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croyez-vous que des hommes nouveaux qui seraient appelés à vous remplacer pussent prendre des mesures capables de sauver la République ?

» Je ne connais pas de plus sûr moyen de faire la contrerévolution; car c'est dire en propres termes: nous n'avons pas le courage de faire le bien; nous sommes dans l'impossibilité de l'opérer; venez, arrivez, vous! car nous trahissons la patrie...

>> Je demande que la Convention, fidèle à ses principes et à ses sermens, ne permette pas à ses membres de diriger son attention sur des objets semblables, qui peuvent porter l'alarme dans la République.

» Au surplus, si l'on insiste, je demande que par appel nominal chaque membre soit tenu de venir déclarer à la tribune s'il se sent le courage de faire une Constitution, de demeurer à son poste et de sauver la République. »

Après cette courte réplique, couverte d'applaudissemens, la Convention ajourna la proposition de Condorcet : le côté droit obtint qu'elle ne fût point rejetée.

Dans la même séance (13 mai) Lanjuinais présente, au nom de la commission des six nommée le 10, un mode de délibération que la Convention adopte dans l'ordre suivant :

Conventions nationales.

1o. De la division du territoire. 2o. Des conditions requises pour être citoyen et en exercer les droits. - 3.o Des assemblées primaires. - 4°. Du corps législatif. 5o. Des 6°. Des agens supérieurs d'exécution. - 7°. Des administrations secondaires. 8°. De l'administration de la justice civile et criminelle. - 9°. De la force publique. - 10°. Des contributions publiques. 1o. De la trésorerie nationale et de la comptabilité. 12°. Comment le peuple exerce lui-même sa souveraineté sur les fonctionnaires publics et sur leurs actes. - 13o. Des lois civiles et criminelles, et des institutions les plus propres à garantir le maintien de la Constitution. - 14°. Des relations de la République française avec les nations étrangères.

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Le 15 la discussion s'ouvre sur le premier point, et il est successivement décrété: 1o que la distribution actuelle du territoire de la République française en départemens est maintenue; 2o que néanmoins, sur la demande respective des administrés des départemens intéressés, le corps légis latif pourra changer ou rectifier les limites des départemens; 3o qu'il sera établi dans chaque département une administration centrale; 4o qu'il y sera aussi établi une administration intermédiaire entre celles des départemens et des municipalités; 5o que les départemens seront divisés en districts, et les districts en cantons.

La discussion fut continuée jusqu'au 27, mais sans suite, sans intérêt, et comme si l'on en eût prévu l'inutilité : déjà grondait l'orage qui éclata le 31. Alors tout fut annulé, tout disparut, et le projet du comité, et ses auteurs, et ses partisans, et le mode de la commission des six, et les décrets qui avaient été rendus en conséquence de ce mode.

Cependant le parti vainqueur, en repoussant la Constitu tion présentée, en devait une autre à la France; ce n'était qu'à ce prix qu'il pouvait conserver la faveur populaire. La Convention charge son comité de salut public de rédiger dans le plus court délai un nouveau plan de Constitution et à cet effet lui adjoint cinq membres : quelques jours s'écoulent, et le nouveau projet est présenté.

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RAPPORT sur le second projet de Constitution, fait par Herault-Séchelles (1) au nom du comité de salut public. (Séance du 10 juin 1793.)

« De toutes les parties de la République une voix impérieuse veut la Constitution; jamais une plus grande nécessité n'a tourmenté tout un peuple : vingt-sept millions d'hommes appellent à grands cris la loi. Si dans certaines contrées des effervescences se manifestent c'est principalement parce que la Constitution leur manque. Il semble que ce serait un crime national de la retarder un jour de plus; mais aussi le jour où vous l'aurez faite sera celui d'une résurrection pour la France, d'une révolution pour l'Europe: tous nos destins reposent dans ce monument; il est plus puissant que toutes les armées.

»

Nous avons été impatiens de remplir l'honorable tâche que vous nous avez imposée il y a quelques jours, et de répondre avec vous à un besoin si universel: que les machinateurs de gouvernemens oppressifs, de systèmes anti-populaires, combinent péniblement leurs projets! les Français, qui aiment sincèrement la patrie, n'ont qu'à descendre dans leurs cœurs; ils y lisent la République!

»

Notre inquiétude doit être de n'avoir pas satisfait à vos vœux ; mais au moins vous rendrez justice à nos efforts; la plus touchante unanimité n'a pas cessé d'accompagner notre travail. Nous avions chacun le même désir, celui d'atteindre au résultat le plus démocratique : la souveraineté du peuple et la dignité de l'homme étaient constamment présentes à nos yeux; c'est toujours à la dernière limite que nous nous sommes attachés à saisir les droits de l'humanité. Un sentiment secret nous dit que notre ouvrage est peut-être un des plus populaires qui

(1) Membres du comité de salut public: Barrère, Cambon, Danton, Guyton-Morveau, Treilhard, Lacroix, Bernier, Delmas, Robert Lindet. Les deux derniers n'ont pris aucune part au projet de Constitution; Delmas était malade, Robert Lindet en mission.

