A propos d'un drame de Mérimée C'est de la Famille de Carvajal que je veux parler. Ce 'drame est une des œuvres proprement littéraires de Mérimée les moins connues pour ce que celui-ci ne la joignit point au Théâtre de Clara Gazul, qui est si répandu, et qu'il la publia ailleurs. Depuis qu'ils sont dans le domaine public, on fait de nouvelles éditions des livres de Mérimée, mais ce sont toujours les mêmes que l'on réédite et la Famille de Carvajal n'est point de ceux-là. C'est une pièce qui fut accueillie par un grand scandale, lors de sa nouveauté ; tous les critiques du XIXe siècle ont prolongé le bruit du scandale. C'est que l'histoire roule sur l'inceste et que la brutalité 'd'un père y est peinte avec des moyens singulièrement violents. Tantôt ce père est insinuant, tantôt il tâte de la force. Il imagine même de faire dire à la mère de sa fille qu'il n'en est point le père. Il empoisonne cette mère. Finalement sa propre fille le poignarde. Vous reconnaissez à peu près une tragédie dans le goût de celle, probablement historique, des Cenci. Mais Mérimée a placé son action chez les Espagnols, colons de la Nouvelle-Grenade et qui vivaient farouchement. Cela lui donnait une certaine liberté, dont il usa. Les gens qui se scandalisaient, prenaient l'histoire comme imaginée simplement par une disposition sadique. Or, le plus savant des mériméistes de ce temps, M. Pierre Trahard, à publié naguère un très important ouvrage sur la Jeunesse 'de Prosper Mérimée qui est une sorte de somme documentaire, mais dont les interprétations critiques sont parfois abusives. Donc, pour M. Trahard, la Famille de Carvajal est un simple pastiche parodique du mélodrame qui sévissait en 1828 avec une bien heureuse vigueur. Voire. Je veux bien que la préface indique que Mérimée a délibérément poussé au noir son dialogue ; je reconnais qu'on trouve, dans le drame, des coups et des cris qui sentent le mélodrame à plein nez. Ici et là, au cours de sa composition, Mérimée a bien pu mettre quelque parodie. J'ignore de lui des ouvrages où il n'y ait aucune intention ironique. Il y en a ici, comme partout chez lui. Mais je n'y distingue qu'une malice superficielle et qui, si l'on veut, n'est venue que comme un agrément au cours de l'exécution. Quant à la préface, elle peut fort bien n'avoir été écrite qu'après coup, comme dorure d'une pilule jugée un peu amère. Quoi qu'il en soit, j'ai de la Famille de Carvajal une autre idée qui, je le crois, n'a point encore eu cours. Ce sera présenter un aspect inédit du talent de Mérimée et lui prêter peut-être une sorte de génie novateur, que de réunir ces quelques réflexions. Don José, le principal personnage de la pièce, le père aux sentiments incestueux, l'acteur mélodramatique du jeu, est le prétexte d'une étude pathologique et faite presque à la façon clinique dont se targuent maintenant nos psychologues littéraires. C'est à ce point, que je verrais curieusement que l'on demande la collaboration d'un médecin aliéniste pour la mise en ordre des notes de l'édition critique qui nous sera donnée de la Famille de Carvajal. Notez que si mon sentiment est juste, Mérimée met sa littérature en avance de près d'un siècle sur celle de ses contemporains. Il met en scène un personnage aux sentiments exceptionnels. On vous dira que cela, c'est le propre des romantiques. C'est d'ailleurs d'une fausseté réjouissante, car il y a Phèdre que Racine a traitée en clinicien. Mais les personnages des romantiques que l'on accuse d'être des types exceptionnels sont bien plutôt des gens irréels dont le type justement n'existe point, même comme d'exception. Le goût du cas exceptionnel quoique exact est, sans doute, de notre époque. Il m'amuse d'en voir la préoccupation, il y a cent ans, chez un analyste aussi ouvert que Mérimée. Notons d'abord que don José se regarde lui-même comme un être exceptionnel, à qui tout est permis, qui ne saurait se plier aux règles ordinaires. « Je suis d'une autre espèce », dit-il. Il va de soi que ce n'est pas à cause de cette prétention du personnage que l'on peut dire que Mérimée a peint un homme