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M. Lyon-Caen, à l'Académie des sciences morales et politiques. Tous les autres Immortels sont du XXe siècle.

gnant sa couvée, elle s'affole aisément de la témérité qui | Bouveret et Coutan, à l'Académie des beaux-arts; enfin, lui fait prendre le chemin de fer : « Je n'aime pas cette manie que vous avez de voyager sur les chemins de fer un dimanche. » Un accident est si vite arrivé, n'est-ce pas ?

Ce << Père Joseph en jupons >> - l'expression est de Balzac du petit homme qu'elle prenait évidemment pour Armand Duplessis, cardinal de Richelieu, est l'auteur de cette phrase immortelle que je m'en voudrais de ne point rapporter :

<< Le panache de la garde nationale est un drapeau d'ordre public. Je suis certain que les historiens spécialisés trouveront beaucoup à glaner dans les deux volumes de ses souvenirs. Je dois cependant à la vérité de dire que j'aurais rarement lu quelque chose d'aussi platement ennuyeux, si de-ci, de-là quelque sublime naïveté, ignorante du ridicule, ne m'avait parfois égayé. »

Et puis j'ai rouvert les délicieux souvenirs de Louis Andrieux et j'y ai relu cette anecdote :

<< A l'autre bout du salon, sous un palmier... Monsieur Thiers expliquait que pour avoir une bonne armée il fallait sept ans de service militaire, qu'à la rigueur il se résignerait au service de cinq ans, mais qu'il ne pourrait descendre plus bas. Il gesticulait, assis sur le bras d'un fauteuil. Comme il était petit, ainsi que tous les grands hommes, ses jambes ne touchaient pas le parquet et s'agitaient dans le vide. Mme Thiers s'était réveillée ; secouant son éventail, elle criait : « Monsieur Thiers, ne faites pas le jeune homme, vous allez tomber ! »

Michaud et l'Institut.

GEORGES GIRARD.

On va bientôt célébrer la mémoire de Michaud, dont une souscription a permis de remettre à neuf le monument au cimetière de Passy. M. Henry Bordeaux prendra la parole au nom de l'Académie. Rappellera-t-il un des passages qu'il consacra à l'auteur de la Biographie Universelle, et dans lequel il raconte comment Michaud entra pour la première fois à l'Institut ?

C'était pendant la Révolution, après la journée du 10 août. Le jeune journaliste royaliste fut arrêté et écroué à la prison des Quatre-Nations. « C'était le palais de l'Institut, où il devait entrer plus tard en meilleure posture », ajoute M. Henry Bordeaux.

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Curiosité bibliographique.

M. Henri Béraud, en publiant ses souvenirs d'enfance sous le titre de la Gerbe d'Or, a réservé des exemplaires sur alfa hors commerce à ses amis, qu'une mention imprimée spécialement désigne par leurs noms pour les bénéficiaires de cette courtoisie. Il y a aussi, encartée dans les précieux volumes, une page autographiée, à s'y méprendre, du manuscrit original. Et on s'aperçoit que le passage manuscrit ne correspond pas au texte du volume. C'est une première version, considérablement amendée ensuite, et qui permettra aux curieux de faire une comparaison instructive, de surprendre les procédés de l'écrivain. Henri Béraud a peut-être fait cela par attention. Peut-être aussi a-t-il ménagé un traquenard aux amis inattentifs qui trouvent l'admiration plus facile que la lecture.

CE QU'ON LIT

La croix de sang, par Gaétan BERNOVILLE (Grasset, éditeur).

