peau de créatures humaines parqué sur un coin du globe, et non pour l'immense famille à laquelle la nature a donné la terre pour domaine et pour séjour. >> Je vous propose de remplir cette grande lacune par les articles suivans; ils ne peuvent que vous concilier l'estime des peuples. Il est vrai qu'ils peuvent avoir l'inconvénient de vous brouiller sans retour avec les rois : j'avoue que cet inconvénient ne m'effraie point; il n'effrayera point ceux qui ne veulent pas se réconcilier avec eux. Voici mes quatre articles. » 1°. Les hommes de tous les pays sont frères, et les différens peuples doivent s'entr'aider selon leur pouvoir, comme les citoyens du même état. >> 2°. Celui qui opprime une nation se déclare l'ennemi de toutes. >> 3°. Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles. >> 4°. Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature. » Robespierre termine en donnant lecture d'un nouveau projet de Déclaration des Droits: parmiles trente-sept articles dont il le compose se retrouvent ceux qu'il a cités dans son discours; les autres renferment des principes déjà consacrés, ou qui le seront plus tard : en ce moment aucune des propositions et rédactions de Robespierre ne fut adoptée. Voici la Déclaration des Droits décrétée par la Convention dans les séances des 17, 19, 22 et 24 avril 1793 : >> Art. 1er. Les droits de l'homme en société sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété, la garantie sociale, et la résistance à l'oppression. > 2. L'égalité consiste à ce que chacun puisse jouir des mêmes droits. >> 3. La loi est l'expression de la volonté générale; elle est égale pour tous, soit qu'elle récompense ou qu'elle punisse, soit qu'elle protége ou qu'elle réprime. >>> 4. Tous les citoyens sont admissibles à toutes les places, emplois et fonctions publics: les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence dans leurs choix que les vertus et les talens. » 5. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. >> Elle repose sur cette maxime: ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'ils te fassent. » 6. Tout homme est libre de manifester sa pensée et ses opinions. >> 7. La liberté de la presse et de tout autre moyen de publier ses pensées ne peut être interdite, suspendue ni limitée. >> 8. La conservation de la liberté dépend de la soumission à la loi. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. > 9. La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chaque citoyen pour la conservation de sa personne, de ses biens et de ses droits.. " > '10. Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites; mais tout homme appelé ou saisi par l'autorité de la loi doit obeir à l'instant; il se rend coupable par la résistance. >> ff. Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes déterminées par la loi est arbitraire et nul; tout homme contre qui l'on tenterait d'exécuter un pareil acte a le droit de repousser la force par la force. > 12. Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou ferai 'nt exécuter des actes arbitraires, seront coupables, et doivent être punis. > 13. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. >> 14. Nul ne doit être jugé et puni qu'en vertu d'une loi établie promulguéė antérieurement au délit, et légalement appliquée. La loi qui punirait des délits commis avant qu'elle existât serait un facte arbitraire. >> 15. L'effet rétroactif donné à la loi est un crime. >> 16. La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires. Les peines doivent être proportionnées au délit, et utiles à la société. 1 >> 17. Le droit de propriété consiste en ce que tout homme est le maître de disposer à son gré de ses biens, de ses capitaux, de ses revenus et de son industrie. : > 18. Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut lui, être interdit; il peut fabriquer, vendre et transporter toute espèce de production. >> 19. Tout homme peut engager ses services, son temps, mais il ne peut se vendre lui-même; sa personne n'est pas une propriété aliénable. » 20. Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. > 21. Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale, et pour subvenir aux besoins publics. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par des représentans, à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte. >> 22. L'instruction est le besoin de tous, et la société la doit également à tous ses membres. » 23. Les secours publics sont une dette sacrée, et c'est à la loi à en déterminer l'étendue et l'application. » 24. La garantie sociale des droits de l'homme consiste dans l'action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits. >> Cette garantie repose sur la souveraineté nationale. >> 25. La garantie sociale ne peut exister si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la res ponsabilité de tous les fonctionnaires publics n'est pas assurée. » 26. La souveraineté nationale réside essentiellement dans le peuple entier, et chaque citoyen a un droit égal de concourir à son exercice; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable. » 27. Nulle réunion partielle de citoyens et nul individu ne peuvent s'attribuer la souveraineté. » 28. Nul dans aucun cas ne peut exercer aucune autorité et remplir aucune fonction publique sans une délégation formelle de la loi. >> 29. Dans tout gouvernement libre les hommes doivent avoir un moyen légal de résister à l'oppression; et lorsque ce moyen est impuissant l'insurrection est le plus saint des devoirs. >> 30. Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution: une génération n'a pas le droit d'assujétir à ses lois les générations futures. Toute hérédité dans les fonctions est absurde et tyrannique. » De la Constitution. : La Déclaration des Droits adoptée, la Convention passe immédiatement à la discussion de l'acte constitutionnel. Saint-Just est le premier orateur entendu. « DISCOURS de Saint-Just. (Séance du 24 avril 1793.) Tous les tyrans avaient les yeux sur nous lorsque nous jugeâmes un de leurs pareils : aujourd'hui, que par un destin plus doux vous méditez la liberté du monde, les peuples, qui sont les véritables grands de la terre, vont vous contempler à leur tour. » Vous avez craint le jugement des hommes quand vous fites périr un roi; cette cause n'intéressait que votre orgueil : celle que vous allez agiter est plus touchante; elle intéresse votre gloire : la Constitution sera votre réponse et votre manifeste sur la terre. >> Qu'il me soit permis de vous présenter quelques idées pratiques: le droit public est très étendu dans les livres; ils ne nous apprennent rien sur l'application et sur ce qui nous convient. >> L'Europe vous demandera la paix le jour que vous aurez donné une Constitution au peuple français; le même jour les divisions cesseront; les factions, accablées, ploieront sous le joug de la liberté; les citoyens retourneront à leurs ateliers, à leurs travaux, et la paix, régnant dans la République, fera trembler les rois. >> Soit que vous fassiez la paix ou que vous fassiez la guerre, vous avez besoin d'un gouvernement vigoureux : un gouvernement faible et déréglé qui fait la guerre ressemble à l'homme qui commet quelques excès avec un tempérament faible; car en cet état de délicatesse où nous sommes, si je puis parler ainsi, le peuple français a moins d'énergie contre la violation du despotisme étranger; les lois languissent, et la jalousie de la liberté a brisé ses armes. Le temps est venu de sevrer cette liberté, et de la fonder sur ses bases: la paix et l'abondance la vertu publique, la victoire, tout est dans la vigueur des lois; hors des lois tout est stérile et mort. 2. Tout peuple est propre à la vertu, et propre à vaincre : on ne l'y force pas; on l'y conduit par la sagesse. Le Français est facile à gouverner; il lui faut une Constitution douce sans qu'elle perde rien de sa rectitude: ce peuple est vif, et propre à la démocratie; mais il ne doit pas être trop lassé par l'embarras des affaires publiques; il doit être régi sans faiblesse; il doit l'être aussi sans contrainte. » En général l'ordre ne résulte pas des mouvemens qu'imprime la force; rien n'est réglé que ce qui se meut par soimême et obéit à sa propre harmonie: la force ne doit écarter que ce qui est étranger à cette harmonie. Ce principe est applicable surtout à la constitution naturelle des empires : les lois ne repoussent que le mal; l'innocence et la vertu sont indépendantes sur la terre. » J'ai pensé que l'ordre social était dans la nature même des choses, et n'empruntait de l'esprit humain que le soin d'en mettre à leur place les élémens divers; qu'un peuple pouvait être gouverné sans être assujéti, sans être licencieux, et sans être opprimé; que l'homme naissait pour la paix et pour la liberté, et n'était malheureux et corrompu que par les lois insidieuses de la domination. >> Alors j'imaginai que si l'on donnait à l'homme des lois selon la nature et son cœur, il cesserait d'être malheureux et corrompu. >> Tous les arts ont produit leurs merveilles; l'art de gouverner n'a produit que des monstres: c'est que nous avons cherché soigneusement nos plaisirs dans la nature, et nos principes dans notre orgueil. >> Ainsi les peuples ont perdu leur liberté : ils la recouvreront lorsque les législateurs n'établiront que des rapports de justice entre les hommes; en sorte que, le mal étant comme étranger à leur intérêt, l'intérêt immuable et déterminé de chacun soit la justice. Cet ordre est plus facile qu'on ne pense à établir: l'ordre social précède l'ordre politique; l'origine de celui-ci fut la résistance à la conquête; les hommes d'une même société sont en paix naturellement; la guerre n'est qu'entre les peuples, ou plutôt qu'entre ceux qui les dominent. >> L'état social est le rapport des hommes entre eux; l'état politique est le rapport de peuple à peuple. Si l'on fait quelque attention à ce principe, et qu'on veuille en faire l'application, on trouve que la principale force |