Membres adjoints pour le travail de la Constitution: HéraultSéchelles, Ramel, Couthon, Saint-Just, Mathieu.

aient encore existé : si quelquefois nous nous sommes vu-contraints de renoncer à cette sévérité de théorie, c'est qu'alors la possibilité n'y était plus; la nature des choses, les obstacles insurmontables dans l'exécution, les vrais intérêts du peuple nous commandaient ce sacrifice; car ce n'est pas assez de servir le peuple, il ne faut jamais le tromper.

» Vous nous aviez chargés de vous présenter les articles rigoureusement nécessaires dans un acte constitutionnel: notre attention spéciale a été de ne jamais enfreindre ce devoir. La charte d'une République ne peut pas être longue: la constitution des peuples n'est au fond que la constitution de leurs autorités, que la collection de leurs droits politiques fondamentaux. La royauté tenait beaucoup de place dans notre dernier code; mais nous en sommes enfin débarrassés pour jamais : un grand nombre d'articles que la royauté traîne à sa suite en souillait encore les pages; et ces articles étaient censés politiques, en ce sens qu'ils attribuaient une odieuse préférence à des citoyens nommés actifs, ou qu'ils feignaient d'établir l'abaissement des ordres, la destruction des privileges.... Mais nous ne daignons pas reparler de tant de puérilités; ces souvenirs ne sont plus aujourd'hui que du domaine de l'histoire, qui sera forcée de les raconter en rougissant. Beaucoup d'objets importans, de développemens utiles se sont présentés à notre esprit; mais nous avons dû les renvoyer à une autre époque, car il était essentiel que notre marche ne fût pas entravée par des articles purement facultatifs et réglementaires, dont une assemblée législative est aussi capable qu'une Convention nationale; et il faut toujours distinguer entre une constitution et le mode d'exécuter cette constitution. Enfin, une certaine série de bonnes lois est venue frapper nos regards et sourire à nos espérances; telles, par exemple, que les fêtes nationales, l'instruction publique, l'adoption, etc., etc.; mais, fidèles à la précision constitutionnelle, nous nous sommes sévèrement interdit le bonheur de vous entretenir de ces lois, parce qu'elles appartiennent aux institutions sociales; il les faut réserver pour un catalogue à part, d'où dérive la légis'ation civile. En un mot, nous avons été obligés, pour procéder avec ordre, de séparer trois opérations essentiellement distinctes; la Constitu

tion, le mode de l'exécuter, et le tableau des institutions. C'est de l'acte constitutionnel que nous avons seulement à vous rendre compte.

>> Tout ce qu'il y a d'indispensable à cet égard et de fondamental, nous nous sommes efforcés de le réduire en quatrevingts articles. Le mérite d'une Constitution doit être dans une combinaison forte, qui, créant une réalité à des idées philosophiques, maintienne tous les élémens du corps social à leur place; mais son mérite extérieur ne peut consister que dans la brièveté qui convient à des républicains: plus un peuple est immense ou agité, plus il importe de n'offrir à son assentiment que les axiomes de la raison, ou au moins que les premières conséquences de ces axiomes, irrésistibles et pures comme la lumière dont elles émanent; plus il est pressant que ce peuple se démontre à lui-même qu'il possède des lois, qu'on voulait son bonheur, afin que le fantôme de l'anarchie s'évanouisse devant un système ordonné, et que les esprits faibles, réconciliés avec la cause populaire, ne soient pas plus longtemps les instrumens aveugles des esprits malveillans.

» La puissance des législateurs est tout entière dans leur génie; leur génie n'est grand que lorsqu'il force la sanction, et qu'il recule les Conventions nationales.

»

Nous vous devons l'explication des motifs qui nous ont dirigés dans plusieurs points capitaux.

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Nous avons fait d'abord l'attention la plus sérieuse au principe de la représentation. On sait qu'elle ne peut être fondée que sur la population, surtout dans une République aussi peuplée que la nôtre; cette question ne peut plus être douteuse aujourd'hui que dans l'esprit des riches, accoutumés à se calculer autrement que les autres hommes. Il s'ensuit que la représentation doit être prise immédiatement dans le peuple; autrement on ne le représente pas: la monarchie s'isole et se retire sur des sommets, d'où elle distribue le pouvoir : le peuple au contraire reste sur la base, où il se distribue lui-même et s'unit. Pour parvenir à cette volonté générale, qui dans la rigueur du principe ne se divise pas, qui forme une représentation et non pas des représentans, nous aurions voulu qu'il eût été possible de ne faire qu'un seul scrutin sur tout le peu

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