En 1926, c'est hier, est mort en Colombie un saint prêtre octogénaire qui, cinquante ans plus tôt, avait été un chef de bandes carliste dans la Navarre et le Guipuzcoa. De son vrai nom, le curé Santa-Cruz. Notre confrère, M. Gaétan Bernoville, directeur de l'excellente revue les Lettres, a souvent entendu parler de ce prêtre soldat, par son propre grand-père, Don Isidro, qui l'abrita parfois en territoire français, dans son domaine. Il a de plus mené en pays basque une enquête personnelle et un reportage qui fait de cette chronique un roman passionnant. Ah! si M. Benda veut un exemple de clerc, traître à ses devoirs, qu'il s'avise du curé Santa-Cruz. Mais ce partisan pourtant cruel et fanatiquè s'arrangeait pour ne pas verser le sang lui-même, et était persuadé de servir la cause de la foi (Viva religiôn!) et des traditions menacées. Ses troupes étaient d'une pureté monacale, et on y punissait la galanterie ou la danse aussi sévèrement que le vol...

Il faut lire par le menu cette attachante histoire. La petite guerre carliste n'était pas si semblable à l'opérette que nous le croyons. En dépit d'effectifs infimes et de munitions rares, elle. fut sanglante. Le curé Santa-Cruz, d'abord tenu pour un héros, fut désavoué par ses chefs, agit malgré eux, se laissa discréditer par des cruautés atroces et des défaites, vit sa tête mise à prix, et, une fois renié par Don Carlos lui-même, se réfugia en France où il devint Jésuite à Lille, professeur bien sage, et enfin, missionnaire, termina sa vie en Amérique. Le roi Alphonse XIII lui avait pardonné et lui fit cadeau d'une trompette. La cour de Rome avait levé l'interdit qui pesait sur lui... Quand on songe que tous ces faits, tous ces personnages sont si proches de nous, on rend hommage au pittoresque de ce monde, sur lequel la grande guerre, la vraie, nous a pourtant blasés... Α. Τ.

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Dix-neuf d'entre eux, après lui, ont été élus avant le siècle présent: MM. Paul Bourget, Hanotaux et Lavedan, à l'Académie française; MM. Cagnat, Salomon Reinach, Pottier et Arnoud, à l'Académie des inscriptions; MM. Boussinesq, Emile Picard, Appell, d'Arsonval, Guignard, Sebert, Roux et Painlevé, à l'Académie des sciences; MM. Nénot, Dagnan

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ART ET CURIOSITE

Défense de la majuscule

S'il était permis d'étendre à l'imprimerie l'éloquent couplet d'Abel Hermant sur la langue française, dans son discours de réception, on pourrait lui faire dire: << Bien imprimer est un devoir patriotique... Il nous faut défendre ou restaurer cette typographie admirable, mais meurtrie, cette province française de nos lettres, entre toutes nos provinces envahies la plus cruellement dévastée. »

Cette dévastation, disons-le bien vite, ne dépend pas uniquement de l'affaiblissement des troupes de défense. L'effet est trop facile, dans l'imprimerie, comme dans les autres métiers, de déplorer l'amoindrissement progressif de la conscience professionnelle. Pourquoi s'attendrir sur un mal dont tous sont frappés dans notre temps, épris de machinisme, de vitesse, de réalisations immédiates ? Seuls les-plusde-cinquante-ans peuvent évoquer les maîtres imprimeurs brevetés d'avant la guerre (l'autre, celle de 1870), alors que la profession n'était pas ouverte au premier venu, et que chaque atelier comptait de vieux typos, blanchis devant la casse, et depuis si longtemps rompus au métier qu'ils avaient désappris l'usage de la plume, et prenaient leur composteur quand par hasard ils avaient une lettre à écrire.

L'armée barbare qui a ravagé la typographie vient du dehors. Son étendard est la mode. Elle combat sous le signe de la publicité.

Or, la publicité vit de surprise et de changement et rien n'est plus dangereux que les innovations brusquées dans le domaine typographique. La lettre n'a pas seulement une valeur en soi, comme tout autre motif linéaire. C'est avant tout un signe représentatif, comme les caractères musicaux ou les cartes à jouer. Rappelons-nous, en nous en tenant à ce dernier exemple, comment toutes les tentatives pour modifier les portraits » traditionnels des figures ont échoué piteusement devant la réprobation des joueurs.

