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Un Glozel du XVIIIe siècle

Autour de Glozel, la discussion reste ouverte. Quel est l'âge exact du fameux gisement? Les uns croient pouvoir le faire remonter jusqu'à l'ère de la Galerie des Machines et de la Grande Roue. D'autres, comme M. Champion, fixent sa naissance à l'époque de l'Exposition des Arts décoratffs...

Quoi qu'il en soit, reconnaissons que le principe glozélien n'est pas né d'hier. Au risque de diminuer la gloire du jeune Fradin, force nous est de dire qu'il n'a rien inventé, Glozel est de tous les temps et de tous les pays.

Nous allons en citer quelques exemples. On les trouve dans un petit ouvrage publié en 1754 par M. Michault, avocat au Parlement de Dijon et intitulé Mélanges historiques et philologiques. C'est un de ces recueils comme les lettrés de province s'amusaient à en composer autrefois pour occuper le dernier temps de leur vie. M. Michault y traite avec agrément une foule de sujets critique, histoire naturelle, poésie, sciences, voyages...

Quelques pages y sont consacrées au « charlatanisme des savants ». M. Michault s'émerveille de voir combien les plus érudits des hommes se laissent abuser facilement. Et il cite quelques aventures du Père Kirker, archéologue d'un grand mérite. Voici le tour qu'on lui joua:

On dit que des jeunes gens, ayant dessein de se divertir à ses dépens, firent graver sur une pierre informe plusieurs figures de fantaisie et enterrèrent cette pierre dans un endroit où il savait qu'on devait bâtir dans peu. On fouilla effectivement dans ce lieu quelque temps après et on trouva la pierre qu'on porta au Père Kirlser comme une chose singulière. Le Père, ravi de joie, travailla alors avec ardeur à l'explication des caractères qu'elle contenait et parvint enfin, après bien de l'application, à leur donner le plus beau sens du monde.

Il est malheureux qu'on ne nous révèle pas le texte de cette traduction, mais quelle histoire touchante ! Elle montre bien que les savants, semblables en cela à beaucoup de grands amoureux, peuvent se satisfaire aisément par l'imagination.

Le Père Kirker ne devait d'ailleurs pas en rester là. Un de ses amis lui apporta un jour << une feuille de papier de la Chine» sur laquelle de mystérieux caractères étaient tracés. Et voilà de nouveau le Père à l'ouvrage. Après des mois de recherches, il dut s'avouer vaincu. A lui qui savait tant de langues anciennes et modernes, celle-là restait étrangère. Mais l'ami qui lui avait posé le problème revint et lui tendit un miroir. Aussitôt l'énigme s'éclaircit : il s'agissait de caractères lombards qu'on s'était amusé à lui présenter retournés. Remarquons, et ceci prouve l'honnêteté du Père Kirker, qu'en cette deuxième circonstance, il n'avait pu donner aucune interprétation à l'écrit qui lui était soumis.

M Michault conte encore une troisième histoire. C'est la plus belle et la plus complète. Un étudiant franconien, Georges-Louis Hueber, s'adonnait à l'histoire naturelle. Il avait commencé de rassembler une curieuse collection de pierres pétrifiées. De bons amis, voulant sans doute lui faire plaisir, se mirent à aider la nature et façonnèrent des pierres qui, une fois sorties de leurs mains, dépassèrent mille fois

en intérêt les trouvailles précédentes du jeune étudiant. Elle furent, bien entendu, enfouies où il le fallait, pour qu'on les trouvât rapidement. Et c'est ici que l'affaire prend une tournure nettement « glozélienne »>.

de merveilles: son imagination s'alluma; il chercha les causes M. Hueber ne put considérer longtemps avec tranquillité tant physiques de ces phénomènes, rassembla ces idées bizarres et rangea ses prétendues pétrifications dans un ordre systématique.

Bien entendu, cela devint rapidement une industrie dans le pays. De tous côtés, les pétrifications affluèrent que le candide Hueber payait sans marchander. Les artisans qui sculptaient ces pièces rares, encouragés par le succès, s'abandonnaient à la plus grande fantaisie. Leurs << trouvailles » avaient des formes de fleurs, de reptiles, d'oiseaux. Même, ils y avaient inscrit des caractères hébreux et si artistement disposés qu'ils formaient des noms et des phrases entières >>.

