la paix intérieure ; l'autorité brisée au centre fait partout peser ses débris. Rétablissez en tous lieux la justice et l'énergie du gouvernement. Ralliez les Français autour de leur Constitution: puisse-t-elle ne partager pas la haine conçue contre ses auteurs! On a poussé l'oubli de la morale jusqu'à proscrire cet ouvrage, fût-il propre à assurer le bonheur du peuple français, parce que quelques-uns n'y ont pas concouru : ils régnaient donc ceux qui sont si puissans! Et qu'attendiez-vous d'eux après tant de crimes ? Des crimes encore! Quelle est donc cette superstition qui nous érige en sectes et en prophètes, et prétend faire au peuple un joug mystique de sa liberté? Vous ne pouviez faire de lois avec eux, et vous n'auriez point le droit d'en faire sans eux! Il serait donc des cas où la morale et la vérité pourraient être nulles ? >> J'ai peint la conjuration: fasse la destinée que nous ayions vu les derniers orages de la liberté! Les hommes libres sont nés pour la justice; on profite peu à troubler la terre : la justice consiste à réprimer ceux qui la troublent. >> Vous avez eu le droit de faire arrêter ceux de vos membres qui trahissaient la République : si le souverain était assemblé, ne pourrait-il pas sévir contre quelques-uns de ses membres? O vous qui le représentez, qui pourrait sauver la patrie si ce n'était vous-mêmes ? Les détenus avaient donné les premiers l'exemple de la sévérité envers les représentans du peuple : qu'ils subissent la loi qu'ils ont faite pour les autres! Ils sont des tyrans s'ils se prétendent au-dessus d'elle; qu'ils choisissent entre le nom de conjurés et celui de tyrans. >> Il résulte des pièces remises au comité de salut public: » Qu'une conjuration a été ourdie pour empêcher en France l'établissement du gouvernement républicain; que l'anarchie a été le prétexte des conjurés pour comprimer le peuple, pour diviser les départemens, et les armer les uns contre les autres; » Qu'on a tenté de mettre sur le trône le fils de Capet; >> Que les efforts des conjurés contre l'établissement de la République ont redoublé depuis que la Constitution a été présentée à l'acceptation du peuple français; >> Qu'on avait formé dans les conciliabules de Valazé, où se rendaient les détenus, le projet de faire assassiner une partie de la Convention; » Qu'on a tenté de diviser d'opinion le nord et le midi de la France pour allumer la guerre civile ; » Qu'à l'époque du 31 mai plusieursadministrations, excitées à la révolte par les détenus, avaient arrêté les deniers publics et proclamé leur indépendance; >> Qu'à cette époque la conjuration contre le système de gouvernement républicain avait éclaté dans les corps administratifs de Corse, des Bouches-du-Rhône, de l'Eure, du Calvados qui sont aujourd'hui en rébellion. , >> Votre comité a pensé que votre justice devait être inflexible envers les auteurs de la conjuration; il m'a chargé de vous proposer le décret suivant : » Art. 1". La Convention nationale déclare traîtres à la patrie Buzot, Barbaroux, Gorsas, Lanjuinais, Salle, Louvet, Bergoeing, Biroteau, Pétion, qui se sont soustraits au décret rèndu contre eux le 2 juin dernier, et se sont mis en état de rébellion dans les départemens de l'Eure, du Calvados et de Rhône-etLoire, dans le dessein d'empêcher l'établissement de la République et de rétablir la royauté. » 2. Il y a lieu à accusation contre Gensonné, Guadet, Vergniaud, Mollevault, Gardien, prévenus de complicité avec ceux qui ont pris la fuite et se sont mis en état de rébellion. » 3. La Convention nationale rappelle dans son sein Bertrand, membre de la commission des douze, qui s'opposa courageusement à ses violences; elle rappelle dans son sein les autres détenus, plutôt trompés que coupables. » 4. La Convention nationale ordonne l'impression des pièces remises au comité de salut public, et décrète l'envoi aux départemens. » La discussion de ce rapport fut ajournée : les événemens, en augmentant la liste des prévenus, devaient suspendre la justice nationale. On a vu que la Convention, dans sa séance permanente du 10 avril, avait créé un comité chargé de veiller au salut public. Pendant que l'Assemblée se laissait entraîner par des dissensions intérieures ce comité gouvernait; lorsqu'on eut abandonné le projet de Constitution présenté par Condorcet, c'est encore ce comité qui fut chargé d'en rédiger unautre (1). D'après le décret qui l'organisait ses membres n'étaient élus que pour un mois : la suite et l'importance des opérations ne permirent d'en faire le renouvellement qu'au 10 juillet. En cessant ses fonctions le premier comité de salut public présenta un compte rendu de sa gestion: c'est le tableau historique le plus pur, le plus vrai de cette époque. RAPPORT sur l'état de la République à l'époque de la création du comité de salut public, sur sa situation actuelle, et précis des opérations du comité depuis le 10 avril jusqu'au 10 juillet; fait par Cambon, au nom du comité de salut public. (Séance du 11 juillet 1793.) « Le comité de salut public m'avait chargé de vous faire connaître hier l'état de la République au moment de son établissement et son état actuel, ainsi que le précis des opérations qu'il a faites; je viens m'acquitter de ce devoir. » Je vous rappellerai d'abord qu'à l'époque de