Grasset avait posé quelques principes excellents (qu'il a assez heureusement appliqués quand il a à son tour composé un alphabet). Elégance, clarté, lisibilité, harmonie des groupes de lettres, harmonie entre les majuscules et les minuscules, entre le bas de casse et le gros ceil ou le petit cil, tracé prévu pour une impression sur du papier à sec et glacé à l'aide de machines modernes, au lieu du papier fort et humide et de l'encrage au tampon sur des presses à bras où s'appliquaient les anciens caractères.

Ces innovations sont logiques et nécessaires. On ne peut toujours employer le Garamond, le Grandjean ou le Cochin. Mais les publicitaires qui ne se sont pas attachés à modifier le caractère - et pour cause-ont bouleversé

autrement l'art de Gutenberg. Ils s'en sont pris à la capitale (ainsi nommée parce qu'elle fut à l'origine placée en tête des chapitres). Ils lui ont donné une extension croissante, à mesure que l'attention des lecteurs se relâchait. Non seulement l'affiche a démesurément grandi les proportions des caractères, mais dans le journal la disposition des titres, leur choix, leur grosseur, impose d'avance au lecteur l'importance que le secrétaire de rédaction attache à un événement ou à une idée. Ils ne s'en sont pas tenus là, malheureusement et pour donner une forme imprévue à la majuscule, ils l'ont torturée, mutilée, déformée. Des capitales sont devenues bossues, d'autres bancales, d'autres monstrueuses, et presque toutes illisibles. On dirait que les A, les V, les B, les C ont été regardés dans des miroirs défor

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Mais cette typographie agressive, n'est rien auprès de la dernière trouvaille des publicitaires. Leurs extravagantes capitales n'exerçant plus sur le public l'effet de nouveauté escompté, ils les ont délibérément supprimées. La majuscule a disparu des impressions commerciales de luxe, comme elle avait cessé de se montrer au commencement des vers libres et ni la typographie ni la poésie n'y ont gagné. Sans doute, au point de vue de l'œil, la ligne profite peut être de l'égalité des caractères. Elle gagne en netteté, en précision (toujours l'obsession de la machine, mal du siècle). Elle s'allonge plus souple sur le papier moelleux. Elle se prête mieux à l'habillage, au découpage. Mais, on ne saurait trop le redire, la lettre est un moyen et non une fin. La majuscule est nécessaire à l'esprit pour détacher les phrases, pour discriminer les idées par la vue avant même qu'elles ne parviennent à l'intelligence. Quant aux noms propres sans capitale, c'est tout simplement grotesque. Imaginez quel effet produirait dans un texte courant des noms de lieux écrits: pays bas, fougères, saintes, macédoine; ou des noms propres, pinard, pasteur, couillard, cardinal, labbé, marin? C'est pourtant ce que nous lisons tous les jours sur des cartons luxueusement imprimés... et même sur le titre de l'Opinion. Pour ma part, je le déplore.

La tradition de la majuscule pour détacher les noms et de l'initiale ornée à la tête du chapitre n'est pas une simple fantaisie décorative. Bien comprise, bien exécutée, bien appropriée au texte, elle n'embellit pas seulement le livre, mais elle sert de point de repère. C'est un repos pour l'œil qui nous vient de l'Orient à travers les scribes du moyen âge. Nous ne demandons pas qu'on en fasse de vrais tableaux, mais une lettre achevée, détachée dans un cadre blanc ou sobrement orné et faisant corps avec le mot qu'elle commence (et qui doit toujours être imprimé en capitales, ce qu'on oublie trop souvent) est capable de donner un accent et un relief au texte le plus gris du monde.

J'ai sous les yeux un très beau livre de Louis Jou qui peut servir d'exemple et de leçon aux ennemis de la majuscule. Les Sonnets à Hélène qu'il vient d'imprimer - j'allais écrire de dessiner tirent tout leur décor des lettrines et des capitales dont ils sont enrichis. Pas un ornement qui ne soit fait en lettres. Le titre « SONNET » forme un large bandeau à chaque page. Chaque page, également, se termine en cul de lampe par les lettres de PIERRE DE,

RONSARD. - VENDOMOIS, A HÉLÈNE, disposées en monogrammes. Chaque strophe du sonnet est bordée sur la marge par l'initiale du premier vers allongée (sans défortion) et, à l'aide d'espacements judicieux, tous les vers se succèdent en lignes rigoureusement égales. L'harmonie est complète. Chaque page est précisée de telle façon qu'on ne peut la concevoir autrement. Et cette rigueur est une beauté.