d'exception. L'exception vient du sentiment qui fait l'objet du drame. Mais il fallait, pour en faire le protagoniste d'une histoire hors nature, un personnage qui fut lui-même hors règles et, une des conditions pour être dans ce cas, c'est de s'y croire soi-même. Une certitude de cette espèce pousse naturellement à se créer une existence d'exception. La préparation morale de la Famille de Carvajal a donc été faite selon une bonne logique, ce qui n'est pas l'ordinaire des mélodrames. Que si même Mérimée eût voulu écrire un mélodrame, il aurait été poussé par son propre sens de la réalité morale, à réussir autre chose et bien mieux qu'un mélodrame. Revenons cependant à don José qui se croit permis de se placer hors de la morale courante. Ma foi ! c'est qu'il est un Européen qui a vécu dangereusement, dans un pays sauvage et tropical. Il a certainement dû lutter, sans doute au péril de sa vie, et il comprendrait très bien qu'on lui demande << de combattre un tigre sans armes » ; il comprendrait cela bien plus facilement que si on l'engageait à la méditation. C'est une opinion courante et souvent confirmée, que les « coloniaux » prennent facilement l'habitude de l'immoralisme, comme nous disons, ou simplement de l'immoralité, du fait de leur existence dangereuse, du fait aussi de la supériorité qu'ils se sentent sur les indigènes, du fait climatérique enfin. Cette disposition a permis de colorer et de dramatiser toute une littérature coloniale. C'est cependant de nos jours que l'on a surtout insisté sur le fait climatérique, sans aucun doute pour ce que son influence agit très fort sur les parties troubles de la conscience et du cerveau. Le caractère pathologique du cas apparaît mieux ainsi : et l'on sait comme M. H.-R. Lenormand a utilisé cette vigueur troublante du désert, du simoun et du tropique, dans des drames d'une intensité poussée. Je ne prétends pas que Mérimée ait eu aussi délibérément l'intention de rapporter cette influence climatérique. Sa pièce n'a point cette qualité d'un dramatique si trouble. Toutefois, la Famille de Carvajal n'est pas non plus un drame qui se déroule arbitrairement et selon le simple désir de l'auteur de présenter un personnage de gros drame. L'important, c'est que don José de Carvajal montre tous les caractères d'un demi-fou, d'un déséquilibré. Sa nervosité est déréglée. Vous le voyez à peu près insensible si des hommes qui l'entourent se font massacrer. C'est si bien l'habitude du pays ! Il est cependant incapable de supporter pour lui-même une résistance quelconque, ni qu'un de ses désirs soit ajourné. En même temps, certaines souffrances d'autrui crispent ses nerfs ; c'est un spectacle qui rompt son assurance tranquille. Voilà qui certes, est du caractère même de cet homme, mais qui s'irrite davantage à cause du milieu. Voyez encore ce même homme parmi son attirail d'alchimie où il cherche je ne sais quelle pierre philosophale, avec accompagnement d'un monologue sybillin, obscur et grotesque. Tout ridicule que soit la scène, il n'est pas évident que Mérimée fasse une simple parodie. Le goût du satanisme de la récente littérature anglaise et Shakespeare avec ses chaudrons ont bien leur part là-dedans. Au surplus, il y a de multiples exemples que Mérimée n'était pas inaccessible à la contagion des modes littéraires de son temps. Il suffit qu'il soit plausible que l'incertitude intellectuelle de don José ait recours à la magie puérile, pour justifier l'auteur de la pièce, jusqu'à un certain point, s'il en fait usage. C'est que don José a un penchant à se monter la tête. Il s'excite cérébralement. Il cultive les artifices qui peuvent entretenir ou stimuler ses passions. Ses vices sont fort cérébraux. C'est un malade. Il aime d'employer des moyens imaginatifs pour agir sur les autres ; c'est ainsi qu'il tente de pervertir sa fille par des lectures. Il a le goût des mauvaises plaisanteries sadiques ; il a la manie de faire peur ; cela le prend à deux reprises, avec les mêmes gestes répétés du maniaque, dans la pièce. Avec : Vous en écrirez mieux peut-être. » C'est vulgaire et bête : cependant, cet