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dans les régiments n'aient pas à abandonner leurs convictions et leurs conceptions pour en prendre d'autres, et pour que la libération des soldats n'introduise pas dans la société civile des principes en contradiction avec ceux qui y sont admis, qui font partie intégrante de son être.

Cette armée se composera d'un nombre de professionnels aussi réduit que possible, ces professionnels étant presque exclusivement destinés soit à encadrer les citoyens que le danger de la patrie appellera sous les drapeaux, soit à accomplir les besognes de guerre du temps de paix (opérations coloniales).

S'il est nécessaire de conserver des troupes permanentes, recrutées par engagements volontaires à prix d'argent, l'ensemble de la population sera constitué en milice par conséquent, le citoyen rentrera dans ses foyers dès qu'il aura acquis les connaissances professionnelles qui lui permettront, le cas échéant, de participer utilement à la défense de la patrie.

C'est seulement au cas où le recrutement par engagements volontaires ne rendrait pas assez et ne fournirait pas au pays les effectifs dont il a besoin qu'on emploierait les ressources du service obligatoire, celles-ci présentant le double avantage d'être assurées et économiques, alors que les volontaires constituent une ressource aléatoire et coûteuse. D'ailleurs, à supposer que ces volontaires soient mieux au courant du métier et plus foncièrement militaires, il n'est pas certain qu'ils aient au même degré le sentiment du devoir patriotique et, par conséquent, l'esprit de sacrifice.

En tout cas, les deux catégories soldats professionnels et miliciens ont un tout autre idéal de vie, et la question se pose de savoir si on doit les amalgamer l'une à l'autre ou les tenir soigneusement séparées. Ont-elles à gagner en se mélangeant? Se complèteront-elles mutuellement, chacune donnant à son associée ce qui manque à celle-ci? Ou sont-elles incapables de s'unir, faute d'affinités parce que tirées en sens contraire par des aspirations divergentes? Le général Maitrot préconise la première solution. Le général Roques la combat. Il veut des groupements homogènes.

Nous aurons à examiner les deux théories et à nous prononcer. Nous aurons aussi à définir le sens du mot « professionnel >>> qui est ici employé dans une acception particulière. Il ne s'agit plus, aujourd'hui, en effet, de créer une classe de soldats, de gens qui vouent leur vie entière au métier des armes et se déracinent presque définitivement de leur milieu originel. Ce que nous entendons par professionnel, c'est un citoyen que certaines considérations d'intérêt pécuniaire, la plupart du temps, déterminent à

ester sous les drapeaux pendant quelques années (de cinq. à douze ou quinze), mais qui est destiné à reprendre sa place dans le corps social, une fois terminé ce stage, lequel semble assez long pour qu'on puisse se flatter d'inculquer aux réflexes de cet homme l'automatisme des actes militaires. On croit pouvoir en arriver à obtenir que, en présence d'une situation de guerre déterminée, le troupier réagisse d'une certaine façon, quelles que puissent être les circonstances extérieures, c'est-à-dire que ni l'instinct de la conservation ni l'appréhension du danger ne lui fasse oublier ce qu'on lui a appris et ne l'empêche d'exécuter les mouvements (de maniement d'armes ou autres) qu'on lui a enseignés.

Nous aurons à examiner ce que vaut cette théorie. Nous serons amenés à douter aussi de son utilité. (Et c'est heureux; car, supposé que l'automatisme de la guerre de mouvements eût été réalisé dans l'armée de 1914, à quoi lui eût-il servi, du jour où elle a été condamnée à rêver dans les tranchées? On s'était efforcé d'introduire l'offensive dans ses réflexes, et c'est la défensive qu'elle a eu à pratiquer.) En tout cas, ce qui différenciera le milicien de ce que nous appelons le professionnel, c'est qu'on ne pourra songer à créer chez celui-là l'automatisme, faute de temps, et qu'il faudra donc donner à l'instruction qu'on lui dispensera un caractère différent, en s'adressant davantage à son intelligence et en renonçant à modifier sa véritable nature pour lui faire acquérir de nouvelles habitudes d'esprit.

Comme on le voit, c'est à des considérations de pure

psychologie que je ne cesse de ramener la solution du problème militaire. J'estime que son côté technique est ce qui doit le moins nous préoccuper et qu'il faut résister à la tendance qu'il a toujours manifestée jusqu'ici d'être envahissant et encombrant. La sociologie et la philosophie, voire la métaphysique, méritent de prédominer dans l'esprit des réformateurs. Loin d'y perdre, l'armée n'a qu'à gagner si elle s'imprègne des habitudes de l'industrie, si elle introduit. dans ses mœurs un peu d'américanisme et d'utilitarisme, si elle recourt aux procédés qui sont en honneur dans le monde des affaires.

