était perfide et dangereuse la pétition (murmures à gauche), qui n'a été appuyée par Gensonné que pour prouver que les membres dénoncés portent dans leur conscience le sentiment intime qu'ils n'ont rien à redouter d'un jugement national. >> Citoyens, vous connaissez l'état de mécontentement et d'exaspération où sont maintenant tous les esprits : les passions, qui ont fait tant de ravage parmi nous, ont débordé de cette enceinte sur toute la France; nos discordes ont plus ou moins agité tous les départemens; l'incendie est prêt à s'allumer, et le jour de la convocation des assemblées primaires serait peutêtre celui d'une explosion dont on ne saurait calculer les suites. Pourquoi d'ailleurs convoqueriez-vous les assemblées primaires ? Pour les faire prononcer sur nous? Mais si quelques unes décident que nous sommes indignes d'être représentans du peuple, n'avez-vous pas à craindre que d'autres prononcent ce jugement terrible contre telle ou telle députation, par exemple, contre celle de Paris, qui nous attaque chaque jour, et nous fait ensuite un crime de nous défendre contre tel ou tel député? Ainsi la mesure que vous aurez cru propre à épurer la Convention pourra devenir une mesure de dissolution totale. Et voulez-vous supposer qu'il n'y ait pas un assez grand nombre de suffrages pour entraîner l'exclusion d'aucun membre? Le résultat de ces suffrages improbateurs serait au moins et infailliblement une grande diminution dans la confiance du peuple en vous. Or que pouvez-vous sans cette confiance? Que dis-je! vous y renoncez vous-mêmes dès l'instant que vous vous soumettez au scrutin épuratoire que quelques intrigans ont osé vous proposer (1); par là vous accréditez les calomnies qu'ils ont répandues contre vous; par là vous donnez de la consistance aux soupçons dont ils vous ont environnés; vous donnez lieu de douter en effet si, comme on vous l'a dit insolemment, le principe de la contre-révolution n'est pas (1) On est fâché de se rappeler que ce sont les amis de Vergniaud qui les premiers ont demandé le scrutin épuratoire, la convocation des assemblées primaires, et soutenu le système d'exclusion; Guadet d'abord, puis Gensonne, Pétion, Condorcet, Henri-Larivière, Lanjuinais, etc. (Voyez tomes X et XI.) parmi vous, si la majorité de l'Assemblée n'est pas corrompue! (Applaudissemens.) Ce n'est point par un appel au peuple, mais par le développement d'une grande énergie que vous devez repousser de pareilles injures. » Eh! si vous vous entachiez vous-mêmes dans l'opinion publique en consacrant le vœu insultant des pétitionnaires, quels seraient vos moyens pour résister à vos ennemis intérieurs? Voudriez-vous en employer de répressifs? Ils vous diraient : de quel droit nous poursuivez-vous comme mauvais citoyens, lorsqu'il est incertain si vous ne l'êtes pas vousmêmes ? comme ennemis de la liberté, lorsqu'il est incertain si vous ne conspirez pas contre elle? comme des hommes pervers, lorsqu'il est incertain si vous n'êtes pas tous corrompus? De quel droit prétendez-vous nous soumettre à votre jugement, lorsque vous-mêmes avez senti la nécessité de vous soumettre au jugement de la nation? De quel droit prétendezvous nous punir comme des traîtres, lorsque vous-mêmes êtes accusés de trahison au tribunal du peuple, et qu'il est encore douteux si ce n'est pas vous que le glaive de la loi doit frapper?... Citoyens, qu'auriez-vous à leur répondre ? Et dans cet état d'impuissance, qui vous rendrait dépendans de tous les conspirateurs, comment vous occuperiez-vous efficacement d'arrêter la marche des ennemis extérieurs, dont la force s'accroîtrait par votre faiblesse ? >> Citoyens, la convocation des assemblées primaires est une mesure désastreuse; elle peut perdre la Convention, la République et la liberté; et s'il faut ou décréter cette convocation ou nous livrer aux vengeances de nos ennemis, si vous êtes réduits à cette alternative, citoyens, n'hésitez pas entre quelques hommes et la chose publique! Jetez-nous dans le gouffre, et sauvez la patrie! (Applaudissemens.) ➤ Mais, citoyens, nous n'aurons pas le mérite de ce dévouement; sans compromettre la tranquillité publique vous pouvez rétablir celle de l'Assemblée. Ce ne sera pas, comme l'a proposé Delaunay, en passant à l'ordre du jour, sauf à nos accusateurs à nous poursuivre devant le tribunal révolutionnaire ; une pareille proposition ne tend à rien moins qu'à mettre toute la représentation nationale à la discrétion du premier scélérat que Pitt ou Cobourg soudoieraient pour en accuser successivement tous les membres. Je crois qu'il est des expédiens plus convenables. >> Vous vous tromperiez si vous pensiez que l'objet de la petition est la simple exclusion des membres dénoncés du sein de la Convention; son véritable but c'est la dissolution de la Convention elle-même. Vous vous rappelez la conjuration du 10 mars et les pétitions du même jour, où l'on demandait la tête de trois à quatre cents membres de l'Assemblée; vous vous rappelez la pétition moins ancienne où l'on accusait la majorité de la Convention d'être corrompue, et le projet d'organiser un comité central qui, correspondant avec tous les départemens, se serait trouvé revêtu du pouvoir suprême au moment de votre dissolution. Ces complots ont avorté; mais leurs auteurs, demeurés impunis, ne se sont pas découragés; ils ont dit : la Convention forme un faisceau trop robuste pour que nous puissions le briser; tâchons d'en arracher quelques branches; nous l'aurons affaibli d'autant; ce premier