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vous resterait-il? Où vous rallieriez-vous? Que deviendraient onze armées rassemblées sur les frontières et les côtes maritimes? L'action du gouvernement peut-elle être suspendue un seul jour? Si les départemens méconnaissaient la Convention, la République resterait sans gouvernement, sans administrations centrales; les armées se disperseraient; les puissances étrangères envahiraient le territoire; les Français tourneraient leurs armes contre eux-mêmes, et la République s'anéantirait!

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Connaissez, citoyens, les plus dangereux et les plus redoutables de vos ennemis! Ce sont ceux qui vous précipitent dans la guerre civile; ce sont ces administrateurs, ces fonctionnaires publics qui usurpent la souveraineté du peuple, qui osent se déclarer en état de guerre contre vos représentans, contre les sections de la République; ce sont surtout ceux qui les ont séduits, et qui, fuyant lâchement de leur poste, ont secoué sur leur passage les brandons de la guerre civile !

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Ces magistrats, que vous aviez choisis pour maintenir la police et remplir les fonctions municipales; ces administrateurs, que vous avez élus pour exécuter les lois et pour être les agens du gouvernement, se sont emparé du gouvernement même, et ont attenté à la souveraineté nationale! Ces fonctionnaires, ces agens, dont les devoirs et les fonctions sont définis et déterminés par la loi, ont cessé depuis longtemps de remplir leurs fonctions ou de s'en occuper! Vos droits, vos intérêts, vos réclamations ont été abandonnés et sacrifiés; le service a été négligé, et il a même entièrement cessé pour tout ce qui vous concerne dans plusieurs assemblées administratives: on ne s'y est plus occupé que de députations, de complots, de coalitions et de projets de guerre contre la République!

K

Ces fonctionnaires ne regardaient plus comme leurs frères et leurs concitoyens cinq cent mille Français qui se sont dévoués à la défense de la liberté contre les tyrans! En interceptant l'artillerie, les munitions, les subsistances, ils les exposaient à périr inutilement, et sans que leur sang pût cimenter les fondemens de la République!

»

Généreux guerriers, que tant de trahisons n'ont pu étonner, vous vous êtes constamment ralliés aux drapeaux de la République et à l'arbre de la liberté! Vous avez sur monté par votre courage les obstacles qu'avaient opposés à vos succès Lafayette et Dumourier! Une nouvelle conspiration découverte est la dernière crise par laquelle vous avez dù passer pour conquérir et affermir la liberté!

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Vous attendiez aussi une Constitution, que vos armes feront respecter de l'Europe. La stabilité d'un gouvernement libre et reconnu vous préparera des succès; la Constitution appuiera puissamment vos armes, et vous conduira par des victoires à la paix!

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Au milieu de ces désordres et de ces agitations la France ne compte qu'un petit nombre de conspirateurs, et quelques complices séduits ou égarés. La masse des citoyens, toujours pure, inspirée par le sentiment, éclairée par la raison éternelle, a su se garantir de la séduction et de l'erreur.

» Ces corps administratifs que l'on était parvenu à égarer et à soulever contre la République se souviennent enfin qu'ils ont une patric, et qu'ils n'en peuvent avoir d'autre que la République.

» La_Convention nationale a reçu de plusieurs départemens des rétractations qui justifieront à la postérité que l'homme vertueux peut être égaré, mais que ses yeux s'ouvrent à la lumière avant que son égarement devienne nuisible à la société et à l'humanité.

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Ces exemples, en avertissant de réprimer les troubles des leur naissance, et d'être sévère envers tout factieux, tout conspirateur, font un devoir au législateur humain et sensible d'accueillir des concitoyens égarés, et de n'offrir que l'instruction et les lumières à ceux qui ont toujours été attachés à leur patrie, et qui n'ont besoin que d'être éclairés pour reprendre leur rang parımi les bons citoyens.

>> Citoyens, qui avez juré d'être libres, qui voulez avoir une patrie, une Constitution, ralliez-vous à la Convention nationale, qui vous garantit la République une et indivisible ! >>>

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FIN DU LIVRE PREMIER.

* Erreur de pagination qui subsiste depuis le commencement du volume, et qui n'interrompt le texte en aucune manière.

LIVRE II.

LÉGISLATION CONSTITUTIONNELLE.

La Constitution de 1791 organisait la royauté ; elle périt avec le trône dans la mémorable journée du 10 août : à peine avait-elle eu une 'année d'existence. (Voyez les précédens volumes.)

Les pouvoirs de la législature cessaient également avec l'acte qui les lui avait conférés; or, suspendre de ses fonctions le chef de l'Etat reconnu par cette Constitution, créer un conseil exécutif provisoire, supprimer la distinction des Français en citoyens actifs et non actifs, convoquer le peuple en assemblées primaires à l'effet de former une Convention nationale, inviter enfin tous les citoyens à respecter les propriétés, à maintenir, à défendre la liberté, l'égalité, les droits de l'homme, telles étaient les mesures que dans cette grande circonstance l'Assemblée législative devait à ses commettans: elle les prit, et se retira, laissant au pouvoir constituant le soin de consacrer l'expression du vœu général. (Voyez tome IX.)

