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a annoncé à la Convention qu'il existait un grand complot, des lettres annonçaient que des stroupes de plusieurs départemens allaient marcher sur Paris.

>> Des lettres annonçaient que plusieurs départemens, du Jura et environs, se réunissaient pour former une Assemblée nationale particu

lière.

>> Ces deux faits prouvent d'une manière incontestable qu'il existe un complot pour former une nouvelle Assemblée, dissoudre celle qui existe, marcher sur Paris, et anéantir cette ville.

>> L'existence de ce complot se rencontre parfaitement avec les vœux, les menaces des députés mis en état d'arrestation à la sollicitation du peuple de Paris, spectateur de leur conduite. A l'instant où le décret a été rendu le comité central révolutionnaire s'est occupé de rassembler tous les faits et toutes les pièces qui provoquent le décret d'accusation. » Les mouvemens qui ont agité cette grande ville sont cause que le travail n'a point encore été achevé; il le sera sous quelques jours, et adressé de suite au comité.

» Il y aurait de l'injustice à ne pas accorder ce délai à un comité accablé d'un travail immense; et sans doute les députés qui pressent le rapport ne sont pas ceux qui se sont soustraits à l'exécution du décret d'arrestation.

>> Signé MARQUET, président. >>>

>> Toutes les mesures que le comité m'a chargé de vous présenter jusqu'à présent sont propres à rétablir l'ordre, mais dans Paris seulement, et autour de la Convention nationale; et les ébranlemens du mouvement qui dimanche a environné la représentation nationale d'une force armée retentissent au moment où je vous parle dans toute l'étendue de la République. Paris s'est mis debout; mais la France entière pourrait se méprendre, et se mettre debout aussi; et voilà ce qu'il faut éviter, et pour la France et pour Paris, car leurs destinées sont inséparables.

» Hommes de la montagne, vous ne vous êtes pas placés sans doute sur ce point élevé pour vous élever au dessus de la vérité; entendez donc la vérité, que le comité m'a chargé de vous présenter! L'opinion que la France prendra, et le jugement que les lois de la France porteront sur les inculpations politiques qui pèsent sur les membres qui sont arrêtés, sont des choses encore incertaines : c'est à la France, c'est à la République tout entière qu'appartient un tel jugement. Hé bien, représentans, le comité vous déclare qu'en attendant que la

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France prononce dans un si grand procès il est digne de votre dévouement de lui offrir, de lui donner une espèce de garantie personnelle, des otages!

>>> Quelque persuadés que vous soyez que la France, juge unique et souverain de cette grande cause, ne désavouera pas votre jugement, vous n'en devez pas moins, pour vousmêmes et pour le salut de la patrie, prendre cette mesure. Elle est juste; elle est donc nécessaire: elle a de la grandeur; elle doit donc vous plaire : cette mesure est généreuse; elle est donc propre à toucher une nation qui peut se croire outragée, mais qui est magnanime. Députés, citoyens, hommes, votre comité de salut public ne découvre pas d'autre moyen de sauver la France.

» Danton a ouvert le premier cet avis; Couthon, qui a demandé le décret d'arrestation, se présente pour aller en otage à Bordeaux.

» Tous les membres de votre comité s'offrent les premiers pour être les nouveaux garans de la justice que vous devez présenter à la nation; et ils n'ont qu'une crainte, c'est que vous ne les jugiez pas assez dignes de la préférence qu'ils sollicitent.

» Voyez combien seront réels et grands les avantages de cette mesure! Chaque otage que vous enverrez à un département prêt à s'indigner et à se diviser est une chaîne sacrée par laquelle vous le retenez lié à Paris et à toute la France; les opinions de la République, flottantes sur les événemens, vont se fixer à l'instant sur ce point que tous les membres de la Convention sont également capables de tous les dévouemens pour la République, et le moment où la représentation nationale paraissait comme effacée sera celui où elle prendra le plus de splendeur! Un nouveau sentiment, un sentiment sublime, va pénétrer à cette nouvelle dans tout le corps de la nation pour la rendre plus digne des hautes destinées vers lesquelles elle s'avance à travers les tempêtes, et les rois conjurés de l'Europe, qui comptent bien plus sur vos divisions que sur leurs armées, quand cette nouvelle frappera leurs oreilles vont s'écrier avec désespoir: quels sont donc ces hommes, qui au milieu de leurs divisions et dans leurs haines mêmes ont tant de justice et de générosité! Non, il ne faut plús songer à vaincre des hommes à qui la liberté a déjà donné des vertus si grandes et si nouvelles!....

>> Nous, membres du comité de salut public, nous prenons acte, en présence du genre humain et des siècles, de la proposition que nous venons de vous faire! Représentans de la nation, prenez acte, en présence des nations et du siècle, que vous avez sauvé la France!

>> Dans trois jours la Constitution va paraître, et, quelques jours encore, les républicains de tous les départemens viennent fraterniser avec nous, jurer sur l'autel de la patrie l'unité et l'indivisibilité de la République! >>>

Le décret proposé par Barrère portait : 1o Tous comités révolutionnaires sont supprimés; 2o les autorités ne devront pas les reconnaître, et les citoyens obéir à leurs réquisitions; 3o la Convention nationale, lorsqu'elle le croira nécessaire, requerra directement la force armée; 4o demain les sections de Paris assemblées nommeront un commandant général; 5o le signataire de l'ordre d'arrêter le service habituel des postes sera puni de huit années de fers; 6o il sera envoyé aux départemens dont les députés sont détenus un nombre égal d'otages pris dans le sein de la Convention.

