Imágenes de páginas
PDF
EPUB

lutter contre l'autorité naissante de la grande représentation nationale. Je demande qu'on décrète qu'il y aura des assemblées électorales. »

La discussion est fermée. Le président met aux voix le principe; il est décidé qu'il y aura des électeurs. Les articles suivans sont en conséquence décrétés :

« Le peuple français délègue à des électeurs le choix des administrateurs et des juges. » (Article 9 de la Constitution.)

« Les citoyens réunis en assemblées primaires nomment un électeur à raison de deux cents citoyens présens ou non; deux depuis trois cent un jusqu'à quatre cents; trois depuis cinq cent un jusqu'à six cents. » (Art. 37 de la Constit.)

ART. DU PROJET. « Les députés ne peuvent être recherchés, accusés ni jugés en aucun temps pour les opinions qu'ils ont énoncées dans le sein du corps législatif.

>>

Raffron. « Je m'oppose à cet article; c'est un brevet d'impunité pour tous les mauvais citoyens qui trahissent les intérêts de la nation: un représentant du peuple ne doit point être au dessus de la loi suprême, le salut du peuple. N'est-il pas honteux que ceux qui ont proposé la loi martiale, qui ont demandé la force départementale, soient impunis! Je demande que les députés représentans du peuple qui, ayant avancé dans l'Assemblée, par écrit ou autrement, des sentimens inciviques, ne les rétracteraient pas, et au contraire les soutiendraient, soient dénoncés par l'Assemblée nationale elle-même au juri national, qui déclarerait qu'ils ont perdu la confiance publique. »

Bazire. « Il y a une considération très forte qui n'a pas été présentée par le préopinant. Il est très possible qu'un membre propose d'anéantir la République, que la majorité corrompue d'une assemblée l'adopte, et nomme un tyran....... (Plusieurs voix: Le peuple est là!) Je le sais; mais doit-on le mettre en insurrection sans nécessité ? Je demande que la Constitution porte avec elle son soutien, et qu'on décrète l'établissement d'un juri national, devant lequel seront traduits ceux qui parleraient contre l'établissement de la République.

XII.

[ocr errors]

24

་་

Robespierre. « Il est impossible de ne pas rendre hommage aux motifs patriotiques qui ont inspiré le vénérable vieillard (1) qui m'a précédé à cette tribune: il n'est sans doute aucun citoyen qui ne soit douloureusement affecté en pensant qu'une partie des représentans du peuple pourrait violer impunément ses devoirs, conspirer à la tribune par une éloquence insidieuse, sans être soumis à aucune peine. Il serait à désirer qu'un pareil crime fût puni, et ne trouvât point un brevet d'impunité dans le caractère de représentant, dont il se serait rendu indigne, et dans la liberté des opinions, dont il aurait abusé; mais la difficulté réside dans les moyens à employer pour le punir, et c'est ici qu'on trouve occasion de défendre la doctrine du comité. Par qui ferez-vous juger le représentant du peuple accusé? Par une autorité constituée ? Mais ici vous apercevez sans peine qu'il est possible que le tribunal soit aussi corrompu que l'homme qui lui serait livré ; et d'ailleurs n'est-il pas à craindre que le représentant fidèle soit traduit à ce tribunal par la faction et l'intrigue, plutôt que le mauvais député la volonté des représentans vertueux ?

par

>> On ne peut, donc,sans détruire je ne dis pas seulement la liberté des opinions, mais encore la liberté même du peuple faire juger un de ses représentans par une autorité constituée; c'est donc à lui seul qu'on pourrait en appeler. J'ai réfléchisur cette matière, et je l'ai trouvée environnée d'écueils. J'avais pensé qu'il était possible qu'à la fin de chaque législature les mandataires du peuple, fussent tenus de lui rendre compte de leur conduite, et qu'il prononçât non pas des peines afflictives, mais sur leur caractère, et dît: tel a rempli mes intentions; tel autre a trompé mon espoir; mais j'ai rencontré dans ce moyen une foule de difficultés ; j'ai vu que si dáns tel endroit la justice du peuple prononçait, dans tel autre l'intrigue dominait, et étouffait la vérité. Voilà ce qui m'a empêché de vous présenter un projet à cet égard. Cependant, comme je sens la nécessité d'opposer une forte barrière à la corruption, je demande qu'en adoptant l'article du comité vous lui renvoyiez les idées

(1) Raffron, député de Paris, était alors âgé de quatre-vingt-cinq

ans.

que je viens de développer, afin qu'il vous présente ses vues à cet égard.

>>

Thuriot. « Je m'oppose à tout amendement à l'article, et même à tout renvoi, qui préjugerait quelque modification. Citoyens, il est une grande vérité que n'a pas assez sentie Robespierre; c'est qu'il importe à la République que les opinions de ses représentans ne soient point entravées, qu'ils puissent donner à la tribune la mesure de leur patriotisme; et si par des lois sévères vous allez les empêcher de développer leur âme tout entière, ils se replieront sur des trames secrètes que vous ne pourrez plus atteindre : si au contraire vous permettez la liberté la plus absolue des opinions, leurs crimes, quoique gazés, paraîtront au grand jour, et le peuple en fera justice. . N'a-t-il pas su punir les membres de l'Assemblée constituante qui avaient trahi ses intérêts? Il en a été de même pour l'Assemblée législative; il en fera autant pour la Convention; et désirons qu'il ne soit jamais obligé de sévir comme il l'a été dans cette circonstance! Citoyens, l'opinion publique est un juge sévère, et c'est le seul devant qui doivent être traduits des hommes appelés à la représentation nationale. Je demande qu'on adopte l'article sans restriction. »

L'article est adopté tel qu'il avait été présenté par le comité. (Art. 43 de la Constit.)

