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en même temps que la guerre civile déchirait le sein de la France.

Mais dès l'ouverture de la Convention nous avons eu occasion de remarquer la fausse position qu'avaient prise les girondins en méprisant d'abord, puis en voulant combattre un parti qui s'appuyait sur le peuple, qui marchait avec lui jusque dans ses excès, souvent inévitables à la vérité, et quelquefois salutaires. Nous l'avons dit, et nous le répéterons, les girondins ont eu un malheur : ils ont cru la République établie par cela seul qu'ils avaient renversé le trône, et la révolution finie parce que la République était pro

clamée.

DISCOURS de Condorcet. (Séance du 13 mai 1793.)

« Citoyens, vous ne pouvez vous dissimuler les dangers où nos troubles intérieurs et nos divisions intestines exposent la République. Une ligue puissante nous assiége de toute part; mais que poura-t-elle si les Français, qui tous veulent la liberté, savent enfin se réunir pour la défendre? A quoi nos ennemis ont-ils dû la vaine apparence de quelques succès? A des négligences, à de honteuses dilapidations, à des trahisons que nos dissensions seules ont encouragées par l'espoir du succès ou de l'impunité. Ce sont les Français qui ont préservé l'Europe de la féroce tyrannie des Huns, et la tyrannie fanatique des successeurs de Mahomet s'est arrêtée devant eux: qu'une même volonté les rallie, et pour la troisième fois ils sauveront la liberté de l'Europe, que les barbares osent espérer encore d'en bannir pour jamais. Mais quel remède opposer à ces troubles que chaque instant voit s'accroître, à ces divisions qui semblent chaque jour s'envenimer davantage? Ce remède la nation entière vous l'a indiqué ; c'est l'établissement d'une constitution républicaine.

>> Le moment où le peuple français pourra se reposer sur des lois fixes, revêtues de son approbation, est celui où vous verrez disparaître et les conspirations, et les révoltes, et les ambitions particulières, et ces passions personnelles qui sont dégénérées en fléaux publics.

> C'est alors que doivent finir et les rêves de l'orgueil des rois ligués contre nous, et les absurdes espérances dé l'aristocratie; c'est alors que tous les Français, connaissant enfin sous quelles lois douces, égales et justes, ils pourront exercer leur liberté, jouir de leurs biens, se livrer à leurs travaux et développer leur industrie, il ne sera plus au pouvoir du fanatisme religieux ou de l'hypocrisie politique de tromper l'ignorance ou d'égarer le patriotisme.

>> Citoyens, vous voulez tous satisfaire à ce vœu du peuple : votre devoir le commande; vous y serez fidèles. Mais vous devez plus encore; vous devez vous hater d'apprendre à la France, à ses ennemis, que ce devoir sera rempli, que rien n'aura la force de vous en détourner, que vous-mêmes vous ne voulez pas avoir le funeste pouvoir de tromper l'attente de la nation.

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Il faut que si des passions osent encore se faire entendre au milieu de vous elle ne puisse plus craindre de vous voir entraîner hors de la route qu'elle vous a tracée; il faut que les ennemis de la liberté française, les artisans de conspirations, les intrigans avides du pouvoir, les contre-révolutionnaires déguisés en patriotes, les agens des rois étrangers, les partisans secrets du fédéralisme ou de la royauté, les hommes qui ont besoin de prolonger le désordre, ne puissent plus se flatter ni de vous égarer ni de vous perdre; il faut même qu'au delà de vous ils aperçoivent encore un nouvel obstacle au succès de leurs complots; il faut que les puissances ennemies perdent l'espérance de voir arriver ce moment, qu'elles attendent et qu'elles préparent, ce moment d'anarchie où la France, fatiguée de n'avoir pas de Constitution, n'ayant plus l'espoir de la recevoir de vous, et privée d'un centre de réunion, serait livrée dans chacune de ses parties à tout ce que l'erreur, la défiance, les passions, les trahisons pourraient employer de moyens pour la diviser et la déchirer.

>> J'ai cherché une mesure qui pût remplir cet objet important: celle que je vais vous développer est simple; elle ne peut exposer ni la République à aucune secousse, ni la liberté à aucun danger. Vous avez promis de sauver la patrie, et je ne vous conseillerai point de remettre en d'autres mains le dépôt que vous avez accepté. Je ne vous parlerai point d'inviter le peuple à prononcer sur nos divisions personnelles, car ce serait l'exposer à les partager: je ne vous proposerai aucune de ces résolutions qui annonceraient que vous désespérez ou de la chose publique ou de vous-mêmes; mais je vous dirai: montrez-vous à la nation comme des hommes qui se sentent dignes de la confiance qu'ils ont obtenue, qui se croient en état de remplir leur devoir, mais qui, également éloignés de la présomption et de la faiblesse, jugeant avec impartialité les obstacles qu'ils trouvent dans eux-mêmes et ceux que le sort peut leur préparer, veulent autant qu'il est en eux mettre le salut public à l'abri et des événemens et de leurs propres passions.

» Citoyens, je propose donc de fixer un terme suffisamment éloigné auquel les assemblées primaires seront convoquées pour accepter ou rejeter la Constitution, si nous en avons terminé le projet; pour nous remplacer par des élections nouvelles si ce grand ouvrage n'a pu être achevé.

