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attachés sur vous; vous remplissez toute leur âme; nous nous enivrons de vos triomphes vos dangers nous plongent dans les plus douloureuses agitations. Vos dangers!..... Combien ils se sont multipliés dans un court intervalle! La République entière en a retenti. Il y a peu de jours qu'une conspiration, publiquement formée, s'avançait aussi publiquement vers son exécution; les victimes étaient comptées; les poignards, plus acérés, brillaient sur la tête des législateurs! Bientôt après l'audacieuse calomnie, abusant de la bonne foi, qu'elle égare, et du patriotisme, qu'elle pervertit, s'érige en autorité, et vient vous proscrire devant vous-mêmes ! Dans le même temps une correspondance criminelle infectait les départemens; elle appelait de toute part les couteaux qui devaient vous égorger; et vos décrets nous ont appris qu'à l'instant même où vous vous occupiez de punir ces horribles complots ces voûtes retentissaient d'applaudissemens, comme à la jouissance anticipée d'un massacre!

» Tout récemment les mêmes conspirateurs s'agitent avec plus de violence; ils annoncent, ils préparent une force armée qui doit venir exiger ici que trois cents d'entre vous soient chassés, et que vingt-deux autres soient immolés à leur fureur! A ces dernières nouvelles la ville de Bordeaux est frappée de consternation; mais aussitôt tous les citoyens se lèvent à la fois ; ils s'indignent, accourent, et se précipitent simultanément dans leurs sections.... La représentation populaire est menacée ! Ils se pressent autour d'elle; ils l'environnent de leur énergie et de leur fidélité : dans quelques heures ils rédigent, adoptent, communiquent aux corps administratifs une adresse à la Convention nationale, et nous ordonne de venir vous faire entendre ces paroles :

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Les citoyens de Bordeaux à la Convention nationale,

Législateurs, quel horrible eri vient de retentir jusqu'aux extrémités de la République! Trois cents représentans du peuple voués aux proscriptions! vingt-deux à la hache liberticide des centumvirs!

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Législateurs, lorsque nous choisîmes des députés nous les mêmes sous la sauvegarde des lois, de la vertu, et de tout ce

qu'il y a de plus sacré sur la terre : nous crûmes les envoyer parmi des hommes; ils sont environnés de tigres altérés de sang! Ces courageux citoyens sont en ce moment sous le poignard des assassins! Que disons-nous, hélas! peut-être ils ne sont plus! Si ce crime atroce se consomme, frémissez, législateurs! frémissez de l'excès de notre indignation et de notre désespoir! Si la soif du sang nous a ravi nos frères, nos représentans, l'horreur du crime dirigera notre vengeance, et les cannibales qui auront violé toutes les lois de la justice et de l'humanité ne périront que sous nos coups!

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Convention nationale, Parisiens, jadis si fiers et si grands, sauvez les députés du peuple! Sauvez-nous de notre désespoir! Sauvez-nous, sauvez-vous de la guerre civile ! Oui, nous organisons sur le champ la moitié de notre garde nationale, nous nous élançons sur Paris si un décret vengeur ne nous arrête, et nous jurons de sauver nos représentans, ou de périr sur leur tombeau !

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Voilà, législateurs, les sentimens douloureux auxquels ont été en proie les fidèles Bordelais; voilà les traits qui caractérisent tous les citoyens de la Gironde, de ce département qui a donné vingt-cinq mille soldats à la patrie; qui dans ce moment même, à l'exemple de l'Hérault, lève encore six mille sept cents hommes; de ce département où le pauvre mange le pain à dix sous la livre, et souffre en homme libre ; et cependant ces courageux républicains ont aussi été calomniés! Des scélérats, qui vivent de mensonge comme les vautours vivent de cadavres, ont eu l'audace de dire Bordeaux était en contrerévolution ouverte, parce que nous avons constamment voulu que l'ordre et les lois accompagnassent la liberté, et que ne voulons pas d'une révolution qui imprimerait constamment à la République un mouvement convulsionnaire et désorganisateur; parce que, sous le titre imposteur de révolution, nous ne voulons pas ériger l'assassinat en principe, et constituer le crime en une sorte d'autorité légale ; parce que, sous le titre derévolution, nous ne voulons pas le fédéralisme et l'anarchie; parce que, sous le titre de révolution, nous ne voulons pas d'un ordre de choses où l'effronterie supplée au courage, la violence au pouvoir, l'amour-propre en délire au talent, et

nous

les convulsions de l'esprit au génie; parce que, sous le titre de révolution, nous ne voulons pas lutter audacieusement avec la Convention, qu'elle est pour nous l'arche nationale, et que nos mains sécheront plutôt que d'y porter une atteinte sacrilége; parce que, sous le titre de révolution, nous ne voulons pas de cette licence éhontée qui provoque chaque jour l'avilissement du Corps législatif, la désorganisation du gouvernement, et que nous voulons tous périr avant le règne des brigands et des assassins!

Oui, législateurs, tels sont les Bordelais! Recevez ici leur profession de foi solennelle : ils ont juré, et nous jurons en présence de tous les départemens, en face de l'univers, fidélité inviolable à la République une et indivisible!

» Ils ont juré, et nous jurons que les armées de la République dirigées contre la tyrannie se grossiront sans cesse de nos soldats; que nos fortunes s'épuiseront pour consommer la révolution, et que notre génération actuelle est prête à s'anéantir pour assurer la liberté et l'égalité à la génération future! Enfin, législateurs, les Bordelais vous en conjurent, au nom de cette patrie qui vous honore du titre de Français et d'hommes libres, au nom de la paix des consciences et de l'enfer des remords, donnez une Constitution à la République française ! >>

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Réponse du président (Boyer-Fonfrede).

Citoyens, si la liste de proscription proclamée insolemment à la barre de la Convention nationale a dû alarmer les courageux habitans des rives de la Gironde, le mépris profond dans lequel les bons citoyens ont plongé les proscripteurs, au sein même de la ville qui les renferme, a déjà vengé la République de cet attentat! Allez donc, citoyens, allez rassurer vos compatriotes; dites-leur que Paris renferme un grand nombre de patriotes courageux qui veillent sur les scélérats que Pitt soudoie, et qui sont prêts à périr en défendant la représentation nationale! Depuis quatre ans, Bordelais, vous combattez partout pour la liberté ; les satellites des rois ainsi que les rebelles de la Vendée savent déjà ce que peut votre courage! Ce ne sera pas en vain que vous aurez vu périr vos enfans: si de nouvelles conspira

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Boyer - Fonfrède,

Membre de la Convention, né à Bordeaux,

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en Octobre 1793.

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