Sans doute, Louis Jou regarde un peu en arrière. Il ne s'en cache pas, d'ailleurs, puisqu'il a pris pour devise : Vetustate nobilis. Mais pourquoi ne pas prendre pour point de départ les chefs-d'œuvre du passé si c'est pour aller au delà et porter plus loin le flambeau ? La décoration du livre est suivie par une clientèle d'amateurs attentifs à toutes les tendances. Les uns ont une préférence pour l'illustration en noir, les autres pour la couleur. Mais un groupe de délicats, au goût affiné, trouve sa délectation uniquement dans l'harmonie des lettres, des dispositions de mise en page, du papier, du tirage. C'est le domaine de la typographie pure, s'il est permis d'égaler une belle page d'impression à un poème ou à une pièce musicale.

En tout cas, de telles recherches, qui se contentent, par une exécution matérielle poussée à la perfection, de créer une atmosphère au livre, sont de puissants réactifs contre le laisser aller de tant d'impressions, dites de luxe et qui ne justifient ce titre que par leur tirage réduit et leur prix prohibitif. Jou et je ne dis pas cela pour les Sonnets qui sont en vers - ne coupe jamais un mot au bout de la ligne. Qui pourra me montrer une impression contemporaine ordonnée avec un tel souci ? Huit ouvrages, sans plus, témoignent paraît-il de ce soin. L'Intermédiaire des chercheurs vient d'en révéler un nouveau : le Manuel pratique et abrégé de la typographie française par M. Brun, imprimé en 1825, par Didot père et fils. Y a-t-il donc des difficultés insurmontables à réaliser d'aussi parfaites compositions? Ne pourrait-on au moins éviter les « chemins » ou simplement les mots coupés d'une page à l'autre ?

L'illustration est l'assaisonnement, mais la belle typographie est le régal des délicats.

HENRI CLOUZOT.

Glozel à l'écran.

Il fallait s'y attendre. Le cinéma, miroir du monde, va réaliser Glozel. M. Gaston Biard, metteur en scène de M. Charles Burguet, a commencé un film dont nous ignorons encore le titre. D'autre part, on annonce que la Société Ombre et Lumière tourne le Secret de Glozel, d'après un scénario original de Gilbert Lane. Mais la censure aura peut-être son mot à dire `si l'on passe en gros plan les idoles bisexuées ?

Le crâne préhistorique est un crâne de porc.

On fit grand bruit, l'an passé, de la découverte, dans l'Etat de Nebraska, d'un crâne qui démontrait d'une façon irréfutable la parenté de l'homme et du singe. On tenait enfin le fameux missing link, l'anneau manquant dans la grande chaîne darwinienne. La trouvaille eut une place d'honneur au musée d'histoire naturelle de New-York et le directeur du département anthropologique l'estima au dernier inventaire in million de dollars. Hélas! on vient d'apprendre que dans cette même vallée de Nebraska, on avait découvert une vingtaine de pièces analogues, et comme elles étaient mieux conservées, on s'est aperçu qu'il s'agissait de crânes de porc d'une race vraisemblablement disparue depuis des millénaires, mais sans intérêt pour l'origine de l'homme. Un rire homérique secoue New-York.

Parlons par ellipse.

Relevé sur un catalogue de vente de tableaux modernes à l'Hôtel Drouot : « Gimmi. Nu se coiffant >.

Le cinquantenaire de Carnavalet.

Jean Robiquet nous prépare une jolie exposition pour fêter le cinquantenaire de Carnavalet. Il va grouper une sélection de scènes d'intérieur parisiennes du XVIII siècle par les grands et les petits maîtres du pinceau. Les graveurs sont exclus: la récolte eût été trop facile. Jean Robiquet joue la dificulté.