homme que l'idée du sang versé obsède, en toutes ses plaisanteries, laisse encore percer cette obsession en voyant tout en rouge. Et l'allusion est assez atroce pour venir d'un maniaque, au sens médical du mot. Notez encore qu'au même instant où il vient de lancer ce trait de si bon goût, José proclame avec détachement : << Vous savez le jour du mois. Je ne sais jamais ces choseslà. » Il est possible qu'il feigne et, s'il feint, ce mot marque qu'il veut paraître au-dessus de ces détails menus qui sont juste bon à farcir la mémoire des gens de faible importance, c'est-à-dire tous les autres, mais non pas sa mémoire à lui, le dominateur. Il est aussi possible qu'il ne feigne point et, dans ce cas, cette abdication de la mémoire pour les détails courants peut bien être un nouveau symptôme morbide, la rançon de l'obsession maniaque. Dans les deux cas, le trait qui a l'air d'une plaisanterie d'auteur, est cependant une touche juste qui convient au personnage. Voici un dernier exemple : José a imaginé, comme j'ai dit, de persuader sa femme de convenir que leur fille n'était pas de lui et de convaincre sa fille de cette fausse révélation, Or, il lui arrive, en un bref éclair d'égarement plus aigu de laisser échapper un cri qui le met lui-même dans la situation d'un homme qui croit à son propre mensonge. Toujours le caractère du maniaque. On relève donc chez don José : amoralité ; manie de se croire d'une autre espèce que les autres hommes ; sensibilité désordonnée ; goût des recherches magiques; de l'excitation cérébrale et artificielle ; manie des plaisanteries sadiques et obsession du sang ; manie de la gouaillerie vaniteuse; trous dans la mémoire; autosuggestion. Le tout sous l'influence de conditions de vie et de milieu énervantes. Réunis en faisceau, de tels symptômes montrent un anormal défini. Et je pense qu'il est caractéristique que Mérimée ait tracé son personnage de traits aussi nettement choisis, si bien ordonnés, si exacts et probants, si bien ajustés aux conditions générales de son drame. Ajoutez encore à tout cela, que les demi-jours témoignent constamment d'un certain sa femme : « Il appuie légèrement la pointe de sa dague | raisonnement très sûr, d'une logique sans courbes. Cela ne sur le sein de dona Agostina. » — Avec sa fille : « Il pose légèrement le poignard sur sa gorge, et le retire aussitôt en poussant un grand éclat de rire : Eh! bien, as-tu eu peur ? » Et tout de suite après, il insiste : « Si... tu as eu peur, conviens-en, Ninette... » La succession immédiate de cette sotte atrocité et de cette trouble mièvrerie sont des indices du déséquilibre du personnage. Une pièce contemporaine à nous, où un dramatique troublant avec mesure suit un comique de bon aloi, la Souriante Madame Beudet, de MM. André Obey et Denys Amiel, montre ainsi et par ce même moyen d'une menace de plaisanterie, le dérèglement cérébral d'un personnage. manque point à don José de qui les arrangements pour arriver à ses fins sont agencés selon une logique minutieuse et qui oublie peu de choses. Oui, son hypocrisie est bien échafaudée selon ce qu'il pense utile. Mais, l'arrangement Un instrument unique d'achat vous est offert par la Foire internationale de Lyon Don José a d'ailleurs des façons de plaisanter ou de faire le bonhomme qui ont une grossièreté vulgaire et gouailleuse. C'est quelquefois un railleur, mais qui n'a jamais de finesse; la délicatesse est inconnnue de lui. Il dicte à sa femme une lettre infâme et qu'il croit pour le servir, un trait de génie; comme elle hésite en tenant la plume, il bouf www fonne : « Voulez-vous que je vous donne de l'encre rouge ? | Renseignements : Hôtel de Ville, LYON on 1, rue Blanche, PARIS est trop précis; il est fait dans l'abstrait et il ne tient pas compte des propres dispositions naturelles de celui qui l'a imaginé. Ce n'est pas là une faute de l'auteur, mais encore une faute admirablement interprêtée du caractère du personnage. Cette circonstance permet à Mérimée de développer l'action dramatique tout en la guidant par des actions des personnages, psychologiquement impeccables. Don José