Enfin, et c'est le plus beau, Hueber, ne se tenant plus d'enthousiasme, composa sur ses découvertes une thèse en quatorze chapitres et illustrée de vingt et une planches.

Averti trop tard de la mystification, il tenta de saisir les exemplaires déjà sortis pour les détruire. Mais il ne put les retrouver tous, fort heureusemen et pour la grande joie des collectionneurs et de quelques joyeux esprits, avides d'enrichir leur bibliothèque.

ROBERT BOURGET-PAILLERON.

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M. F.-X. Salda est le fondateur en Tchéco-Slovaquie de la critique littéraire appliquée aux oeuvres modernes. C'est un disciple de Taine. Il a beaucoup étudié Balzac, Stendhal, Flaubert. Il est aussi poète et romancier, auteur de la Vie ironique, des Ouvriers de Dieu, des Marionnettes. Il occupe une chaire à l'Université de Prague.

Mme Jania Letty est allée l'interviewer pour l'Europe centrale, à l'occasion de son soixantième anniversaire, dont on a fait là-bas une sorte de jubilé. A l'occasion aussi du léger scandale que fit à Prague récemment M. Benjamin Crémieux.

Le critique français ayant donné des conférences dans cette ville sur l'Esprit européen dans la jeune littérature française à soutenu que désormais la littérature d'expression française aura deux branches distinctes: l'une, d'esprit national et destinée à la clientèle française, l'autre d'esprit européen et soutenue par le public international.

M. Salda a vivement protesté contre ces déclarations, en effet un peu imprudentcs. « Plus une ouvre est française, dit-il, plus aussi elle sera européenne. » Et sans se laisser prendre au clinquant du snobisme, «< cette scolastique moderne », dit-il très justement -- bouillonnement tout superficiel dont on peut

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Nous avons annoncé que M. Félix Boutet de Monvel allait faire paraître une histoire de sa famille, qui fut de théâtre entre toutes. Ajoutons que l'ouvrage sera publié par Comedia.

De 1707 à 1849, la famille Boutet de Monvel a compris les plus illustres acteurs et chanteurs, notamment Monvel, M. Félix Boutet de Monvel lui-même administre, croyons-nous, le théâtre des Variétés.

Il est le frère du célèbre peintre Maurice Boutet de Monvel, décédé quelques années avant la guerre, et l'oncle, par conséquent, de notre confrère Roger Boutet de Monvel et du peintre Bernard B. de Monvel, l'un des meilleurs et des plus originaux de sa génération.

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M. Gaston Picard ouvre une enquête sur ce sujet curieux. Il a remarqué que notre « époque intellectuelle » n'a pas encore de nom.

<< Si on dit le Romantisme, comme on dit le Parnasse, le Symbolisme, quel vocable emploiera-t-on pour désigner la période qui depuis près de dix années comporte des éléments tels que le roman d'aventures, les recueils d'anas, les vies romancées, la psycho-analyse, le style à images et à métaphores, la magnification du nègre, l'esprit européen, la confusion des sexes, le jazz, les danses d'origine exotique, les tendances nouvelles ou le développement du cinéma, de la peinture et de l'architecture, de

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l'enquête et de l'interview, etc., etc., autant d'éléments, certes, très divers (et il y en a d'autres), mais qui, quelque divers qu'ils soient à nos yeux, n'en seront pas moins synthétisés un jour dans l'orbe d'un mot unique.

« Quel mot, quel vocable nous proposez-vous, qui méritera d'avoir sa place dans les ouvrages, dans les manuels de littérature française ? et à l'appui de quelles raisons? »

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Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'époque actuelle ne sera pas appelée moderne par la postérité, et que les historiens de la littérature s'arrangeront pour lui donner plus tard un nom touchant, vieillot, coco et démodé, qui fera sourire leurs lecteurs. M. Prudhomme aurait bien été étonné de savoir qu'il vivait << sous le romantisme » et Racine « sous le classicisme ». La vérité est que les noms d'une époque changent selon le point de vue où on se place. L'époque du « symbolisme » a été, à l'égard de la prose, l'époque du « naturalisme ». Si on veut un commun dénominateur, et sérieusement médité, il faut sans doute recourir à M. Julien Benda et appeler notre temps celui du belphégorisme, la haine de l'intellectualisme est depuis vingt ans la caractéristique de presque tous les artistes et écrivains.