Le livre

dont tout le

monde parle

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IDEES Mangeront-ils?

Dans l'opinion du 12 novembre 1927, j'ai indiqué, plutôt que développé, les raisons qui donnent à penser que la dépopulation des campagnes est un phénomène général et inéluctable, contre quoi il n'y a à peu près rien à faire, en vertu de la demande sans cesse croissante du pays en maind'œuvre urbaine ou semi-urbaine, provoquée par la création continuelle de nouvelles industries. L'appel de maind'œuvre étrangère, l'augmentation de la natalité, celle du confort à la campagne, peuvent ralentir ce courant, non arrêter l'aspiration des centres commerciaux, industriels et administratifs. Il faut donc, bon gré, mal gré, s'y adapter, et prévoir à temps les moyens de le faire.

Au sujet de cette question - absolument vitale, car enfin, les produits agricoles, c'est pour un pays la condition même de la vie un agriculteur de Seine-et-Oise, M. Robert, a bien voulu m'adresser d'intéressantes observations dans une longue lettre, dont les termes montrent autant de bon sens que de compétence informée et de courtoisie chez son auteur. Il me paraît utile de revenir sur quelques points qu'il y développe, pour bien préciser certaines interprétations.

Je tiens, tout d'abord, à rappeler ou à souligner trois choses: en premier lieu, que pas un mot de l'article en question n'accuse la population paysanne de France de routine, de paresse ou d'avidité. Pour s'en tenir au blé, et bien que susceptible d'être notablement amélioré encore, le rendement de 16 quintaux 1/2 à l'hectare, obtenu en 1921 (exceptionnel, il faut le reconnaître), ou, même, le rendement moyen depuis vingt-cinq ans (11 à 14 quintaux par hectare), dépasse sensiblement la moyenne obtenue au Canada (9 à 10 quintaux), aux Etats-Unis (même chiffre), celle de l'Inde (8 quintaux); de l'Australie et de l'Argentine (6 à 6 1/2), etc. En second lieu, que nul ne peut songer à nier la constance et la généralité de l'exode rural depuis un siècle : rien qu'en 1925, la population des campagnes, aux Etats-Unis seulement, s'est trouvée diminuée de près d'un demi-million d'habitants; et entre 1800 (époque où aucune ville du monde n'atteignait authentiquement le chiffre d'un million d'habitants) et 1925, neuf villes du monde qui totalisaient moins de 2 millions 1/2, ont passé à plus de 25 millions d'habitants. Enfin, que la nécessité de s'adapter au nouvel état de choses est absolue et urgente : << Chaque jour, dit M. de Varigny, il existe 50.000 humains de plus, après déduction faite de ce qui meurt. S'il faut un hectare pour nourrir un homme pendant une année, se cul

tive-t-il chaque jour 50.000 hectares de plus que la veille? > Poser la question, c'est y répondre. En France, où le rendement cultural dépasse la moyenne générale du monde, il y a pour 39 millions d'habitants, 22 à 23 millions d'hectares cultivés. Seuls, les prés et herbages ont augmenté (de moins d'un dixième) depuis l'avant-guerre; tout le reste a diminué (d'1/20 pour l'ensemble ou pour les vignes, d'1/5 à 1/4 pour les céréales), sauf les exploitations maraîchères, qui, de plus en plus, tendent vers les procédés purement industriels.

Ce n'est pas drôle. Mais cela est. Donc, il faut absolument ou arriver à augmenter de façon considérable le rendement, ou s'adresser ailleurs. Voyons si la première solution est pratiquement possible.

