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généraux de la République, et l'on ne s'aperçoit plus alors qu'il existe deux partis dans l'Assemblée. La discussion sur la pétition des sections est reprise le lendemain.

Séance du 16 avril 1795.
DISCOURS de Lasource.

« Citoyens, c'est un sentiment de reconnaissance que vos membres dénoncés doivent à leurs dénonciateurs : c'est ce sentiment que je leur vote pour la modération dont ils usent. Je les remercie d'avoir préféré la voix de la calomnie au son du tocsin; je les remercie d'avoir changé la conjuration du 10 mars, ourdie contre notre existence, en un système de diffamation contre notre honneur : mais ce tribut de reconnaissance que je leur paie serait bien mieux mérité si tout le monde ne savait qu'on n'a eu recours à des libelles que parce qu'on n'a pu exciter des séditions. Quoi qu'il en soit, l'adresse dont je viens appuyer les conclusions a quelque chose qui doit étonner.

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D'abord contre qui fait-on cette adresse? On vous a dit que c'était contre les hommes d'état. Hé bien, sommesnous des hommes d'état nous qu'on a dénoncés? Huit d'entre nous n'ont-ils pas voté la mort du tyran? Ne l'ai-je pas votée moi-même à deux cent cinquante lieues d'ici? Ne suis-je pas venu ratifier mon vœu à cette tribune? Les lâches qui me dénoncent en eussent-ils fait autant si, chargés d'une mission par la Convention nationale, ils avaient pu rester cachés au fond d'un département, et s'empêcher de prononcer?

»

Contre qui porte cette adresse, et comment la vote-t-on? D'abord il n'y a aucun fait articulé; il y a quelques suspicions présentées, particularisées contre quatre membres seulement. Est-ce sur des suspicions contre quatre membres qu'on doit venir demander l'expulsion de vingt-deux ? On se contente au bas de l'adresse de donner une liste des premiers hommes qui sont tombés sous la main, et de dire : nous demandons que ceux-là soient expulsés; nous demandons.... Ici, citoyens, je me rappelle un ambitieux qui opprima Rome ; il faisait lui-même les sénatus-consulte, et les souscrivait du nom des premiers sénateurs qui lui venaient dans l'esprit.

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de l'assemblée législative, de la Convention, mort (guillotine)en Octobre 1793,

agé de 31 aus.

» J'ignore ce qui fait mouvoir les pétitionnaires; mais peut-être n'y est-il pas étranger le scélérat ambitieux qui, craignant des hommes dont l'énergie est connue, voue leur tête à sa vengeance, et forme despotiquement de leurs noms une liste de proscription! Par qui est provoquée cette pétition? Isi j'avoue, citoyens, que mon âme se partage entre la douleur et la confusion; ce sont nos propres collégues qui l'ont provoquée, et Robespierre a été l'un des rédacteurs nommés par la société des Jacobins! (Robespierre: Ce n'est pas vrai!) Si ce n'est pas vrai ce sont donc les journaux mêmes de la société qui mentent.

» Après vous avoir exposé ce que je trouvais d'étonnant dans cette adresse, surtout en ce que des membres mêmes de la Convention l'ont provoquée, en ce que des membres mêmes de la Convention... (Bruit. Une voix à droite: Je demande à le prouver.) Ils provoquent l'infamie et le déshonneur de leurs collégues! Mais ce n'est pas cela seulement qu'ils veulent; ils ne cherchent à les déshonorer que pour les conduire plus sûrement à la mort! Quoi! ils n'ont point provoqué cette adresse! Mais n'avons-nous pas vu que les membres de la Convention qui siègent là (à gauche) ont applaudi à cette adresse, ont manifesté leur adhésion, ont témoigné leur enthousiasme de ce qu'on venait déshonorer et proscrire ceux qu'ils redoutent, quoi qu'ils en disent!.... (Agitation. Une voix à gauche : Nous avons si peu applaudi à l'adresse que nous l'avons regardée comme un piége que nous tendent les appelans!)

»

Comment vous l'envisagez comme un piége! C'est encore un effort de logique bien extraordinaire que celui qui porte quelques-uns de nos collègues à dire : c'est un piége tendu par les appelans!

» Comment vous avez cru que c'était un piége! Ou donc étiez-vous quand on la proposait? N'étiez-vous pas aux Jacobins? Avez-vous parlé, vous êtes-vous élevés contre cette adresse? Vous y êtes-vous opposés hier pendant que vous faisiez avec les tribunes un chorus d'applaudissemens ?

» Citoyens, j'ai dit ce que je trouvais d'étonnant dans la pétition. Ce qui m'étonne plus encore c'est qu'on paraît vouloir demander que l'Assemblée décrète l'improbation, car hier un membre de la montagne vint me dire qu'il fallait improuver l'adresse, et qu'il était dangereux d'y donner des suites. L'improbation! Vous, qui faites constamment retentir et la tribune de la Convention nationale et celle des Jacobins de la souveraineté du peuple et du droit sacré de pétition, vous voulez improuver l'adresse ! (Une voix à gauche: Non!)

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Je réclame moi aussi le droit de pétition, et je le réclame auprès de ceux mêmes qui voudraient l'improbation; car de deux choses l'une, ou les pétitionnaires ont parlé dans votre sens, et les hommes qu'ils ont dénoncés sont coupables, ou bien ils n'ont point parlé dans votre sens, et les hommes dénoncés ne sont point coupables. Si les hommes qu'ils ont dénoncés sont coupables, et que les pétitionnaires aient parlé dans votre sens, pourquoi voulez-vous improuver l'adresse? Si au contraire les hommes qui sont dénoncés ne sont pas coupables, pourquoi voulez-vous les empêcher de se justifier, non pas par une improbation, qui n'empêcherait pas la propagation de la calomnie, mais par un jugement national, 'seule mesure que vous puissiez prendre, seul moyen par lequel vous puissiez imposer aux calomniateurs et à ceux qui les font mouvoir? car ici je n'entrerai point dans la discussion de savoir quels sont les hommes qui servent le mieux la patrie ou de ceux qui ont été dénoncés, ou de ceux qui ont provoqué la dénonciation. Une improbation est une mesure illusoire et chimérique ; une improbation n'empêchera pas que les membres dénoncés ne restent sous le poids d'une inculpation calomnieuse; l'improbation n'empêcherait pas qu'un comité de correspondance, patriotiquement officieux, ne fit circuler cette inculpation dans les sociétés populaires; l'improbation n'empêcherait pas que divers comités de correspondance, qui par des embrancliemens particuliers aboutissent au comité des Jacobins, ne fissent parvenir beaucoup de prétendues adhésions, en sorte qu'il paraîtrait, sans que la nation eût été consultée, que son - vœu serait de proscrire vingt-deux de vos membres.

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Il n'est qu'un moyen de connaître quels sont les hommes que la nation estime, quels sont ceux qu'elle veut conserver, quels sont ceux qu'elle ne veut pas. Ce ne sont point des

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