se force à la feintise ; son naturel est de saisir les gens par la force, comme un lion sa proie. C'est pourquoi son beau projet d'hypocrisie est l'effet d'un beau raisonnement sans support réel. Et vous voyez tout d'un coup le personnage ramené à sa vérité par une bravade de sa proie; du coup il abandonne de feindre et redevient le grand chasseur, le grand batailleur que la bravade excite à la lutte. Alors don José en arrive à la scène finale où lui-même appelle les coups sur lui, avec un rire sauvage. A ce dernier moment, il touche à la logique et naturelle crise de folie furieuse. Concluerons-nous donc que, par ce drame si nettement poursuivi dans le développement d'un cas pathologique, avec un personnage où se joignent si clairement les traits d'une manie morbide, Prosper Mérimée a devancé la littérature récente qui a le goût de peindre de telles choses ? Oui, si l'on tient compte que chez un précurseur aussi lointain la volonté de nouveauté ne se marque pas sans ambages. En tout cas, il est bien certain que Mérimée a été un novateur en traitant une semblable histoire de la façon qu'il l'a fait et en donnant une vérité clinique à son personnage. Je ne crois pas que Mérimée ait pensé qu'une littérature pourrait se nourrir un jour de cette pâture-là; mais il a cru qu'elle pouvait, une fois, y goûter. Les types passionnés étaient du reste de son ressort ; cette fois-ci, il est allé plus loin qu'à son habitude simplement. Que si maintenant l'on a vu seulement dans la Famille de Carvajal un drame abominable, honteux, répugnant, pour employer les épithètes des contemporains, que si aujourd'hui on continue à y voir ceci, mais en croyant à une parodie, c'est que Mérimée, selon son ordinaire, a négligé de développer, qu'il a sèchement mis en scène un drame atroce et violent. Le drame, mis, ironiquement c'est certain puisque c'est Mérimée qui l'a composé, à la mode de l'époque, apparaît seul à la surface. Cependant les traits qui peignent don José ont trop d'éclat et de vérité pour que l'on ne distingue pas que l'auteur a mis en scène, avec toute sa force d'observation, un cas trouble et pathologique où il s'est appliqué à mettre de l'exactitude vive de dessin. Cela n'est pas de la parodie. MAXIME REVON. Gagnez du temps et faites une économie en achetant tous vos livres au SERVICE de LIBRAIRIE de l'OPINION qui vous servira intelligemment MUSIQUE Après la trève traditionnelle du jour de l'an, la vie musicale reprend ses droits... En moins d'une semaine, en effet, nous avons eu, sur nos scènes subventionnées, les créations de deux grands ouvrages lyriques signés de musiciens justement notoires, - et, aux concerts, quelques ouvrages d'orchestre et de musique de chambre qui méritent de retenir l'attention. Souhaitons que cette activité un peu tardive, car le commencement de la saison fut plutôt terne, - soit durable et bienfaisante... La tour de feu (Opéra) On ne peut que louer M. Rouché d'avoir accueilli dès son achèvement la Tour de Feu qu'indiquaient naturellement à son choix la valeur expressive et la tenue artistique des partitions précédentes de l'auteur. Cette fois-ci, M. Lazzari, qui a voulu écrire lui-même le poème de son drame lyrique nouveau, est revenu à la Bretagne, à cette Bretagne qu'il avait évoquée déjà de façon si pénétrante dans l'émouvante Lépreuse, et à la mer, à cette mer dont il sut naguère traduire la grande voix dans Armor, œuvre puissante et trop mal connue, que l'influence parfois visible de Wagner et de Franck n'empêchait pas de contenir les plus belles promesses... L'action se déroule d'abord dans une petite île de pêcheurs voisine de la pointe du Raz, où se célèbrent les noces d'Yves, le gardien du phare le plus proche, avec une jeune fille du village, Naïc, surnommée l'Ondine à cause de sa somptueuse chevelure blonde, et de ses origines mystérieuses. On la trouva naguère abandonnée sur la grève, après le naufrage d'un navire inconnu. Un ami d'Yves, le pilote Yann, épris aussi de Naïc, et furieux de se voir éconduit, trouve un moyen de vengeance dans l'arrivée inopinée, sur son beau navire blanc et