CE QU'ON LIT

Histoire de l'art chinois de l'antiquité à nos jours, par GEORGE SOULIÉ DE MORANT (Payot, édit.).

Titre et plan sont nouveaux. Il n'existe, en effet, quelque invraisemblable que cela paraisse, dans le monde entier, aucune histoire de l'art chinois. Le manuel de Paléologue, vieux de quarante ans, est rudimentaire. L'Art classique chinois, de D'Ardenne de Tizac, n'embrasse que les périodes Tcheou et Rann. Chinese art, de Bushell; Chinesische Kunstgeschichte, de Münstelberg Outlines of Chinese art, de Ferguson, sont pleins de lacunes. M. Soulié de Morant est le premier à avoir traité le sujet dans toute son ampleur et à l'avoir illustré de documents certains. Car l'industrie des fausses antiquités fleurit en Chine deux siècles au moins avant Jésus-Christ. Il est aussi difficile de reconnaître une porcelaine du XVIe siècle pourvue d'une inscription du XVr qu'il le sera fet qu'il l'est déjà) dans deux mille ans de reconnaître une commode d'Oeben d'une imitation du faubourg. Ce qui revient à dire que l'amour du vieux neuf est une chinoiserie, comme nous nous en doutions un peu. M. Soulié passe en revue, depuis la préhistoire jusqu'à nos jours, toutes les manifestations de l'art chinois, aussi bien peinture, sculpture, architecture que céramique, laque, bronze et le reste. C'est un guide d'autant plus difficile à prendre en faute que sa connaissance de la langue du grand Empire lui a permis d'utiliser le formidable arsenal de livres originaux écrits depuis le Xe siècle par les Chinois sur leurs antiquités. Quatre-vingts reproductions hors-texte, soixante-treize figures dans le texte servent de preuves justificatives à ce précis d'histoire, qui vient à son heure, au moment où les amateurs des deux mondes se passionnent pour l'art d'Extrême-Orient. H. C.

Messieurs les Ronds-de-Cuir, de (sic) G. COURTELINE. Quinze aquarelles de SEM (Javal et Bourdeaux, édit.).

Les intellectuels, que la nécessité d'un second métier fait vivre au pays des Ronds-de-Cuir, ne trouveront pas mauvais que je qualifie de chef-d'oeuvre (même après les Employés, de Balzac) la satire de la cuisine bureaucratique écrite par Courteline. MM. Javal et Bourdeaux ont eu mille fois raison de la considérer comme un « texte » à belle édition. Ils ont été aussi heu

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reusement inspirés en demandant à Sem un commentaire à l'aquarelle. Le mérite de cette illustration est de ne pas sentir l'illustration, et voici pourquoi. MM. Javal et Bourdeaux laissent les artistes absolument libres de leur composition et prennent à leur compte tous les moyens de réalisation. Ne nous étonnons donc pas si les aquarelles de Sem il vaudrait mieux dire les « dessins aquarelles » sont directes, incisives, d'une humour qui avoisine la bouffonnerie et touche parfois au drame. Je leur ferais cependant un reproche (au livre lui-même j'ai beau m'évertuer, je n'y trouve à redire que le de malencontreux du titre). Sem n'a pas, comme Courteline, vécu dans les bureaux. Il brandit le trait vengeur de Daumier pour faire grimacer ses visages de bons ronds-de-cuir, parfois jusqu'à les rendre hallucinants. La réalité est plus simple. Il est tout naturel de rencontrer en service actif dans l'administration française des maniaques et des fous à enfermer. Personne, Courteline moins que tout autre, ne songe à en faire des drames! — H. C.