l'établissement du comité la République était trahie: Dumourier avait désorganisé l'armée du nord et des Ardennes; il ne restait qu'environ deux mille cinq cents hommes dans les garnisons de toute cette frontière; les places fortes manquaient de vivres et de munitions pour soutenir un siége, et ce général perfide, après avoir livré aux Autrichiens des vivres et des armes pour une somme considérable, voulait aussi livrer ces places fortes sans défense, ou s'en emparer avec les armées de la République. >> Vous savez que ce général avait abandonné à Liége dix mille fusils et vingtà vingt-cinq mille habits, qu'il avait emmagasinés (1) Voyez plus loin, page 345, les noms des membres qui composaient le premier comité de salut public. Membres nommés le 10 juillet: Jambon Saint-André, Barrère, Gasparin, Couthon, Hérault-Séchelles, Thuriot, Prieur (de la Marne), Saint-Just, Robert Lindet, pour le compte de nos ennemis, tandis que les soldats de la République en manquaient; et pour les entraîner dans son parti il faisait retentir cette salle de ses plaintes hypocrites sur le dénuement de l'armée, afin d'en rejeter le tort sur la Convention. در Les armées du Rhin et de la Moselle avaient été obligées de rétrograder, et d'abandonner les environs de Mayence: elles s'étaient portées sur les places frontières, et se trouvaient dans une espèce de désorganisation, suite inévitable d'une retraite forcée. Les armées des Alpes et d'Italie étaient tranquilles à cause des montagnes et des neiges qui les séparaient des ennemis. Les Espagnols nous attaquaient du côté de Baïonne et de Perpignan. Les armées des Pyrénées orientales et occidentales, dont on avait souvent parlé, et qu'on disait sans cesse être à la veille de s'organiser, étaient totalement dénuées; elles manquaient d'officiers généraux; il n'y avait point de canons de campagne, presque point d'affûts pour les canons de siége, presque pas de munitions ni de vivres, et peu de soldats. >> Les commissaires Isnard, Aubry et Despinassy (1), que vous aviez envoyés à Perpignan, vous avaient fait un rapport très rassurant sur l'état de cette frontière; cependant les représentans du peuple qui s'y trouvèrent lors de la première invasion des Espagnols vous écrivirent qu'elle était totalement abandonnée, que les forts et les côtes étaient presque entièrement dégarnis, que la plupart des canons qui se trouvaient dans les forts étaient sans affûts, qu'il n'y avait presque pas de munitions, et qu'on était au dépourvu de vivres. >> Quant à notre situation dans l'intérieur, le fanatisme avait (1) « Le citoyen Aubry, qui a fait ce rapport, m'a écrit d'une manidre magnanime pour réclamer contre ce passage; le citoyen Isnard m'a écrit pour m'assurer qu'il n'avait aucune part à la lettre d'Aubry, plus que ridicule, et m'annoncer qu'il n'avait, ainsi que Despinassy, aucune part au rapport; que c'était le citoyen Aubry seul qui l'avait rédigé, et qu'il n'avait pas pu lui faire changer une syllabe.>>> (Note du rapporteur.) levé des armées dans la Vendée, dans la Loire-Inférieure, et départemens voisins; plusieurs villes, forts et îles étaient au pouvoir des révoltés. On espéra d'abord que le courage des républicains étoufferait dans sa naissance cette rébellion, et dans l'impossibilité d'y envoyer des troupes disciplinées on se contenta d'abord des forces levées par des réquisitions sur les lieux, et de quelques petits corps de troupes soldées : malheureusement des intrigues que vous connaissez avaient dès lors attiédi l'esprit public dans une partie des départemens; les citoyens ne montrèrent pas l'énergie nécessaire pour combattre le fanatisme, qui a aussi son énergie; le courage des soldats ne fut pas secondé, ou il fut paralysé par des chefs perfides; nous perdîmes des armes, des canons et des munitions, qui ont servi à nous combattre. On donna de suite des ordres pour faire venir des bataillons des armées; ils furent arrêtés dans leur marche : le comité fit venir des armes et munitions que les administrateurs arrêtèrent à leur passage. Dès lors il n'y eut point d'ensemble dans les opérations; on pourrait mêmedire que chaque administration, s'occupant trop de la défense de son clocher, formait son armée, nommait son général, de sorte qu'il était impossible qu'aucun grand système de défense fût suivi. Nous avions en même temps à défendre les côtes de Brest et de Cherbourg; il n'y avait que quelques soldats épars dans les garnisons; à peine sur les côtes de Bretagne, où des révoltes avaient éclaté, y avait-il cinq mille hommes de troupes soldées, nombre insuffisant pour les garnisons des vaisseaux de ligne. des Les côtes et ports de la République n'offraient pas un état de défense rassurant; partout on réclamait des canons, affûts, et des hommes pour défendre les redoutes; l'armement des flottes de la République se faisait avec peu d'activité; les ports de Brest, Rochefort et Lorient n'avaient que six vaisseaux de ligne prêts à tenir la mer, et la flotte de la Méditerranée se réparait dans le port de Toulon. >> Vous aviez cent soixante-dix représentans du peuple dans les départemens pour provoquer le patriotisme des citoyens, pour le recrutement de trois cent mille hommes, ou pour diverses missions de surveillance; mais une des manœuvres de nos ennemis |