L'industrialisation de l'armée s'impose. Il n'est peut-être pas facile de légitimer cette affirmation par la logique; mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, on ne pourra s'empêcher de reconnaître sa valeur et son bien-fondé si on arrive, par l'industrialisation, à une solution satisfaisante du problème.

Je me propose de définir le sens exact qu'il convient d'attribuer à cette expression, dont on a mésusé, et de montrer comment on peut stimuler par l'intérêt un corps qui a toujours tenu à honneur d'être désintéressé, comment on peut le vivifier par la concurrence, alors qu'on a plutôt cherché à le momifier et à l'enserrer dans les bandelettes d'une étroite réglementation, comment on peut y introduire le progrès, après lui avoir donné le goût de la stabilité et l'habitude de la routine, comment on peut y développer l'initiative, après avoir exigé de lui le respect de l'uniformité, c'est-à-dire ce qui en est précisément à l'antipode.

(A suivre.)

Lieutenant-colonel EMILE MAYER.

Les diverses institutions d'assurance et de prévoyance ne présentent pas seulement un grand intérêt au point de vue moral et social; elles sont de la plus haute importance au point de vue économique. Un bon système de retraites, notamment, n'est pas chose négligeable dans la vie d'une entreprise il attire le personnel, le maintient, l'attache, l'intéresse à la marche de l'affaire, développe ainsi le rendement de l'un de ses facteurs essentiels, le travail, et contribue par là même au succès. Dans l'industrie si complexe de la marine marchande, cette question joue un rôle dont on n'a pas toujours apprécié suffisamment l'importance. Aussi bien la cause de cette indifférence vient-elle peut-être uniquement de l'ancienneté de l'institution. Armateurs et navigateurs se sont tellement habitués au régime, qu'ils ne songent guère à se demander si l'on ne pourrait pas en tirer meilleur parti.

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Rappelons en quelques mots, l'origine des pensions des marins du commerce.

Après avoir décidé, dans l'ordonnance du 22 septembre 1668, conformément aux suggestions de son grand ministre Colbert, que tous les gens de mer seraient enrôlés et répartis en classes servant dans la marine royale et libres ensuite de naviguer dans la marine de commerce, Louis XIV, dans une ordonnance du 19 avril 1670, suivie bientôt de celles du 23 septembre 1673, du 6 octobre 1674 et du 15 avril 1689, décida d'assister les marins devenus invalides ceux-ci devaient recevoir une demi-solde ou moitié de leur dernière solde d'activité. Accordée d'abord aux seuls marins de l'Etat, elle fut étendue, par l'Edit de mai 1709, au personnel de la

marine marchande. Telle est l'origine de ces pensions appelées demi-soldes, nom qui désigne encore aujourd'hui les pensions payées par la Caisse des Invalides de la Marine aux marins du commerce français qui pratiquent, à titre professionnel, la navigation maritime de toute nature, long cours, cabotage international ou national, bornage, pêche.

L'organisation fut complétée par l'Edit de juillet 1720; enfin, la loi du 13 mai 1791 institua une nouvelle réglementation qui constitue encore aujourd'hui la charte de la Caisse des Pensions bien que différentes modifications y aient été apportées depuis, et, en dernier lieu, par la loi du 14 juillet 1908.

Ont droit à une pension sur la Caisse des Invalides de la Marine, à partir de l'âge de 50 ans, les Français inscrits maritimes qui ont accompli, depuis l'âge fixé par la loi sur la sécurité de la navigation maritime, 300 mois de services. Pendant cette même durée, les inscrits versent 5 0/0 de leurs salaires, les propriétaires ou armateurs qui les emploient 3 0/0. Des cotisations spéciales, mais analogues, sont prévues pour les marins naviguant dans des conditions spéciales, au profit ou à la part.

Tel est le principe. C'est, au fond, la retraite ouvrière pour les gens de mer, créée plusieurs siècles avant que cette institution ait été inaugurée pour tous les autres ouvriers ou employés. Nous disons au fond et en principe, car l'organisation est différente. Le système des pensions des gens de mer est basé sur une durée minima fixe de navigation et sur un âge déterminé de telle sorte que les conditions essentielles résident dans l'accomplissement de 300 mois de navigation et l'âge de 50 ans, faute de quoi le droit à pension n'existe pas, ne manquât-il que quelques jours. La rigueur de cette règle a été, il est vrai, adoucie par la concession de pensions dites proportionnelles aux marins auxquels leurs infirmités ne permettent plus de continuer la navigation; ceux-ci peuvent obtenir, au bout de 180 mois seulement et avant l'âge de 50 ans, une pension réduite. De même, pour la durée des services qui, en principe, sont des services commerciaux on a admis une certaine durée de services dans divers corps

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