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qui avait pour but d'enlever le fils de Capet, et de le proclamenroi sous le nom de Louis XVII; que le général Dillon devait être le chef des conjurés; qu'il devait avoir sous ses ordres douze autres généraux qui se trouvaient à Paris; que les principaux auteurs de ce complot étaient cinq personnes qui se voyaient avec Dillon, et qui s'entendaient séparément chacune avec cinq autres conspirateurs subalternes; que par ce moyen on était parvenu à avoir des intelligences dans toutes les sections; qu'on comptait y avoir la majorité, sous le prétexte de combattre les anarchistes et de rétablir l'ordre; que les conjurés devaient s'emparer des canons de chaque corps-de-garde par le moyen d'un parti de trois cents hommes qu'on avait dans chaque section; qu'ils devaient enclouer le canon d'alarme; qu'ils devaient se réunir ensuite sur la place de la Révolution, d'où une partie se porterait au Temple par les boulevarts pour y enlever Capet, tandis qu'une autre partie se porterait sur la Convention; que Marie-Antoinette devait être proclamée régente, et les principaux agens de la conspiration les conseils de régence; que certains nobles et anciens gardes du corps qui sont à Paris, et qui devaient coopérer à cette contre-révolution, formeraient la garde'du nouveau roi, et qu'ils seraient décorés d'une médaille représentant un aigle renversant l'anarchie, suspendue à un ruban blanc moiré; que cette conjuration devait éclater lorsqu'on serait obligé d'avoir recours à quelque nouvelle levée d'hommes pour la Vendée ou pour les armées, ou bien qu'on provoquerait un pillage dans Paris, et que celui qui avait eu lieu pour le savon avait été provoqué par les conspirateurs. Le même jour notre collègue Couthon reçut une dénonciation à peu près semblable, signée par un citoyen qui nous fournit le signalement de deux principaux complices.

>> D'après ces deux dénonciations nous aurions cru nous rendre coupables si nous n'avions cherché à en découvrir les conspirateurs; nous n'examinâmes pas si nous étions ou non chargés des opérations du comité de sûreté générale. Nous priâmes le maire de Paris de se rendre au comité, et il fut requis de faire arrêter le général Dillon et les deux personnes qui nous avaient été désignées. Cet ordre fut exécuté dans le jour.

>> Dillon, interrogé, a répondu qu'on avait voulu le dissuader de partir pour l'Amérique dans un moment où, disait-on, il pourrait rendre des services à sa patrie'; que les honnêtes gens de Paris pourraient le choisir pour chef pour combattre les anarchistes, rétablir l'ordre et seconder les départemens; qu'on avait une majorité dans les sections; enfin les réponses de Dillon cadrent parfaitement avec les dénonciations qui nous ont été faites, excepté pour le projet de rétablir Louis XVII; il affirme qu'il s'est constamment refusé à toutes les propositions qui lui ont été faites par Ernest Bucher, dit Lépinay. Les réponses d'une des personnes désignées sont à peu près conformes à celles d'Arthur Dillon.

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Mais Ernest Bucher, qui était un des deux qui ont été arrêtés sur leur signalement, dénie tous les faits.

>> Beaucoup d'autres personnes ont été entendues, et ont confirmé le comité qu'il existait réellement une conspiration. De suite il a cru devoir prendre des mesures pour qu'on n'enlevât pas le fils de Capet, et il a donné des ordres pour qu'il fût séparé de sa mère. Ces mesures de précaution lui ont attiré une foule de calomnies qu'il méprise. Le nouveau comité de salut public vous fera sans doute un rapport sur cette affaire, ou bien il renverra au tribunal révolutionnaire les renseignemens et les pièces que nous lui laissons.

» Après la découverte de cette conspiration on nous dénonça que le général Miranda avait envoyé un courrier extraordinaire à Bordeaux, et qu'il se disposait à s'y rendre. Nous ne vous cacherons pas que, combinant cette dénonciation avec la première qui nous avait été faite, et ayant vu que dans le complot dont Dillon était accusé il y avait pour complices douze généraux qui étaient à Paris; nous rappelant d'ailleurs que nos collègues Mathieu et Treilhard, envoyés à Bordeaux, qu'on n'avait pas accusés d'être maratistes jusqu'à l'époque de leur voyage dans le département de la Gironde, avaient écrit que certaines personnes de Bordeaux, qui maîtrisaient le mouvement de cette ville, paraissaient avoir le projet de rétablir la royauté, nous craignîmes de nous faire accuser de complicité si nous ne prenions toutes les mesures que la sûreté générale

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exigeait : nous chargeâmes le maire de Paris d'empêcher le départ du gécéral Miranda, et de le mettre en arrestation chez lui.