or, d'un seigneur portugais de noble allure, Don Jacintho, qui semble à vrai dire, un peu parent du « Hollandais volant ». Jacintho s'éprend, dès le premier regard, de la beauté de Naïc qui de son côté ne reste pas insensible à ses avances. Il prend même pour un encouragement l' « au-revoir » que la jeune épousée lance à tous en s'embarquant avec Yves pour rejoindre le phare... Au deuxième acte, nous voici sur les rochers où se dresse le phare solitaire. Sur son seuil, Yves rêve en réparant ses filets. Il s'inquiète de l'indifférence de Naïc. Elle arrive cependant et comme saisie d'un remords, lui dit quelques douces paroles, qui lui permettent de partir, réconforté, pour la pêche avec ses camarades. Aussitôt, guidé par Yann, apparaît Don Jacintho. Sous prétexte de visiter le phare, il reprend vite son ascendant sur Naïc, qui Le dernier acte se déroule dans la partie supérieure du phare, assiégé par une violente tempête. Nous voyons à la fois la chambre de feu et la chambrette du gardien située immédiatement au-dessous, d'où, tandis qu'Yves attise en haut le feu, Naïc guette l'appel convenu qui doit simuler un appel de naufragé et éloigner le garde, pour permettre au navire de Jacintho d'aborder. Bientôt, on entend retentir la trompe. Esclave de sa consigne et malgré les flots en furie, Yves descend pour tenter le sauvetage. Le croyant parti, Naïc se précipite sur la terrasse pour agiter une torche, du côté où doit arriver son ravisseur. Mais Yves, remonté à l'improviste, pour lui recommander d'alimenter en son absence le feu du phare, surprend le signal révélateur de la trahison. Il se précipite dans le foyer, éteint la flamme. Naïc, trompée par sa feinte quiétude, ne s'aperçoit qu'au bout d'un moment du sort fatal qui attend le navire de Jacintho. C'est en vain qu'elle tente de chanter dans la tempête pour éviter la catastrophe. On entend bientôt les cris des naufragés. Naïc, affolée, se jette à la mer, et Yves 'devenu dément, veut, pour la retrouver, non seulement rallumer la flamme éteinte, mais mettre le feu au phare luimême. Il disparaît bientôt dans les décombres en appelant désespérément sa bien-aimée. lui avoue qu'elle s'est gardée pour lui, et lui promet de se accidents de justesse, pendant les deux premiers actes, auxtenir prête, la prochaine nuit, à s'enfuir pour le rejoindre. ❘ quels l'artiste remédiera certainement dans l'avenir. Mais d'Homodei, et les danses, se mêlent heureusement à l'expoet Barbe-Bleue, de M. Paul Dukas. L'autorité précoce avec sition du drame. Quant aux scènes dramatiques de la ( laquelle cette toute jeune cantatrice a su accomplir un tour On voit assez ce qu'un tel sujet par sa nature à la fois pittoresque et expressive offrait de séduisant pour un musicien de théâtre. Sans doute, reprochera-t-on aux deux premiers tableaux d'être un peu vides d'action et empreints d'une atmosphère un peu analogue. Mais leur immobilité relative, et sans doute voulue, a l'avantage de mettre en plein relief le saisissant dernier acte, pour lequel la pièce a évidemment été écrite. M. Lazzari a su, d'ailleurs, par les danses pittoresques de la noce, par la charmante ballade populaire que chante Naïc, ensuite par le poétique début du deuxième acte et la pénétrante expression mélo'dique de la scène avec Don Jacintho, où passe comme un souvenir d'Armor, leur donner un indéniable intérêt musical. Il était difficile, certes, après le Vaisseau-Fantôme et le superbe deuxième acte de l'Etranger de M. Vincent d'Indy, que M. Rouché devrait bien songer à nous rendre, d'écrire la musique du poignant tableau final de la Tour de Feu. Ce n'est pas un mince mérite pour M. Sylvio Lazzari que de s'être montré, ici, pleinement à la hauteur de sa lourde tâche. Le sentiment profond de la mer, qui déjà s'était manifesté dans sa première œuvre lyrique. Armor, s'affirme ici, joint à une force dramatique nouvelle, à une réalisation orchestrale achevée. Je n'en veux pour preuve, que la façon dont la tempête, sans défaillance, fait rage pendant toute l'acte, toute en laissant percevoir à souhait l'action dramatique et l'intensité