succès nous en facilitera de nouveaux, et amenera bientôt le jour où nous pourrons enfin le fouler aux pieds... Si je n'étais pressé par le désir d'achever la discussion et la crainte d'aigrir, je prouverais par le rapprochement des pétitions, des arrêtés de la commune, et de tous les faits qui se sont passés le 10 mars, que ce que vous ne regardez peut-être que comme un raisonnement conjectural est une démonstration mathématique. Permettez maintenant que je vous analise les moyens employés pour faire signer la pétition. » Ses rédacteurs et leurs amis se répandirent au même instant dans les sections de Paris; chaque émissaire, d'après les conventions faites, disait dans la section où il se présentait : voici une pétition qu'il faut signer. - Lisez-la. - Inutile; elle est déjà adoptée par la majorité des sections... Ce mensonge réussit auprès de quelques-unes d'entre elles, et plusieurs individus signèrent de bonne foi sans lire. Dans plusieurs on lut, et l'on refusa de signer; dans d'autres on lut aussi, et l'on se contenta de passer à l'ordre du jour. Qu'arriva-t-il? Que les intrigans, les oisifs, les inconnus demeurèrent jusqu'à ce que les bons citoyens se fussent retirés, et que, maîtres de la délibération, ils délibérèrent qu'il fallait signer la pétition, et la signèrent en effet. Le lendemain, quand les citoyens arrivaient à la section, on leur présentait la pétition à signer; on se prévalait contre eux de la délibération prise, la veille: s'ils voulaient faire quelque observation on leur répondait par ces mots terribles: signez, ou point de certificat de civisme... On ne s'en est pas tenu à ces manœuvres perfides; on a posté dans les rues des hommes armés de pique pour forcer les passans à signer. Enfin, les rédacteurs de la liste de proscription ont imaginé de faire délibérer dans plusieurs sections que l'on changerait les cartes civiques; ils ont fait battre le rappel pour inviter tous les citoyens à venir chercher les nouvelles cartes, et on les refusait à ceux qui refusaient de signer. Ces faits sont notoires; il n'est personne qui puisse les contredire, et ils seraient attestés par plus de dix mille témoins. Que penser, citoyens, de la bassesse et de la perfidie de ces manœuvres, de l'infamie de nos accusateurs, et de l'horrible tyrannie de ces hommes qui ont l'impudence de se dire les amis de la liberté, et de se rendre juges du patriotisme des représentans de la nation! » Votre juste indignation proscrira sans doute une pétition qui, dans son objet et dans sa forme, est l'ouvrage du crime; mais ce ne serait pas assez. On y ressasse les faits contenus dans la dénonciation de Robespierre: Guadet et moi nous croyons avoir prouvé que cette dénonciation ne renfermait que des impostures. Or, ou en effet nous avons répondu d'une manière victorieuse, et vous êtes persuadés que nous sommes sans reproche; ou notre réponse vous a paru insuffisante, et l'accusation de Robespierre digne d'être poursuivie judiciairement. Au second cas je vous somme, au nom de la patrie, de nous envoyer devant le tribunal révolutionnaire! Au premier je vous somme, au nom de la justice, de vous expliquer franchement sur notre compte! Il n'est qu'un moyen de ramener le calme dans l'Assemblée; c'est de nous livrer à la loi si nous sommes coupables, ou d'imposer silence à la calomnie si notre conduite a toujours été pure. Si nous sommes coupables, et que vous ne nous envoyiez pas devant le tribunal révolutionnaire, vous trahissez le peuple! ! Si nous sommes calomniés, et que vous ne le déclariez pas, vous trahissez la justice! (Applaudissemens.) » Je demande que la Convention improuve la pétition; qu'elle déclare qu'elle n'a aucun reproche à nous faire, et que le décret qui sera rendu soit envoyé à tous les départemens. » La majorité applaudit; l'extrême gauche et les tribunes publiques font entendre quelques murmures. Férau, Chiappe et Boyer-Fonfrède ajoutent à la demande de Vergniaud; ils veulent que la Convention déclare que les membres inculpés méritent la confiance nationale. Mathieu et Pénières s'opposent à cette déclaration, qu'ils regardent comme une flagornerie indigne de l'Assemblée. Enfin le décret suivant est rendu, sur la rédaction de Vergniaud (20 avril 93): La Convention nationale improuve comme calomnieuse la pétition qui lui a été présentée par trente-cinq sections de Paris. Le présent décret sera envoyé aux départemens. » Vergniaud avait également fait décréter que les registres des délibérations de la commune de Paris seraient soumis séance tenante à la Convention nationale. Des officiers municipaux se présentent avec assurance à la barre pour faire cette communication. Il résulte de l'examen des registres que dans sa séance du 18 le conseil général, sur le réquisitoire du procureur de la commune, Chaumette, a renouvelé le serment du 10 août de défendre jusqu'à la mort les droits sacrés du peuple, et qu'en conséquence il a arrêté : 1o qu'il se déclarait en état de révolution tant que les subsistances ne seraient pas assurées; 2o qu'il se déclarait frappé lorsqu'un de ses membres un président ou un secrétaire des sociétés patriotiques ou des assemblées de section, ou enfin un simple citoyen serait frappé pour ses opinions; 3o que le comité de correspondance avec les quarante-quatre mille municipalités serait au plus tôt mis en activité, et composé de neuf membres au lieu de cinq, nombre porté par un précédent arrêté; 4o que douze mille exemplaires de la pétition du 15, qui dénonce vingt-deux , |