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HISTOIRE ET CRITIQUE LITTERAIRES; ESSAIS. Camille MAUCLAIR, La vie amoureuse de Charles Baudelaire (Flammarion, 9 fr.). Jean GIRAUD, L'école Romantique française (Armand Colin). P.-L. FLERS, Le Bon Désaugiers (Imprimeries réunies). Julien BENDA, La Trahison des Clercs (Grasset). Jean FOURNIER, Iggins et Cie, détective (Gallimard, 8 fr.). Marcel COULON, Raoul Ponchon (Grasset, 18 fr.). Suzanne ADRIEN-BERTRAND, Expériences ou une femme d'aujourd'hui devant les hommes et devant l'amour (Flammarion, 12 fr.). Ch. APPUHN, Spinoza (André Delpeuch). Les Grands Salons Littéraires (XVII et XVIII siècles) (Payot, 16 fr.). Léon TREICH, L'Esprit de Georges Feydeau (Gallimard, 6 fr.). Léon TREICH, L'Esprit d'Henri Becque (Librairie Gallimard, 6 fr.). Paul BRACH, La destinée du comte Alfred de Vigny (Plon). AUREL, La conscience embrasée (Radot, 12 fr.). Dr Jean-Paul BOUNHIOL, La Vie (Flammarion, 12 fr.). mian-K. LONDON, traduit par Alice BOSSUET, Les Aventures de Jack London (Gallimard, 12 fr.). - Juan Pablo ECHAGUE, traduit par Georges PILLEMONT, Le Théâtre Argentin (Editions Excelsior, 10 fr.). Léopold STERN, Quelques aspects de L'Amour Moderne (Grasset), 12 fr.).

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Char

ROMANS. Léon DAUDET, Le Napus fléau de l'an 2227 (Ernest Flammarion, 12 fr.). Robert COIPLET, La onzième heure (Plon, 12 fr.). Nelly NOURY, Comment les femmes se perdent (Les Editions de la Nef, 12 fr.). - René JOUGLET, Frères (Grasset, 12 fr.). Gabriel D'AUBAREDE, L'injustice est en moi (Plon). Italo SVEVO, traduit par Paul-Henri MICHEL Zéno ,Editions de la Nouvelle Revue Française). - Marguerite MEMGuy BRE, Le Creuset (Les éditions G.. Grès et Cie, 12 fr.). MAZELINE, Piège du Démon (Editions de la Nouvelle Revue Française). Marcel AYMÉ, Aller Retour (Editions de la Nouvelle Revue Française). René CREVEL, Babylone (Simon Kra, 13 fr. 50). Léo DARTEY, Au Lac d'amour (Fasquelle, 12 fr.). -Andrée SERVE-LOUVAT « Ma douce » Quiberonnaise (Jouve et Cie, 9 fr.). Marie LE FRANC, Grand-Louis L'Innocent (Les éditions du Monde Moderne). Jean PREVOST, Merlin (Editions de la Nouvelle Revue française). Miriam HARRY, Le mannequin d'amour (Flammarion, 12 fr.). Pierre-René WOLF, L'Homme au Bois dormant (Albin Michel, 12 fr.). Marcelle AUCLAIR, Toya (Editions de la Nouvelle Revue française). André BEUCLER, Le Pays Neuf (Editions de la Nouvelle Revue française). Jean DORSENNE, Les amants sans amour (J. Férenczi et fils, 12 fr.). - André CHAMSON, Les hommes de la route (Grasset, 12 fr.). Bernard FAY, Faites vos jeux (Grasset, 12 fr.). François MALBAULT, Le Roman de Dante (Librairie académique Perrin et Cie, 10 fr.). Ventura Garcia CALDERON, Si Loli était venu... (Editions Excelsior, 5 fr.). Suzanne MARTINON, L'orgueilleuse (Plon, 12 fr.). Panait ISTRATI Mikhail (Les éditions Rieder, 12 fr.). Marc CHADOURNE, Vasco (Plon). Léon TOLSTOI, traduit par H.-J. SIKORSKI, Comment l'amour est mort... (Les éditions du Monde Moderne). Charles NODIER, Contes (Payot, 18 fr.). Pierre D'ESPEZEL, Les œuvres de M. François Rabelais (A l'enseigne de la Cité des Livres).

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ART ET CURIOSITE

Les fourberies de Fradin

M. Loth, membre de l'Institut, professeur au Collège de France et signataire avec MM. Salomon Reinach et Espérandieu de la bulle d'excommunication fulminée contre la Commission internationale d'anthropologie, a commencé son cours sur la station de Glozel, à la Sorbonne. C'est une idée que n'aurait pas eue le premier savant venu. L'affluence, dès la leçon d'ouverture, fut si considérable qu'il a fallu adopter pour les suivantes la fameuse salle 8 dont les murs ont vibré à l'éloquence de tant de voix illustres. Elle s'est trouvée cependant trop exiguë pour les auditeurs et les curieux qui s'y écrasaient. On s'attendait à une discussion scientifique. Seuls les membres de la Commission d'enquête ont été criblés par l'érudit professeur, de traits que l'auditoire houleux accueilli par autant de sifflets que d'applaudissements. Première d'Hernani? Réunion publique électorale, plutôt.