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Que les rendements culturaux puissent être surélevés, c'est incontestable dans certaines conditions favorables : sans même faire allusion à des expériences en terrains choisis et avec soins illimités, qui sont presque du laboratoire, des pays très divers par le sol et le climat ont obtenu de façon courante 40 hectolitres de blé, soit 30 quintaux, à l'hectare. Ce n'est pas le lieu d'examiner si les frais de semences spéciales, d'engrais intensifs, de terrains de valeur, de machinerie coûteuse et de main-d'œuvre choisie, qui permettent de tels rendements, les font aussi réellement avantageux qu'il paraît. Je désire simplement présenter et commenter quelques opinions présentées par M. Robert.

Son idée générale est, en somme, que la culture ne peut être assimilée à une industrie. Et je dis tout de suite qu'en cela, je suis absolument de son avis s'il s'agit de l'agronomie telle qu'elle est actuellement comprise et pratiquée. Cela est à peu près évident ; mais toute la question est de savoir si un changement très considérable (quelque chose de même amplitude que la transformation de la gravure en photographie et de la galère en paquebot: on voit que je ne parle pas de simples perfectionnements et améliorations) ne peut pas et ne devra pas se produire. M. Robert classe fort judicieusement ces antinomies entre la culture actuelle et l'industrie, sous plusieurs chefs :

Ne retenons pas une objection relative à l'imperfection du machinisme (semeuses mécaniques, faucheuses, machines à traire...) « qui ne peut guère dépasser son état actuel... Le rendement de ces machines ne pourrait guère être augmenté. » En leur conservant leur forme générale actuelle, c'est possible; mais penser qu'une machinerie n'est désormais plus améliorable, serait admettre que la machine à vapeur de 1800 ou l'auto de 1900 avaient atteint tout leur perfectionnement. Il est de toute évidence que des progrès aussi grands qu'on peut avoir à l'exiger, pourront arriver à être obtenus peu à peu, non sans grands frais initiaux d'ailleurs.

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Pharmacis. 12.Bd.Bonna-Nouvelle, Paris

Beaucoup plus sérieuse est la remarque, fort juste (toujours pour les conditions où se fait actuellement la culture), au sujet de la limitation à certaines dimensions imposées à l'outillage par la force des choses : « Au delà de 2 m. 50 de large, un semoir est trop lourd pour être mû dans la terre humide par trois chevaux (attelée normale) et pour être surveillé par un seul homme. » Et encore : « Dépassez la largeur de 1 m. 50 pour une faucheuse, et les chevaux auront trop de mal pour couper du fourrage fin, l'homme n'aura plus le bras assez long pour aider la luzerne à glisser avec un bâton. » Ces détails sont exacts; mais à condition qu'on les applique à un semoir ou à une faucheuse de type normal et simplement très agrandis. Or, il faut trouver autre chose, qui soit à ces modèles ce que la presse à emboutir est à la lime. Ainsi, un semoir pourra être aussi lourd qu'on veut en le faisant reposer sur une vaste surface mobile, genre chenille, bien connue et adoptée depuis plusieurs années déjà pour le matériel de terrassements, et avec moteur suffisant et commandes appropriées, organes de contrôle précis, servo-moteurs s'il le faut. Un seul homme suffit aujourd'hui à commander des machineries terriblement puissantes et compliquées. Il y faudra, dira-t-on, des techniciens spécialisés ? Sans doute ; et c'est bien ce qui me fait dire que l'agriculture de l'avenir sera du type industriel moderne. Toute la question est de savoir si une pareille machinerie rapportera en proportion de ce qu'elle coûte.

Et c'est ici qu'une nouvelle observation de M. Robert se montre parfaitement exacte en ce qui concerne l'agriculture actuelle, ce qui ne saurait étonner de la part d'un praticien fort averti. Il reproche aux machines très perfectionnées de représenter un capital excessif pour l'utilité réelle, très limitée, qu'elles ont. Tout d'abord, elles ne servent que très peu de jours par an, vu la variété continuelle du travail imposé par le progrès des saisons; ce qui exige un arsenal excessivement coûteux et qui reste inutilisé les dixneuf vingtièmes de temps: chose tout à fait différente de l'alternateur d'une usine d'énergie électrique ou de la raboteuse d'une usine de construction mécaniques, machines qui travaillent d'un bout de l'année à l'autre le tiers ou la moitié de la journée. Et c'est parfaitement juste ; mais cela montre simplement que l'outillage de l'industrie agricole est soumis à des règles d'emploi assez spéciales, voilà tout. A l'exploitant d'en tenir compte dans l'établissement d'un prix de revient. Au surplus, il y a dans d'autres professions des matériels qui servent moins de temps encore une salle de théâtre est un capital mort 21 heures sur 24, et souvent avec deux mois de fermeture par an; il y a des machines ou des modèles coûteux à établir dont on se sert une heure par semaine ou par mois.