>> Quant à l'emploi de la fortune publique, vous avez défendu à votre comité de salut public de s'en mêler. Il défie qui que ce soit de l'accuser de la dissipation d'un seul denier. Il a constamment renvoyé l'examen des objets de dépense au comité des finances: nos collègues de ce comité vous diront même qu'ils nous ont reproché de ne pas prendre assez sur nous. Vous avez mis à notre disposition 100,000 livres par mois pour dépenses secrètes. Nous nous sommes bornés à la dépense strictement nécessaire pour une correspondance de quatre-vingts lettres par jour, et à celle des commis qu'il nous fallait pour notre travail, qui se compose déjà de huit cents délibérations; mais nous n'avons rien ordonnancé par nousmêmes, et le comité des inspecteurs de la salle a surveillé ces dépenses comme pour tous les autres comités. Quant aux dépenses secrètes, on a proposé à votre comité de faire des bureaux d'esprit public, de faire les frais d'écrits, de journaux, de commissaires. Nous nous y sommes constamment refusés, et tout notre compte consiste à vous dire que nous n'avons pas touché un sou des 300,000 livres que nous avons eues à notre disposition.

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Nous terminons en vous proposant d'approuver les mandats d'arrêt que nous avons fait décerner à cause de la gravité et de l'urgence des circonstances, et qui, étant pour ainsi dire des actes arbitraires, ne peuvent subsister plus longtemps sans être confirmés par vous. >>>

La Convention approuva la conduite du comité, et confirma par un décret les mesures qu'il avait prises.

Adresses décrétées par la Convention sur la proposition du premier comité de salut public.

LA CONVENTION NATIONALE DE FRANCE à tous les peuples et à tous les gouvernemens, sur la violation du droit des gens exercée dans la personne des quatre représentans du peuple français livrés aux Autrichiens par le traître Dumourier; manifeste décrété le 16 avril 1793. (Rédigé par Condorcet, sur l'invitation des membres du comité.)

« Ce n'est pas seulement aux peuples qui prononcent le nom de la liberté, ce n'est pas seulement aux hommes dont le fanatisme n'a point égaré la raison, et dont l'âme n'est point abrutie par la servitude, que la nation française dénonce l'atroce violation du droit des gens dont les généraux autrichiens viennent de se rendre coupables; c'est à tous les peuples, c'est à tous les hommes!

>> Un Français parjure, abusant contre la Convention nationale d'une autorité qu'il n'a pu recevoir que d'elle, a fait arrêter quatre de ses membres. Ce n'est point un citoyen qui méconnaît dans un ennemi privé, dans un homme d'un parti contraire, le caractère auguste de représentant du peuple; c'est un général qui exerce une violence contre ce caractère même, qu'il était obligé de défendre!

>> Trop sûr que la présence des représentans du peuple français rendrait bientôt l'armée tout entière à la République, Dumourier a porté sa lâche perfidie jusqu'à les livrer aux ennemis! Il a osé en faire le prix d'une honteuse protection! Il les a vendus dans l'espérance qu'on le laisserait jouir en paix de l'or acquis par ses forfaits! Et les généraux autrichiens n'ont pas rougi de se rendre ses complices, de participer à son opprobre comme à son crime!

» Jamais chez les peuples civilisés le droit de la guerre n'a autorisé à retenir comme prisonniers, et bien moins encore comme otages, ceux qu'une lâche trahison a livrés. Ce n'est point sur le territoire autrichien, c'est sur une terre française qu'ils ont été arrêtés; ce n'est pas la force ou la ruse militaire,

c'est le crime seul qui les a mis entre les mains de Cobourg: se croire en droit de les retenir, c'est vouloir légitimer la conduite de ceux qui les ont livrés; c'est dire que les généraux ont le droit de vendre aux ennemis de leur pays ses ministres, ses magistrats, ses représentans !

»

Diront-ils qu'ils ne reconnaissent pas la République ? Qu'ils nient donc l'existence de la nation française! qu'ils nient donc l'existence du territoire sur lequel vingt-cinq millions d'hommes ont proclamé la liberté républicaine! Ils ne la reconnaissent pas, et ils ont reconnu Dumourier! La trève convenue avec lui n'a-t-elle pas été présentée à l'armée comme accordée aux troupes de la République ? L'armée l'aurait-elle acceptée si elle n'avait été trompée, si elle avait pu la regarder comme le prix d'une trahison qu'elle déteste? Et quand ils rompent cette trève au moment où les trames de Dumourier sont découvertes, n'est-ce pas avouer qu'ils ont voulu tromper et l'armée et la France? N'est-ce pas annoncer qu'ils ne veulent traiter qu'avec des conspirateurs et des traîtres ?

>> Hommes libres de tous les pays, élevez-vous contre la conduite lâche et perfide des généraux de l'Autriche, ou bientôt vous n'aurez plus d'autres lois que celles des sauvages! Que deviendront vos droits s'il suffit, pour vous en arracher les plus zélés défenseurs, d'un traître qui veuille les vendre, et d'un despote qui ose les acheter ?

>> Rois, songez qu'un conspirateur peut aussi vous livrer à des ennemis, et que l'exemple donné par Cobourg peut un jour retomber sur vos têtes! Plus le pouvoir que les peuples vous abandonnent est grand, illimité, plus votre sûreté exige que les liens qui unissent les hommes ou les peuples soient religieusement respectés; et vos agens, vos hérauts d'armes, ne les mettez-vous pas en sûreté jusque dans les camps de vos ennemis, par la seule impression du caractère dont ils sont revêtus ? Vos négociations, ves guerres, ces guerres que du fond de vos palais yous ne dirigez trop souvent que pour le seul orgueil de la victoire, ne les faites-vous pas à la faveur du droit des gens ?

> Prenez-garde, l'attentat commis sur les représentans

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