A coup sûr, on ne reprochera pas à l'éminent collègue de M. Reinach de manquer de cran. Au moment où s'ajoutent aux accablantes constatations de la Commission d'anthropologie les révélations du rapport Champion et les accusations directes de MM. Clément et Peyrony contre le jeune Emile Fradin, il fallait un certain courage et même un courage certain pour entamer une dissertation ex cathedra sur des antiquités préhistoriques que tout le monde aujourd'hui s'accorde à dater de deux ou trois ans. Mais à ceux qu'ils veulent perdre, les dieux commencent par ôter la raison. Euripide l'a dit en grec. Mais qui oserait se risquer à faire une citation du grand tragique dans la langue d'Homère devant les oracles de la Sorbonne ? Il faut être Seymour de Ricci pour entretenir en grec M. Salomon Reinach des fourberies, si l'on peut dire, de Fradin ! Ainsi, il y a trente ans, le savant Héron de Villefosse, ayant reçu du conservateur du musée de l'Ermitage les meilleures raisons de l'inauthenticité de la tiare, classa paisiblement la lettre dans son portefeuille et écrivit, dans les Mélanges Piot, pour ne pas perdre les héliogravures prêtes à tirer, un article dithyrambique sur la coiffure de Saïtapharnès.

Cette fois, pourtant, « messieurs les savants » ont reçu mieux que des rumeurs ou des avertissements. La vérité est sortie de son puits, seule tranchée qu'on se fût gardé d'ou vrir à Glozel. M. Clément, l'instituteur de Chantelle, qui

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s'étonne qu'on ne lui ait pas fait place dans le concours du meilleur artisan de France. Il eût mérité d'autant mieux le prix que c'est un pur autodidacte. Il a appris tout seul, dans la solitude de ses champs, la céramique, la gravure, le modelage... et l'épigraphie.

initia Fradin à la préhistoire et découvrit avec lui la première fosse de verrier, admise par eux comme sépulture préhistorique, s'est décidé à parler. Son élève lui avait offert de choisir une des briques mises au jour. M. Clément prit la plus grande et laissa l'autre, qu'il retrouva sept mois après, couverte de signes, dans le musée Fradin. M. PeyCe nouveau Sixte-Quint est décidément sympathique. Il rony, le découvreur des vestiges des Eyzies, le plus prodi-lit des ouvrages savants, où personne n'avait osé mettre le

gieux gisement préhistorique que l'on connaisse, écrit: « J'accuse. » Emile Fradin m'a menti quand il m'a affirmé n'avoir jamais vu la brochure de Georges Guillon, Vestiges préhistoriques recueillis dans la région de Gannat et la notice de Francis Pérat, Hache gravée et amulette avec signes cabalistiques, tandis qu'il les avait consultées dès l'été 1924, chez M. Clément. Il m'a menti en disant qu'il ignorait les Révélations sensationnelles des vrais secrets des sciences occultes, de Carolus Lamblin, quand le professeur en Sorbonne, M. Augustin Bernard, en 1926, avait noté la présence de l'ouvrage dans sa petite bibliothèque avec les manuels de Déchelette et autres traités de préhistoire aujourd'hui à l'abri des regards profanes. M. Champion, chef des ateliers du musée archéologique de Saint-Germain, chargé par M. Peyrony, séquestre du ministère de l'Instruction publique, en vue du classement, d'inventorier le musée Fradin, proclame : « Tout cela est absolument neuf. Les objets de Glozel n'ont pas dix ans. Ils n'ont pas cinq ans. Ils sont d'hier. » Et il les a tous tenus dans ses mains de praticien ces harpons en os, lourds, arrondis, ridicules, inutilisables, ces haches affutées à la m ule ou taillées avec un outil métallique, ces bobines, ces pointes, prélevées dans les os du pot-au-feu de la ferme. Quand son rapport verra le jour, on trouvera en face de chaque objet l'indication de la gravure qui a été prise pour modèle. Toutes les controverses ne changeront rien à la brutalité des faits. Il n'y a plus dans les protagonistes de cette comédie lamentable que deux catégories les dupeurs et les dupés.

