mois, de Colomb-Béchar, dernière station vers le Sud du chemin de fer d'Algérie, une voiture légère part pour le Soudan. Par l'allée des Palmes et le Tanesrouft, désert du désert, elle conduit le touriste à Gao, le grand marché du Niger. Le voyage est à peine plus compliqué que les classiques excursions d'Egypte. Je suis parti de Paris le 26 février. Le bateau me déposait à Oran le 29 au soir. Vingt-quatre heures plus tard, j'étais à Colomb-Béchar où m'attendait l'auto du 1er mars. Départ de Béchar le premier mars à l'aube. Le 6 à midi, nous débouchions sur l'éblouissante place du marché à Gao, dans le tumulte de centaines de noirs qui ne se lassent pas encore de voir de près le char sans chevaux qui vient d'audelà le grand désert. Il y a quatre ans, le même voyage eût demandé des mois d'efforts et de risques. Il y a, de Paris à Gao, 5.000 kilomètres. Pour le commerçant français qui a des intérêts au Soudan, dans la boucle du Niger, c'est un voyage de plus d'un mois par mer et par le fleuve. Huit jours d'auto on imagine le gain qu'ils y trouvent. Le touriste, enfin, peut en un mois aller passer une quinzaine de chasse sur le fleuve, après avoir traversé le Sahara. Qu'on n'imagine surtout pas ce voyage comme un raid. Il est à la portée de tout individu de résistance moyenne. Mais il ne faudrait pas non plus espérer le confort du slee ping, la fine chère d'un hôtel. On boit de l'eau tiède, on mange des conserves échauffées, on dort en route dans les couvertures, sur le sable. Privations minimes qui conservent seules à la randonnée un caractère quelque peu sportif. Mais le spectacle de ces plaines et de ces rochers brûlés du soleil, l'immense silence des nuits glacées, les jeux prodigieux de la lumière créent un enchantement, une somme d'émotion qu'on ne saurait oublier. (A suivre.) SPORTS Vers la solution d'un grave conflit Est-il superfétatoire ou prématuré je ne le crois pas de revenir sur la grave querelle qui a éclaté, cet hiver, entre le Petit Parisien et la Fédération d'athlétisme, et dont, parce que je la considérais comme d'une capitale importance au point de vue de l'ordre sportif », j'ai déjà tenu à entretenir les lecteurs de l'Opinion. Disons d'abord que fort heureusement - les choses paraissent devoir s'arranger plus tôt même que nous ne l'espérions. Il y a trois semaines, c'était encore, en apparence, la pleine bataille, notre confrère sortant d'organiser ce Versailles-Paris qui fut prétexte à de nombreuses << trahisons >> d'athlètes et intriguant auprès du P. U. C. afin d'obtenir, au nez et à la barbe de la Fédération, le terrain de la Porte Dorée où faire disputer des épreuves interdites... Cependant, j'avais déjà des raisons de croire que le conflit tendait à son apaisement. Il y avait de bons sportifs, amis des deux camps, et dont l'entremise fut affectueuse et avertie, exactement ce qu'elle devait être en premier lieu, le « patron ». Henri Desgrange, qui pourra se flatter d'avoir été la cheville ouvrière de la réconciliation désormais virtuellement accomplie, et dont il est légitime que l'Auto nous ait, la semaine dernière, permis de saluer les prémisses. Il est à supposer aussi que les leaders du Journal qui, sans idée, assurément, d'hostilité à l'égard de leur confrère au nom des s'étaient portés immédiatement grands principes, eh ! oui au secours de la légalité menacée, il est à supposer, dis-je, que M. Mouthon, que nos amis Jacques de Marcillac et Gaston Vidal eurent à dire leur mot dans l'affaire. Remercions-les de ce que ce mot n'ait pas été un cri de guerre, le cri qu'eussent pu, humainement, pousser les vainqueurs des premiers engagements s'ils eussent rêvé de tirer le reste de la couverture à eux... En fait, félicitons tout