[ocr errors]
[ocr errors]

་་

ART. DU PROJET. « Le corps législatif propose des lois, et rend des décrets. Sont compris sous le nom général de loi les actes du corps législatif concernant : la législation civile et criminelle; l'administration générale des revenus et des dépenses ordinaires de la République ; les domaines nationaux ; le titre, le poids, l'empreinte et la dénomination des monnaies ; la nature, le montant et la perception des contributions; les honneurs publics à la mémoire des grands hommés. »

Azéma. « Je demande additionnellement qu'on range au nombre des lois la déclaration de guerre ; car si la Constitution exige la sanction du peuple pour les actes qui règlent le montant et la perception des contributions ordinaires, à plus forte raison le peuple doit-il être consulté lorsqu'il s'agit de compro

mettre et son existence et sa fortune tout entière : le sang des citoyens doit-il encore couler pour flatter les caprices ou pour servir la corruption de quelques hommes à talens qui domineraient dans le sénat? Dans toutes les anciennes républiques le peuple délibérait sur la guerre et sur la paix dans les pre

miers siècles de la monarchie française le peuple était consulté dans ses assemblées du Champ de Mars; il délibérait librement sur la guerre et sur la paix. Je ne crois pas avoir besoin de donner plus de développement à ces considérations. Je demande que la déclaration de guerre, acte qui, dans le projet de constitution de votre comité, est placé parmi les décrets soit compris au nombre des lois. »

[ocr errors]

Ducos. « Je combats la proposition du préopinant. L'intérêt du peuple exige, lorsque son territoire est menacé, que le gouvernement prévienne l'ennemi, et qu'il mette la plus grande célérité à le repousser. Quel est en effet le but de l'institution des gouvernemens, si ce n'est de veiller au nom du peuple à ses intérêts, et de les défendre? Ce serait avoir un étrange respect pour sa souveraineté que d'hésiter à marcher contre l'ennemi qui chercherait à la détruire! Si des hostilités imminentes ou commencées menacent la sûreté de la République, serait-il prudent de la part du corps législatif de perdre un long intervalle de temps pour consulter le vœu national, au lieu de repousser les armées qui envahiraient notre territoire! C'est pour lui non pas un droit, mais un devoir d'employer ses premiers soins à la défense extérieure de l'Etat, même à prévenir l'agression de l'ennemi.

» Parle-t-on d'une guerre offensive? La question change de point de vue : une guerre de ce genre n'est plus possible; le peuple français ne veut plus s'immiscer dans le gouvernement d'aucun pays; il a solennellement renoncé à entreprendre aucune guerre dans le seul désir des conquêtes.

Je ferai observer cependant qu'une guerre défensive, par sa nature et par ses motifs, peut se faire par des plans militaires offensifs. Si l'ennemi fait de grands préparatifs, s'il amasse des magasins, et qu'il réunisse des armées sur nos frontières, entre alors dans les limites d'une légitime défense de prévenir

le déploiement de ses forces, et de porter sur son propre territoire le théâtre de la guerre. C'est ce que nous avons fait dans la campagne dernière, et il n'est entré dans l'esprit de personne que notre guerre fût réellement offensive; mais elle en avait les apparences. Ainsi il faut laisser au corps législatif toute latitude à cet égard comme la guerre doit se faire avec la plus grande activité, et que le sort d'une campagne entière dépend souvent du succès des premières hostilités, il faut que rien n'en ralentisse les opérations. L'ambition héréditaire des rois leur faisait entreprendre des guerres désastreuses; le territoire et les peuples étant leur propriété, ils cherchaient à les étendre pour accroître leur puissance': ces ridicules motifs existeront-ils dans une assemblée législative renouvelée tous les ans, dont la force ne consistera pas dans le nombre des provinces domptées, mais dans la confiance du peuple? »

Massieu. « Je demande qu'au moins on mette au rang des lois la ratification des traités.

[ocr errors]

Phelippeaux. « Et moi j'insiste pour que la déclaration de guerre y soit comprise. C'est cet article qui sera saisi avec le plus d'avidité par les peuples voisins: ils sentiront la différence d'une peuplade d'esclaves à une nation libre. - Nos rois et leur cour, diront-ils, disposent arbitrairement de notre vie et de nos fortunes; nous avons vu le sang de nos frères couler pour une alliance de famille, pour une promesse de mariage! Les Français, au contraire, délibèrent eux-mêmes sur la guerre ; ils ne la décrètent qu'après en avoir eux-mêmes constaté la nécessité.

» Je demande des lois. »

que la guerre

offensive soit mise au nombre

Garrau. « Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre : sa conclusion ne tend à rien moins qu'à faire croire qu'une guerre offensive est légitime, et qu'elle est possible chez un peuple libre. >>

Thuriot. « Il faut distinguer une défense contre une invasion commencée ou effectuée d'une guerre qu'il plairait au corps législatif de déclarer sous le prétexte d'injure, de lésion

« AnteriorContinuar »