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En outre, l'emploi de ces machines est rendu très déconcertant à cause des conditions trop variables (mais ceci est moins spécial à l'agriculture qu'on ne le semble le croire) dans lesquelles elles servent : le travail agricole est, en effet, semé d'imprévus, de variations et d'inégalités dans le rendement, d'à-coups, de besognes à accomplir de toute urgence ou au contraire à différer, tout cela suivant le temps qu'il fait chaque jour, les caractères climatiques de la saison du de l'année, les maladies et les parasites, etc. Des machines de précision calculées en vue d'un travail et d'un rendement très étroitement déterminés, sont ici inutilisables : ce qui est passablement différent de l'industrie mécanique par exemple, et enlève, remarque M. Robert, toute analogie entre le machinisme de l'industrie vraie et celui de la culture. Mais il ne faut rien exagérer, et je ferai deux observations la première, c'est que les machines les plus compliquées sont aussi les plus riches en moyens de réglage pour les diverses conditions de travail; ainsi un même tour peut servir, en adaptant comme il faut les vitesses de rotation, l'angle de coupe de l'outil et sa pénétration, à décolleter des aciers divers, du bronze, de la fonte, de l'aluminium ou du laiton. De même, des faucheuses, faneuses, semeuses, etc., peuvent être réglées pour travailler convenablement avec des plantes de longueur, dureté, poids, souplesse, hauteur, densité à l'are, rigidité, etc., fort différents; et elles peuvent être prêtes plus instantanément et travailler de façon plus prolongée, en cas d'urgence, que des équipes humaines et animales doublées d'un matériel moins puissant. Et qui oserait dire que les machines actuelles représentent des types véritablement définitifs, étudiés de façon rationnelle et parfaite ? En second lieu, il est bien évident que dans l'agriculture de l'avenir la météorologie se sera aussi perfectionnée, et qu'on pourra savoir à l'avance avec telle heure en un lieu, été torride ou pluvieux telle année, certitude qu'il y aura pluie, grêle ou orage tel jour et vers gelée telle nuit, etc. : ce qui permettra de prendre à loisir toutes mesures utiles en conséquence.

Il est bien entendu que quand je parle de l'évolution que l'agriculture est forcément destinée à subir dans le sens industriel, j'entends qu'elle sera ainsi vers l'an 2000, ou même peut-être dans une cinquantaine d'années. Les objections qu'on peut faire à l'« industrialisation » (si licet, ô Grammaire-Club ) de l'agriculture, proviennent de ce qu'on pense toujours à la technique de 1928: évidemment, une exploitation fondée sur l'outillage et les connaissances actuels, ne peut guère dépasser le niveau où elle est, et ne s'améliorer que de 10, 20, mettons 50 ou même 100 % si l'on veut, en réunissant toutes les conditions les plus favorables. Or, pour que l'humanité puisse se nourrir, avec des besoins ou des désirs, ce qui est pire sans cesse accrûs et un personnel producteur sans cesse réduit, ne fût-ce que par suite de la création continuelle de nouvelles professions râflant partout les travailleurs, pour cela il faut des modifications du rendement qui dépassent de beaucoup ces timides perfectionnements. L'agronomie du XXIe siècle sera à celle d'aujourd'hui non pas ce que la locomotive Pacific ou Mountain est à la Crampton d'il v a cinquante ans, mais ce que le moteur d'avion, qui pèse 800 grammes par cheval,

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