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» La commission des douze m'ayant fait appeler, je m'y suis rendu; je lui ai exposé d'abord verbalement, ensuite par écrit, comme elle l'a exigé, ce que je viens de vous dire. Je ne sais si elle a acquis depuis de nouveaux renseignemens ; mais le lendemain on annonça un grand complot... Je vous demande si des propositions repoussées avec indignation peuvent être dites un grand complot! (Applaudissemens à gauche et dans les tribunes.) Je vous prie, citoyens, de m'écouter avec bienveillance.

>> Ce sont quelques décrets qui sont la cause des dissensions qui existent entre la commune et une partie de la Convention, et cela sans mauvaise intention de la part de la commune. La Convention a investi pour ainsi dire les corps administratifs de la puissance souveraine en consacrant les dispositions contenues dans l'arrêté du département de l'Hérault. C'est lorsqu'on a appris que la commune levait des contributions, qu'elle faisait des réquisitions, qu'on a dit: elle veut marcher l'égale de la Convention... Mais vous voyez, citoyens, qu'elle n'a fait qu'exécuter vos décrets.

» Je crois devoir passer à un autre fait, qui, quoique particulier, semble mettre en mouvement toute cette grande cité; je veux parler d'Hébert. Les principaux motifs de son arrestation, et je le tiens de quelques membres de la commission des douze, sont quelques feuilles du Père Duchesne. Comme fonctionnaire public, j'ai pris des renseignemens sur Hébert; deux personnes pour lesquelles j'ai la plus grande estime, le maire de Paris, Pache, et Destourmelle, mon ami de quinze ans, m'ont attesté tous deux que dans les assemblées de la commune il n'a jamais fait que les propositions que peut faire un bon citoyen. (Applaudissemens à gauche.) Quant aux feuilles du Père Duchesne, qui font son crime, je ne les connais pas; mais j'ai horreur de tous les écrits qui ne prêchent pas la raison et la morale dans le langage qui leur convient. Je crois pouvoir dire qu'après cinq ans de révolution, où l'on a vu tant d'écrits, en tant de sens divers, et sur lesquels on a passé si légèrement, on se soit avisé aujourd'hui d'avoir tant de délicatesse... (Biroteau: Mais, président, le ministre discute! Violens murmures à gauche. Guadet veut parler; la gauche s'y

oppose avec force; tumulte; le président se couvre. Après quelques instans le calme renaît, le ministre continue.)

Il faut que mes paroles aient été bien mal comprises, puisqu'elles ont causé un si grand mouvement. A-t-on cru que j'étais l'apologiste de ceux qui inspirent au peuple la soif du sang? J'ai aussi écrit dans des temps d'orage, et je n'ai pas dit un seul mot que je ne voulusse répéter sur le bord de la tombe; je n'ai pas écrit une seule ligne qui contienne une provocation criminelle. Cette morale est sortie de ma plume parce qu'elle était dans mon cœur. (Applaudissemens.) Je cite ce fait, et je défie de nier que la révolution n'ait été accompagnée de ces écrits qui invitent le peuple au meurtre et au pillage. (David: Brissot! Gorsas! Voix à droite: Marat!)

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La partie de l'Assemblée constituante qui a fait la révolution souffrait tous les journaux sans les approuver, mais pour que la liberté de la presse restat inviolable. (Applaudissemens de la gauche.)

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J'arrive à l'état actuel des choses. Les mouvemens qui nous agitent ont commencé hier; j'en ai été instruit par le maire et par d'autres citoyens. J'ai communiqué tout ce qui était à ma connaissance au comité de salut public et à la commission des douze, où je suis resté la nuit dernière jusqu'à trois heures du matin.

>> Aujourd'hui à six heures du soir on m'est venu dire qu'un nombreux rassemblement environnait la Convention nationale, et qu'elle n'était point libre. J'ai voulu voir les choses de mes propres yeux. Je suis venu , et j'ai vu que la force armée était bien plus considérable que l'attroupement. Je n'ai pu à la vérité entrer par cette porte (désignant celle de la droite); mais encore là le nombre des citoyens armés était plus considérable que celui des autres citoyens. (Un membre à droite : Ce n'est pas vrai; moi j'y ai été insulté.)

» Je viens d'entendre un député dire qu'il a été insulté...... Cela est très possible; il suffit que parmi les citoyens il se soit mêlé un aristocrate. A la commission des douze un de ses membres m'a dit aussi qu'il avait été insulté.... (Léonard Bourdon: Dans cette commission on a dit au maire de Paris qu'il était le premier des conspirateurs. Murmures à droite.)

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Il ne faut pas confondre une insulte faite par un mauvais citoyen avec des insultes faites par un attroupement.

>> Il s'agit dans cet instant de reconnaître l'état actuel de la Convention. Il est de l'intérêt de nous tous, de l'intérêt de la République, que la Convention nationale délibère avec calme et liberté; une seule goutte de sang répandue ici en ferait verser des torrens dans toute la France: voilà le malheur qu'il faut éviter. Dans la commission des douze j'ai fait une proposition que je crois propre à assurer la tranquillité de la Convention; je vais la répéter ici. Je propose que la Convention, précédée des autorités constituées, se porte aux lieux des rassemblemens, et qu'elle ouvre les flots du peuple : s'il y a du danger je serai le premier à le braver! (Voix à gauche : Non, il n'y en a pas!) Je parle du danger que peut faire courir un aristocrate, un assassin, mais non d'un danger qu'il y aurait à craindre de la multitude. (Vifs applaudissemens des citoyens des tribunes.) Croyez-vous que ces sans-culottes, qui applaudissent aux assurances que je donne de leurs sentimens, y applaudiraient s'ils avaient dans leur cœur des intentions criminelles ? (Mémes applaudissemens.)

