membres de la Convention, seraient imprimés, et remis le lendemain à la disposition du comité de correspondance. Les faits dénoncés par Guadet se trouvaient ainsi avoués sans aucun scrupule. Les officiers municipaux ne doutaient point qu'ils eussent parfaitement rempli leur devoir; ils s'attendaient même à recevoir du président de la Convention un juste tribut d'éloges. Mais Lasource présidait; Lasource garde le silence, et c'est Robespierre jeune qui va solliciter pour la commune de Paris la reconnaissance nationale. Robespierre jeune. « En entendant la grande dénonciation faite contre la commune de Paris, par un homme qui avait dénoncé les Jacobins, j'avais été effrayé, parce que je croyais que cette commune s'était déclarée en état de contre-révolution: je vois au contraire qu'elle s'est déclarée en état de révolution. En cela elle n'a fait qu'imiter la nation entière! (Applaudissemens de l'extrémité gauche et des tribunes publiques.) Le peuple français tout entier est en révolution, parce qu'il est en guerre pour soutenir la liberté; le peuple français est en révolution contre les tyrans, parce qu'il est en révolution contre tous les Iraîtres de l'intérieur! (Mémes applaudissemens.) >> Le peuple de Paris aurait eu de grands reproches à faire à sa commune si elle n'avait pris les arrêtés dénoncés, parce qu'elle n'aurait pas été à la hauteur des circonstances. (Nouveaux applaudissemens.) Pourquoi le département de la Vendée et les autres circonvoisins sont-ils ravagés par les contre-révolutionnaires? C'est parce que les corps administratifs ont été faibles; c'est parce qu'ils n'ont pas éclairé l'esprit public. (Violens murmures à droite ; une voix : Plusieurs sont morts à leur poste!) On me dit que plusieurs sont morts en faisant exécuter la loi. Je n'ai pas voulu calomnier ceux qui ont fait leur devoir; j'ai voulu dire que l'état de fluctuation où se trouve la République est dû au mauvais esprit des administrateurs. Je reviens à la question. On a fait un crime à la commune de Paris d'avoir établi un comité de correspondance! Mais la nécessité d'une telle mesure n'est-elle pas démontrée par les calomnies qu'on vomit contre elle à cette tribune? Ne lui doit-il pas être permis de désabuser les départemens? On a dit que par ce comité elle tendait à renverser la Convention, et à se mettre à sa place.... C'est une calomnie à ajouter à tant d'autres. On devrait reconnaître que cette commune, qui a tant contribué à renverser la tyrannie, à déjouer tous les complots, qui dans les momens d'orage a maintenu la paix dans cette grande cité, a toujours montré le plus grand respect pour la représentation nationale: c'est précisément pour que le respect qui est dû à la Convention lui soit rendu qu'elle a demandé que la Convention fût purgée, que les traîtres qui ont conspiré contre la patrie, qui ont entretenu des correspondances criminelles avec les conspirateurs, fussent renvoyés de son sein! (Murmures et applaudissemens.) >> Quels sont ceux qui ont blâmé cette pétition ? Ceux-là mêmes qui voulaient mettre d'Orléans sur le trône; ceux qui se trouvaient la nuit avec d'Orléans, et qui le jour siégent là! (L'orateur désigne la droite. Bruit.) Je viens au fait dénoncé par Mazuyer. » Il a fait un crime à la municipalité de Paris d'avoir mis Marat sous sa protection! Ne doit-elle pas y mettre tous les citoyens? Jusqu'à ce que vous ayez décrété que Marat n'est plus citoyen elle méritera des éloges pour avoir rempli ce devoir à son égard. Je demande que vous décrétiez que la commune de Paris a bien mérité de la patrie! » Le vœu de Robespierre jeune porte une joie bruyante à l'extrémité gauche et dans les tribunes publiques; mais l'attitude sévère de la droite, unie à la plaine, indique qu'il est inutile d'insister pour obtenir une telle faveur. Alors une voix qui part de la montagne semble exiger que l'on accorde au moins les honneurs de la séance aux officiers municipaux: Lanjuinais et Dufriche-Valazé, soutenus de la majorité, repoussent cette demande avec une sorte d'horreur. Cependant, sur l'observation de Mallarmé qu'il est dangereux d'attirer le mépris sur des magistrats du peuple, plusieurs membres paraissent disposés à laisser accorder des honneurs qu'obtiennent chaque jour de simples pétitionnaires, et que l'usage a rendus sans importance; mais d'autres persistent dans leur refus. De vifs débats s'élèvent ; le tumulte suit; on ne s'entend plus. Le côté droit se dégarnit: il était onze heures du soir. On procède à l'appel nominal; sur cent quarante-neuf membres qui étaient restés, six seulement votent contre l'admission des officiers municipaux aux honneurs de la séance. Ils entrent dans la salle aux acclamations de leurs protecteurs. En une même journée deux décisions avaient été prises qui n'étaient pas de nature à flatter la commune de Paris : cette humiliante admission devant une minorité de cent quarante-trois membres ajoutait encore au décret qui la frappait de calomnie; aussi dès ce moment donna-t-elle un libre cours à ses ressentimens : forte de la réunion monstrueuse des pouvoirs qu'elle avait usurpes, protégée par l'influence qu'elle exerçait sur toutes