Ce vœu la Convention l'accueille, le proclame dans sa première séance, à l'unanimité, et aux cris de joie de tous les Français amis de la liberté. Elle décrète successivement 1o qu'il ne peut y avoir de Constitution que celle qui est acceptée par le peuple (1); 2° que la royauté est abolie en France, et que quiconque proposera ou tentera de l'y rétablir sera puni de mort; 3o que la République française est

(1) La Constitution de 1791, décrétée par l'Assemblée constituante et acceptée par Louis XVI, n'avait pas été soumise à l'acceptation du peuple.

XII.

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une et indivisible, et que quiconque proposera ou tentera de rompre cette unité sera puni de mort. (Voyez tome X.)

Le 29 septembre 1792 la Convention s'organise en comités; elle décrète : « Il y aura un comité de constitution composé de neuf membres (1), lequel présentera son travail en masse, et fera imprimer et distribuer son projet ; après quoi il sera dissous. >>>

MOTION de Rabaut-Pommier. (Du 29 septembre 1792.)

« Citoyens, le projet de constitution qui vous sera présenté appartient à la France, à l'Europe entière; il sera peut-être le code politique de tous les peuples, et c'est la liberté de tous que nous devons désirer: il faut donc que vous puissiez recueillir les lumières de tous les peuples, et le vœu de tous les Français. Une des grandes fautes que fit l'Assemblée constituante fut de n'avoir pas rendu public son plan de constitution, et d'en avoir décrété les diverses parties avant de les avoir soumises à l'examen des citoyens : si elle eût pris cette mesure elle aurait évité les erreurs qui ont si cruellement exposé notre liberté. Je demande que le projet de constitution de votre comité ne soit discuté que deux mois au moins après qu'il vous aura été présenté, afin qu'il puisse être examiné par tout ce que la France et l'Europe renferment d'hommes instruits libres. Les Français admettront d'autant mieux la Constitution que vous leur présenterez qu'elle sera pour ainsi dire leur ouvrage. » (Mouvement unanime d'approbation.)

La Convention décrète immédiatement la proposition de Rabaut-Pommier.

PROPOSITION faite par Barrère au nom du comité de constitution, le 19 octobre 1792.

« Citoyens représentans, le comité de constitution, en jetant ses regards sur les importans travaux dont vous l'avez

(1) Membres du comité de constitution, nommés le 11 octobre suivant: Syeyes, Condorcet, Pétion, Vergniaud, Brissot, Thomas Payne, Gensonné, Barrère, Danton. - Suppléans : Barbaroux, Hérault-Séchelles, Lanthenas, Jean Debry, Fauchet, Lavicomterie.

chargé, en a réglé l'ordre; mais il a pensé qu'il y avait une mesure préliminaire à proposer à la Convention nationale, mesure qui, sans arrêter le cours des opérations du comité, pourrait les éclairer, et produire des résultats utiles.

»

Il a pensé qu'au moment où les représentans du peuple français s'occupent de tracer un nouveau plan de constitution ils devaient s'environner de toutes les lumières, interroger partout le génie de la liberté, accélérer les progrès de l'esprit public, recueillir les bienfaits de la liberté de la presse, appeler tous les citoyens à concourir plus particulièrement à la rédaction des conditions du nouveau pacte social, établir une correspondance politique et morale avec les philosophes et les publicistes, associer tous les esprits pour mieux réunir toutes les volontés, et donner à l'opinion publique l'initiative solennelle qui lui appartient sur tous les objets qui intéressent les nations.

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La Constitution d'une grande république ne peut pas être l'ouvrage de quelques esprits; elle doit être l'ouvrage de l'esprit humain. Vous avez composé de neuf membres le comité de constitution; mais quiconque dans la Convention nationale, hors de son sein, dans la France, dans l'Europe, dans le monde entier, est capable de tracer un plan de constitution républicaine et d'en écrire les développemens, est membre nécessaire du comité de constitution; il faut donc l'inviter à publier ses pensées.

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Nous devons à une pareille mesure une opinion très développée sur l'ordre judiciaire par Bentham, anglais: nous lui devons aussi des idées très utiles sur l'établissement du juri, que Erskine, membre du parlement d'Angleterre, a commuquées au comité de législation criminelle de l'Assemblée constituante. L'émulation excitée par les regards publics a produit dans tous les temps les plus heureux effets : à Athènes, dans les beaux jours de la république, le magistrat faisait à certaines époques la proclamation suivante : que tout citoyen qui a des vues à proposer sur la législation monte à la tribune.

»

> Le comité vous propose de décréter l'invitation simple que je vais lire. »

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