Les sympathies de la presse ei du public semblent de plus en plus acquises aux premiers. Depuis les fabliaux du moyen âge, les maris bafoués font toujours rire. Ici, le cas de ce « moins de trente ans », comme l'appelle Clément Vautel, de ce primaire qui de son sillon de l'Allier a soulevé une véritable affaire Dreyfus, tient vraiment du roman. Les savants, dira-t-on, ont mis quelque bonne volonté à se laisser prendre. Peut-être, mais quelle intelligence, quelle persévérance, quelle intuition, quelle maîtrise de soi-même a déployées ce jeune paysan, qui depuis trois ans a joué son rôle sans se démentir, sans se trahir, sans se départir de son humilité d'ignorant en face des princes de la science! Et ce grand-père, tout aussi taciturne, qui savait - oui, il a fallu qu'il sache ! et mettait en marche cette formidable machine à refaire la préhistoire, dont les produits en série ont mis les cervelles des savants du monde entier en ébullition!

En série ? Pour le nombre, sans doute, nullement pour la qualité. Toutes les gentilles figulines, les os historiés, les pierres gravées des Fradin sont faites de main d'ouvrier. Leur auteur n'a pas l'infatuation de certains décorateurs modernes. Il ne s'entête pas à imposer un style. Quand on lui fait remarquer ses imperfections, il se corrige. On

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nez, il s'intéresse à la T. S. F., il dessine, lave agréablement l'aquarelle. Quel charmant jeune premier pour un film américain! Mais, j'y songe ! La partie perdue par lui en France ne pourrait-elle se reprendre en Amérique ? Pourquoi ne s'embarquerait-il pas avec le grand-père, naturellement pour New-York ou Boston? I trouverait de l'autre côté de la mare aux harengs plus d'un milliardaire qui lui ouvrirait les bras tout grands et lui donnerait sa fille en mariage, ainsi que fit le bon Vervelde de Balzac à Pierre Grassou, quand il sut que tous les Rembrandt, les Gérard Dow, les Téniers, les Rubens que lui vendait un antiquaire, étaient de sa façon. Quelle héritière résisterait à la gloire d'épouser un jeune et bel Arverne plus fort que M. Salomon Reinach, que M. Loth, que M. Espérandieu, que la Sorbonne et l'Académie des inscriptions et belleslettres réunies ?

Nous n'osons espérer que notre avis sera écouté. Si Emile Fradin était mcntmartrois, il aurait déjà compris le parti inespéré qu'il pourrait tirer de la situation, en s'écriant, comme jadis (mais à tort) Ellina: « C'est moi l'auteur de la plus belle mystification du siècle. Adsum qui feci. » Il est à craindre pour lui qu'il ne persiste à ne rien avouer de tout l'hiver, pour pouvoir reprendre au printemps les fouilles des bords du Sichon. Mais l'occasion est chauve. S'il ne la saisit pas aux cheveux, il ne trouvera plus les cent bouches de la presse au service de l'aventure glozélienne. Plus un scandale fait de bruit et plus vite il s'éteint.

Demain, il faudra chercher une nouvelle pâture à jeter à la curiosité inlassable du public, tenir tout prêt un nouveau truquage, une nouvelle mystification et les supercheries d'une telle envergure sont rares. En voici cependant une dont l'odeur commence à monter comme un beau chè vrefeuille dirait Kipling. Il vient d'arriver en Amérique une horloge extraordinaire construite pour Philippe le Bon au XV° siècle et dont on demande des centaines de mille de dollars. Elle est sonnante, elle meut ses rouages dans une boîte en forme de cathédrale gothique, elle est antérieure à toutes les horloges connues... et elle est fausse. Jusqu'à présent, on ne parle qu'à mois couveris de cette nouvelle tiare qui aurait vu le jour à Heildeberg ou à Berlin. Tout ce qu'on en sait, c'est que son authenticité est attestée par toute une phalange de savants allemands. Tenons-nous aux éccute. Ce sera bientôt notre tour de rize.

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Glozehana.

Paris-Midi a reçu cette carte :

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Ateliers FRADIN et Cie

Société à responsabilité très limitée

REPRODUCTION D'ANCIEN

Spécialité de Préhistorique Paléo et Néolithique
Céramique avec ou sans inscriptions.
Gravure en tous genres, pierre et os.
(Cupules, Signes jupestres, Plaques,

Bâtons de commandement, etc.)