les communes de la République, elle lutta seule contre la majorité de la Convention nationale. La montagne parut abandonner à cette commune audacieuse le soin de sa propre défense. Soit calcul de la part de leurs adversaires, soit que l'union de la plaine au côté droit formât une majorité constante, les girondins triomphèrent pendant quelques jours au sein de la Convention; mais en même temps ils étaient poursuivis, dénoncés par les assemblées de section et les sociétés populaires : ils faisaient rendre des décrets; mais ces décréts encouraient aussitôt la censure et le blâme de péti tionnaires qui ne gardaient aucune convenance, aucun respect: paraissaient-ils à la tribune, les murmures, les cris, les huées des spectateurs se mêlaient aux applaudissemens de la majorité des représentans. La droite voyait bien là l'ouvrage de la commune; mais la montagne, mise adroitement hors de combat, n'y voyait quele vœu du peuple: pours'ébranler elle attendait une explosion que préparait la commune. - Justifions ces assertions par quelques traits qui nous conduiront au 31 mai. 1o. Marat venait d'être acquitté d'une manière éclatante par le tribunal révolutionnaire. Cette circonstance fut saisie pour porter un coup indirect, mais violent, à ceux qui l'avaient fait décréter d'accusation. Le bruit d'une pompe triomphale, les cris vive Marat, vive la République, interrompent tout à coup la séance du 24 avril. Une foule immense environne la Convention. Quelques citoyens sont admis à la barre; un sapeur volontaire adresse ces mots aux représentans de la nation : << Citoyen président, je demande la parole pour annoncer que nous amenons ici le brave Marat. (Applaudissemens de la gauche et des tribunes.) Marat a toujours été l'ami du peuple, et le peuple sera toujours pour Marat. On a voulu faire tomber ma tête à Lyon pour avoir pris sa défense: hé bien, s'il faut que la tête de Marat tombe, la tête du sapeur tombera avant la sienne! Nous vous demandons, président, la permission de défiler dans l'Assemblée; nous espérons que vous ne refuserez pas cette faveur à ceux qui ont accompagné l'ami du peuple! » Lasource présidait; il répond au sapeur et à ceux qui l'accompagnaient : « Citoyens, vous vous réjouissez de ce que la loi n'a pas trouvé de coupable; c'est le sentiment de tout bon citoyen : les représentans du peuple s'en réjouissent avec vous. La Convention nationale va examiner la demande que vous lui faites de défiler dans son sein. » Examiner! s'écrie-t-on à gauche avec impatience.. Roux. « Les personnes ne me sont rien; les choses doivent être tout. Je dois dire que j'ai vu avec douleur qu'un représentant du peuple ait été traduit, sur des prétextes aussi frivoles, devant un tribunal à la formation duquel il avait lui-même contribué; mais lorsqu'après en être sorti pur et intact il vient rentrer au milieu de vous, je pense que la Convention doit s'empresser de voir défiler devant elle des citoyens qui lui ramènent un de ses membres. Je demande donc que les citoyens obtiennent la faveur qu'ils réclament. » La faveur est accordée. Le cortége entre; il se répand comme un flot longtemps retenu; la salle en est inondée. Les chants, les vivats retentissent au loin; mais au moment où paraît Marat les cris de joie, les trépignemens sont portés jusqu'au délire. Marat a sur la tête une couronne de feuilles de chêne; des citoyens le portent dans leurs bras; il a pour escorte des officiers municipaux. Des bras des citoyens Marat passe dans ceux de ses collègues de la montagne; ils le pressent, ils lui prodiguent les plus tendres embrassemens; enfin ils le déposent à la tribune, et, l'ami du peuple faisant signe qu'il veut parler, on cesse un moment d'applaudir. Marat. « Législateurs du peuple français, les témoignages éclatans de civisme que vous venez de voir dans votre sein ont rendu au peuple un de ses représentans, dont les droits avaient été violés dans ma personne. Je vous présente en ce moment un citoyen qui avait été inculpé, et qui vient d'être complètement justifié. Il vous offre un cœur pur; il continuera de défendre avec toute l'énergie dont il est capable les droits de l'homme, la liberté, les droits du peuple! >>> Les acclamations, les cris de joie recommencent; des chapeaux, des rubans, des bonnets de la liberté sont agités ou jetés en l'air. Marat avait quitté la tribune; il y est replacé par ses collègues pour recevoir, selon l'usage, la réponse du président. Lasource échappe à cette obligation en faisant observer que l'usage est de ne répondre qu'aux pétitionnaires, et que Marat n'est point là en cette qualité, mais comme représentant du peuple. Marat retombe dans les bras des citoyens, et pendant plus d'une heure le cortége défile devant la Convention en faisant retentir la salle des cris de vive Marat, l'ami du peuple! vive la République! vive la montagne! 2o. Dans la séance du 30 avril on discutait les moyens de remédier à la cherté des subsistances; Ducos parlait. Ducos, député de la Gironde, venait d'être interrompu plusieurs fois avec violence par les citoyens des tribunes, et plusieurs fois le président avait en vain rappelé ces citoyens au respect |