le monde, sauf peut-être certain sous-ordre de la grande maison de la rue d'Enghien, qui s'était peut-être cru, de bonne foi, capable de créer un schisme par quoi eût été compromis tout l'édifice du sport et de l'athlétisme français. Au contraire, un homme comme Henri Arnaud, ex-grand champion, ex-dirigeant de club, que j'avais pu m'étonner de voir dans les rangs des opposants, finalement, aura mérité du sport et de l'esprit sportif en s'employant, je crois le savoir, à faire cesser un état de choses dont, cependant, à son titre de commerçant en bonneterie sportive, il était l'un des premiers à bénéficier pratiquement. Les directeurs du Petit Parisien auraient pu s'entêter. Les éléments de tous genres dont ils disposent leur permettaient d'entrevoir sans crainte la continuation d'une lutte où ils n'avaient rien à gagner sans doute, mais où ils demeuraient à même de porter à leurs adversaires les coups les plus douloureux (et n'est-ce pas là le mobile de la majorité des guerres ?) Ils ont désarmé, bien avant d'être mis en état d'infériorité. (Et eussent-ils jamais pu l'être ?) Nous leur rendons hommage de ce fait et tout autant aux chefs responsables de la F. F. A., qui eussent pu, eux aussi, se buter, s'enfermer dans un intransigeant formalisme parfaitement opposé aux intérêts - supérieurs du grand sport dont ils se sont montrés dignes d'être les officiels tenants Les généraux vont faire la paix. Très bien ! Mais que vont devenir les troupes ? Quel sera le sort de ces dizaines, peut-être de ces centaines d'athlètes qui, mis en demeure, naguère, d'avoir à choisir entre le loyalisme fédératif et l'attrait des prix fastueux à eux proposés par des sirènes, n'hésitèrent pas à se rallier au principe du gain immédiat. J'entends déjà s'élever, à leur endroit, un concert de réflexions attendrissantes: eh! quoi, vous ne voudrez pas que ce soient ces petits qui paient les pots cassés ! Que la F. F. A. ferme les yeux, qu'elle les réintègre en son sein! Déjà, j'imagine de bons apôtres prêchant même à la rue d'Enghien d'introduire cette condition dans le pacte de désar mement. Que si elle ne le fait pas, diront-ils, quelle responsabilité elle encourt! C'est pour le coup qu'on pourra soutenir que les puissants s'en tirent toujours, par l'écrasement des petits ! Et quelle sera la situation de nos « disqualifiés à vie » ? Allons pas de faute sans rémission! A tout péché, miséricorde ! Dé vrais sportifs doivent passer l'éponge sur toutes ces histoires-là i Ah! combien ce plaidoyer aux intentions généreuses nous charme et nous tente! Combien nous sommes, c'est exact, séduits par l'idée du pardon et de l'amnistie absolus ! Combien nous souhaiterions mon Dieu, de cette querelle-cauchemar..., qu'elle soit décidément comme si elle n'avait pas été ! Et cependant, telle est la vertu sociale et morale du sport que, même nous, individualistes, nous nous sentons pris aujour d'hui dans l'engrenage d'une nouvelle discipline intellectuelle que, celle-là, nous n'osons pas rejeter. Car, immédiatement, nous songeons, nous ne pouvons pas ne pas songer au danger de l'exemple, à la force dissolvante du précédent. Que, demain, dans quelque occasion, un nouveau conflit surgisse entre une des puissances matérielles politique, bancaire, commerciale, journalistique qui règnent sur nos sociétés et l'une de ces fédérations incarnant l'ordre positif et l'organisation morale sortis de l'idée sportive elle-même, qu'est-ce qui, désormais retiendrait la masse dans le droit chemin ? Avec l'indulgence aujourd'hui, c'est, demain, tous nos pouvoirs irrémédiablement sapés. Que risquera-t-on ? je vous prie, à désobéir, à déserter ? Rien. On saura que tout toujours s'arrange! Et de quel œil les petits