désespérée des appels d'Yves disparaissant dans l'embrasement du phare. Un tel tableau, comme le dernier acte de la Lépreuse, suffit à classer un musicien et un ouvrage. On leur a fait, d'ailleurs, le premier soir, l'accueil chaleureux qu'ils méritent. Je ne puis trouver que le rôle essentiel de Naïc, écrit pour un soprano dramatique, soit de l'emploi de Mlle Fanny Heldy. C'est même sans doute là l'unique cause de certains elle fait preuve partout d'une intelligence expressive, et au dernier acte, d'une force d'accent qui lui font le plus grand honneur. MM. Thill et Journet - Yves et Don Jacintho - déploient à loisir leurs voix chaudes et bien timbrées, encore que le second, toujours grandiloquent, prête au beau portugais une fâcheuse allure de grand opéra. M. Ruhlmann fait valoir avec l'autorité que vous lui connaissez la sonore instrumentation de l'ouvrage, et déchaîne avec art les frénésies de la tempête. Les beaux décors de M. Maxime Dethomas, réalisés par M. Mouveau, l'adroite mise en scène de M. Chéreau, l'heureuse intervention des vagues cinématographiques de Mme Germaine Dulac, dont l'effet est surprenant, contribuent à réaliser une présentation d'ensemble de la Tour de Feu qui est digne de l'Opéra. On aime à penser que le public, qui se plaint parfois, non sans raison, de la vacuité de la production actuelle, récompensera tant d'efforts. « Angelo > (Opéra-Comique) Je ne vous apprendrai pas l'ardeur productrice, la sincérité et le rôle bienfaisant de M. Alfred Bruneau, compositeur et critique, dans l'histoire de notre musique moderne. Il suffit, je pense de vous rappeler sommairement ici les signes distinctifs de sa personnalité, tels qu'ils se manifestent dans les ouvrages essentiels de sa carrière passée, le Rêve, Messidor, l'Ouragan : cet effort constant vers la vérité de la déclamation, ce mépris des formules, cette faculté indéniable d'invention mélodique, ce don dramatique qui s'affirme dans une langue parfois un peu rude, mais au demeurant éloquente, et à laquelle même ceux que leur tempérament entraîne vers d'autres voies n'ont jamais dénié un réel pouvoir d'expression. M. Bruneau a un autre mérite, qui ne va pas sans crânerie à l'heure actuelle, c'est de rester fidèle aux admirations de sa jeunesse, et de ne pas faire fi d'une forme d'art qui, si elle n'a pas la faveur de nos milieux avancés, a tout de même produit des œuvres qui ont su victorieusement résister aux atteintes du temps. C'est ainsi qu'il s'est trouvé conduit, sur la demande de M. Gustave Simon, l'exécuteur testamentaire de Victor Hugo, à accepter de mettre en musique Angelo, tyran de Padoue, spécialement resserré pour la scène lyrique et non sans habileté par l'expérience théâtrale accomplie de M. Charles Méré. Tâche délicate assurément, vu la nature du drame ultra-romantique, qui n'est sans doute pas le meilleur de l'auteur de Ruy Blas, mais qui tout de même convenait, en ses épisodes essentiels, à une traduction musicale où M. Alfred Bruneau a pu, une fois de plus, donner sa mesure. Il a su, suivant son dessein habituel, << faire la musique de la pièce » et écrire une partition conforme en sa couleur et en son style, à l'esprit d'Angelo. Ce serait sans doute méconnaître ses intentions et son homogénéité que d'y louer des épisodes distincts. Je veux cependant signaler l'adroite composition du premier acte, où les ironiques chansons chambre de Catarina, de la mort d'Homodei et de la Tisbé, elles sont traitées avec une vigueur et une propriété d'accents bien faites pour toucher le public, en laissant sans cesse au premier plan la parole et l'action dramatique. C'est vous dire qu'Angelo était tout qualifié pour être représenté sur la scène de l'Opéra-Comique, à l'occasion du centenaire du romantisme. MM. Masson et Ricou ont tenu à lui assurer une réalisation vocale et scènique de choix. En tête de la distribution, Mlle Geneviève Vix, Tisbé violente et passionnée à souhait, donne libre carrière à son tempérament. A ses côtés, Mlle Emma Luart, jouant, après sa charmante création du Roi Dagobert, le rôle de la femme du podestat, avec l'expression la