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Je termine par cette observation. J'ai interrogé les sentimens secrets de chacun des membres de la commission des douze en particulier. Hé bien, je me suis persuadé qu'ils ont l'imagination exaspérée : tous ont un grand courage, tous sont déterminés à périr pour sauver la République ; MAIS TOUS M'ONT PARU, j'ose le dire, DANS DES ERREURS INCOMPRÉHENSIBLES! (Applaudissemens réitérés de la gauche et des tribunes.) Je les crois des gens vertueux, des hommes de bien; MAIS LA VERTU A SES ERREURS, ET ILS EN ONT DE GRANDES. Vous le savez, vous, président (1), qui êtes membre de cette commission, je ne vous parle point un langage qui vous soit étranger. (Nouveaux applaudissemens.) L'estime que je témoigne pour vous n'est point cette estime simulée qu'on prodigue pour calmer les ressentimens; je vous le proteste, c'est un sentiment que j'ai dans mon cœur.

(1) Boyer-Fonfrède, à qui Isnard, alors président, venait de céder le fauteuil.

Je le répète à la Convention, elle n'a aucun danger à

courir; vous reviendrez tous en paix dans vos domiciles.

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En vous donnant cette assurance je fais tomber sur moi toute l'horreur d'un attentat qui serait commis contre la représentation nationale : hé bien, j'appelle cette responsabilité sur ma tête, tant la loyauté du peuple qui m'entend m'est bien connue! Voilà ce que j'avais à dire à la Convention. » (Applaudissemens.)

La Convention décrète que le rapport du ministre de l'intérieur, signé de lui, sera imprimé et envoyé aux départemens. Le maire de Paris est ensuite entendu.

DISCOURS du maire de Paris (Pache).

« Je n'entretiendrai pas la Convention d'un complot qu'elle reconnaît déjà comme chimérique. Il est certain qu'après l'attroupement des contre-révolutionnaires qui voulaient s'opposer au recrutement Paris était calme; il est certain que les mouvemens qui agitent maintenant cette ville n'ont commencé que lorsque la commission des douze a ordonné des arrestations. Aujourd'hui, ayant appris qu'il y avait des rassemblemens autour de la Convention, je m'y suis transporté; j'ai vu qu'il n'y avait rien à craindre, qu'il y avait une force armée considérable.

>> Je dois dire à la Convention que ce matin j'ai reçu du commandant général l'ordre que lui avait donné la commission des douze de faire tenir prêts trois cents hommes des sections de 92, du Mail et de la Butte-des-Moulins..... (Violentes rumeurs à gauche et dans les tribunes publiques.)

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Thuriot. « Je demande que la commission des douze soit cassée à l'instant, et que les membres qui la composent soient mis en état d'arrestation. »

Le maire. « Le commandant général m'ayant demandé quelle marche il devait suivre, je l'ai renvoyé à la commission des douze, et j'ai écrit à cette commission pour lui représenter qu'aucun décret ne lui permettait de faire marcher la force armée : je l'invitais à suspendre l'ordre qu'elle avait donné, ou à obtenir un décret de la Convention. Elle m'a répondu en m'invitant de me rendre auprès d'elle. Après avoir ordonné au commandant général de faire faire de nombreuses patrouilles, de faire porter une force armée suffisante aux prisons et aux édifices publics, je me suis rendu à la commission des douze. Elle m'a dit qu'elle avait donné cet ordre dans la nuit, dans le moment où l'on croyait qu'il y avait de grands dangers à courir pour la

Convention.

>> Je prie la Convention d'ordonner que la force armée qui l'environne fera seulement des patrouilles. Je la prie aussi d'admettre plusieurs députations qui viennent lui demander la liberté des citoyens détenus.»

Voix à gauche. « Oui, oui, qu'on admette les citoyens! >>>

A droite. « Levez la séance, président! Il est dix heures (du soir). »

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Henri Larivière. « Si vous ne voulez pas lever la séance, vous ne pouvez refuser d'entendre la commission des douze. Vous l'accusez de tyrannie.... (A gauche : Oui! Oui!) Mais c'est vous qui exercez un despotisme abominable en ne voulant entendre aucun de ceux qui veulent défendre la commission! II faut lever la séance, ou m'entendre!» (Murmures à gauche : Non! Non!)

Legendre. « Je demande que la séance soit permanente pour qu'on fasse le procès aux conspirateurs. (Applaudissemens des tribunes.)

Le président quitte le fauteuil; il y est remplacé par Hérault-Séchelles, ex-président : les citoyens des tribunes applaudissent.

Le président consulte l'Assemblée; trois épreuves sont faites, et la Convention décrète qu'elle continuera sa séance.

Les commissaires des sections sont admis à la barre.

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