Organisation de fouilles.

Création de stations et de fonds de cabanes, Installation d'abris et de grottes.

Mise au point

GLOZEL (ALLIER)

! C'est, évidemment, une plaisanterie. Mais qui la paie? Il existe donc un budget « antiglozélien » occulte ? Des fonds secrets, si l'on peut dire.

Le Musée Jules Chéret.

Chéret a son musée à Nice, dans la villa Thomson. Outre les collections du baron Vitta, son fondateur, il renferme le mobilier tissé aux Gobelins, sur les cartons du maître, pour M. Fenaille. Peu d'artistes auront eu ainsi, de leur vivant, une consécration, pourrait-on dire, anticipée. Mais l'art de 1885 n'est-il pas aussi vieux pour nous que celui de l'ère romantique ou même impériale ? Et puis, le vieux maître de la lumière est presque aveugle. Il ne jouira pas de son triomphe tout entier.

'Aux écuries de l'Alma.

Un grand journal du matin, glozélien de la dernière heure, pas très rassuré sur le sort de sa campagne, entreprend des fouilles dans la comptabilité du Mobilier National. Le terrain, à en craire ses révélations, n'avait pas besoin d'être truffé pour donner lieu à des trouvailles savoureuses. On en prenait à son aise, avec le bien des contribuables, dans les ex-écuries de l'empereur ! Le plus amusant, c'est que depuis le premier article. du journal, les restitutions se font à toute vitesse. Où les injonctions administratives étaient impuissantes, un simple reportage triomphe de toutes les résistances. Signe des temps.

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MEMOIRES

ET DOCUMENTS Une existence mystérieuse

Il ne se passe point de mois que l'on ne fasse quelque étonnante découverte nous promettant et nous permettant soit le renouveau de la jeunesse, soit la jeunesse éternelle Tout récemment encore, en Amérique, comme il convient, un adroit personnage dupant fort ingénieusement son monde, acquit une aisance malhonnête mais abondante. Nous voudrions, à propos de cette illusion et de cette espérance d'abolir les années révolues, rappeler une bien curieuse histoire.

En 1860, mourait à Paris un personnage très connu de la bonne société : le comte Henri de XXX... C'était un original. Depuis une vingtaine d'années, il vivait de la façon la plus bizarre. Sur trois jours il en passait deux à la campagne, un à Paris, et cela en toute saison. On le voyait apparaître et disparaitre presque aussitôt. Où était située sa maison de campagne ? A vrai dire, nul ne le savait. Il prétendait qu'elle était en Seine-et-Marne, et s'en tenait à cette vague indication, sans préciser le lieu. Tout un département. Cherchez ! Le bruit courait qu'il avait épousé une vieille Anglaise fort riche, et qu'il la tenait ainsi au vert annuel, désolé qu'il eût été de la produire, mais néanmoins contraint de lui réserver les deux tiers de son temps. D'autres opposaient à ce ragot que le comte avait toujours joui d'une grande fortune, sans le moindre besoin de vieille Anglaise pour améliorer ses affaires. Le fait est que si, par hasard, on lui demandait les causes de cette fièvre champêtre intermittente qui le possédait si bizar rement, il répondait, laconique, qu'il s'occupait de la poursuite d'un grand problème scientifique. Quel pro blème ? Il ne s'expliquait pas plus sur la nature de sa recherche qu'il ne désignait géographiquement sa maison de campagne. Mais, qu'il habitât, ou non, les deux tiers du temps en Seine-et-Marne, il n'en avait pas moins, en plein Paris, un domicile avoué, bien que déclaré comme un simple pied-à-terre.

C'était rue de Lille, dans l'appartement même o mourut Mlle Clairon, en 1803. On sait que cette trage dienne célèbre se retira du théâtre, par dépit d'avoir ét mise au Fort-Lévêque. Ayant épousé le prince d'Anspach elle vécut en Allemagne pendant de longues année employées à préparer ces Mémoires que rédigea Etienne futur académicien et pair, alors modestement logé dans u petit entresol, sous l'appartement de l'actrice célèbre. O le comte Henri de XXX... avait jadis acquis de Mme de Lalicandrie, héritière de Mlle Clairon, une grande parti

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