coureurs qui se sont donnés pour l'honneur, pour que leur équipe obtienne un classement un peu favorable au beau dimanche du National, de quel oeil verront-ils ceux de leurs camarades qui ont remporté comme prix des autos ou des motos ou d'autres objets de grande valeur, à Saint-Cloud ou au Paro des Princes, revenir, impunément, avec un sourire ironique reprendre rang, leur disputer la chance d'aller nous représenter à Amsterdam ou au Japon? De quel côté seraient les << malins >> je devine les conversations de ce jeune monde réaliste et de quel côté les « poires? D'ailleurs, il me semble bien que la F. F. A. n'est même pas libre. Liée par des règlements précis à la Fédération internationale, elle se doit de laisser à la porte sauf cas de restitution, et encore ! les bénéficiaires de prix « dont la valeur marchande atteint ou dépasse 1.200 francs ». Donc, pas de mesure de grâce globale, pas de promesse même, en ce domaine ! Rien que des décisions d'espèce con cernant chaque cas individuel jugé impartialement ! Pas de requalification, en tout cas, j'y insiste, sans l'abandon de récom penses obtenues en marge de la légalité, en marge même des uels efforts des normales compétitions ! Eh! Je sais que je peux paraître dur 1 Ces « petits », que voulez-vous, ils se sont laissé entraîner, détourner ! Et vous leur tenez rigueur, alors que vous tendez si vite la main aux mauvais conseilleurs ! Pardon ! Considérons ceci : c'est qu'une puissance comme le Petit Parisien était et reste entièrement libre de tout engagement et de sa conduite vis-à-vis d'une autre puissance comme la Fédération, à laquelle, en mille circonstances, elle n'a rien signé qui ressemble à un pacte de soumission. Il en va autrement de l'athlète qui n'est venu à la vie du sport amateur national et international qu'en demandant, en obtenant une << licence », qui est un contrat, qui est même plus qu'un contrat, qui est proprement un acte d'inféodation. Deux nations ont été en guerre. Ce fut leur droit, hélas ! Elles signent la paix un beau jour, et, à partir de cette date, c'est fini; plus de motif sauf sentimental, peut-être de haine ou de rancune entre elles! Est-ce à dire que chacune soit tenue de recueillir immédiatement dans son sein, sans nulle flétrissure, ceux de ses soldats qui jugèrent bon, au fort du ocnflit, de tourner le dos, de jouer les déserteurs, ou, pour user d'un mot redoutable hélas ! justifié les traîtres! Tel est à peu près le cas ici. C'est pourquoi, j'ignore ce que décideront les Commissions compétentes... je ne voudrais pas pour une fois les voir pencher vers une solution d'indulgence qui serait une solution de faiblesse, un déni de justice, au fond. Reste, dites-vous, qu'il sera pénible, un peu humiliant pour le Petit Parisien, de voir ceux qui l'avaient suivi contraints de reprendre, le cilice au cou, le chemin de Canossa. Humiliant? Non, en vérité. La question ne le concerne pas. Elle est uniquement entre la Fédération et les athlètes. Que la solution provoque tout de même certain regret je ne dis pas remords chez ceux qui ont, à certain moment, poussé à la roue... qui entraînait le char dans des chemins bourbeux, ce n'est plus là qu'une nuance... Une nuance là où il y avait un abîme ! On peut méditer et être fier chacun de soi dans les deux camps ! MARCEL BERGER, Notre Service de Librairie B. S'ils le préfèrent (et ce serait plus économique) nous offron de leur ouvrir un compte courant, comme en banque, moyennant le dépôt d'une provision qu'ils épuiseront, au fur et à mesure de leurs commandes. Nous leur faisons remarquer que ce système supprime les frais assez élevés d'envois contre remboursanent et permet de les servir avec plus de rapidité. Un relevé leur sera