plus touchante et сеик de force qu'aucune devancière n'avait osé assumer dans de semblables conditions permet d'augurer excellement de son avenir au théâtre. Les vrais amis de la musique, qui estiment que les interprètes ayant le respect de leur art sont faits pour servir les grandes œuvres, et non pas pour prétendre les exploiter à leur bénéfice exclusif, applaudiront aux débuts de la nouvelle Ariane comme naguère à ceux de sa devancière maintenant justement réputée. Au lieu de se livrer au jeu facile et parfaitement vain d'opposer des natures et des organes très différents, ils fêteront les succès respectifs de deux artistes bien françaises, qui ont su se classer au premier rang par leur seule valeur, et sans l'appui d'aucun de ces diplômes ou soutiens officiels qui ouvrent automatiquement, - et parfois bien sans forcer sa voix, montre toute la souplesse de son talent. | prématurément, - les portes des scènes lyriques subven M. Lafont est un Angelo sinistre ainsi qu'il convient, et doué d'une remarquable diction. M. Micheletti soupire avec soin les effusions de Rodolfo, et M. Roger Bourdin dessine avec art la silhouette caractéristique d'Homodei, le maître joueur de guitare. Mme Ducuing, MM. Azéma, Pujol, Guénot, Tubiana s'acquittent avec zèle des rôles secondaires. Mlle de Rauwera danse avec grâce, au tableau du cabaret, une danse pleine de verve. M. Albert Wolff conduit son orchestre de mémoire avec sa virtuosité habituelle. Les décors évocateurs de MM. Deshays et Arnaud, la mise en scène de MM. Ricou et Dubois, les costumes tout neufs et d'une chatoyante couleur contribueront, je pense, au succès d'Angelo auprès des abonnés de la salle Favart. Indépendamment de la Tour de Feu et d'Angelo, je tiens à signaler, à l'Opéra, une honorable reprise de l'Or du Rhin. Malgré les grands mérites de certains interprètes, notamment de Mlles Lapeyrette, Laval, de MM. Duclos, Fabert encore que le rôle de Loge ne convienne qu'à demi, à mon gré, au talent de cet excellent artiste mal gré l'interprétation soignée de l'orchestre sous l'égide expérimentée de M. Ruhlmann, la représentation démontre la nécessité d'une remise au point complète de la Tétralogie tant sous le rapport du style et de la tenue d'ensemble de la distribution vocale, que sous ceux des décors et de la mise en scène. Que M. Rouché n'abdique pas cette ambition !... A l'Opéra-Comique, Mlle Marcelle Bunlet, qui, grâce à sa voix superbe et ses dons musicaux peu communs, s'est imposée, depuis quelque mois, dans les grands concerts, a effectué des débuts particulièrement brillants en acceptant la lourde mission de remplacer au dernier moment Mme Suzanne Balguerie souffrante, dans le rôle principal d'Ariane Si vous voulez un beau portrait photographique d'un écrivain, d'un homme politique, d'un personnage connu qui vous intéresse, adressez-vous au Service de Librairie de Popinion qui vous le procurera franco de port, moyennant 30 francs. tionnées. GASTRONOMIE Manifestations gastronomiques La gastronomie est-elle en évolution ? Peut-elle même évoluer ? Double question qui met aux prises les différentes écoles de gourmands, de gourmets et de gastronomes devant les regards amusés des chefs, des restaurateurs et des cor dons-bleus. La question est même portée devant le grand public par le Club du Faubourg qui, mercredi prochain, va en discuter avec certaines « lumières » gastronomiques spécialement convoquées. Elle est pourtant bel et bien résolue par l'affirmative et cela depuis... toujours; la preuve en est qu'il a fallu créer un mouvement en faveur des traditions qui se perdaient partout à l'étranger comme en France remettre en honneur l'admirable cuisine régionale. et Oui, l'art culinaire évolue, terriblement même, parfois, Ce qu'il faudrait surtout discuter, c'est la loyauté des produits, l'éducation du goût, l'amélioration de la table par la logique et l'opportunité des menus. Pour cela, rien ne vaut les grandes manifestations corporatives alimentaires, culinaires et gastronomiques, - surtout si l'on n'oublie pas que le tourisme dépend de la Table autant que du confort. |