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Le rapport avait fait une vive impression sur l'Assemblée. Lecture faite du projet tout le côté droit se lève pour en voter l'adoption : ce mouvement est aussitôt comprimé par la gauche, et la discussion remise à deux jours. Le 8 même empressement de la droite; mais la plupart des montagnards s'étaient inscrits contre le projet, dans lequel ils voyaient la continuation des troubles, des divisions, un retour indigne des législateurs, une ingratitude profonde pour les autorités et les citoyens de Paris, enfin l'organisation complète d'une affreuse réaction. Barrère retira le projet en disant: l'histoire et la postérité le jugeront! Et le 13 juin, sur la proposition de Danton, la Convention rendit ce décret solennel:

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La Convention nationale déclare que dans les journées des 31 mai, 1er et 2 juin, les citoyens de Paris ont puissamment concouru à sauver la liberté, à maintenir l'unité et l'indivisibilité de la République. »

Dès ce moment la suspension de toutes les libertés fut consacrée; chaque jour, chaque instant voyait proclamer un décret d'accusation : la terreur régna, mais légitimée par la loi suprême, le salut du peuple. Bordeaux, Marseille, Nîmes, Montpellier, Lyon, Evreux, Caen, la Bretagne, à la voix de plusieurs représentans échappés au décret qui les frappait, s'armaient contre la Convention; d'autres députés, que cette mesure n'avait pas atteints, publiaient des protestations; Condorcet écrivait, et ses ouvrages, armes puissantes, étaient dirigés contre le nouvel acte constitutionnel soumis à la délibération. (Voyez livre II de ce volume.)

Ces circonstances, dans lesquelles on pouvait voir une vaste chaîne de conspirations, retardèrent pendant un mois le rapport demandé sur les députés mis en état d'arrestation.

RAPPORT fait au nom du comité de salut public sur les membres de la Convention détenus en vertu du décret du a juin, par Saint-Just. (Séance du 8 juillet 1793.)

« Citoyens, vous avez de tout temps fait paraître votre dévouement à la République en donnant au peuple, dans les premiers jours de sa liberté, l'exemple de la justice et de la soumission à vos propres lois.

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Vous avez entendu dès le commencement de vos séances les réclamations élevées contre ves membres, et vous les avez obligés de rendre compte de leur conduite : un membre depuis peu a paru devant le tribunal révolutionnaire, accusé d'avoir provoqué la licence; un autre, relégué dans Marseille, attend son jugement. Au commencement du mois dernier, comme un complot formé contre l'établissement et l'unité de la République éclatait dans Paris et dans l'empire, vous avez consigné dans leurs maisons trente-deux membres de cette Assemblée, prévenus par le cri public d'en être les auteurs.

>> L'inquiétude de la République sur cet événement, les fables répandues par les ennemis de la liberté devenues le

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prétexte de la guerre civile, l'impatience et le zèle des citoyens, les différentes lettres des détenus, qui demandent leur liberté et surtout l'indulgence qu'on doit à quelques-uns, qui sont plutôt imprudens que coupables, tout invite la Convention nationale à prononcer définitivement.

» La conjuration dont je viens vous entretenir est enfin démasquée! Je n'ai point à confondre les hommes; ils sont confondus; je n'ai point à arracher par la force du discours la vérité sanglante de leurs cœurs : je n'ai qu'un récit simple à vous faire, que des vérités reconnues à vous dire.

» On a sollicité Dillon de se mettre à la tête d'un soulèvement pour placer sur le trône le fils de Capet, déclarer sa mère régente, et combattre les Jacobins et l'anarchie. Il a semble à votre comité que ce projet avait échoué contre l'insurrection du mois dernier : l'anarchie était le cri de ralliement des conjurés ; on espérait, par l'excès des malheurs publics, arriver à ce point de justifier le plus grand de tous, celui de donner un chef aux Français.

>> Buzot et Gorsas tendent aujourd'hui secrètement la main à la Vendée. Si l'anarchie était la véritable cause de ces armemens, ils auraient cessé depuis la Constitution; ils auraient attendu avec respect l'expression de la volonté du souverain, qui ne peut pas errer. C'est un crime de prendre les armes lorsque le peuple est assemblé.

> En réfléchissant sur le passé, en comparant les hommes à eux-mêmes, en rapprochant les faits, en analisant vos délibérations et les intérêts qui les ont agitées sous le masque du bien public, on ne peut nier qu'il ne se soit tramé dans le sein de la Convention nationale une conjuration pour rétablir la tyrannie et l'ancienne Constitution: les principaux auteurs d'un dessein si funeste se sont enfin désignés eux-mêmes en prenant la fuite. Il n'était point permis autrefois de les soupçonner: la défaite de tant de complots les avait instruits ; les périls qui pressent les pas des ennemis du peuple avaient nécessité plus de raffinement dans leur conduite; ils n'étaient point ennemis audacieux de la liberté; ils parlaient son langage ; ils paraissaient, comme vous, ses défenseurs : ainsi deux armées ennemies combattaient sous l'aigle romaine.

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