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Si vous prenez ce parti, dès lors toutes ces inculpations si peu méritées de vouloir perpétuer le pouvoir dans vos mains, de profiter des maux publics pour satisfaire vos intérêts, votre ambition, vos passions mêmes, dès lors tous ces prétextes de tant de calomnies s'évanouiront devant vous. Qui pourrait en effet vous reprocher encore et cette cumulation de tous les pouvoirs, et cette autorité extraordinaire d'un de vos comités, et ces pouvoirs si étendus délégués à vos commissaires ? Je ne partage point les craintes que ces résolutions ont inspirées, les soupçons qu'elles ont fait naître; mais, quelle qu'en soit l'injustice, leur existence seule vous fait un devoir de les dissiper.

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Dès lors la nation consolée verra le terme où elle aura enfin des lois fixes; elle connaîtra du moins celui où l'erreur de ses choix pourra être réparée.

>> Dès lors tous ces projets d'avilir, de disperser la représentation nationale, d'en attaquer l'intégrité pour l'accuser bientôt après de ne plus exercer qu'une autorité illégitime, devenus sans objet réel, perdront l'appui des hommes de bonne foi qu'on aurait pu égarer en calomniant ou vos intentions ou votre courage.

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Dès lors nos ennemis étrangers verront avec terreur qu'ils ne peuvent espérer de vous vaincre en vous divisant; enfin ce centre d'unité si nécessaire à la République française, et contre lequel se dirigent tant d'efforts, sera mis à l'abri de tous les orages.

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Vous le savez, malgré le vœu, j'ose dire unanime, des citoyens pour une République une et indivisible, pour un centre unique d'autorité et de forces, chaque jour nous voyons le patriotisme même altérer cette unité par des mesures partielles que le péril excuse sans doute, mais dont l'habitude deviendrait bientôt dangereuse.

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Tant qu'on ne verra point l'époque où un ordre durable, établi par la volonté nationale, pourra répondre à chaque partie de la République de sa tranquillité, de sa sûreté, comment voulez-vous que chacune d'elles ne cherche pas les moyens de se sauver elle-même, et que la force nationale ne se dissipe pas en efforts incohérens et mal combinés ?

>> Lorsque cette époque fixée par vous arrivera ou le projet de constitution sera terminé, et comme un même esprit d'amour pour l'égalité nous anime tous, comme ce projet offrira au peuple français des principes qui sont les siens, vous aurez rempli tous vos devoirs, et, rendus à vos foyers, les bénédictions des citoyens y deviendront votre juste récompense; ou vous serez remplacés, parce que vous n'aurez pu achever votre travail, et alors les citoyens verront encore avec reconnaissance que vous aurez sacrifié votre gloire au salut de la patrie.

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Dans l'intervalle les événemens qui suspendront cette partie importante de vos travaux, les vains débats qui pourront les interrompre ou les retarder ne produiront plus ni les mêmes inquiétudes ni les mêmes défiances; on ne vous reprochera plus avec la même amertume un mal auquel vous aurez vous-mêmes fixé un terme : on saura que l'intérêt de votre gloire, qui ne pourra plus être balancé par aucun autre, d'accord avec l'intérêt public, vous commande de ne pas laisser en d'autres mains l'honneur de présenter au peuple français une constitution républicaine; une confiance plus entière vous accompagnera dans vos travaux; on vous plaindra des obstacles que vous éprouverez, au lieu de vous accuser d'en faire naître : le découragement ou l'inquiétude les auraient multipliés sous vos pas; l'espérance, que vous aurez ranimée, s'empressera de vous aider à les vaincre.

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Cromwel n'eût osé dissoudre le parlement d'Angleterre si cette assemblée eût offert une constitution au peuple, si même elle eût seulement fixé le terme où de nouveaux représentans seraient appelés pour achever l'ouvrage qu'elle n'aurait pu terminer.

»

Monck n'eût point rétabli la royauté si ce même parlement, répétant cette même faute une seconde fois, n'eût laissé ce général perfide maître de l'instant où une nouvelle représentation serait convoquée. Le crime avait tramé ces conspirations; mais elles n'ont réussi que par la force des hommes dont il avait égaré la bonne foi trop crédule. Otez tout prétexte aux hypocrites calomnies des conspirateurs; ôtez-leur les moyens de tromper; vous leur aurez enlevé le pouvoir de nuire.

» Abandonner au hasard, c'est à dire à l'intrigue ou aux ennemis de la liberté, la fixation de l'époque d'une convocation nouvelle, dans un pays qui n'a point de constitution reconnue par le peuple, c'est s'exposer à voir ou l'unité disparaître, ou une assemblée, choisie en tumulte au gré de quelques intrigans, trahir les intérêts qu'elle serait chargée de défendre.

» Dans une telle circonstance limiter le temps de l'exercice de vos pouvoirs c'est vous assurer qu'ils ne seront jamais méconnus; c'est augmenter la force de votre autorité de tout ce que vous lui aurez ôté en durée ; c'est la consacrer aux yeux du peuple en la dépouillant de tout ce qu'elle peut faire craindre d'arbitraire ou de dangereux pour la liberté.

» Je propose de fixer pour terme le premier novembre, parce qu'un espace de cinq mois ne m'a paru ni assez étendu pour fatiguer la patience des citoyens par une trop longue attente, ni assez resserré pour nous exposer à une précipitation dangereuse; parce que dans cette saison aucun événement de la guerre, aucun complot des puissances ennemies ne pourra troubler les opérations des assemblées primaires; parce que si la Constitution n'est pas terminée l'Assemblée nouvelle, réunie au 15 décembre, aura encore le temps d'achever votre ouvrage et de terminer la paix, ou de préparer les forces nécessaires pour une troisième campagne; enfin, s'il nous était permis de

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