adressé à chaque livraison et les avertira de la situation exacte de leur compte ; S'ils le désirent, nous pouvons leur adresser automatiquement et dès leur parution : A. B. C. Les œuvres ayant obtenu un grand prix littéraire. gnée par eux. Nous nous chargeons également, sur leur demande : A. De faire effectuer, sans frais pour eux, tous les abonnements ou réabonnements aux journaux et revues. B. De souscrire de leur part à tous les ouvrages, de luxe, collections, etc., qu'ils nous indiqueront. Printemps-été 1928 Les anticipations sont parfois dangereuses pour qui s'y aven ture, surtout pour qui se risque à les fixer par écrit. Les faits déjouant toutes prévisions logiques bifurquent brusquement, aussi bien dans le domaine des phénomènes sociaux, politiques ou météorologiques, à plus forte raison au chapitre de la mode qui est, par essence, affaire de femmes. Pourtant, cet été accentue les tendances esquissées l'hiver dernier et ne donne pas ici, aux prévisions de la chronique, un démenti gênant. Dès cet hiver, on dépistait, sur tout le costume, un regain de féminité et de fantaisie, un besoin de diversité, succédant à la monotonie et à l'uniformité aux allures de garçonne, en un mot à l'esthétique appauvrie et moutonnière des dernières années. Dans un très joli feuillet, « écrit sur un bureau de dame »>, le critique d'art décoratif d'un grand quotidien se plaît à imaginer une jeune femme en l'an 1980, « feuilletant des photos d'époque, la nôtre, hélas ! voyant les robes remontées jusqu'au dessus du genou, le décolleté descendre jusqu'à ce que vous savez, le casque de feutre et les cheveux à la garçonne, murmurant: << Comme c'est étrange ! » Et, considérant dans un miroir ses cheveux longs, son chapeau à larges ailes, sa robe montant jusqu'au col et descendant aux chevilles, l'air décent répandu sur toute sa personne, elle ajoutera : « Tout de même, le goût a fait des progrès ! » Ainsi se rengorgeaient de leur modestie et s'enorgueillissaient de l'ampleur de leurs jupes et des hautes coques de leur chignon, les grandes bourgeoises Louis-Philippe, contemplant non sans mépris et pitié les effigies de Mme Tallien ou de Mme Hamelin... Mais n'anticipons point jusqu'en l'an 1980. D'ici là, l'aérobus pourrait bien bouleverser l'esthétique du costume. Et combien de fois en ce demi-siècle se transformera-t-elle encore, innovant ou répétant, inventant du nouveau ou bien empruntant au passé ?... Quoi qu'il en soit, en ce mois de mai 1928 << les pauvres petites femmes en chemise » voient leurs robes s'étoffer, leurs jupes s'allonger, sinon tout autour, du moins sur le côté, ou mieux à l'arrière. A l'Opéra, à dîner, en soirée, une corbeille de jeunes femmes avec leurs mousselines, leurs dentelles, ou leurs lamés plongeant sur les talons, évoque infailliblement le prologue de Chantecler, la fière allure des paons, ou les trémoussements d'une volière. Toute la silhouette est entraînée par ce mouvement, allongée, effilée à l'arrière, effaçant des épaules qui ne cherchent plus à faire gros dos, remontant la démarcation de la taille légèrement cambrée, ce qui revient à avouer la gorge et à tolérer la saillie des hanches... Silhouette du soir, dira-t-on, et non sans raison. Impersonnel, insexué à la ville, le galbe féminin ne réapparaît qu'aux lumières... Et pourtant, comme il est impossible qu'en une heure, entre le thé et le dîner, la femme se métamorphose jusqu'à en être méconnaissable, comme il est impossible qu'une même femme cumule, dans la même journée, deux formules esthétiques, elle doit opter. Et si la formule du jour triomphait ces dernières années, jusqu'à donner accès en soirée au sweater, c'est à présent la toilette du soir qui exerce une influence sur le |